Fernand Khnopff

Fernand-Edmond-Jean-Marie Khnopff est un peintre, dessinateur, photographe et graveur symboliste belge né à Grembergen (Termonde) le et mort à Bruxelles le .

Biographie

Né à Grembergen-lez-Termonde, Fernand Khnopff grandit à Bruges[1], où son père est substitut du procureur du Roi. La maison de sa petite enfance se situait au Langestraat 1, adresse de l'actuel Hotel Ter Reien[2]. Cette jeunesse brugeoise marquera à jamais son œuvre du sceau de la nostalgie et du regret d'une ville idéale.

En 1866, durant son enfance, il déménage à Bruxelles, rue Belliard, son père ayant obtenu une promotion dans la magistrature. II effectue une année de droit à l'Université libre de Bruxelles. Dans un premier temps, Khnopff s'intéresse à la littérature ; ses lectures favorites sont Flaubert, les poètes Leconte de Lisle et Baudelaire[3].

En 1876, il entre à l'Académie des beaux-arts. Il y fait la connaissance de Jean Delville et de James Ensor. Ce dernier sera, lui aussi, associé au courant symboliste. Par la suite, il accusera Khnopff de plagiat en 1886[4]. En 1879, Fernand Khnopff s'installe à Paris où il travaille dans l'atelier libre de Jules Lefèbvre[1]. En 1880, il retourne en Belgique et, en 1883, il est un des membres fondateurs du groupe bruxellois d'avant-garde Les Vingt dont il dessine le monogramme.

Influencé par le courant préraphaélite, et plus particulièrement Edward Burne-Jones, Khnopff participe aux premiers Salons Rose-Croix organisés par le Sâr Péladan à partir de 1892. Il crée les frontispices de la plupart des œuvres du romancier rosicrucien.

Marguerite, la sœur admirée de ce dandy solitaire, est son principal modèle[5]. Elle est ainsi la sphinge du tableau Des caresses (1896)[6] ou le visage énigmatique de Le Masque au rideau noir (1892)[6]. Les filles à la chevelure rousse de la famille germano-écossaise Maquet la remplaceront par la suite.

Lors de l'exposition de la Sécession viennoise en 1898, Khnopff fait sensation et connaît la notoriété internationale. Cette exposition influencera de façon décisive l'œuvre de Gustav Klimt.

De 1902 à 1904, il se souvient de son enfance brugeoise et compose de nombreuses œuvres prenant pour motif sa ville d'élection. Certaines d'entre elles se basent sur des photographies (ca. 1900) de l'Anversois Gustave Hermans. Toutes rendent hommage à l'univers teinté de silence et de mélancolie décrit par Georges Rodenbach, l'auteur de Bruges-la-Morte.

Dans le but de réaliser certaines œuvres, il prend préalablement des photographies, notamment de sa sœur[5]. Ainsi, les portraits des sept joueuses de tennis du pastel de grande dimension, Memories, réalisé pour l'Exposition universelle de Paris, sont conçus à partir de nombreux clichés de Marguerite[6]. D'autre part, il fait photographier certaines de ses œuvres par le photographe bruxellois Albert-Edouard Drains, aussi appelé Alexandre. Celui-ci en fait des tirages au platinotype que Khnopff rehausse au pastel et aux crayons de couleurs. Ces épreuves sont signées par l'artiste et vendues, telles des estampes.

À cette époque, il crée également des costumes au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles. L'univers des actrices aguichantes lui fera perdre son penchant pour les femmes mystérieuses et éthérées. Dans les années 1910, Fernand Khnopff fréquente l'Église de la Nouvelle Jérusalem qui dispense l'enseignement mystique du philosophe Emanuel Swedenborg, ce qui donne des indications précieuses sur son univers spiritualiste.

Maquette de la maison-atelier de Fernand Khnopff (Architecte Édouard Pelseneer - terminée en 1902 - sise avenue des Courses n° 41 à Ixelles - détruite en 1938)

En 1899, à la suite de la mort de son père, avec qui il vivait, Fernand Khnopff décide de se faire bâtir une maison-atelier à proximité du bois de la Cambre à Bruxelles, au 41 avenue des Courses. Il en conçoit les plans avec l'aide de l'architecte adepte de l'Art Nouveau Édouard Pelseneer. En 1902, la maison-atelier est terminée et Khnopff s'y installe. Il y reçoit peu et ceux qui y ont été invités la décrivent comme « un sanctuaire, un lieu coupé du monde, (...) un temple à la gloire du soi ». Cette maison-atelier a été détruite en 1938[6],[7]. Toutefois, il subsiste des vestiges de l'atelier de sa période de gloire (1888-1900) à Saint-Gilles, 1 rue Saint-Bernard (angle du 1er étage).

Il est inhumé au cimetière de Laeken (Bruxelles), non loin de son maître Xavier Mellery.

Œuvre

Deux types de femmes caractérisent son œuvre : la femme sphinx et la femme ange. Le regard des femmes dans ses tableaux est très important. C'est un regard vide qui évoque la mort, un regard qui évoque un autre monde. Ses compositions emplies de mystère, où règnent des femmes inaccessibles, entourées d'objets chargés de symboles ou plongées dans une profonde rêverie, s'imposèrent d'emblée comme l'incarnation du nouveau courant pictural.

Ses paysages de Fosset[5] (commune de Sainte-Ode), hameau situé dans la région de Saint-Hubert, et de Bruges abordent les thématiques de l'eau et de ses reflets, du crépuscule et de la solitude. Les couleurs sont une des caractéristiques primordiales de son œuvre : les gammes de tons délavés accentuent l'aspect nostalgique et froid de ses tableaux. Les pastels évoquent le monde du rêve. Le bleu, par exemple, est la couleur du ciel et d'Hypnos, dieu du sommeil. Assez logiquement, Khnopff privilégie donc l'aquarelle et le dessin au crayon par rapport à la peinture à l'huile. Le cadrage est toujours moderne et original.

On peut caractériser le symbolisme de Khnopff en utilisant une phrase d'Edmond-Louis De Taeye en 1898 : « ni religieux, ni chrétien, ni mythologique, mais plutôt emblématique ». Sa lecture est souvent énigmatique, voire impossible, mais une exquise délicatesse de composition, une grande séduction de style et une évidente subtilité intellectuelle corrigent toujours cette faiblesse.

L'une de ses œuvres les plus célèbres est Des caresses, parfois appelé L'Art ou le Sphinx. Son œuvre influencera plusieurs portraits de Gustav Klimt dont des figures féminines emblématiques, strictement frontales, dans des allégories comme Tragödie ( Tragedy ) (1897)[8].

Son goût pour le télescopage d'objets insolites annonce le surréalisme de son compatriote Magritte, qui l'admirait. Il est également un précurseur de la notion contemporaine des multiples chers à Andy Warhol.

Postérité

Des caresses, ou l'Art, ou le Sphinx (1896), Huile sur toile, 50,5 × 150, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles.

À l'instar de nombreux d'artistes symbolistes, Khnoppf va connaitre un long purgatoire. Il faut attendre les années 1970 pour qu'il y ait un regain d’intérêt pour son œuvre. Cet intérêt ira croissant à la suite d'une première rétrospective de son œuvre en 1979 à Paris, Bruxelles et Hambourg.

En 1996, Fernand Khnopff est l'un des 26 photographes belges mis à l'honneur au Musée de la photographie à Anvers, lors de l'exposition Pioniers in Beeld.

En 2004, la grande rétrospective organisée aux Musées royaux des beaux-Arts de Bruxelles a connu un succès de foule.

Le Petit Palais lui consacre une rétrospective, « Fernand Khnopff (1858-1921), Le maître de l'énigme »[9], du 11 décembre 2018 au 17 mars 2019 à Paris[10].

Sélection d'œuvres dans les musées

I lock my door upon myself (1891), présentée au second salon de la Rose-Croix esthétique.
  • En écoutant du Schumann, 1883, Huile sur toile, 101,5 × 116,5, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles.
  • Portrait de Jeanne Kéfer, 1885, Huile sur toile, 80 × 80 cm Musée Paul Getty, Los Angeles.
  • Portrait de Marie Monnom, 1887, Huile sur toile, 50 × 50, Musée d'Orsay, Paris.
  • Portrait de Marguerite Khnopff, 1887, Fondation du roi Baudouin, en dépôt aux Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles.
  • Memories, 1889, Pastel sur papier, marouflé sur toile, 127 × 200, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles.
  • Du Silence, 1890, Pastel sur papier, 85 × 41,5, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles.
  • Solitude, 1890-1891, Pastel et cire sur papier, Museum Wiesbaden (donation Ferdinand Neess).
  • I lock my door upon myself, 1891, Huile sur toile, 72 × 140, Neue Pinakothek, Munich.
  • Portrait de Germaine Wiener, c.1893, Huile sur panneau, 50 × 40, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles.
  • Une aile bleue, 1894, Huile sur toile, 88,5 x 28,5, Collection Gillion Crowet, prêté aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles.
  • Des caresses, ou l'Art, ou le Sphinx, 1896, Huile sur toile, 50,5 × 150, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles.
  • L'Encens, 1898, Huile sur toile, 86 × 50, Musée d'Orsay, Paris.
  • Futur ou Une jeune femme anglaise, 1898, buste en marbre, Musée d'Orsay, Paris[11].
  • Secret-reflet, 1902, pastel et crayon, Musée Groeninge, Bruges.
  • Bruges. Un portail, c.1904, Huile sur toile, 44 × 87, Clemens-Sels-Museum, Neuss.
  • Orphée, 1913, Crayons, crayons de couleurs et pastel sur papier, 67,3 × 91,5, Communauté française, en dépôt au Musée des beaux-arts de Liège, Liège.

Références

  1. Louis Dulmont-Wilden, Fernand Khnopff, Bruxelles, , G. van Oest & cie p. (lire en ligne)
  2. « Fernand Khnopff », sur Bruges-la-Morte, (consulté le )
  3. « Notice sur Fernand Khnopff », sur http://www.academieroyale.be/ (consulté le )
  4. « https://www.beauxarts.com/grand-format/fernand-khnopff-en-2-minutes/ », sur www.beauxarts.com/, (consulté le )
  5. « Fernand Khnopff, peintre de l’énigme », sur Télérama.fr (consulté le )
  6. Daphné Bétard, « Khnopff l'insaisissable », Beaux Arts Magazine, , p. 120-127
  7. Marion Guyonvarch, Fernand Khnopff, le maître de l'énigme, Éditions Beaux Arts, , 50 p. (ISBN 979-10-204-0499-2), p29
  8. Jane Rogoyska et Patrick Bade, Gustav Klimt (lire en ligne), p. 83
  9. « L’art pétrifié de Fernand Khnopff au Petit Palais à Paris », sur Connaissance des Arts, (consulté le )
  10. « Fernand Khnopff (1858-1921) », sur Petit Palais, (consulté le )
  11. Notice sur le site du Musée d'Orsay

Annexes

Bibliographie

  • Louis Dumont-Wilden, Fernand Khnopff. Librairie Nationale d'Art et d'Histoire, Bruxelles, G. Van Oest, 1907, 78 pages. (Contient un catalogue des œuvres avec des noms de propriétaires).
  • Michel Draguet, Khnopff ou l’ambigu poétique, Bruxelles, Crédit communal ; Paris, Flammarion, 1995.
  • Steven F. Joseph, Tristan Schwilden & Marie-Christine Claes, Khnopff Fernand, in Directory of Photographers in Belgium, 1839-1905, Rotterdam, Ed. De Vries ; Anvers, Museum voor Fotografie, 1997, t. 1, p. 232-233.
  • Gisèle Ollinger-Zinque, Fernand Khnopff et la Photographie, in Art et Photographie, Bruxelles, 1980, p. 19-29.
  • Gisèle Ollinger-Zinque, Khnopff Fernand , in Le Dictionnaire des Peintres belges du XIVe siècle à nos jours, Bruxelles, t. 1, 1994, p. 580-581.
  • Fernand Khnopff (1858-1921). Catalogue d'exposition, Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, 2004.

Articles connexes

Liens externes

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