Canadiens anglais

Canadiens anglais, fait traditionnellement référence aux descendants des habitants des Treize colonies anglaises qui se sont exilés au Canada durant et après la Révolution américaine ou à ceux qui ont émigré du Royaume-Uni après la Conquête. Au Québec, les termes « Canadien anglais » ou « Canada anglais » sont souvent utilisés pour faire référence à tous les Canadiens anglophones[note 1], qu'ils soient d'origine britannique ou non.

Canadiens anglais




Bryan AdamsSir John Joseph Caldwell AbbottWilliam Lyon Mackenzie King
Terry FoxMichael J. FoxStephen Harper
Margot KidderFay Wray
Populations significatives par région
 Bas-Canada 270 000 (1871)[1]
Autres
Régions d’origine Angleterre
Langues Anglais canadien
Religions Anglicane, presbytérienne, catholique, méthodisme, etc.
Ethnies liées Anglais, Écossais, Gallois, Irlandais, Américains

Les Canadiens français de la première colonie et les Canadiens anglais de la conquête forment les deux peuples fondateurs de la Confédération canadienne.

Origines

Avant la Révolution américaine

À l'exception d'un comptoir à Canso, établi peu après la prise de contrôle de la Nouvelle-Écosse par la Grande-Bretagne, à la suite du traité d'Utrecht de 1713, la colonisation britannique du territoire canadien avant le début de la guerre de Succession d'Autriche se limite à quelques établissements temporaires sur la côte ouest de la Nouvelle-Écosse. La fondation d'Halifax et l'établissement de 3 000 colons, suivie par 1500 colons Suisses et Allemands à Lunenburg en 1753 change la donne. Les autorités britanniques accèdent aux demandes des colons et déportent les Acadiens, qui sont dispersés dans les colonies. Certains s'échappent et rejoignent la Nouvelle-France ou la France métropolitaine[2].

La Conquête de la Nouvelle-France, consacrée par le traité de Paris de 1763, ouvre la porte des anciennes possessions coloniales de la France en Amérique à la colonisation britannique. Cependant, le développement du peuplement britannique dans les nouveaux territoires conquis avance lentement. Dans les Maritimes, la population de Halifax chute à 1 500 habitants en 1755, en raison de la levée de l'incertitude militaire et de la réduction des primes à la pêche. Quelques centaines de colons de l'Ulster et des Écossais s'établissent sur le territoire en 1773[3]. Dans la nouvelle Province de Québec créée par la Proclamation royale de 1763, les premiers marchands arrivent avec les soldats, afin d'intégrer la nouvelle terre conquise au sein du système mercantilisme anglais[4].

Les Loyalistes de l'Empire uni

Monument en l'honneur des Loyalistes de l'Empire-uni à Hamilton (Ontario).

La levée de la menace française que faisait peser la Nouvelle-France sur les colonies britanniques de l'Amérique du Nord rend la protection de l'Empire de Londres moins nécessaire et les colonies font face à des mouvements de désobéissance civile et de violence qui mènent, à compter de 1775 à la Révolution américaine[5].

La défaite de la Grande-Bretagne dans la Guerre d'indépendance des États-Unis en 1783 provoque un afflux vers le nord de sujets restés fidèles à la Couronne — ainsi que les soldats, miliciens, les collaborateurs de l'armée et prisonniers de droit commun. Ils émigrent en Nouvelle-Écosse et dans la Province of Quebec, dans les Cantons-de-l'Est et dans ce qui deviendra le Haut-Canada[6].

Les émigrés qui s'établissent dans le Québec d'alors, qui s'étend du Labrador à la péninsule du Niagara sont rapidement insatisfaits des us et coutumes reconnus par les Britanniques dans le cadre de l'Acte de Québec de 1774, en particulier le maintien de la religion catholique et le système seigneurial, qui ne sera aboli qu'en 1854. Ils demandent aux autorités de Londres une partie du territoire restant de la province — la partie sud du territoire ayant été cédée aux États-Unis en vertu du traité de 1783 —, qui serait soumise au droit anglais.

Les doléances des Loyalistes sont entendues et Londres accède aux représentations des sujets de la nouvelle colonie du Nouveau-Brunswick, créée en 1784. Ceux établis sur le bord des Grands Lacs obtiendront satisfaction avec l'Acte constitutionnel de 1791 qui divise la Province de Québec en deux territoires : le Bas-Canada et le Haut-Canada[7].

Immigration des Îles britannique

À ces exilés s'ajoutent des colons anglais qui immigrèrent à Terre-Neuve, les Provinces Maritimes, le Haut-Canada (Ontario) et la Colombie-Britannique au cours du XIXe et XXe siècle; des colons écossais, surtout en Nouvelle-Écosse, dans le Haut-Canada, et l'Ouest canadien; et des Irlandais qui arrivèrent à Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick, et au Canada-Uni surtout à partir de 1845 en raison de la Grande famine en Irlande.

Leur identité sera marquée par l'ouverture du continent et les grands travaux d'infrastructures qui marquent la fin du XIXe siècle, en particulier la construction du chemin de fer transcontinental, souvent considéré comme un des mythes fondateurs du Canada[note 2].

Identité

Carte des identités déclarées lors du recensement de 2006

L'historien Maurice Séguin disait que « l'histoire du Canada était en fait l'histoire des Canadas ». Et faire l'histoire des Canadas c'était faire, selon le professeur, « l'histoire de deux nationalismes inquiets »[8]. Si le nationalisme canadien-français, et en particulier son expression québécoise, ont été abondamment traités par la littérature des sciences sociales, en particulier depuis la Révolution tranquille de 1960 au Québec, en revanche le nationalisme canadien-anglais a moins attiré l'attention des chercheurs[9].

Pour le sociologue Ian Angus, de l'Université Simon Fraser en Colombie-Britannique, le Canada anglais « n'a qu'un degré mineur de conscience de lui-même qui s'est manifesté récemment en réaction avec les politiques d'auto-affirmation du Québec et des Premières nations. Même le nom “Canada anglais” est problématique : “le reste du Canada”, le “Canada sans le Québec” et d'autres circonlocutions semblables, démontrent cette difficulté »[9].

Angus schématise l'identité canadienne-anglaise en posant d'abord une distinction entre l'identité canadienne-anglaise et l'axe d'Ottawa de l'identité « canadienne ». Le sociologue parle de « paradoxe constitutif » dans la mesure où cette identité canadienne-anglaise dépend de sa relation avec les nations québécoise et autochtone au cours de la période post-1988, non seulement pour en fournir le contexte, mais pour assurer l'existence de son identité même[9].

Relation avec les États-Unis

Le sociologue québécois Fernand Dumont rappelait que l'identité canadienne-anglaise est confrontée au débat fondamental de l'expression de sa différence avec son puissant voisin américain :

« Le voisinage des États-Unis, infiniment plus que celui des provinces canadiennes, est aujourd'hui comme jadis le défi le plus décisif. Les Québécois forment un îlot étrange sur le continent. Les Canadiens anglais les convient à les rejoindre dans une commune résistance ; ils agitent même le spectre de l'annexion aux États-Unis au cas où il adviendrait la souveraineté du Québec. On nous ramène à notre ancienne mission de barrage contre le danger américain[10]. »

Pour Frederick Fletcher de l'Université York de Toronto, le Canada a dû combattre contre le « flot naturel » des transactions nord-sud pour se maintenir en tant qu'unité économique et politique. La concentration de Canadiens français au Québec « en raison d'un accident historique et d'une politique délibérée » a creusé un fossé qui était compensé, jusque dans les années 1960, par un système efficace d'accommodation des élites. Le chercheur ajoute que des Canadiens sont préoccupés par la tendance au « Canada francophone » et au « Canada anglophone » à habiter des espaces médiatiques séparés et distincts et à la grande consommation de produits culturels importés, particulièrement au « Canada anglophone »[11].

Démographie

Concernant les Canadiens anglais, quelques sacrifices qu’ils aient faits pour s‘établir, leur nombre au Bas-Canada était de 132 000 en 1831, et de 270 000 en 1871. Leur accroissement moyen a été de 18 % tous les dix ans, et s'est même réduit à 11 % entre 1851 et 1871. D'autre part les Anglais, malgré les renforts d'une immigration constante, se sont multipliés moins activement que les Français au XIXe siècle. En 1831, ils formaient 26 % de la population et au début des années 1870, ils ne représentent que 21,5 %[1].


Les anglophones au Canada

Dans les provinces où les Canadiens anglais ne constituent pas la majorité des gens qui y habitent, les habitants locaux adoptent des termes pour les différencier du peuple majoritaire de la province. Par exemple, les anglophones qui vivent au Québec, province francophone, y sont désignés comme des « Anglo-Québécois » ou des « Québécois anglophones » lorsqu'ils ne sont pas inclus dans la définition de « Québécois » et les anglophones qui vivent au Nunavut, territoire inukophone (mais bilingue), on les nomme comme des « Anglo-Nunavois » ou des « Nunavois anglophones » ou des « Nunavummiut anglophones » lorsqu'ils ne sont pas inclus dans la définition de « Nunavois » ou « Nunavummiut ».

Notes et références

Notes

  1. Le Grand dictionnaire terminologique de l'Office québécois de la langue française précise : « Bien que le terme anglais se dit de ce qui est propre à l'Angleterre ou à ses habitants, au Canada, pour parler de réalités canadiennes, on peut parfois faire commuter les termes anglais et anglophone. »
  2. Voir à ce sujet l'œuvre de Berton, entre autres.

Références

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Ian Angus, « The Paradox of Cultural Identity in English Canada », Cahier de recherche sociologique, Montréal, Université du Québec à Montréal, no 39, (ISSN 0831-1048, lire en ligne)
  • Gary Caldwell, La question du Québec anglais, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, , 122 p. (ISBN 2-89224-238-X)
  • Claude Couture, « Histoire des deux nationalismes au Canada de Maurice Séguin, Montréal, Guérin, 1997, 455 p. », Politique et Sociétés, vol. 17, nos 1-2, , p. 308-310 (lire en ligne)
  • Fernand Dumont, Genèse de la société québécoise, Montréal, Boréal, , 393 p. (ISBN 2-89052-761-1)
  • (en) Frederick J. Fletcher, « Media and Political Identity: Canada and Quebec in the Era of Globalization », Canadian Journal of Communication,, vol. 23, no 3, (lire en ligne)
  • Jean-Paul Marchand, Maudits anglais! : Lettre ouverte aux Québécois d'un franco-ontarien indigné, Montréal, Stanké, , 151 p. (ISBN 2-7604-0350-5)
  • (en) Hugh MacLennan, Two solitudes, Toronto, Collins, , 370 p.
  • (en) Kenneth Norrie, Douglas Owram et J.C. Herbert Emery, A History of the Canadian Economy, Toronto, Nelson, , 466 p. (ISBN 978-0-17-625250-2)
  • Martha Radice, "Feeling comfortable?" : les Anglo-Montréalais et leur ville, Québec, Presses de l'Université Laval, , 186 p. (ISBN 2-7637-7698-1, lire en ligne)
  • Philip Resnick et Daniel Latouche, Réponse à un ami canadien. Précédé de lettres à un ami québécois, Montréal, Boréal, , 174 p. (ISBN 2-89052-334-9)
  • (en) Philip Resnick, Thinking English Canada, Don Mills, Ontario, Stoddart, , 129 p. (ISBN 0-7737-2759-0)
  • (en) John Ralston Saul, Reflections of a Siamese Twin : Canada at the End of the 20th Century, Toronto, Viking Canada, , 336 p. (ISBN 978-0-14-025988-9)
  • Maurice Séguin, Histoire des deux nationalismes au Canada, Montréal, Guérin, , 455 p.
  • Patricia Smart, « L’espace de nos fictions : quelques réflexions sur nos deux cultures », Voix et Images, vol. 10, no 1, , p. 23-36 (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

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