Non-binarité
La non-binarité est un terme générique utilisé en sciences sociales pour catégoriser les différentes identités de genre non-binaires ou genderqueer qui ne s'inscrivent pas dans la norme binaire occidentale moderne, c'est-à-dire que les personnes non-binaires ou genderqueer ne s'identifient ni strictement homme, ni strictement femme, mais entre les deux, un mélange des deux, ou aucun des deux.
Ne doit pas être confondu avec Intersexuation, Androgynie, Bisexualité ou Transidentité.
Les personnes non-binaires peuvent choisir d'adopter des pronoms personnels différents pour se désigner, changer de prénom, adopter une expression de genre différente de celle de leur genre assigné à la naissance. En plus d'une éventuelle transition sociale, certaines choisissent également de réaliser une transition médicale.
La non-binarité est rarement reconnue officiellement ; quelques pays reconnaissent un genre non-binaire dans leur état civil.
Histoire
Des identités ou expressions de genre en-dehors de la binarité de genre ont existé en tout temps et dans différentes cultures[1],[2],[3]. Matsuno et Budge notent en 2017 que cette identité n'est pas reconnue dans la plupart des sociétés occidentales[2]. Les médias occidentaux, particulièrement ceux en ligne et orientés vers la jeunesse, sont en général plus favorables aux personnes non-binaires que les médias mainstream qui les présentent comme « l'autre » en adoptant le point de vue de la norme[1],[4],[2].
Maria Lugones a observé qu'avant d'être colonisées, certaines sociétés[Lesquelles ?] avaient développé des systèmes de genre différents de ceux d'Occident, et d'autres ne l'utilisaient pas comme principe d’ordonnancement du pouvoir, ce qui facilite sans les discriminer les parcours de transition[5],[6]. Pour autant, si le patriarcat et le système de genre (occidental, colonial) n'existaient pas sous cette forme dans les sociétés précoloniales d'Afrique et d'Amérique Latine, les féministes africaines modernes tendent à reconnaître l'existence de systèmes similaires bien que différant dans leurs intensités et moyens de constructions[5],[6].
Définitions
La non-binarité est un terme générique qui englobe plusieurs réalités. Selon Matsuno et Budge, elle inclut, sans y être limitée, les personnes qui s'identifient en dehors des identités masculine et féminine ou qui s'identifient comme ayant une identité de genre située entre ces deux points, mais aussi les personnes qui s'identifient soit homme soit femme à des périodes différentes, ainsi que les personnes qui rejettent toute identité de genre voire qui ne ressentent aucune identité de genre[2].
Identités de genre
De nombreux néologismes existent pour parler des identités non-binaires. Selon Matsuno et Budge, ces termes changent et évoluent rapidement[2].
Oliver Rowland a montré que le terme « intergenre » est apparu au début du XXIe siècle, avant que le lexique ne s'élargisse, bénéficiant de nombreux relais et groupes de discussion sur les réseaux sociaux[7].
Les types suivants sont distingués :
- agenre : « Personne qui ne se reconnaît dans aucune identité de genre. Variation de la non-binarité »[8]. Une personne agenre s'identifie comme n'ayant pas d'identité de genre. D'après Karine Espineira, l'identité agenre est « le refus probablement le plus affirmé d’un marqueur de genre[9] » ;
- bigenre : une personne bigenre est une personne qui s'identifie à deux genres à la fois[10],[11] ;
- bispirituel (two-spirit) : terme utilisé par des indigènes nord-américains pour désigner les personnes non-conformes dans le genre[2],[12],[13],[14] ;
- demi-genre (demiboy/demigirl) : personne se reconnaissant à la fois dans un genre binaire et un genre neutre ;
- genre fluide (genderfluid) : « Personne dont le genre varie au cours du temps »[8]. L'expression met l'accent sur la fluidité du genre, les personnes pouvant se définir d'une façon ou d'une autre à différents moments, sans se sentir obligées de s'inscrire dans un genre particulier[9],[15],[16]. Le terme englobe tous ceux qui ne se sentent ni tout à fait homme ni tout à fait femme, ou à la fois homme et femme, et qui ne se sentent pas bien décrits par la catégorisation binaire entre masculin et féminin[17]. L'affirmation d'une identité de genre fluide est très visible dans le milieu de la mode[18],[19],[20],[21] ;
- genderqueer: « au-delà de la binarité de genre », souvent synonyme de non-binaire[14]. Le terme est plus utilisé à l'international qu'en France[14].
- neutrois : L'expression « neutrois » qualifie une identité de genre qui est neutre[22],[23]. C'est une troisième catégorie à part du féminin et du masculin. Contrairement à l'absence de genre, les personnes se définissant comme "neutrois" expriment un vécu de genre et un sens du genre mais qui n'est ni féminin, ni masculin, ni entre les deux ;
- non-binaire : « Personne qui ne se reconnaît pas dans le genre qui lui a été assigné à la naissance, mais pas entièrement dans le genre opposé. Se situe en dehors des normes du féminin et du masculin »[8] ;
- pangenre : « rencontre des êtres au-delà du genre même »[14] ;
- trans* : les anglophones utilisent « trans* » (avec un astérisque) pour qualifier toutes les identités de genre non-standard : genderfluid, agenre, transgenre, etc.[24],[25],[26] ;
- transgenre ou trans : personne ayant un genre différent du sexe assigné à la naissance[8] ;
- transféminin ou transmasculin : peut être utilisé par des personnes pour décrire un aspect de féminité ou de masculinité dans leur identité[27].
Confusions fréquentes
L'identité de genre non-binaire concerne la façon dont la personne s'identifie. L'androgynie quant à elle, fait référence à une expression de genre (apparence extérieure) ni féminine ni masculine tandis que l'intersexuation concerne les caractéristiques sexuelles (anatomiques, chromosomiques, etc.) d'une personne. Une personne non-binaire n'a pas forcément une apparence androgyne, n'est pas nécessairement intersexe.
L'identité de genre est indépendante de l'orientation sexuelle ou romantique[28] : toutes les personnes, y compris celles qui se considèrent non-binaires, peuvent être hétérosexuelles, homosexuelles, bisexuelles, asexuelles[29] etc.
Taille de la population concernée
Étant donné que la définition de la non-binarité recouvre plusieurs ressentis et que la plupart des études envisagent le genre sous un aspect binaire, l'envergure de la population non-binaire est difficile à mesurer[30].
Dans l'ensemble de la population
Au sein de la population générale, aux Pays-Bas, 4,6% des personnes assignées hommes à la naissance et 3,2% de celles assignées femmes d'un large échantillon se reconnaissent dans une « ambivalent gender identity » (identité de genre ambivalente).[réf. souhaitée] Selon une étude menée en région flamande (Belgique), 1,8 % des personnes assignées hommes à la naissance et 4,1% de celles assignées femmes se retrouvent dans une identité de genre non-binaire[31],[1]. Un sondage français réalisé en 2018 indique que 6 % des personnes interrogées ne se considèrent « ni homme ni femme »[18],[32].
Parmi les personnes LGBT
Le pourcentage de personnes non-binaires varie selon les études entre un tiers[2] et environ la moitié des personnes trans[31]. Estimé à 35 % selon James et al. (2016), ce pourcentage est probablement sous-estimé étant donné que toutes les personnes non-binaires ne se définissent pas également comme trans[2].
Une étude de 2008 de la National Transgender Discrimination Survey a constaté que les personnes non-binaires étaient plus susceptibles d'être racisées (30 % contre 23 %) et jeunes (de moins de 45 ans), que les personnes transgenres binaires (89 % vs 68 %)[33],[34].
Parcours et transition
Le parcours des personnes non-binaires est varié.
Selon les cas, les personnes non-binaires cherchent à s'éloigner de certains marqueurs physiques associés à leur genre assigné, à combiner des caractéristiques à la fois masculines et féminines ou bien recherchent à adopter une apparence transféminine ou transmasculine[1], à l'opposé du genre qui leur a été assigné à la naissance[source insuffisante], que ce soit grâce à des procédures médicales ou non[1].
Transition sociale
En fonction des personnes non-binaires, plusieurs pratiques sont utilisées :
- changement de pronoms[31]
- changement de prénom (usage, à l'état civil)[31]
- modification de l'expression de genre et de son apparence vestimentaire[35]
- modification de la voix par de la logopédie
Transition médicale
La transition médicale peut prendre la forme d'un traitement hormonal de substitution (hormonothérapie) comme d'opérations chirurgicales[31].
Toutes les personnes non-binaires ne souhaitent pas réaliser une transition médicale pour modifier leur apparence physique[35],[1]. Cela concerne ainsi moins de personnes non-binaires que de personnes transgenres binaires[2]. Suivant les personnes non-binaires, les changements physiques recherchés ne sont pas nécessairement les mêmes[35]. Certaines caractéristiques corporelles peuvent être recherchées alors que d'autres qui peuvent déclencher de la dysphorie ne le sont pas[35].
L'hormonothérapie est utile pour que la personne développe des caractères sexuels secondaires du genre qui ne lui a pas été assigné à la naissance, ou bien pour contrebalancer ses propres caractères sexuels secondaires[36]. Selon les besoins, cette hormonothérapie peut donc être similaire à celle proposée aux femmes ou aux hommes trans, tout comme les dosages peuvent être plus faibles, ou bien uniquement mis en place sur une période de temps limitée dans le but de ne développer que certains effets provoqués par les hormones[35]. Cela se traduit notamment par la prise d’hormones féminisantes (œstrogène) pour les personnes assignées homme à la naissance et la prise d'hormone masculinisantes (testostérone) pour les personnes non-binaires assignées femmes à la naissance.
Certaines personnes recherchent une expression de genre plus neutre tandis que d'autres cherchent à s'éloigner davantage des marqueurs physiques associés à leur genre assigné.
Problématiques spécifiques aux personnes non-binaires
Santé mentale
Comme la transidentité, la non-binarité ne relève pas d'un problème psychiatrique[31]. En revanche, la souffrance psychologique que les personnes non-binaires peuvent expérimenter est inclue dans la cinquième édition du DSM sous le nom de dysphorie de genre[31]. Au sein de la classification internationale des maladies, l'incongruence de genre dans laquelle les personnes non-binaires peuvent appartenir ne fait plus partie des maladies mentales depuis 2018 mais relève du chapitre sur les conditions liées à la santé sexuelle[31],[37]. Dans les pays où elles font autorité, ces classifications permettent aux personnes non-binaires de prétendre à certaines prises en charges médicales. Comme pour les autres personnes transgenres, les personnes non-binaires également sont confrontées à des problèmes relatifs à la santé mentale et à la détresse psychologique, comme l'anxiété, la dépression, l'auto-mutilation et le suicide, conséquences du stress de faire partie d'une minorité[31]. 43 % des personnes non-binaires ont ainsi fait une tentative de suicide[31]. Les personnes non-binaires peuvent avoir tendance à cacher leurs problèmes psychologiques de peur de ne pas avoir accès aux soins médicaux appropriés, d'être incomprises, de recevoir des questions inappropriées ou bien que l'on se concentre sur leur identité de genre au détriment du reste. Il n'est pas montré que le fait d'être non-binaire est plus souvent associé à certains problèmes ou conditions psychologiques, bien que les personnes trans, et par conséquent non-binaires, soient surreprésentées parmi les personnes autistes[31].
Peu d'études portent sur la santé mentale des personnes non-binaires et seulement sur celles s'identifiant aussi comme transgenres. En comparaison avec les personnes trans binaires (FtM, MtF), celles non-binaires feraient face à un stress plus important et spécifique à leur identité de genre associé à une plus forte suicidalité[38],[2].
Poirier et al., 2019, estiment les difficultés psychiques des personnes non-binaires « plus ou moins équivalentes à celles rencontrées chez les jeunes transgenres binaires »[14].
Non-binarité dans la langue
Les personnes non-binaires peuvent choisir d'employer des pronoms neutres, ou bien une combinaison de pronoms genrés ou encore décider de n'employer aucun pronom pour se désigner. Les pronoms utilisés également peuvent varier pour correspondre à l'identité de genre de la personne en fonction de la période. Leur emploi dépend à la fois de l'adéquation ressentie par la personne entre son identité et le ou les pronoms utilisés, ainsi que de l'environnement dans lequel la personne non-binaire évolue[2].
Anglais
Certaines personnes non-binaires préfèrent utiliser des pronoms neutres[9], comme le « they » singulier[39],[40],[41],[42],[43],[44], élu « mot de la décennie » (2010-2020) par l’American Dialect Society[45]. Indya Moore, par exemple, se définit comme non-binaire et préfère l'utilisation du pronom they singulier[46]. D'autres pronoms sont également employés en anglais, comme zie/hir/hirs, xe/xem/xyr, et ey/em/eir[2].
En anglais, depuis 2015, le titre de civilité Mx peut remplacer Mr (Monsieur) ou Mrs (Madame)[47],[48] pour éviter d'indiquer le genre de la personne[49]. Un éditeur de l'Oxford English Dictionary explique qu'il s'agit d'un « exemple de la façon dont la langue anglaise s'adapte aux besoins des personnes, leur permettant d'utiliser la langue d'une façon qui leur convient, plutôt que de laisser la langue leur imposer leur identité »[50].
Genre neutre et traces du neutre
En français, le genre grammatical neutre issu du système de genre latin ne subsiste que sous forme de traces[51],[52] (ce, ceci, cela[53], l'adjectif pis[54]). Toutefois, en France, l'Académie française considère qu'en français, le neutre est exprimé par le recours au masculin utilisé en tant que genre non marqué. Cette position est contestée par le Haut Conseil à l'égalité et des linguistes comme Éliane Viennot puisque les formes au « masculin générique », comme le montrent les recherches en psycholinguistique[55],[56],[57], « active[nt] moins de représentations de femmes auprès des personnes interpellées qu'un générique épicène »[52]
De plus des propositions d'un genre grammatical neutre existent (système al d'Alpheratz, celui de Florence Ashley)[58],[59],[60] ainsi que des typographies inclusives (les fontes non binaires Cirrus Cumulus et VG500 de « la collective » franco-belge Bye Bye Binary[61], la police inclusive de Tristan Bartolini[62])[63].
Français neutre et néologie
Florence Ashley distingue deux possibilités de neutralisation : l'approche modulaire où le choix des stratégies de français neutre est libre (facilité d'adoption et d'apprentissage de par sa flexibilité), et l'approche systémique, où le choix de celles-ci est fixé par un ensemble de règles (plus rigoureuse et ainsi plus apte à être adoptée institutionnellement)[59].
Les personnes s'identifiant comme non-binaires peuvent utiliser des néologismes[45].
Pour se désigner, les personnes non-binaires peuvent décider d'utiliser des néopronoms et des néoarticles, des pronoms ou des articles non genrés. Il s'agit d'un choix qui varie selon chaque personne non-binaire[64]. Certains pronoms sont déjà utilisés dans la communauté LGBTQ francophone, tandis que d'autres sont inventés par les personnes elles-mêmes[64]. Ainsi, plusieurs pronoms ont été inventés pour pallier l'absence de pronom neutre en français[64]. Le pronom « iel »[65],[45] (aussi écrit « yel »[49] ou « ielle »[64]) est le plus utilisé selon une enquête de La vie en Queer[66]. Il existe cependant d'autres néopronoms, comme « ille », « ul », « ol », « ael », « æl », ou « ele »[67],[68]. Pour remplacer les pronoms « lui » et « elle » (« avec lui / elle ») « ellui » est employé[69]. Les pronoms totalisants comme « toustes », « touz »[59], et « tou-te-s » sont utilisés à la place de « tous » ou « toutes »[70].
Ces néopronoms sont accompagnés de néoarticles, comme « lae » pour « le / la »[64]. Les adjectifs possessifs comme « mon » ou « ma » sont parfois remplacés par des formes comme « mo », « maon » ou « man » et les pronoms démonstratifs « celui » et « celle » par « cellui », ainsi que « celleux »[71] ou « ceuses » au pluriel[70].
Les accords associés dépendent des personnes : accords féminins, accords masculins ou double flexion abrégée[72] (« iel est content·e »), ou bien encore accords alternés[59]. Il existe d'autres formes pronominales néologiques telles que des marqueurs (suffixes) de neutre tels que « x » ou « æ »[73],[74],[59]. Le pronom neutre « al » est accompagné d'accords neutres « an, aine, aire, al, x, z »[75],[73].
L'Office québécois de la langue française, qui ne conseille pas le recours à ces pratiques, préconise la rédaction épicène[49].
Masculin | Feminin | Formes non-binaires | |
---|---|---|---|
Pronom personnel singulier | il | elle | iel, yel, ielle, ael, æl, aël, ol, olle, ille, ul, ulle, al, i, im[59] |
Pronoms toniques | lui/ eux | elle/ elles | ill[réf. nécessaire] |
Article définis | le | la | lu, li, lia, lae[51],[71],[74] , lo, lea, le.a[71], le-a, la-e, læ, ly, l'[51] |
Articles indéfinis | un | une | um[71],[74], om, on, im, an, un.e[71], uno, unu, yn[51] |
Déterminant possessif | mon/ ton/ son | ma/ ta/ sa | mo/ to/ so[71]
maon/tan/saon[71] ma.on/ ta.on/ sa.on |
Catégorie | Français genré | Approche modulaire
(termes apparemment les plus communs au Québec) |
Système
proposé |
---|---|---|---|
Pronoms personnels | Elle, il, lui, elles, ils,
eux |
Iel, iels, ille, illes, ellui, elleux | Al, lu, als, auz |
Pronoms démonstratifs | Celle, celui, celles,
ceux |
Cellui, celleux, ceuzes | Céal, çauz |
Articles définis | La, le | Lea, lae, læ | Lu |
Articles indéfinis | Une, un | Un·e, an | An |
Articles contractés | Au, du | À lea, de lea, à læ, de læ | À lu |
Déterminant démonstratif | Cette, ce, cet | Cet·te | Çu |
Déterminants possessifs | Ma, ta, sa, mon, ton,
son |
Maon, taon, saon, man, tan,
san |
Mu, tu, su |
Déterminants interrogatifs et
exclamatifs |
Quelle, quel | Quel·le, quæl | Quéal |
Autre/plusieurs | Toute, tout, toutes, tous | Tout·e, tou·te·s, touz | Touxe, touze |
L'emploi des pronoms et accords demandés permet d'assurer aux personnes non-binaires une meilleure santé mentale[76],[77], aussi est-il recommandé de ne pas les mégenrer[78],[72]. Toutefois l'usage de ces néologismes non-binaires est actuellement rare[79] dans les discours dominants et se retrouve dans les sous-cultures trans, non-binaires et queers[59]. L'emploi des néopronoms fait l'objet de critiques et parfois de moqueries[64].
L'emploi des néopronoms n'est pas approuvé par les autorités linguistiques de la langue française[64]. Au Québec, l'Office québécois de la langue française évoque, en matière de rédaction non binaire, le recours à la formulation neutre, c'est-à-dire « l’ensemble des procédés de rédaction qui privilégient les termes ou les tournures qui ne comportent pas de marques de genre relatives à des personnes ». En revanche, il « ne conseille pas le recours aux néologismes comme le pronom de troisième personne ielou le nom frœur en remplacement de frère/sœur que la rédaction non binaire emploie, en complément de la formulation neutre », considérant que ces néologismes « restent propres aux communautés de la diversité de genre »[80].
Suédois
Le pronom neutre « hen »[81],[82],[83] apparu dans les années 1960 dans les milieux féministes, sert à désigner une personne de manière non sexuée en suédois. Ce pronom entre dans en 2015 dans le dictionnaire l'Académie suédoise.
Discrimination envers les personnes de genre non-binaire
Le rejet des personnes non-binaires est appelé « enbyphobie », un néologisme formé à partir des initiales de Non-Binaire, NB, prononcées à l'anglaise[84],[85]. Les personnes non-binaires font face aux difficultés propres à une société organisée de manière genrée et binaire dans la plupart de ses aspects, en passant par la langue, les vêtements ou les toilettes[2]. Elles font également l'objet de microagressions liées à leur identité de genre[2]. La non-binarité d'une personne peut provoquer d'intenses réactions de rejet en milieu scolaire[8] ou familial[86].
Une étude américaine de 2008 de la National Transgender Discrimination Survey a montré que les personnes genderqueer et non-binaires étaient plus susceptibles de subir des agressions physiques (32 % contre 25 %), de faire l'expérience de brutalité policière et de harcèlement (31 % contre 21 %), et de se voir refuser un traitement médical en raison de la discrimination (36 % contre 27 %) par rapport aux personnes transgenres qui s'identifiaient dans la binarité de genre (c'est-à-dire, en tant qu'hommes et femmes). Cette étude a également constaté que ces personnes étaient plus susceptibles d'être racisées (30 % contre 23 %) et jeunes (de moins de 45 ans), que les personnes transgenres binaires (89 % vs 68 %)[87]. Dans une autre étude menée par le National LGBTQ Task Force[88], les sondés qui se sont identifiés comme n'étant ni homme ni femme, étaient moins susceptibles d'être Blancs, et plus susceptibles d'être multiethniques, Noirs ou Asiatiques, mais moins susceptibles d'être d'origine hispanique et latino-américaine par rapport aux personnes qui se sont identifiées comme étant masculines ou féminines. 20 % des individus non-binaires vivaient au niveau le plus bas de la catégorie des revenus ménagers[89].
Karine Espineira explique que ce rejet existe parce que la société est profondément binaire et patriarcale, et que certaines personnes traditionalistes craignent un chamboulement de « l'ordre des genres »[9], que la non-binarité dérange[17]. De même, Éric Fassin explique que, dans une société dont l'évolution inquiète, certaines personnes peuvent vouloir se raccrocher à ce qui ne change pas en cherchant dans la nature et dans l'idée que l’humanité est naturellement divisée en deux groupes, donnant « une impression de stabilité dans un monde de moins en moins stable[90]. » Le philosophe Thierry Hoquet, estime que cette opposition à la non-binarité est essentiellement générationnelle, les plus jeunes « éprouvant une certaine jouissance à dynamiter l’ordre établi », tandis que les plus âgés refusent ce qu'ils considèrent comme une révolution[91].
Florence Ashley note que des enjeux tels que l’accès aux soins de santé, le harcèlement, la discrimination et la violence sont les mêmes pour les personnes non-binaires et pour les personnes trans[92]. Mais Karine Espineira estime que ce rejet est sans commune mesure avec « la transphobie que peut vivre une personne trans quand elle fait sa transition, qui est d’une violence inouïe dans l’espace public [et] familial[9]. »
Discrimination juridique
États-Unis
Malgré le fait d'être plus susceptibles d'avoir un niveau d'éducation plus élevé que la moyenne, 90 % des personnes non binaires sont confrontées à la discrimination, souvent sous forme de harcèlement en milieu professionnel ; 19 % des personnes genderqueer ont rapporté avoir perdu leur emploi en raison de leurs identités[93]. Comme le genre non-binaire est émergent et moins connu, les lois anti-discrimination interdisant spécifiquement la discrimination envers les personnes non-binaires n'existent pas. Cependant, le Titre VII et l'actuelle version proposée de l'Employment Non-Discrimination Act utilise des termes tels que « identité de genre » et « expression de genre » qui sont des catégories dans lesquelles tombent les personnes de genre non-binaire en raison du fait que leur expression de genre ne puisse pas être définie comme masculine ou féminine[93].
Douze États américains disposent d'une législation qui interdit la discrimination basée sur l'identité de genre[94]. Les personnes non-binaires subissent cependant des taux plus élevés d'agression physique et sexuelle, et de harcèlement par la police que celles qui s'identifient comme des hommes ou des femmes, probablement en raison de leur expression ou présentation de genre[95].
Royaume-Uni
La non-binarité n'est pas reconnue comme un genre au Royaume-Uni[96][source insuffisante]. La loi de 2004 sur la reconnaissance du genre a permis d'employer le Gender Recognition Panel afin de faire légalement reconnaître son genre sur les documents administratifs, à condition d'avoir vécu dans son genre depuis au moins deux ans et d'avoir un diagnostic de dysphorie de genre ou d'avoir réalisé des interventions de réassignation de genre[97].
En 2006, quand la loi Identity Cards Act 2006 a été introduite, les documents ont été délivrés aux résidents du Royaume-Uni et ont été liés à leur enregistrement dans la base nationale de l'identité (« National Identity Register »). Lorsque la question des personnes transgenres et de leur genre assigné par rapport à leur genre ressenti est apparue, il a été dit que deux cartes seraient fournies à ces personnes, chacune ayant un marqueur de genre[98].
États-Unis
14 % ont rapporté de la discrimination concernant les soins médicaux, mais que ces personnes ont également été « plus susceptibles d'éviter tous soins quand elles étaient malades ou blessées à cause de leur crainte relative à la discrimination. »[89]
Royaume-Uni
Dans une enquête similaire menée par UK Trans Info, la grande majorité des répondants non-binaires ont rapporté « la crainte d'être refusé » comme le principal obstacle pour ne pas demander des soins médicaux. De nombreux répondants ont rapporté leur angoisse de subir un déni de leur identité, ou « de devoir faire semblant d'être quelqu'un qu'ils ne sont pas » afin de recevoir un traitement. Ainsi, 20 % ont déclaré s'auto-médicaliser en tant qu'alternative à la recherche de soins de santé[99].
Législation
Mention d'un genre neutre à l'état civil
Parmi les pays qui ont accédé à la demande de reconnaissance légale d'un troisième sexe figurent l'Argentine[100], les Pays-Bas (cas particulier d'un requérant intersexe)[101],[102], l'Australie (sans condition médicale)[103], l'Allemagne (avec condition médicale)[103],[104],[105],[106], la Belgique (sans condition médicale)[107], le Canada (sans condition médicale)[108], l'Islande[109], le Népal (sans condition médicale)[110],[111], le Pakistan, l'Inde, l'Indonésie[112], l'Afrique du Sud, Malte, l'Argentine, le Danemark[113], la province de l'Ontario[114], la ville de New York[115], l'Utah[116], la Californie[117],[118] et l'Oregon[112],[119],[120].
Dans certains pays, des personnes intersexes ou non-binaires ont demandé la reconnaissance légale d'un troisième sexe, mais cela ne correspond pas à une revendication des associations trans et intersexes (définies à l'occasion du troisième Forum international intersexe en 2013) : celles-ci demandent plutôt l'enregistrement des enfants intersexes comme filles ou garçons, l'interdiction immédiate des mutilations des enfants intersexes[121], la mise en place de procédures simples de changement d'état-civil, et, à terme, la suppression complète des catégories sexuées sur les documents d’identité[9],[122],[123],[103] .
Les résultats d'une consultation menée en Écosse en 2018 montrent qu'une majorité des voix exprimées sont en faveur de la reconnaissance d'un genre non-binaire[124]. En 2021, un tribunal suisse (canton d'Argovie) reconnaît légalement l'existence d'un genre non-binaire[125],[126]. Un troisième marqueur de genre, X, est possible sur les passeports américains[127].
En France, la Cour de cassation s'y est opposée en 2017[117],[128],[129],[106], mais d'après Libération, un requérant veut solliciter à ce sujet la Cour européenne des droits de l'homme[130]. Les anciens modèles de carte d'identité française (jusqu'en 1980) et de passeports français (le modèle bleu plastifié) ne mentionnaient pas le sexe[131]. La carte d’identité allemande ne mentionne pas de sexe, et les Pays-Bas prévoient d'adopter la même règle « à partir de 2024/2025 »[132],[133]. Le sexe reste cependant écrit sur le passeport communautaire, cette mention ayant été rendue obligatoire en 1977 par le Conseil de l'Europe[132],[134],[135].
En , la Cour supérieure du Québec invalide cinq articles du code civil du Québec — dont trois d'entre eux « violent la dignité et le droit à l’égalité » des personnes non-binaires. —, facilitant ainsi une transition à l'état-civil et celui-ci doit proposer d'autres options que « femme » ou [136]« homme ». De plus une lettre médicale n'est plus nécessaire pour les personnes mineures pour valider un changement à l'état-civil[136].
Suppression de la mention du genre à l'état civil
Certains pays envisagent de supprimer la mention du genre à l'état civil. C'est le cas des Pays-Bas[137].
Autres initiatives
Des écoles américaines incluent une option de genre « non-binaire » dans leurs formulaires d'inscription[138]. Des compagnies américaines proposent à leurs passagers de cocher « non précisé » (unspecified) ou « confidentiel » (undisclosed) au lieu de « Monsieur » ou « Madame » sur les billets d’avion[139],[140].
Symboles non-binaires
Drapeau de la fierté non-binaire
Le drapeau de la fierté non-binaire a été créé par Kye Rowan en [141],[142] après un appel lancé par plusieurs membres de la communauté non-binaire demandant un drapeau de la fierté qui représenterait les personnes non-binaires ne s'identifiant pas au drapeau genderqueer. L'intention était que ce drapeau coexiste avec celui de la fierté genderqueer plutôt qu'il le remplace.
Le drapeau est composé de quatre bandes de couleur (de haut en bas) jaune, blanc, violet et noir[141] :
- le jaune représente les personnes dont le genre existe en dehors du cadre binaire ;
- le blanc représente les personnes qui s'identifient à plusieurs ou à tous les genres ;
- le violet représente les personnes se situant entre le genre masculin et le genre féminin ;
- le noir représente les personnes sans genre ou de genre neutre.
Bibliographie
- (en) Joan Nestle, Clare Howell et Riki Wilchins (dir.), GenderQueer : Voices From Beyond the Sexual Binary, New York, Alyson Books, (ISBN 978-1-55583-730-3)
- (en) C Tolbert et Tim Trace Peterson (dir.), Troubling the Line : Trans and Genderqueer Poetry and Poetics, New York, Nightboat Books, , 538 p. (ISBN 978-1-937658-10-6)
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Voir aussi
Articles connexes
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