Marcel Bucard

Marcel Bucard est un homme politique français né le à Saint-Clair-sur-Epte (Seine-et-Oise) et fusillé le au fort de Châtillon (Seine).

Bucard entouré de francistes en uniforme (1934).

Biographie

Jeunesse

Fils d'un boucher de Saint-Clair-sur-Epte, Marcel Bucard naît le . Après des études au collège catholique Notre-Dame du Grandchamp, à Versailles, il entre au petit séminaire et est sur le point d'être ordonné prêtre quand éclate la Première Guerre mondiale. Engagé volontaire, il se distingue par son courage : caporal en 1914, à 19 ans, il finit capitaine en 1918, blessé trois fois et titulaire de la Légion d'honneur, de la médaille militaire et de la croix de guerre avec dix citations. Comme la plupart des combattants de ce conflit, il en restera à jamais marqué[1] ; traumatisme aggravé, par ailleurs, par la perte de l'un de ses amis les plus proches, l'abbé Léandre Marcq, tué à 24 ans, le , au cours de la désastreuse offensive Nivelle.

Vie politique

Aux élections législatives de 1924, Marcel Bucard est candidat du Bloc national comme colistier d'André Tardieu, mais est battu. Dès lors, et après avoir un temps milité à la Fédération nationale catholique (FNC), il décide de prendre part à l'agitation menée dans tout le pays par des mouvements d'anciens combattants. Il est ainsi l'un des dirigeants des Légions, groupe paramilitaire fondé en avril 1925 par Georges Valois et organisé par André d'Humières[2]. La même année, il adhère, parmi les premiers, au Faisceau de Georges Valois  premier parti à se revendiquer ouvertement du fascisme  et dont il est chargé de la direction de la propagande à partir de septembre 1926. Il se rapproche également de l'ancien socialiste antimilitariste Gustave Hervé, fondateur de la Milice socialiste nationale, collaborant au journal La Victoire que celui-ci dirige. Cependant, en 1927, lorsque Georges Valois, dans son ouvrage Le Fascisme, rejette toute tentation antisémite et traite Mussolini de « réactionnaire », Bucard le désapprouve et se tourne vers François Coty et son quotidien L'Ami du peuple, dont il se voit confier la rédaction de la page hebdomadaire consacrée aux anciens combattants.

Le Mouvement franciste

Le , Marcel Bucard fonde le Mouvement franciste, « mouvement d'action révolutionnaire » s'inspirant du fascisme italien[3] mêlé à du spiritualisme. Il participe aux émeutes du 6 février 1934.

Le francisme de Marcel Bucard n’a originellement rien d’antisémite. Marcel Bucard attaqua même l’antijuif Henry Coston, qui s’appliquait le nom de franciste. Bucard écrivit que « quelques misérables individus, faisant profession d’antisémitisme, de sectarisme, de haine, essaient en se couvrant du nom de francistes, de créer la confusion dans l’opinion publique[4],[5] ». Ses articles vantent l’amitié des tranchées et la tolérance entre Français de toutes confessions. Il veut se distancier de « la petite secte, fondée récemment par un pauvre détraqué qui essaie de créer une confusion intéressée, en s’emparant de la même dénomination[6],[7] ». Bucard défend alors la thèse des deux Internationales qui déchirent la France : celle des socialo-communistes, celle des ploutocrates[8]. Il écrit à la Ligue internationale contre l’antisémitisme (LICA), pour affirmer qu'il n'est ni anticlérical, ni antisémite, « ce qui est imbécile et odieux[9] ».

Il participe au Congrès international fasciste de Montreux, les 16 et . Il y fait adopter des motions mitigées sur la question juive : le congrès se refuse « à une campagne de haine contre les Juifs » mais « s’engage à combattre certains groupes juifs », lesquels « se sont installés comme en pays conquis, constituant une sorte d’État dans l’État, profitant de tous les bienfaits, se refusant à tous les devoirs ». Accusé d’être un antisémite camouflé par la Ligue internationale contre l’antisémitisme (LICA), il proteste en mars 1935 dans L’Univers israélite en distinguant les « Juifs patriotes qui remplissent leurs devoirs et les métèques sans patrie qui n’ont qu'un but : exploiter[10] ».

Antisémitisme

Marcel Bucard bascule dans l'antisémitisme radical après son arrestation fin 1935 et l’interdiction de son mouvement, prononcée par le Front populaire. Il attribue alors aux Juifs « une fonction de désagrégation sociale » et « un goût presque inné de la dépravation[11] » et cet antisémitisme sera une constante de son discours politique par la suite[12]. Il publie L'Emprise juive (Paris, 1938).

Cependant, de 1936 à 1939, Marcel Bucard cherche à faire renaître son mouvement sous deux appellations : de 1936 à 1937 l’Association des Amis du Francisme et le Parti unitaire français d’action socialiste et nationale (Pufasn) en 1938.

Collaboration

En 1941, Bucard se range du côté de la Collaboration et reforme une nouvelle fois son mouvement, sous le nom de Parti franciste. Il est un des fondateurs de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF), mais interdit à ses militants d'y entrer lorsqu'il apprend que l'uniforme est celui de la Wehrmacht. Il ne tient cependant sous l'Occupation qu'un rôle d'arrière-plan, souffrant de ses anciennes blessures de guerre, pour lesquelles il sera opéré à deux reprises. Pourtant il est reçu affectueusement par le maréchal Pétain du fait de son aura d'ancien combattant.

Le , Bucard sous le couvert d'une perquisition, commet un vol chez un joaillier juif. Celui-ci alerte la police qui se rend sur place et bloque la voiture de Bucard qui allait partir. Les gardes du corps de Bucard tuent deux policiers[13]. Il est emprisonné à la prison de la Santé et manque d’être fusillé. Libéré le , il a juste le temps, devant l’avancée des Alliés, de fuir en Allemagne le avec les autres francistes. Depuis l'Allemagne, il participe à l'organisation de commandos de saboteurs, parachutés en France par l'aviation du Troisième Reich (une dizaine de ces francistes ont d'ailleurs témoigné en ce sens lors de son procès)[14].

Arrestation et condamnation

Alors qu'il cherche à gagner l'Espagne, il est arrêté à Merano en juin 1945, extradé en France et jugé par la Cour de justice de la Seine[15]. Au terme d'un procès ayant duré trois jours, il est condamné à mort le . Il est fusillé le 19 mars, dans les fossés du fort de Châtillon, criant avant la salve « vive la France » ou bien, selon une autre source, le cri des francistes : « Qui vive ? France ! »[16]

Comme on a interdit que son corps fût déposé dans le caveau familial, Marcel Bucard repose maintenant au cimetière parisien de Thiais, dans le département du Val-de-Marne. Son épouse Thérèse y est également enterrée depuis son décès en 1974.

Vie privée

Marcel Bucard, marié depuis 1928, était le père de quatre enfants. Thérèse Bucard s'était investie dans le Francisme auprès de son mari et présidait les sections féminines du parti, dont les actions concernaient principalement les domaines sanitaires et sociaux. Il fit par ailleurs l'objet de rumeurs — propagées par Déat et son parti, le Rassemblement national populaire (RNP), ainsi que par les enquêtes menées à son sujet par la police de Vichy — qui lui prêtèrent des relations homosexuelles : cela lui valut, chez ses détracteurs, le surnom de « la grande Marcelle »[17],[18].

Œuvres

  • La Légende de Marcq. Préface du général de Castelnau. Lettre de S. G. Mgr Binet, évêque de Soissons, Laon et Saint-Quentin. 25e mille.
  • Paroles d'un combattant, 1930.
  • Les Tyrans de la IIIe, 1937.
  • L'Emprise Juive, Le Coq de France, sd., 1938.
  • Sommaire du Francisme, Le Coq de France, 1940.
  • Nous n'avons aucun goût pour l'esclavage ! Discours de Marcel Bucard prononcé à la salle Lancry le au Congrès restreint du Francisme à Paris, Le Franciste, 1941.
  • Un combat de 10 ans. Articles signés Marcel Bucard, 1943.
Préface
  • Maurice de Barral. Les Combattants dans la nation. Principes l'action. Préface de Marcel Bucard, 1928.

Notes et références

  1. Dans La Légende de Marcq, paru en 1925, il écrit : « Nous les vrais de la guerre […], sommes-nous jamais redescendus du front ? » Georges Valois, évoquant Marcel Bucard, écrit, dans L'Homme contre l'argent (Paris, 1928, p. 293-294) :
    « Deux mots sur ce Bucard : c'est un de ces garçons qui ont été tout à fait désaxés par la guerre. Il était séminariste avant la guerre. Il fit bien la guerre, y gagna dix citations et les galons de capitaine. Fils de boucher, il ne put trouver à la démobilisation, dans son milieu social, l'équivalent du prestige qu'il avait à l'armée. »
  2. Jean-Jacques Becker et Serge Berstein, Victoire et Frustrations (1914-1929), Éditions du Seuil, collection « Points histoire », 1990, p. 402-403.
  3. Il écrit ainsi dans La Victoire du  : « Notre Francisme est à la France ce que le Fascisme est à l'Italie. Il ne nous déplaît pas de l'affirmer. »
  4. Simon Epstein 2008, p. 167.
  5. Richard Millman, La question juive entre les deux guerres : ligues de droite et antisémitisme en France, Paris, A. Colin, coll. « L'ancien et le nouveau », , 338 p. (ISBN 978-2-200-21166-0, OCLC 27435680), p. 85, 93, 154-156.
  6. Simon Epstein 2008, p. 168.
  7. Marcel Bucard, « Aux Israélites de France », Le Franciste, février 1934.
  8. Marcel Bucard, « Sang et or », Le Franciste, 2 décembre 1934.
  9. « Une lettre de M. Marcel Bucard », Le Droit de vivre, 25 mars 1934.
  10. « Correspondance », L’Univers israélite, 8 mars 1935.
  11. Simon Epstein 2008, p. 169.
  12. Ralph Schor, L'antisémitisme en France dans l'entre-deux-guerres : prélude à Vichy, Bruxelles, Complexe, coll. « Historiques » (no 144), (réimpr. 380), 380 p. (ISBN 978-2-8048-0050-5, OCLC 907151757, lire en ligne), p. 77, 80, 93-94, 104, 138, 141, 169.
  13. Jean Boissière, Mon journal pendant l'Occupation : 1940-1944, Paris, Libella, coll. « Libretto » (no 514), , 260 p. (ISBN 978-2-36914-241-6, OCLC 992459270), p. 244. Cf. aussi en ligne l'article de Christian Carlier : « 14 juillet 1944. Bal tragique à la Santé : 34 morts », Histoire de la justice et des peines, 2012 [lire en ligne].
  14. Yves-Frédéric Jaffré, Les Tribunaux d'exception : 1940-1962, Paris, Nouvelles Éditions latines ; Impr. réunies), , 367 p. (OCLC 460722746), p. 182.
  15. L'Epoque, 19 février 1946, Ibid., 20 février 1946, Ibid., 21 février 1946, Le Monde, 19 février 1946, Ibid., 20 février 1946, Ibid., 21 février 1946, Ibid., 21 février 1946, Ibid., 22 février 1946.
  16. L'Époque, 20 mars 1946 (fusillé à 10 h 12), Le Monde, 20 mars 1946 (à 10 h 15).
  17. Roger Maudhuy, Vichy : les procès de la collaboration, Bruxelles, Ixelles, , 416 p. (ISBN 978-2-87515-119-3, OCLC 857233715) p. 239.
  18. Patrick Buisson, 1940-1945, années érotiques, t. 1 : Vichy ou les infortunes de la vertu, Paris, Albin Michel, , 570 p. (ISBN 978-2-226-18394-1, OCLC 493657467), p. 281-282.

Bibliographie

  • (fr) A. Jacomet, « Les chefs du francisme : Marcel Bucard et Paul Giraud », Revue d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, XXV-97, , p. 45-66.
  • Alain Déniel, Bucard et le francisme, Paris, J. Picollec, , 334 p. (ISBN 978-2-86477-002-2, OCLC 6864904).
  • Simon Epstein, Un paradoxe français : antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Rèsistance, Paris, Albin Michel, , 622 p. (OCLC 932576040).
  • Robert Spieler, « Bucard et le Francisme », Rivarol, no 3415, , p. 10.

Audiovisuel

  • "Fiction : Marcel Bucard, procès d’un collabo", Affaires sensibles, France inter, 20 novembre 2020

Liens externes

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