Gilles de Trazegnies dit le Brun
Gilles le Brun[note 1] de Trazegnies (1199-1276), conseiller et connétable[note 2] du roi Louis IX vers 1250. Il participe à la septième croisade.
Ne doit pas être confondu avec Gillion de Trazegnies.
Plus glorieux des Trazegnies
Cet étonnant personnage est sans doute le plus glorieux des Trazegnies. Ce n’est pas en quelques lignes que l'on puisse bien retracer sa carrière, mais en voici l’essentiel : avant 1226, il épousa Ida de Sotrud, dame de Bailleul sur l’Escaut, fille de Engelbert IV d'Enghien. Il prit de plus en plus d’influence à la Cour de Flandres, où Marguerite de Constantinople lui montra toujours sa confiance et l’invita à toutes les grandes cérémonies.
En 1248, Saint Louis partit à la croisade. Gilles l’accompagna avec l’armée du comte de flandres. Après la prise de Damiette et la terrible défaite de Mansourah, Saint Louis fut désemparé par la mort du connétable, Imbert de Beaujeu. C’est à ce moment, en 1250, qu’il nomma Gilles le Brun de Trazegnies, connétable de France.
Cette extraordinaire ascension était due à son astuce et à sa piété. Le connétable était le second personnage du royaume après le roi ! Gilles devint ainsi l’homme de confiance de Saint Louis. Son beau-frère, Joinville[1] en parle abondamment.
Après la croisade, il rentra en France, y épousa une sœur de Joinville et reçut de nombreuses terres de Saint Louis. En 1268, Marguerite de Constantinople le nomma gouverneur du jeune prince, Robert de Béthune, héritier de la couronne comtale. Gilles partagea son temps entre la Flandre, le Hainaut et la France. En 1255, il fut témoin au mariage du fils héritier de Saint Louis. En 1259, il porta plainte contre Enguerrand de Coucy qui avait fait pendre trois jeunes Flamands, coupables de s’être égarés sur ses terres en chassant le lapin[2]. C’est une histoire bien connue que l’on raconte toujours lorsqu’on veut donner un exemple de la justice de Saint Louis.
Ce que l’on sait moins, c’est que les trois gentilshommes flamands étaient trois Trazegnies de la branche de Wedergraet[note 3], et que c’est Gilles le Brun qui demanda justice. Enguerrand IV de Coucy, malgré l’énorme influence de sa puissante maison, fut condamné de la manière la plus stricte. Saint Louis avait pensé le faire pendre aussi.
En 1265, Charles d’Anjou, frère de Saint Louis, descendit en Italie avec une grand armée, pour conquérir le trône de Naples qu’il revendiquait. Robert de Béthune, qui avait épousé Blanche d’Anjou, sa fille, commandait l’armée. En fait, c’était monseigneur le connétable, son précepteur, qui supervisait tout. Sans entrer dans les détails de cette guerre, disons que Gilles le Brun s’y montra admirable, que c’est à lui que l’on doit cette victoire à Bénévent. Certains disent même, que c’est lui qui tua le Bâtard Manfred, le compétiteur au trône, le fils de Frédéric II.
Gilles revint ensuite en Hainaut. Son grand âge l’empêcha d’accompagner, en 1270, Saint Louis à Tunis. Il mourut en 1276. Il avait épousé en secondes noces, comme déjà dit, Simonnette de Joinville, sœur du célèbre Jean et fille de Simon, sire de Joinville et Vaucouleurs, et de Béatrice de Bourgogne-Comté. Selon certains actes, il se serait marié trois fois. Tout prête à penser que c'est la vie étonnante de Gilles le Brun qui fut à la base de la célèbre légende de Gillion de Trazegnies, le chevalier bigame.
Généalogie
Il est le fils de :
- Gilles II de Trazegnies de Silly[note 4] (v.1174 - † 1204) qui épouse Aleide de Boulaere[note 5], mère de Michel de Harnes, le Bayard de Blanche de Castille[note 6] avant 1197. Il est cité dans des actes en 1195 et accompagne le comte de Hainaut lors de la quatrième croisade † en 1202. Dès 1199, on rencontre déjà son sceau. Le fait pour les Trazegnies de posséder un sceau du type héraldique appartenant encore au XIIe siècle doit être signalé comme rarissime[3].
Il est le petit-fils de :
- Othon II de Trazegnies (v.1150 - † 1192). C'est en son honneur que fut donné, en août 1170, un tournoi à Trazegnies; c'est lui également qui rapporta un morceau de la Vraie Croix des Croisades en 1187. Il fut tué devant Saint-Jean-d'Acre à son second voyage en Terre sainte en 1192. Il fut un des chevaliers les plus accomplis de son temps.
Il est le frère de :
- Othon III de Trazegnies (v. 1198 - † v.1241)
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Olivier, marquis de Trazegnies, Les Trazegnies, 1970
- Cl-R Paternostre de la Mairieu, TABLETTES DU HAINAUT Tome I, VII. - Les TRAZEGNIES p. 111-112, 1955
- Roger Brunet, Généalogie et histoire de la famille de Trazegnies, Préfacée par le marquis de Trazegnies, 1996
- Stéphanie Vincent: « Le roman de Gillion de Trazegnies » Éditions Brepols - (ISBN 978-2-503-54072-6)
Voir aussi
On ne peut parler des Trazegnies sans mentionner la légende de Gillion de Trazegnies, le chevalier bigame, et de ses deux femmes[4]. Très populaire dans le Hainaut et bien connue de tous les amateurs de littérature médiévale[5], cette histoire se forma au XIVe siècle, où elle fut mise en vers par un anonyme sur le modèle des lais de Marie de France. En 1458, le Grand Bâtard de Bourgogne, fils de Philippe le Bon, Antoine, comte de Laroche, etc., très soucieux de mettre en exergue les gloires de sa maison[6], commanda au sire de Willerval (en fait c’était là le nom d’emprunt d’un anonyme, peut-être bien le grand Georges Chastellain) de recomposer la légende et d’en faire un roman. Il demanda au célèbre miniaturiste David Aubert[7] d’illustrer ce dernier.
En voici l’histoire très résumée :
Gillion, sire de Trazegnies cadet de Bourgogne, avait épousé Marie d’Ostrevant, nièce du comte de Hainaut. Malheureusement, ce mariage était resté stérile. Un beau jour, Gillion surprit Marie, son épouse, qui se lamentait à son balcon, navrée de voir dans l’eau des fossés s’ébattre une carpe et ses carpillons. Gillion, ému, fit le vœu de partir en pèlerinage à Jérusalem si Dieu lui donnait postérité. On ne sait si ce fut la bonté divine ou l’exemple de la carpe mais, quelques jours plus tard, Marie était enceinte. Gillion n’avait qu’une parole. Il partit. Le texte raconte longuement son voyage et son pèlerinage. Au retour, le bateau fut attaqué par les pirates du Soudan de Babylone[8] (l’émir du Caire) Gillion fit grand carnage autour de lui mais sa bravoure ne l’empêcha pas d’être capturé et traîné jusque Babylone.
On le jeta dans un cul de basse fosse et le soudan, irrité, s'apprêtait à la faire percer de flèches en grande cérémonie, lorsque sa fille Gratianne, Pocahontas avant la lettre, voyant leBelle conversion, mais les voies de Dieu ne sont-elles pas impénétrables ! Elle demanda en pleurant la grâce de Gillion à son père qui la lui accorda. Mis en geôle et gardé par un certain Hertan que Gillion s’empressa de convertir, il reçut périodiquement la visite de Gratianne qui en sortit chrétienne.« crestien nud et que on le lioit a lestache, dapart elle veoit les archiers prests pour tirer, moult piteusement prist a regarder Gillion, car advis lui estoit que oncques plus bel homme ne mieulx forme elle n’avait veu et comme il pleut a dieu que ainsi linspira elle vey sa belle face coulourée, les beaux yeulx quil avoit ou chief pour regarder, la bouche vermeilles pour baiser, en son cuer le print a amer et desir de croire en Jhesu Christ afin que de lui peust estre amee »
A quelque temps de là, Babylone fut attaquée par une théorie de féroces rois ennemis. Le soudan, vaincu, fut capturé. Gratianne au désespoir vint trouver Gillion et le revêtit de l’armure de son père. Gillion avec quelques fidèles assaillit le camp des confédérés, trancha la tête de tous les méchants rois et sauva le Soudan qui vit en lui un représentant d’Allah. Gillion revint stoïquement dans sa prison, mais, peu après, Gratianne avoua tout et le Soudan, ému jusqu’aux larmes, nomma Gillion son Premier ministre.
Entre-temps, en Hainaut, Marie d’Ostrevant avait donné le jour à deux jumeaux, Jean & Gérard. De nombreuses années passèrent. Jean & Gérard étaient maintenant des chevaliers accomplis qui remportaient les prix de tous les tournois. Malgré la paternelle insistance du comte de Hainaut son oncle, Marie exclut toujours de se remarier, refusant de croire à la mort de son mari. Les beaux partis, attirés par sa beauté et sa noblesse, ne faisaient pourtant pas défaut. Un chevalier français exilé, nommé Amaury des Maires et que Marie avait éconduit, décida de se venger. Il partit en Orient et, par recoupements, parvint à savoir où était Gillion de Trazegnies. Il se rendit à Babylone, se présenta à Gillion et lui annonça que sa femme était morte. Ce félon ne tarda pas à mourir ignominieusement peu après. Gillion, plein de chagrin, se crut libre et put épouser Gratianne selon le rite chrétien. Le Soudan le nomma son héritier au trône.
Cependant, en Hainaut, voyant leur mère inconsolable, Jean et Gérard décidèrent de partir à la recherche de leur père. Ils firent un voyage plein d’aventures à l’occasion duquel Gérard eut une idylle avec la princesse Nathalie, fille du roi Mombrant d’Esclavonie. Avec l’armée chypriote, ils allèrent guerroyer contre les Maures. Après bien des péripéties, ils furent capturés par les troupes du Soudan de Babylone. Gillion inspectait les prisonniers lorsqu’il aperçut deux jeunes gens dont l’armure était ornée de ses armes. Il les questionna, découvrit leur identité, se fit reconnaître et apprit que sa femme était toujours vivante. Très ému, il obtint de son beau-père de pouvoir rentrer en Hainaut. Gratianne et Hertan partirent avec lui ainsi qu’une escorte chargée de joyaux. Ils traversèrent l’Italie, où le pape les reçut et où Hertan mourut, puis la France et le Hainaut. Marie, prévenue, manqua de se trouver mal. Mue par une admirable abnégation, elle décida d’entrer au couvent pour laisser la place à Gratianne. Sur quoi Gratianne, douce et soumise, entra avec elle à l’abbaye de l’Olive. Gillion se retrouva donc bigame, mais tout seul. Un peu plus tard, appelé au secours par son beau-père, il repartit en Égypte avec l’élite de la chevalerie hennuyère et périt devant les murs de Babylone. Son fils Jean fit ramener son cœur à l’abbaye de l’Olive, où il fut enterré entre ses deux épouses.
Le personnage qui inspira cette légende est très vraisemblablement Gilles le Brun[9], connétable de France, qui eut deux épouses, se croisa, fut le bras droit de Saint Louis etc On retrouve aussi des éléments de la vie de Saint Louis, de celle de Gilles Ier et d’autres personnages également.
Le Grand Bâtard de Bourgogne eut des émules, et Philippe de Clèves, sire de Ravenstein, son cousin, fut en possession d’un manuscrit qui aboutit à l’université d’Iéna. L’histoire fut populaire en Allemagne puisqu’elle donna naissance à la légende, beaucoup plus célèbre, mais copiée sur celle de Gillion, des deux femmes du comte de Gleichen.
Un autre écrivain, que cette légende inspira, fut Maurice Barrès, dans son histoire des deux femmes du bourgeois de Bruges. Le prénom de Gillion, qui est en fait une mauvaise traduction de Gilonem, accusatif du prénom latin Gilo (Gilles) est depuis un nom de famille traditionnel que les Trazegnies portent tous, au moins dans leurs prénoms secondaires.Articles connexes
- Septième croisade
- Huitième croisade
- Connétable
- Connétable de France
- Salles des Croisades[note 7]
- Gilles Ier de Trazegnies († 1161) et son frère Anselme
- Othon II de Trazegnies († 1192)
- Gilles II de Trazegnies († 1204)
- Othon III de Trazegnies († 1241)
- Arnould de Hamal († 1456)
- Anselme Ier de Trazegnies († 1418)
- Anselme II de Trazegnies († 1490)
- Jean II de Trazegnies († 1513)
- Jean III de Trazegnies († 1550)
- Charles Ier de Trazegnies († 1578)
- Charles II de Trazegnies († 1635)
- Gillion-Othon Ier de Trazegnies († 1669)
- Octave-Joseph de Trazegnies († 1698)
- Philippe-Ignace de Trazegnies († 1739)
- Eugène-Gillion de Trazegnies († 1803)
- Maison de Trazegnies
- Château de Trazegnies
- Silly (Belgique)
- Trazegnies
- Enguerrand IV de Coucy
- Gilles de Rais[note 8]
- Gillion de Trazegnies[10]
Liens externes
- Les salles des Croisades (vidéo présentant les cinq salles du musée du château de Versailles)
- Le château de Trazegnies
- Trazegnies, souvenirs d’une puissante féodalité
- Nobiliaire des Pays-Bas, et du comté de Bourgogne
- earlyBlazon.com[note 9]
- Les treize enfants...
- Connétables de France
- Au blason des armoiries : Connétable de France
- Charges royales
Notes et références
Notes
- "Le Brun" n’était pas un patronyme, mais un surnom personnel (lié à la couleur de ses cheveux). Une de ses filles fut d’ailleurs surnommé "Marie la Brune". Elle épousa Thomas de Mortagne, seigneur de Pottelles, second fils d’Arnould, prince de Tournai, et de Yolande de Coucy-Vervins.
- Au Moyen Âge, c’est le grand officier de la couronne qui est le chef des armées. Gilles le Brun est le seul connétable dans l'histoire de France qui n'était pas français!
- Que les trois enfants ou un seul des trois fussent des Trazegnies, il semble bien qu'il s'agît du lignage d'Otton II de Trazegnies-Wedergraet, cousin germain du connétable. Cette branche flamande de la famille était implantée autour de Ninove où elle possédait de nombreuses forteresses. Les trois adolescents étaient venus en France pour apprendre ce qui devenait le parler de tout aristocrate policé, mais ils avaient été incapables d'expliquer leur situation au terrible Enguerrand IV de Coucy (Olivier, marquis de Trazegnies, Les Trazegnies)
- La pairie de Silly est entrée très tôt dans la Maison des Trazegnies, probablement par alliance. Les premières chartes datent de 1095 avec Fastré ou Fastrede, Siger et Wautier ou Walter de Silli ou Siligio qui scellent la donation d'Hellebecq à l'abbaye d'Ename et qui partagent ainsi la pairie de Silly. Le dernier baron et pair de Silly est le marquis Ferdinand-Octave de Trazegnies en 1740. Silly passe ensuite dans la famille de Ligne (Maison de Ligne).
- Alix de Boulers
- Ce qui explique l'influence de Gilles le Brun auprès du fils de celle-ci : le roi Saint Louis.
- Les salles des Croisades du château de Versailles créées par Louis-Philippe en 1843 comportent les armoiries et noms des principaux chefs croisés. Voir : les croisés de la cinquième salle : Gilles, dit Gillion, seigneur de Trazegnies
- Gilles de Rais fut baptisé de la sorte en souvenir de son lointain oncle, Gilles le Brun de Trazegnies (Olivier, marquis de Trazegnies, Les Trazegnies)
- Les vassaux des comtes de Hainaut
Références
- Il eut deux épouses : Ida de Sotrud et Eloies ou Simonette de Joinville.
- Henri Martin, Histoire de France, depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789, 1860, p. 303
- Source: Cl-R Paternostre de la Mairieu, TABLETTES DU HAINAUT Tome I, Les TRAZEGNIES p. 111-112, 1955
- Olivier, marquis de Trazegnies, Les Trazegnies
- même d’auteurs français, puisque Henry Bordeaux, dans son histoire de Saint-Louis, raconte cette légende sans se douter que le connétable Gilles le Brun de Trazegnies, qu’il cite abondamment par ailleurs, est probablement celui qui inspira la légende
- n’oublions pas qu’à l’époque les Trazegnies étaient considérés comme des cadets de Bourgogne
- Calligraphe attitré des ducs de Bourgogne (1456-1479) fixé à Bruges, puis attaché à la Cour de Philippe le Bon en tant que copiste, remanieur-manuscrit, auteur de mise en prose, éditeur de textes. Originaire de Hesdin en Artois. Le manuscrit, merveilleux ouvrage enluminé du XVe siècle, devint plus tard la propriété des Trazegnies (probablement par le biais de la fille d’Antoine de Bourgogne qui épousa le sire de Culembourg ; Son arrière-petite-fille, Marie de Pallant-Culembourg épousa Charles, baron de Trazegnies). Il resta dans notre famille jusqu’à la mort d’Alexandre de Trazegnies, en 1862, qui le légua à sa nièce Nathalie de Ligne, duchesse de Croÿ-Dülmen. Un autre manuscrit, commandé par Louis de Bruges-Gruuthuse (fils de Marguerite de Trazegnies, princesse de Steenhuyse) appartient actuellement au duc de Devonshire.
- Ville de l'Égypte près du Nil ; le grand Caire s'est formé de ses ruines.
- Gillion était le 16e connétable de France.
- La légende de Gillion de Trazegnies est très populaire dans le Hainaut depuis le XIVe siècle. Il est probable que ce soit la vie amoureuse de Gilles le Brun qui inspira cette légende.
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