Proclamation royale de 1763

La proclamation de 1763 fut délivrée le par le roi de Grande-Bretagne George III à la suite de l'acquisition par la Grande-Bretagne de territoires français du Canada et d'une partie de la Louisiane, à la fin de la Guerre de Sept Ans. La proclamation avait pour but d'organiser ces nouvelles terres et de stabiliser les relations avec les Autochtones en règlementant la traite des fourrures, la colonisation et l'achat des terres à la frontière occidentale. La proclamation avait aussi pour but d'assimiler les colons francophones. Elle est également connue sous les appellations britanniques d'« Indian Bill of Rights » ou de « Magna Carta for Indian affairs »[1].

La ligne définie par la proclamation de 1763 délimite les gains territoriaux (en peche) et anciens territoires (en rouge).

Buts

Après la Guerre de Sept Ans, la Grande-Bretagne acquiert certaines colonies françaises d'Amérique du Nord. La Proclamation royale de 1763 a pour objectif d'assimiler les Canadiens-Français, d'établir et d'organiser l’empire colonial britannique dans cette région du monde. Elle résulte d'une proposition du Board of Trade datée du et approuvée pour rédaction définitive par Georges III le [2]. L'un des objectifs de la Couronne est de pacifier les relations avec les Autochtones : en effet, un grand nombre de tribus avaient soutenu les Français pendant la guerre. La Proclamation est destinée à apaiser les craintes indiennes d’une arrivée massive de paysans blancs sur leurs terres. En effet, les Treize colonies étaient bien plus peuplées que la Nouvelle-France et les migrants européens, arrivés en nombre important, réclamaient de nouvelles terres pour vivre. « La Frontière » attirait les immigrants comme les Écossais suivis par les Allemands[3]. L'épuisement des sols à l'est des Appalaches et la pression démographique accentuèrent la faim de terre des colons.

Dispositions

Arrêt de la colonisation

La Proclamation interdisait aux habitants des Treize colonies de s’installer et d’acheter des terres à l’ouest de la ligne de partage des eaux qui court le long des Appalaches[4]. La vallée de l'Ohio réputée pour sa fertilité, échappait à la colonisation. La Couronne se réservait par ailleurs le monopole dans l’acquisition des terres indiennes et le roi garantissait la protection des peuples indiens[4],[1]. La Grande-Bretagne se réservait également une partie du bois américain[5]. La Proclamation royale était le prélude à de nouveaux accords de colonisation, de commerce et de peuplement.

Organisation et défense des nouveaux territoires britanniques

Le texte de 1763 assurait en outre l'organisation de nouvelles colonies appelées « Province of Quebec », « East Florida » et « West Florida »[4] et étendait la Province de Nouvelle-Écosse. Cette réorganisation du territoire devait fournir au nord et au sud des treize colonies de nouvelles possibilités de migration vers l'ouest[6].

Londres avait prévu la construction de forts britanniques le long de la limite de colonisation ; ce dispositif devait permettre le respect de la Proclamation mais aussi favoriser le commerce des fourrures avec les Indiens[4]. Le gouvernement britannique estimait que ces avant-postes assuraient la défense des Treize colonies et que leur financement revenait donc aux colons[4].

Conséquences et réactions

Au Québec

George III du Royaume-Uni

Par la proclamation royale, la Grande-Bretagne donne une première constitution au territoire récemment conquis (le Québec et ses dépendances, de même que l'Île Royale). Le but est de donner un visage britannique le plus rapidement possible à cette nouvelle colonie peuplée essentiellement de colons francophones. On commence par délimiter précisément le territoire qui correspond à peu près à la vallée du fleuve Saint-Laurent et on lui donne un nom : « Province of Quebec ».

On voudra donc introduire les lois anglaises aussi bien civiles que criminelles. Les lois civiles anglaises, en particulier, mettent en péril le régime seigneurial puisqu’on en fait aucunement mention dans ce code. Cela crée beaucoup d’inquiétude chez les seigneurs qui doivent arrêter de percevoir les redevances auprès de leurs censitaires. On tolère la pratique de la religion catholique mais elle n’a pas d’existence légale ce qui veut dire que les curés ne sont pas autorisés de percevoir la dîme auprès de leurs paroissiens, mais pas seulement.

De plus, le nouveau gouverneur Murray reçoit l’instruction de n’admettre aucune ingérence de l’Église de Rome dans la province. La raison est bien simple. Puisque les catholiques d’ici n’ont plus d’évêque (il est mort en 1760), on ne peut donc plus procéder à l’ordination de nouveaux prêtres. Cela signifie qu’avec le temps, le clergé catholique s’éteindra de lui-même. Toujours sur le plan religieux, on avise le gouverneur qu’il devra exiger le serment du test à tous ceux qui voudraient obtenir une charge civile. Cela visait à exclure les catholiques de toutes les charges administratives en pratiquant, à leur endroit, une politique discriminatoire.

Enfin, pour attirer le plus vite possible et en grand nombre une immigration britannique dans la province, on incite le gouverneur à fonder des écoles anglicanes et à créer des cantons, la manière anglaise de diviser les terres. Les franco-canadiens sont limités à leur seigneuries déjà existantes et seront exclus des nouveaux territoires divisées en cantons qui seront réservés à l'immigration britannique.

Le mécontentement des colons américains

Dans un premier temps, la victoire britannique suscita l’enthousiasme chez les colons américains, car elle signifiait la fin de la guerre et des attaques indiennes[4]. La cession des colonies françaises à l’est du Mississippi leur offrait de nouvelles terres à mettre en valeur.

La Rébellion de Pontiac en 1763 avait obligé le gouvernement à avancer la proclamation, la frontière avec la réserve Indienne fut dessinée dans l'urgence, et certains colons se retrouvèrent du jour au lendemain sur le territoire de la réserve[6]. Ils devaient rendre la terre et revenir dans les Treize colonies. Certains étaient persuadés que le roi souhaitait cantonner les colons américains sur la bande littorale afin de mieux les contrôler[4]. Les colons refusaient de financer la construction et l’entretien des avant-postes royaux sur la ligne définie par la Proclamation. En fermant la colonisation vers l'ouest, la Grande-Bretagne soulève le mécontentement des fermiers et des propriétaires fonciers, dans un contexte de croissance démographique des Treize colonies.

L'éviction des Français au Québec en 1763 assurait la sécurité des Treize colonies qui estimaient ne plus avoir besoin de la protection militaire britannique[7]. En 1757, le premier ministre britannique William Pitt avait envoyé 60 000 soldats britanniques en Amérique sous la demande des Treize colonies. Les Américains supportaient difficilement les armées permanentes britanniques dans les colonies, alors que la paix était revenue ; la présence des troupes était perçue comme un instrument de tyrannie de la métropole britannique[8]. Ce mécontentement des colons sera l'une des causes de déclenchement de la guerre d'indépendance américaine.

Le danger de l'indépendance des colonies britanniques était visible et expliqua pourquoi la Grande-Bretagne donna un si grand territoire aux Autochtones (outre le but de pacifier ses relations avec ces derniers). Le , le parlement britannique vota l'Acte de Québec, qui joignit le territoire de la vallée de l'Ohio à la province de Québec, sans pour autant autoriser la colonisation, ce territoire étant toujours réservé aux Autochtones.

Postérité

Il existe encore cinq exemplaires originaux de la Proclamation royale dans le monde[1],[9] : ils sont conservés aux Massachusetts Archives (Boston), à l'Université Brown (Providence), à la salle Lande de l'Université McGill (Montréal), à la Society of Antiquarians d’Angleterre et à la Privy Council Library (Londres).

Droit autochtone

La Proclamation royale de 1763 a servi de modèle à la conclusion de nombreux traités avec les Indiens[9].

L’article 25a de la Charte canadienne des droits et libertés mentionne la Proclamation de 1763, en indiquant que la Charte garantit les droits et libertés reconnus par la Proclamation de 1763[9].

Notes et références

  1. (en) « The Royal Proclamation - October 8, 1763 », The American Revolution (consulté le )
  2. (en) Francis D. Cogliano, Revolutionary America 1763 - 1815, A Policital History, second Edition, New York, Routledge, Kindle Edition, Chapitre 1, section "Pontiac's Uprising and Aftermath", paragraphe 5
  3. Maurice Crouzet, Histoire générale des civilisations, tome V, 1953, p.320
  4. (en) Thomas Kindig, « Proclamation of 1763 », Independence Hall Association, 1999-2007 (consulté le )
  5. B. Cottret, La Révolution américaine..., 2003, p.46
  6. (en) Gordon S. Wood, The American Revolution, A History. New York, Modern Library, 2002 (ISBN 0-8129-7041-1), pp.21-22
  7. F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3, 1993, p.513
  8. B. Cottret, La Révolution américaine..., 2003, p.40
  9. (fr) Jackie Henry, « La Proclamation royale de 1763. Le principe des négociations pour les traités », Bibliothèque et Archives Canada (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Bernard Cottret, La Révolution américaine : La quête du bonheur 1763-1787, Paris, Perrin, 2003, (ISBN 2262018219)

Articles connexes

Liens externes

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