Gauche et droite en politique

En politique, les notions de droite et de gauche renvoyaient à la disposition des partis dans l'assemblée nationale en France depuis 1789. La droite, ayant un sens positif dans la culture, par exemple dans l'expression « être adroit », fut alors occupée dans l'assemblée par les royalistes et les partis soutenant le roi. Par opposition, la gauche de l'assemblée fut investie par les partis opposant au roi. Cette opposition en politique s'est étendue, depuis la France de 1789, dans une grande partie des systèmes politiques d'assemblée.

Pour les articles homonymes, voir Gauche et Droite.

Clivage droite-gauche classique[1],[2],[3].

La notion de clivage droite/gauche est née de cette opposition et les termes gauche et droite furent peu à peu utilisés pour qualifier des courants politiques, relativement au degré d'adhésion des idées des partis au régime de l'état en place. La droite et la gauche sont historiquement relatives à l'époque et au contexte du pays, par exemple la gauche de 1789 composée de libéraux et républicains s'est déplacée à la droite de l'assemblée au fur et à mesure que de nouveaux mouvements politiques sont apparus à gauche.

Aujourd'hui[Quand ?], les partis de droite et de gauche sont principalement en opposition sur :

La notion d'extrême-droite vise à désigner les idéologies de droite qui cherchent à revenir vers un monde passé (ex: Royalisme, Fascisme,...); la notion d'extrême-gauche, elle, désigne surtout les courants sociaux les plus anciens (ex: Communisme, Marxisme, Anarchisme, ...). Le terme de droite étant reservé aux idéologies souhaitant la conservation du monde présent (ex: Libéralisme économique); et celui de gauche, aux idéologies contemporaines moins radicales (ex: Social-démocratie)

Les notions de droite et de gauche étant détaillées séparément, cet article vise à en effectuer un positionnement relatif.

Aujourd'hui[Quand ?], cette distinction est souvent remise en cause au profit d'autres distinctions comme l'opposition entre mondialisme et souverainisme ou encore entre élitisme et populisme.

Origines

L'origine historique de ce clivage se trouve dans la localisation des différents partis politiques dans l’assemblée nationale d'août-septembre 1789. Lors d'un débat sur le poids de l'autorité royale face au pouvoir de l'assemblée populaire dans la future constitution, les députés partisans du veto royal (majoritairement ceux de la noblesse et du clergé) se regroupèrent à droite du président de l'assemblée constituante (position liée à l'habitude des places d'honneurs). Au contraire, les opposants à ce veto se rassemblèrent à gauche sous l’étiquette de « patriotes » (majoritairement le Tiers état).

En France

Après la Révolution, ce clivage s'est institué dans la culture politique des systèmes d'assemblée, même si d'autres groupes antagonistes émergèrent, tels les « montagnards » proches des tribunes du peuple, et la « plaine ». Au XIXe siècle, elle s'est étendue à l'Europe et, en 1830, à l'Amérique du Sud sous l'influence révolutionnaire, puis durant le XIXe siècle et le XXe siècle, aux pays décolonisés[10]. Le clivage entre droite et gauche s'accentue pendant la période de la Restauration. Comme le dit Marcel Gauchet dans sa participation à Lieux de mémoire rédigé par Pierre Nora (paru entre 1984 et 1992), la vraie naissance de la droite et de la gauche date de la Restauration[11]. D'un côté, à droite, les ultras royalistes, contre-révolutionnaires et soutiens de la cause royale, de l'autre, à gauche, les libéraux, principaux héritiers de la Révolution Française et de l'Empire, défenseurs des libertés individuelles et du libre échange et partisans d'une Monarchie Constitutionnelle équilibrée. Au milieu, entre les deux extrêmes, le centre ou les Constitutionnels et les Indépendants.

Dans les pays anglophones

Les cultures politiques britannique et américaine furent également influencées :

  • en Grande-Bretagne, l'opposition originelle entre libéraux et conservateurs Whig/Tory fut doublée par l'opposition gauche droite conduisant à l'affaiblissement du parti libéral et à la montée du parti travailliste ;
  • aux États-Unis, la bipolarisation oppose toujours démocrates et républicains depuis le débat sur le fédéralisme, ce qui ne recouvre pas l'opposition gauche/droite : défense des droits des citoyens autonomes et des communautés minoritaires solidaires d'un côté ; défense des valeurs WASP fédératives dominantes de l'autre. Pour plusieurs, il est périlleux, par exemple, de classer Abraham Lincoln à gauche ou à droite. De plus, le fait est que les doctrines des deux partis ont totalement changé, s'intervertissant, le parti démocrate devenant au cours du XXe siècle le défenseur des minorités tandis que le parti républicain se repliait sur un électorat traditionnel et rural à majorité protestante. De même, les républicains défendent aujourd’hui[Quand ?] la souveraineté des États fédérés, alors qu'ils étaient les plus grands partisans du fédéralisme deux cents ans plus tôt.

En Russie (Empire russe ; URSS ; Fédération de Russie)

On retrouve la même opposition terminologique et politique gauche/droite en Russie, et ceci bien avant l'« ouverture de la fenêtre vers l'Europe » de Pierre-le-Grand.

  • « наше дело правое » - « notre cause est juste » ;
  • « мы правы » - « nous avons raison » ;
  • « поправить » - « corriger » ;
  • « Право » - « le Droit, la Justice ».

Lors de la Perestroïka, le spectre politique ex-soviétique recourt à l'effet « miroir » : ainsi, les communistes orthodoxes sont considérés comme étant de « droite » et les néolibéraux (Nouveaux Russes) de « gauche ».

Bipolarisation

La cohérence des choix collectifs se retrouve assez largement, même si l'on considère parfois l'opposition systématique des valeurs de droite et de gauche comme un peu caricaturale. À l'origine de nombreux conflits politiques, la bipolarisation peut s’ordonner, mutatis mutandis, sur un axe principal qu'on retrouve, par exemple, aujourd’hui[Quand ?], dans les cas suivants :

On ne dispose pour le moment que d’hypothèses. L’une d’entre elles a trait au paradoxe de Condorcet et au théorème d'impossibilité d'Arrow, qui aboutissent aux conclusions suivantes :

  • les systèmes de votes simples à dépouiller ne garantissent pas une cohérence des choix d’une assemblée. En particulier, ils peuvent conduire dans certains cas spécifiques à préférer A à B en l’absence de C, B à C en l’absence de A, et C à A en l’absence de B (circularité), ce qui indique un comportement incohérent. Il s’agit d’un inconvénient qui n'est pas inhérent à la démocratie, comme Condorcet l'indique, mais au contraire à ces systèmes de vote. Le système de Hare propose une solution qui fut utilisée à plusieurs reprises au cours du XIXe siècle ;
  • on distingue, traditionnellement, la gauche et la droite des extrêmes. Les centre droit et centre gauche ont pu parfois faire alliance : les extrêmes seraient poussés à ne pas chercher un accord pacifique avec l'adversaire, bien qu'il n'existe aucun réel archétype de ces derniers, qu'ils soient de gauche ou de droite. D'un point de vue politique et social, le mouvement ouvrier s'est positionné à gauche. L'histoire de l'extrême droite est marquée par l'évolution de ses courants qui vont de la défense d'un absolutisme monarchique de droit divin à un nationalisme sociétalement conservateur à fondement plus ou moins racial.

En France

Articulation du clivage

Par la nature relative de cet axe, créé par l'évolution des sociétés et donc des regards portés sur celles-ci, sa signification change au cours du temps. L'électorat démocratique lui-même peut choisir de rééquilibrer par une alternance.

  • Le thème du retour à la terre cher à Philippe Pétain a été quelque temps l’une des composantes du mouvement écologiste (surtout dans les années 1970).
  • La colonisation a été, vers 1870, prônée par une partie de la gauche (Victor Hugo, ou du centre Jules Ferry contre le radical Georges Clemenceau puis contre Jean Jaurès) au nom du devoir d’aide aux populations, et combattue par une partie de la droite (en particulier Adolphe Thiers) au nom du détournement de capitaux dont la métropole avait besoin pour se développer. En 1960, les positions s’étaient inversées.

En dépit de l'ouvrage classique de René Rémond, Les Droites en France (1954), le concept reste à géométrie très variable au cours du temps. Depuis les années 1980, gauche et droite semblent se définir en France par consensus sur la devise nationale : la droite mettrait l’accent sur la liberté à qui elle donne priorité sur l’égalité, et la gauche donnerait priorité à l'égalité sur la liberté. Ce positionnement présente au moins le mérite de rappeler que ce qui unit ces mouvements est bien plus grand que ce qui les sépare. Il ne s’agit pas contrairement à la vision de Sartre dans les années 1950 d’un combat du bien contre le mal, mais bien selon l’expression de Norman Spinrad d’une opposition dans le cadre démocratique entre deux visions différentes et partiellement incompatibles du bien.

Rappelons d’ailleurs qu’en 1914, la notion d’impôt sur le revenu était considérée comme de gauche et celle d’impôt sur le capital comme d’extrême-gauche. En 2004, la contestation de ces deux impôts est devenue plus que marginale sur le principe, les conflits portant davantage sur les taux à adopter. Deux autres impôts ont été créés depuis (TVA et CSG) qui n’étaient réclamés en 1914 ni par la droite, ni par la gauche, puisque la sécurité sociale a été créée en 1945. Pour cette raison, aucune maison n’est vraiment propriétaire de son électorat, qui ne se gêne pas d’ailleurs pour le lui faire savoir.

Toutefois, en dépit de positionnements sur des sujets particuliers qui peuvent être appropriés par un côté ou l'autre, le clivage droite/gauche est avant tout fondé sur l'opposition conservatisme/progressisme.

  • Le conservatisme est fondé sur la conservation des hiérarchies économiques et sociales au nom des valeurs « transcendantales » (pour la droite conservatrice, l'ordre moral et, pour la droite libérale, la liberté du marché).
  • Le progressisme a pour but l'égalité sociale et économique des citoyens et leur émancipation des règles traditionnelles, en favorisant la transformation de la société.

C'est ainsi qu'au cours de l'histoire de la France, les libéraux se sont décalés vers la droite. Au moment de la Révolution, les libéraux étaient à gauche de l'échiquier et ont participé aux transformations de la société française de l'ancien régime en participant à la rédaction des constitutions et des lois.

Cependant, avec l'évolution de la société, les inégalités n'étaient plus dues à des privilèges de rang, mais à une propriété économique favorisée par le libéralisme économique. Ainsi, au cours du XIXe siècle, la défense du libéralisme économique s'est rapprochée de la défense des inégalités en faveur du capitalisme au nom de la loi du marché et des libertés économiques.

Dans le même mouvement, la gauche s'est transformée en mouvement d'opposition au libéralisme économique et à la loi « transcendantale » du marché, en faisant la promotion de lois réglementant l'économie (keynésianisme) pour favoriser l'égalité économique et sociale.

Dans l'ensemble, on peut noter un basculement des partis de la gauche vers la droite au fur et à mesure des conquêtes sociales. Ainsi, on peut prendre l'exemple du Parti radical : à l'extrême gauche au début de la Troisième République, il passe progressivement au centre-gauche sous la quatrième, pour terminer aujourd’hui[Quand ?] au centre-droit (parti membre de l'UDI). Inversement, lors des retours en arrière, on constate un retour vers la gauche des partis qui étaient passés à droite. On peut citer l'exemple des républicains modérés (ou girondins) : classés à droite dans la république progressiste de 1792-1794, ils passent au centre au moment du directoire en arbitrant le conflit entre jacobins et monarchistes, puis à gauche au moment de la restauration de la monarchie.

Positionnement

Droite et gauche possèdent chacune quelques figures de proue.

La droite, malgré toutes ses diversités, a comme influences Caton l'Ancien, François-René de Chateaubriand[12], Adolphe Thiers[13], Alexis de Tocqueville[14], Raymond Poincaré. La gauche se reconnaîtrait davantage dans les Gracques, Rosa Luxemburg ou Jean Jaurès.

Dans l’ensemble, il s’agit bien d’un positionnement relatif, leurs électeurs respectifs se réclamant rarement de faire pencher le bateau dans un sens ou dans l’autre, mais plutôt de le remettre droit. On serait ainsi très embarrassé aujourd’hui[Quand ?], pour classer des hommes politiques comme Abraham Lincoln à droite ou à gauche. Républicain, par son souci de l'unité du pays, libéral par son anti-esclavagisme, il s'opposait pourtant aux démocrates (à l'époque ceux du Sud étaient favorables à un esclavagisme lié à leur système communautaire) ce qui fait que des agitateurs d'idées, comme Michael Moore gauche »), se réclament de ses idées en 2005 contre les actuels Républicains.

De la même façon, par son évolution personnelle comme par celle des enjeux, Georges Clemenceau considéré comme d’''extrême gauche'' [15]en son temps puisqu'il siégeait à l'extrême gauche de l'Assemblée Nationale au début de la IIIe République, sera, par ses propos sur la démocratie[16] et son comportement (nationalisme ombrageux, très jacobin[15]) vu comme de droite au début du XXe.

Tableaux et filiations historiques des gauches et des droites

(sur les sites de Dominique Chathuant, professeur d’histoire-géographie)

Atténuement du clivage

En 2017, selon un sondage, 58% de la population française estime que ce clivage est dépassé (source ?).

Certains auteurs avancent l'idée que ce n'est plus autour des valeurs que portent respectivement la gauche et la droite que le débat public clive en France.

Ainsi, dans son livre Le choix de Marianne[17], Pascal Perrineau théorise que les clivages d'hier sont peu à peu reformulés en des questions culturelles ou économiques. Le politologue et historien Gérard Grunberg abonde dans ce sens, soulignant qu'en Europe, « le clivage gauche-droite est désormais concurrencé par le clivage nationaux-européens »[18]. Le journaliste Éric Dupin note que les citoyens « conservent des tropismes "de droite" ou "de gauche" qui trouvent de moins en moins de correspondants sur la scène publique. », il ajoute : « Au sein même de la population, les réflexes idéologiques sont certes moins marqués qu’autrefois. L’essentiel reste toutefois que les différentes visions du monde et de la société ne parviennent plus à s’exprimer clairement dans le cadre de l’habituelle polarisation droite-gauche »[19].

En outre, Éric Guéguen avance que, dans la mesure où la République procède à la fois de l'ordre (réputé davantage de droite) et de la justice (réputée davantage de gauche), privilégier l'un par rapport à l'autre empêche d'atteindre le bien commun[20].

Notes et références

  1. Andrew Heywood, Political Ideologies : An Introduction, Basingstoke, Macmillan International Higher Education, , 6th éd., 15 p. (ISBN 978-1-137-60604-4, OCLC 988218349, lire en ligne)
  2. (en) Paul Wetherly, Political Ideologies, Oxford, United Kingdom, Oxford University Press, , 250 p. (ISBN 978-0-19-872785-9, OCLC 972801473, lire en ligne)
  3. Nancy Sue Love, Understanding Dogmas and Dreams : A Text, Washington, District of Columbia, CQ Press, , Second éd., 13 p. (ISBN 978-1-4833-7111-5, OCLC 893684473, lire en ligne)
  4. Michel Winock, La Droite, hier et aujourd’hui, Perrin, 2012, p. 112
  5. Michel Winock, La Droite, hier et aujourd’hui, Perrin, 2012, p. 169
  6. Pierre Bréchon, "Valeurs de Gauche, valeurs de droite et identités religieuses en Europe", Revue Française de Sociologie, 2006/4 (Vol.47), p725-753, DOI: 10.3917/rfs.474.0725 https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2006-4-page-725.htm#no21
  7. Manuel Cervera-Marzal, « Réponse à Emmanuel Macron: la liberté est une valeur de gauche, pas le libéralisme », Libération, (lire en ligne, consulté le ).
  8. Henri Weber, la Gauche expliquée à mes filles: "La gauche est attachée à toutes les valeurs de la République: liberté, égalité, solidarité, droits de l'homme", Seuil, 2000
  9. Pierre Bréchon, "Valeurs de Gauche, valeurs de droite et identités religieuses en Europe", Revue française de sociologie, 2006/4 (Vol.47), p725-753, DOI: 10.3917/rfs.474.0725 https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2006-4-page-725.htm#no21
  10. Archimède, « 11 septembre 1789 : Naissance de la droite et de la gauche - Aujourd'hui, l'éphéméride d'Archimède », Aujourd'hui, l'éphéméride d'Archimède, (lire en ligne)
  11. Marcel Gauchet, La droite et la gauche, dans Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, III, La France, 1. Conflits et partages, Paris: Gallimard, Bibliothèque illustrée des histoires, 1992, p. 402
  12. Michel Winock, La Droite, hier et aujourd’hui, Perrin, 2012, p. 39
  13. Michel Winock, La Droite, hier et aujourd’hui, Perrin, 2012, p. 54-55
  14. Michel Winock, La Droite, hier et aujourd’hui, Perrin, 2012, p. 55-56-57
  15. Éditions Larousse, « Encyclopédie Larousse en ligne - Georges Clemenceau », sur www.larousse.fr (consulté le )
  16. « La démocratie, c'est le pouvoir pour les poux de manger les lions. », sur dicocitations.lemonde.fr (consulté le )
  17. Pascal Perrineau, Le choix de Marianne, Fayard, 2012.
  18. Nicolas Chapuis et Alexandre Lemarié, « Partis en fumée », lemonde.fr, 16 octobre 2014.
  19. Éric Dupin, Le clivage droite-gauche, de plus en plus symbolique, de moins en moins politique, slate.fr, 17 novembre 2014.
  20. Éric Guéguen, « Au nom de la République », causeur.fr, 31 octobre 2014.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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