Détournement du vol Ryanair 4978

Le , le Boeing 737-800 effectuant le vol Ryanair 4978 entre l'aéroport international d'Athènes, en Grèce et l'aéroport international de Vilnius, en Lituanie est contraint par un avion militaire biélorusse de se détourner et d'atterrir à Minsk, sur les ordres du président de la République de Biélorussie Alexandre Loukachenko qui invoque une alerte à la bombe. Une fois l'avion au sol, un de ses passagers, militant de l'opposition et journaliste, Roman Protassevitch, est arrêté. Cinq des 171 autres passagers sont également retenus en Biélorussie.

Vol Ryanair 4978

SP-RSM, l'avion impliqué dans le détournement, photographié en 2019.
Caractéristiques de l'accident
Date
TypeDétournement
SiteAéroport international de Minsk
Caractéristiques de l'appareil
Type d'appareilBoeing 737-8AS
CompagnieBuzz (filiale de Ryanair)
Lieu d'origineAéroport international d'Athènes Elefthérios-Venizélos, Grèce
Lieu de destinationAéroport de Vilnius, Lituanie
Passagers171
Morts0
Portés disparus0
Blessés0
Survivants171

Vol

Le , le vol Ryanair 4978 qui relie Athènes à Vilnius avec 171 passagers est détourné vers l'aéroport international de Minsk après une fausse alerte à la bombe alors que l'avion se trouve à 45 milles marins (83 km) au sud de Vilnius et 90 milles marins (170 km) à l'ouest de Minsk, dans l'espace aérien biélorusse. Selon la compagnie aérienne, les autorités biélorusses ont informé les pilotes d'une « menace potentielle de sécurité à bord » et ont demandé que l'avion se pose à Minsk. À l'aéroport, l'activiste de l'opposition biélorusse Roman Protassevitch, accusé de plusieurs crimes par le gouvernement biélorusse, est extrait de l'avion et arrêté. Sa petite amie, Sofia Sapega, n'a également pas pu reprendre le vol[1],[2].

Bien que l'avion était plus proche de Vilnius, le président biélorusse, selon son service de presse, a personnellement ordonné que le vol soit redirigé vers Minsk et a envoyé un avion de combat MiG-29 de l'armée de l'air biélorusse pour l'escorter. L'agence de presse du gouvernement biélorusse BelTA (en) a déclaré que les pilotes avaient demandé à atterrir à Minsk. Ryanair et les forces de l'ordre biélorusses ont déclaré qu'aucune bombe n'avait été trouvée à bord.

Hormis Protassevitch et son amie, quatre autres passagers ne sont pas encore rentrés en Lituanie au . Le chef de l'opposition biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa réclame une enquête de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Protassevitch avait été placé sur une liste « d'individus impliqués dans une activité terroriste » l'année précédente pour son rôle dans les manifestations anti-gouvernementales. Tikhanovskaïa a déclaré que « Pratasevitch risquait la peine de mort » en Biélorussie. Une autre source indique que Protassevitch est dès lors menacé de quinze ans d'emprisonnement[3],[4].

Selon des sources proches de Tikhanovskaïa, Protassevitch lui-même a remarqué qu'il était sous surveillance à l'aéroport d'Athènes. Dans ses messages, il a déclaré qu'un homme à côté de lui dans la file d'attente et au point de contrôle avait tenté de prendre des photos de ses documents de voyage. De plus, Tadeusz Giczan, un membre de la chaîne Nexta Telegram qui a été précédemment édité par Protassevitch, a déclaré que des officiers du KGB biélorusse étaient sur le vol et qu'ils avaient « entamé une bagarre avec l'équipage de Ryanair », insistant sur le fait qu'une bombe se trouvait à bord de l'avion. Une porte-parole de l'entreprise d'État des aéroports lituaniens, Lina Beisine, a déclaré à l'agence de presse AFP de l'aéroport international de Minsk que le vol avait été détourné « en raison d'un conflit entre un membre de l'équipage et les passagers ».

Cette journée-là, le parcours du vol Ryanair 4978 au-dessus de la Biélorussie est devenu inhabituel avant même que l'avion ne fasse demi-tour : sur la base des données brutes de FlightRadar, il a été noté que l'avion n'avait pas commencé à descendre au-dessus de la Biélorussie, alors que cela est généralement le cas pour les vols à destination de Vilnius. Une possibilité est que l'itinéraire inhabituel indique que les pilotes de l'avion ont essayé de garder la direction d'origine pour entrer dans l'espace aérien lituanien dès que possible, mais ont été contraints de se dérouter après l'intervention de l'avion de chasse biélorusse.

L'avion a été autorisé à décoller après sept heures au sol à Minsk, et s'est posé à Vilnius avec huit heures et demie de retard. Au moins deux passagers qui avaient embarqué à Athènes n'étaient pas à bord lorsque l'avion est arrivé à Vilnius.

Avion

L'avion est un Boeing 737-800 mis en service par Ryanair en sous l'immatriculation irlandaise EI-FZX avant d'être transféré à Ryanair Sun en et de recevoir l'immatriculation polonaise SP-RSM.

Contexte

L'avant-veille de ce vol, le journal biélorusse Nacha Niva et le site Onliner.by (en) rapportaient la mort en prison par arrêt cardiaque d'un autre opposant au régime, Vitold Achourok[5].

Réactions

Position du gouvernement biélorusse

À la suite de l'incident, le ministère biélorusse des transports a annoncé qu'il avait mis en place une commission chargée d'enquêter sur l'atterrissage forcé, déclarant qu'il informerait l'OACI et l'IATA des progrès de l'enquête et publierait un rapport peu de temps après[6][réf. non conforme],[7].

Le , le directeur du département de l'aviation du ministère des transports de Biélorussie, Artem Sikorski, a lu un courrier électronique envoyé à l'aéroport de Minsk le . Ce message a été signé par des « soldats du Hamas » et comprenait des demandes à Israël de « cesser le feu dans la bande de Gaza » (voir Crise israélo-palestinienne de 2021) et à l'Union européenne d'arrêter le soutien à Israël. L'organisation aurait menacé de faire sauter l'avion au-dessus de Vilnius, selon cette lettre[8]. La chancelière allemande, Angela Merkel, a qualifié l'explication biélorusse de « totalement invraisemblable »[9]. Le Hamas a nié qu'il était d'une quelconque sorte lié à l'incident[10],[11].

Le , le Ministère biélorusse de l'aviation a publié sa transcription des communications radio entre le contrôle aérien biélorusse et les pilotes du FR4978. Selon cette transcription, l'exploitant de vol biélorusse a initialement dit aux pilotes qu'ils « avaient des informations de services spéciaux » sur la bombe à bord, affirmant plus tard que « les éléments de sécurité de l'aéroport [sic] informaient qu'ils recevaient un e-mail ». Lorsque le pilote a demandé si c'était l'aéroport de Vilnius qui avait reçu un e-mail ou l'aéroport grec (Athènes), l'opérateur de vol biélorusse a déclaré que l'alerte à la bombe avait été reçue par « plusieurs aéroports ». Lorsque le pilote a demandé à qui il avait été recommandé d'atterrir à Minsk, il a été informé par l'exploitant de vol que c'était « nos recommandations »[12].

Internationales

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  • Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a décrit l'atterrissage forcé comme « un incident grave [et] dangereux qui nécessite une enquête internationale » et a exigé le retour en toute sécurité de l'équipage et des passagers[13].
  • L'OACI a exprimé sa profonde inquiétude face à « l'atterrissage forcé apparent » du vol. Un tweet de l'OACI a affirmé que l'atterrissage forcé pourrait constituer une violation de la Convention de Chicago sur l'aviation civile internationale.
  • Reporters sans frontières a appelé à des sanctions internationales pour la « trahison d'État ».

Union européenne

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Nationales

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Aviation et avocats internationaux

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  • Le PDG de Ryanair, Michael O'Leary, a déclaré que l'événement était un « détournement par l'État ».
  • L'avocat ukrainien de l'aviation Andriy Guk a suggéré que l'interception par l'avion militaire et la redirection de l'avion vers un aéroport plus éloigné auraient pu compromettre la sécurité de l'équipage et des passagers. Il a également noté que l'Annexe 2 de la Convention de Chicago considère l'interception d'avions civils par des avions militaires comme le tout dernier recours, mais que l'avion militaire biélorusse a décollé immédiatement.
  • Le professeur agrégé de l'École supérieure russe d'économie, le Dr Gleb Bogush, a supposé que la mise en scène (dramatisation) d'une alerte à la bombe et l'interception de l'avion par les autorités biélorusses auraient pu mettre en danger l'équipage et les passagers et que la Convention de Chicago et la Convention de Montréal (en) de 1971 devrait être utilisé pour donner une appréciation juridique de cette affaire. Il a également qualifié la situation de « précédent très dangereux ».
  • La compagnie aérienne lettone airBaltic a décidé de ne pas survoler la Biélorussie pendant une période indéterminée pour des raisons de sécurité.

Sanctions et autres conséquences

L'Union européenne tient un conseil européen extraordinaire les 24 et à Bruxelles, en Belgique. Plusieurs types de mesures sont décidées, telles que des sanctions économiques sectorielles, ou la mise à jour de la liste noire de personnes et entités sur la base du cadre existant (où figure déjà le président biélorusse Alexandre Loukachenko[20],[21]). Il est également décidé d'interdire aux appareils biélorusses l'accès à l'espace aérien européen et il est recommandé aux avions européens d'éviter le survol de la Biélorussie[22].

L'Union européenne s'accorde en juin sur de lourdes sanctions contre la Biélorussie. Des secteurs-clés de son économie, dont la potasse, le tabac ou les produits pétroliers raffinés, sont ciblés, les échanges commerciaux en lien avec ces secteurs étant dorénavant interdits. L'embargo sur les armes est renforcé. Des dizaines de responsables politiques et fonctionnaires sont également visés par des sanctions. Il leur est interdit de séjourner sur le sol européen et leurs éventuels avoirs sont saisis. Les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni annoncent à leur tour des mesures analogues[23].

Le , l'Union européenne de cyclisme décide de retirer l'organisation des Championnats d'Europe de cyclisme sur piste 2021, prévus en , à la Biélorussie[24].

Précédents

L'Espagne, la France et l'Italie (en rouge) refusent l'autorisation de traverser leur espace aérien. Risquant d'être à court de carburant, l'avion doit atterrir en Autriche (jaune).

Des évènements similaires se sont produits auparavant[25].

Le , l'armée de l'Air française intercepte un avion civil marocain reliant le Maroc à la Tunisie et le contraint à atterrir en Algérie afin d'arrêter plusieurs dirigeants du Front de libération nationale, dont le futur Président algérien Ben Bella.

Le , l'avion du président bolivien Evo Morales se déroute vers l'Autriche après que la France, l'Espagne et l'Italie lui ont signifié leurs refus d'accès à leurs espaces aériens officiellement motivés par des raisons techniques, mais en fait par crainte que l'opposant Edward Snowden soit à bord et que les États-Unis leur reprochent de permettre son transfert.

Notes et références

  1. « Détournement d’un vol de Ryanair : la Biélorussie dénonce des accusations « sans fondement » de la part de l’Europe », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  2. « Ce que l'on sait sur l'avion de ligne intercepté par la Biélorussie pour arrêter un opposant », sur LExpress.fr, (consulté le ).
  3. (en) « Belarus: Journalist apprehended in Minsk airport after emergency landing must be released immediately », sur amnesty.org (consulté le ).
  4. (en) « Belarus reporter said 'death penalty awaits me here' », sur dw.com, Deutsche Welle (consulté le ).
  5. Le Figaro avec AFP, « Biélorussie: un militant d'opposition meurt en détention », (consulté le ).
  6. (en) Reuters Staff, « Belarus says it has set up commission to probe Ryanair incident - RIA », Reuters, (lire en ligne, consulté le ).
  7. (en) « Belarus To Notify ICAO, IATA Of Readiness To Investigate Ryanair Incident - Minsk », sur UrduPoint (en) (consulté le ).
  8. (be) Дарья Спевак, Ольга Прокопьева, « Минтранс: сообщение о минировании самолета RyanAir пришло от ХАМАС - Люди Onliner », sur Onliner (en), .
  9. (en) « Angela Merkel says Belarus' story 'completely implausible' », sur Deutsche Welle, .
  10. (en) « Belarus points to Hamas bomb threat in plane diversion, Hamas rejects claim », sur Haaretz.com (consulté le ).
  11. (en) Reuters, « Hamas rejects Belarus claim over plane bomb threat », www.aljazeera.com, Al Jazeera, (lire en ligne, consulté le ).
  12. (ru) Минтранс Беларуси опубликовал фрагмент переговоров пилота рейса Ryanair с диспетчерами, publié le meduza.io.
  13. « Avion dérouté : c’est du « terrorisme d’État » », sur lematin.ch, (consulté le ).
  14. Belga, « "Ce qu'il s'est passé est un scandale international": Charles Michel annonce la couleur avant le sommet européen », sur dhnet.be, (consulté le ).
  15. 24 mai 2021, « À bord du Athènes-Vilnius, la longue angoisse de Roman Protassovitch », sur Libération, (consulté le ).
  16. Belga, « Un avion Ryanair dérouté par le Bélarus : l’avion a décollé de Minsk à destination de Vilnius », sur sudinfo.be, (consulté le ).
  17. AFP, « Vol Ryanair intercepté : l’Union européenne convoque l’ambassadeur du Bélarus », sur lesoir.be, (consulté le ).
  18. (en-US) Neil Vigdor et Ivan Nechepurenko, « Who Is Roman Protasevich, the Captive Journalist in Belarus? », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
  19. (sv) Alexandra Carlsson Tenitskaja, « Ann Linde efter Lukasjenkos drag: ”Fullständigt oacceptabelt” », sur dn.se, .
  20. « Biélorussie. Le président Loukachenko et 14 autres responsables biélorusses sur liste noire », sur B2-Bruxelles2 (consulté le ).
  21. « Biélorussie. Ciel européen interdit, liste noire alourdie et sanctions économiques, les 27 sortent l’artillerie lourde », sur B2-Bruxelles2 (consulté le ).
  22. L’UE isole l’espace aérien biélorusse après le déroutement d’un avion, Radio télévision suisse, .
  23. « L’Union européenne s’accorde sur de lourdes sanctions contre la Biélorussie », Le Monde, (lire en ligne).
  24. « Les Championnats d'Europe de cyclisme sur piste n'auront pas lieu en Biélorussie », sur L'Équipe, (consulté le ).
  25. David, « Avion détourné par la Biélorussie : un "acte criminel" pour l'ex-pilote Gérard Feldzer », sur France 24, (consulté le ).
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