Giallo
Le giallo (de l'italien [ˈd͡ʒallo][1] litt. « jaune », au pluriel gialli [ˈd͡ʒalli][1]) est un genre de film d'exploitation principalement italien à la frontière du cinéma policier, du cinéma d'horreur et de l'érotisme qui a connu son âge d'or dans les années 1960 à 1980.
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Les réalisateurs phares du giallo sont Mario Bava et Dario Argento. Giallo est le nom utilisé en Italie pour désigner, de manière générale, le roman policier, ou plus largement le genre policier : c'est hors d'Italie que ce nom est utilisé pour désigner, de manière plus précise, les thrillers italiens. Les termes de "roman noir" ou de "film noir" renvoient au terme giallo en italien[2]. Dans leur pays d'origine, où giallo a un sens plus large, ces films sont englobés sous des appellations comme « giallo à l'italienne » ou « thriller à l'italienne », voire « spaghetti thriller »[3],[4]. Etymologiquement parlant, le terme giallo est utilisé pour qualifier le roman policier mais aussi, dans le langage journalistique, pour se référer à des faits divers délictueux et mystérieux[5].
Étymologie
Il tire son origine d'une collection de romans policiers publiés par les éditions Mondadori de 1929 jusqu'aux années 1960. L'éditeur Mondadori sort la première collection en 1929 sous le nom de "I libri gialli" (les livres jaunes)[6]. Leurs couvertures jaunes cachaient des romans et des nouvelles de type whodunit à l'image de leurs cousins américains[6]. La ressemblance avec ces derniers était accentuée par les pseudonymes anglo-saxons utilisés par la plupart des auteurs et par la présence majoritaire de romans anglophones traduits en italien dans les premiers gialli[7]. Publiés sur du papier de faible qualité, le succès de ces romans attira l'attention d'autres maisons d'édition qui ne tardèrent pas à sortir leurs propres œuvres sous la couverture jaune devenue traditionnelle[8]. Ces romans furent si populaires que les œuvres d'auteurs étrangers réputés comme Agatha Christie ou Georges Simenon sortirent sous cette forme lors de leurs premières publications en Italie.
La collection Mondadori s'arrête en 1941 à cause des restrictions dues au régime fasciste et reprend en 1946 après la Seconde Guerre mondiale[6]. Les années 1950 marquent le retour du giallo, de plus en plus populaire, davantage influencé par la culture américaine d'après-guerre et de l'école américaine Hard Boiled[9].
Historique
La chute du régime fasciste encourage un esprit contestataire et entraine une rupture avec le conformisme des "comédies souriantes", des genres plus légers.[10] La concurrence américaine est très forte dans l'après-guerre car les Américains disposaient de moyens financiers plus importants et d'un public en attente frénétiques de films américains dont ils avaient été privé pendant la guerre[10].
Le genre appelé « giallo » naît au cinéma dans les années 1960. Les films de ce type sont caractérisés par de grandes scènes de meurtres excessivement sanglantes, un jeu de caméra très stylisé et une musique inhabituelle (ceci est particulièrement vrai pour Dario Argento qui collabora avec Ennio Morricone puis avec le groupe Goblin qui se distingue par sa bande-son hard-rock ou techno-hypnotique)[11]. Le giallo est un film policier où la résolution de l’énigme compte moins que la sensation ressentie par le spectateur, la peur ou le désir. Ces films mettent en avant la violence sadique et brutale, l’érotisme. La forme primitive de ce cinéma est l’image d’une femme, seule chez elle et qui a peur[11]. L'élément whodunit est conservé mais combiné au slasher, filtré par la longue tradition italienne de l'opéra[11] et du grand guignol.
Développement
Les gialli italiens furent d'abord influencés par le phénomène allemand krimi, films en noir et blanc des années 1960 adaptés des histoires d'Edgar Wallace. Le premier film du genre est le film de Mario Bava La Fille qui en savait trop (La ragazza che sapeva troppo en version originale), en 1962[11]. Ce titre est une allusion au film d'Alfred Hitchcock, L'Homme qui en savait trop (1956), montrant encore une fois le lien avec la culture anglo-saxonne. C'est l'année suivante dans son film Six femmes pour l'assassin (Sei donne per l'assassino) que Mario Bava introduit un des éléments emblématiques du genre, le meurtrier masqué avec une arme brillante dans sa main gantée de noir[12].
Le giallo devient très vite un genre à part entière avec ses règles et une tonalité typiquement italienne. Le terme giallo devient alors synonyme d'éléments visuels fortement stylisés et théâtralisés. Un nouveau mode de représenter la peur est créé : il ne s'agit plus des monstres gothiques d'Edgar Allan Poe, de Frankenstein ou de Dracula[13], mais plutôt d'assassins à l'apparence normale, tuant à l'arme blanche et endossant un manteau et des gants noirs.[3]
Le genre connaît son apogée dans les années 1970 avec la réalisation d'une multitude de films. Elles marquent un tournant pour le giallo grâce aux trois films indémodables de Dario Argento : L'Oiseau au plumage de cristal (L’uccello dalla piume di cristallo), Le Chat à neuf queues (Il gatto a nove code) et Quatre mouches de velours gris (Quattro mosche di velluto grigio)[3]. Maitre emblématique du thriller à l'esthétique baroque et incontournable par la singularité des images et de la bande-son (hard-rock ou techno-hypnotique), Dario Argento redynamise le genre en l'éloignant de l'étiquette de "films de seconde zone" que les critiques du cinéma qui collait au giallo.[11]. Un des objectifs de Dario Argento est de retranscrire au cinéma les cauchemars des spectateurs, ce qui donne une dimension universelle au genre[11].
Durant les Années de plomb, le giallo sert de moyen de dénonciation sociale et politique contre la corruption politique, la crise des institutions ou encore l’inefficacité de la justice[9],[14].
Personnalités
Filmographie non exhaustive
Années 1960
- 1963 : La Fille qui en savait trop (La ragazza che sapeva troppo) de Mario Bava
- 1963 : Les trois visages de la peur (I tre volti della paura ) de Mario Bava sketch "Le téléphone" ("Il téléfono")
- 1963 : Le Démon dans la chair (Il demonio) de Brunello Rondi
- 1964 : Six femmes pour l'assassin (Sei donne per l'assassino) de Mario Bava
- 1965 : Libido d'Ernesto Gastaldi et Vittorio Salerno
- 1966 : Les Nuits de l'épouvante (La lama nel corpo) d'Elio Scardamaglia
- 1967 : En cinquième vitesse (Col cuore in gola) de Tinto Brass
- 1967 : Homicide sur rendez-vous (Omicidio per appuntamento) de Mino Guerrini
- 1968 : La Mort a pondu un œuf (La morte ha fatto l'uovo) de Giulio Questi
- 1968 : Le Sadique de la treizième heure (Nude... si muore) d'Antonio Margheriti
- 1968 : L'Adorable Corps de Deborah (Il dolce corpo di Deborah) de Romolo Guerrieri
- 1968 : Una jena in cassaforte (it) de Cesare Canevari
- 1968 : Le tueur frappe trois fois (La morte non ha sesso) de Massimo Dallamano
- 1968 : Homicides par vocation (L'assassino ha le mani pulite) de Vittorio Sindoni
- 1969 : Une folle envie d'aimer (Orgasmo) d'Umberto Lenzi
- 1969 : La Poupée de Satan (La bambola di Satana) de Ferruccio Casapinta
- 1969 : Liz et Helen (A doppia faccia) de Riccardo Freda
- 1969 : Perversion Story (Una sull'altra) de Lucio Fulci
- 1969 : Si douces, si perverses (Così dolce... così perversa) d'Umberto Lenzi
- 1969 : Les Allumeuses (Interrabang) de Giuliano Biagetti
Années 1970
- 1970 : L'Île de l'épouvante (Cinque bambole per la luna d'agosto) de Mario Bava
- 1970 : Mes mains sur ton corps (Le tue mani sul mio corpo) de Brunello Rondi
- 1970 : L'Oiseau au plumage de cristal (L'uccello dalle piume di cristallo) de Dario Argento
- 1970 : Photo interdite d'une bourgeoise (Le foto proibite di una signora per bene) de Luciano Ercoli
- 1970 : Une hache pour la lune de miel (Il rosso segno della follia) de Mario Bava
- 1971 : Le Venin de la peur (Una lucertola con la pelle di donna) de Lucio Fulci
- 1971 : Je suis vivant (La corta notte delle bambole di vetro) de Aldo Lado
- 1971 : Journée noire pour un bélier (Giornata nera per l'ariete) de Luigi Bazzoni
- 1971 : La Baie sanglante (Reazione a catena) de Mario Bava
- 1971 : La Queue du scorpion (La coda dello scorpione) de Sergio Martino
- 1971 : La Tarentule au ventre noir (La tarantola dal ventre nero) de Paolo Cavara
- 1971 : Le Chat à neuf queues (Il gatto a nove code) de Dario Argento
- 1971 : La Clinique sanglante (La bestia uccide a sangue freddo) de Fernando Di Leo
- 1971 : L'Étrange Vice de madame Wardh (Lo strano vizio della Signora Wardh) de Sergio Martino
- 1971 : L'Iguane à la langue de feu (L'iguana dalla lingua di fuoco) de Riccardo Freda
- 1971 : Nuits d'amour et d'épouvante (La morte cammina con i tacchi alti) de Luciano Ercoli
- 1971 : Plus venimeux que le cobra (L'uomo più velenoso del cobra) d'Adalberto Albertini
- 1971 : Quatre mouches de velours gris (Quattro mosche di velluto grigio) de Dario Argento
- 1971 : Cran d'arrêt (Farfalla con le ali insanguinate) de Duccio Tessari
- 1972 : À la recherche du plaisir (Alla ricerca del piacere) de Silvio Amadio
- 1972 : Folie meurtrière (Mio caro assassino) de Tonino Valerii
- 1972 : Le Couteau de glace (Il coltello di ghiaccio) d'Umberto Lenzi
- 1972 : Les Sept Châles de soie jaune (Sette scialli di seta gialla) de Sergio Pastore
- 1972 : La dame rouge tua sept fois (La dama rossa uccide sette volte) d'Emilio Miraglia
- 1972 : L'Alliance invisible (Tutti i colori del buio) de Sergio Martino
- 1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme (Non si sevizia un paperino) de Lucio Fulci
- 1972 : La mort caresse à minuit (La morte accarezza a mezzanotte) de Luciano Ercoli
- 1972 : Les Rendez-vous de Satan (Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer?) de Giuliano Carnimeo
- 1972 : Le Tueur à l'orchidée (Sette orchidee macchiate di rosso) d'Umberto Lenzi
- 1972 : L'Œil du labyrinthe (L'occhio nel Labirinto) de Mario Caiano
- 1972 : Mais... qu'avez vous fait à Solange ? (Cosa avete fatto a Solange?) de Massimo Dallamano
- 1972 : Qui l'a vue mourir ? (Chi l'ha vista morire?) d'Aldo Lado
- 1972 : Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé (Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave) de Sergio Martino
- 1973 : Les Yeux bleus de la poupée cassée (Los ojos azules de la muñeca rota) de Carlos Aured
- 1973 : Torso (I corpi presentano tracce di violenza carnale) de Sergio Martino
- 1974 : Chats rouges dans un labyrinthe de verre (Gatti rossi in un labirinto di vetro) d'Umberto Lenzi
- 1974 : La Lame infernale (La polizia chiede aiuto) de Massimo Dallamano
- 1974 : L'Homme sans mémoire (L'uomo senza memoria) de Duccio Tessari
- 1974 : Spasmo d'Umberto Lenzi
- 1974 : L'ultimo uomo di Sara de Maria Virginia Onorato
- 1974 : L'Assassin a réservé 9 fauteuils (L'assassino ha riservato nove poltrone) de Giuseppe Bennati
- 1974 : Cinq Femmes pour l'assassin (Cinque donne per l'assassino) de Stelvio Massi
- 1974 : Le Parfum de la dame en noir (Il profumo della signora in nero) de Francesco Barilli
- 1975 : Frissons d'horreur (Macchie sola) d'Armando Crispino
- 1975 : Les Frissons de l'angoisse (Profondo rosso) de Dario Argento
- 1975 : Nue pour l'assassin (Nude per l'assassino) d'Andrea Bianchi
- 1975 : L'assassino è costretto ad uccidere ancora de Luigi Cozzi
- 1976 : La Maison aux fenêtres qui rient (La casa dalle finestre che ridono) de Pupi Avati
- 1977 : Qui sera tué demain ? (Il mostro) de Luigi Zampa
- 1977 : L'Emmurée vivante (Sette note in nero) de Lucio Fulci
- 1977 : Il gatto dagli occhi di giada (it) d'Antonio Bido
- 1978 : Terreur sur la lagune (Solamente nero) d'Antonio Bido
- 1978 : Violez les otages ! (Le evase - Storie di sesso e di violenze) de Giovanni Brusatori (it)
Années 1980
- 1982 : L'Éventreur de New York (Lo squartatore di New York) de Lucio Fulci
- 1982 : Ténèbres (Tenebre) de Dario Argento
- 1984 : Murder Rock (Murderock - uccide a passo di danza) de Lucio Fulci
- 1985 : Phenomena de Dario Argento
- 1986 : Morirai a mezzanotte de Lamberto Bava
- 1987 : Bloody Bird (Deliria) de Michele Soavi
- 1987 : Delirium (Le foto di Gioia) de Lamberto Bava
- 1987 : Opéra de Dario Argento
Années 1990
- 1993 : Trauma de Dario Argento
- 1996 : Le Syndrome de Stendhal (La sindrome di Stendhal) de Dario Argento
- 1999 : Gialloparma d'Alberto Bevilacqua
Années 2000
- 2001 : Le Sang des innocents (Non ho sonno) de Dario Argento
- 2009 : Amer d'Hélène Cattet et Bruno Forzani (hommage au giallo)
- 2009 : Imago mortis de Stefano Bessoni
Années 2010
- 2010 : Last Caress (Glam Gore) de Christophe Robin et François Gaillard
- 2010 : Blackaria (Glam Gore 2) de Christophe Robin et François Gaillard
- 2011 : Masks d'Andreas Marschall
- 2014 : L'Étrange Couleur des larmes de ton corps d'Hélène Cattet et Bruno Forzani
- 2015 : Francesca de Luciano Onetti
- 2017 : Deep Shock de Davide Melini
- 2017 : Secrète et Insoumise de Chris Rakotomamonjy
Bibliographie
"Des giallos à gogo", Cahiers du cinéma, n° 729, janvier 2017, pp. 80-95 (langue française)
"Le giallo, du sang à la une", L'écran fantastique vintage, n° 2, juillet 2020, pp. 1-93 (langue française)
Notes et références
- Prononciation en italien standard retranscrite selon la norme API.
- « pagine speciali: appunti NOIR », sur www.movieconnection.it (consulté le ).
- BREVE PERCORSO NEL GIALLO ALL'ITALIANA, Il Davinotti, 7 décembre 2007
- IL CINEMA THRILLER HORROR ITALIANO, site Horromovie.it
- Jean-Antoine Gili, Le cinéma italien, Paris, Editions la Martinière, , 359 p. (ISBN 978-2-7324-2093-6).
- (it) « La nostra storia | Mondadori », sur Gruppo Mondadori (consulté le ).
- (it) Emma Dinuzzi, « Mondadori. Arrivare ai 90? È un giallo! », sur artwave.it, (consulté le ).
- (it) « Mondadori. Arrivare ai 90? È un giallo! », sur Artwave, (consulté le ).
- Laurent Lombard, « Le roman policier italien : entre mystère et silence », Mouvements, vol. 15-16, no 3, , p. 59 (ISSN 1291-6412 et 1776-2995, DOI 10.3917/mouv.015.0059, lire en ligne, consulté le ).
- Milza Pierre, Histoire de l’Italie : Des origines à nos jours., Paris, Fayard, , 1098 p. (ISBN 978-2-213-62391-7).
- « Dario Argento, la maestria du frisson » [Podcast], sur France Culture (consulté le ).
- (en) Colette Balmain, « Mario Bava's "The Evil Eye": Realism and the Italian Horror Film », sur proquest, (consulté en ).
- (en) George J Demko, « The International Diffusion and Adaptation of the Crime Fiction Genre », sur www.dartmouth.edu..
- « Comment le cinéma italien a-t-il rendu compte des années de plomb ? du 28 juillet 2013 - France Inter », sur www.franceinter.fr (consulté le ).
Liens externes
- (en) KinoEye: Une introduction au 'Giallo'
- Comptes-rendus de nombreux Giallo
- Database complète de Gialli avec liens vers 70 films.
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