Assignation de genre

L'assignation, de genre, de race (racisation) ou de classe, est le processus par lequel est assigné, sur la base d'une caractéristique biologique (organe génitaux, pigmentation de la peau), à une personne une catégorie sociale, ainsi qu'une place, une fonction et un rôle dont il est attendu qu'elle le performe conformément aux attentes sociales.

Pour le genre, le processus d'assignation préexiste à la naissance et se poursuit continuellement (socialisation).

L'assignation peut ne pas être congruente à l'identité de genre de la personne, de sorte que celle-ci peut effectuer une transition de genre.

Dans le cas des personnes intersexuées, l'assignation est effectuée chirurgicalement sur le bébé qui est incapable de donner son consentement.

Définitions

L'assignation est développée et étudiée dans plusieurs champs disciplinaires (chirurgie, psychanalyse, ethnométhodologie, études de genre, philosophie, etc) et selon des perspectives croisées de genre, race et classe[1]. Le terme est d'abord employé à propos des cas d'intersexuation[2].

Ethnométhodologie

Suzanne Kessler et Wendy McKenna, dans Gender. An Ethnomethodological approach, 1978, à la suite de Garfinkel[3] , étudient le fonctionnement de l'attribution d'un genre en soulignant son caractère interactif en observant « d’une part, ce qu’on doit faire pour être perçu comme étant du genre « correct », et d’autre part, quelles règles appliquent les autres pour faire une attribution »[3]. Contrairement à Garfinkel, elles estiment que « la plus grande partie du travail est faite pour celui ou celle qui s’expose par celui ou celle qui le (la) perçoit. »[3]. En effet, si les chercheuses remarquent que:

« L’attribution du genre peut s’appuyer sur quatre types de manifestations : les propos d’ordre général, l’apparence physique publique, le corps privé, les propos concernant le passé personnel. Les deux premiers éléments sont essentiels pour l’attribution initiale, les deux autres n’étant généralement pas dévoilés lors d’une première rencontre. »[3]

elles constatent aussi que:

« La personne qui s’expose crée l’attribution de genre initiale, probablement par son apparence publique et ses propos. Néanmoins, après ce moment, l’attribution de genre est maintenue en vertu de deux choses : 1) Chaque acte de la personne qui se présente est filtré par l’attribution de genre initiale faite par celle qui la perçoit ; 2) Celui (celle) qui perçoit se conforme à l’attitude naturelle (e.g. le genre est invariant) »[3]

S.Kessler et W.McKenna observent une asymétrie androcentrée (catégorisation en « femme » seulement en l'absence de caractéristiques mâles constatées) ainsi que la « naturalité » du genre (c'est-à-dire le présupposé que le genre d'une personne ne changerait jamais)[4][5].

Études de genre

Judith Butler s'appuie en partie sur les travaux de Laplanche, en laissant de côté la part inconsciente des messages[6], et étudie surtout la subversion des assignations, et ce en adaptant la performativité d'Austin en performance de genre[7]. Julia Serano déplace la réassignation d'un individu par sa propre performance de genre (passing) à l'assignation dudit par les regards et énoncés d'autrui (être lu), ce qu'elle appelle le genrement, qui est continu et s'appuie sur des caractères sexuels secondaires[8].

De l'étude du rôle des médias dans la configuration des représentations sociales (par la mise en scène de catégories sexuées, ancrées dans les normes et croyances concernant les genres par l'emploi de stéréotypes), et, dans l'optique d'analyser « les attentes envers le genre, les perturbations, puis les recatégorisations de ces attentes »[9],[10], Béatrice Damian-Gaillard, Sandy Montañola et Aurélie Olivesi définissent ainsi l'assignation:

« l’action d’assigner consiste à attribuer à une personne une place, une fonction, un rôle, et plus particulièrement, attendre qu’elle le performe en se conformant aux attentes sociales construites autour des identités de genre, selon qu’elle est perçue comme étant un homme ou une femme  »

 Béatrice Damian-Gaillard, Sandy Montañola et Aurélie Olivesi, L’assignation de genre dans les médias. Attentes, perturbations, reconfigurations

Psychanalyse

Jean Laplanche développe en psychanalyse le concept d'assignation[2], en considérant que le genre précède le sexe[11], qu'il est « assigné sur la base de l’anatomie sexuelle, ou plutôt, de la perception de l’adulte de cette anatomie »[12], et que l'assignation est « l’ensemble des messages transmis à l’enfant sur son identité de genre, par les adultes et plus largement par le socius »[13],[2]: Pour lui ces messages sont énigmatiques parce que d'une part l'enfant n'est pas capable de les décoder mais aussi [12]« les adultes eux-mêmes ne savent pas exactement ce qu’ils transmettent à l’enfant »[11].

« L’assignation est un ensemble complexe d’actes qui se prolonge dans le langage et dans les comportements significatifs de l’entourage. On pourrait parler d’une assignation continue ou d’une véritable prescription. Prescription dans le sens où l’on parle des messages dits « prescriptifs » : de l’ordre donc du message, voire du bombardement de messages »

 Jean Laplanche, IX. Le genre, le sexe, le sexual [*], dans : Sexual. La sexualité élargie au sens freudien, Laplanche Jean (dir.). PUF, Paris, 2014, p. 153-193.

Valérie Ganem, dans son étude sur la famille en Guadeloupe, remarque des variations dans l'éducation des enfants d'une même famille selon leur couleur de peau et, dans une perspective intersectionnelle, croise l'assignation de genre avec celle de race[14],[2],[15].

Articles connexes

Bibliographie

  • Suzanne Kessler et Wendy McKenna, Gender. An Ethnomethodological approach, 1978, 252 p. (ISBN 978-0226432069)
  • Béatrice Damian-Gaillard, Sandy Montañola et Aurélie Olivesi (dir.) : L’assignation de genre dans les médias. Attentes, perturbations, reconfigurations, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 154 p.
  • Sarah Mazouz., « Faire des différences. Ce que l’ethnographie nous apprend sur l’articulation des modes pluriels d’assignation », Raisons politiques, no 58, , p. 75-89 (DOI 10.3917/rai.058.0075, lire en ligne)

Références

  1. Sarah Mazouz, « Faire des différences. Ce que l’ethnographie nous apprend sur l’articulation des modes pluriels d’assignation », Raisons politiques, vol. 58, no 2, , p. 75 (ISSN 1291-1941 et 1950-6708, DOI 10.3917/rai.058.0075, lire en ligne, consulté le )
  2. Christophe Dejours, « Genre et théorie sexuelle », Annuel de l'APF, vol. Annuel 2015, no 1, , p. 159 (ISSN 1964-5007 et 2426-5489, DOI 10.3917/apf.151.0159, lire en ligne, consulté le )
  3. Danielle Chabaud-Rychter, « 18. Harold Garfinkel : Compétence sociale et attribution du genre: », dans Sous les sciences sociales, le genre, La Découverte, (ISBN 978-2-7071-5450-7, DOI 10.3917/dec.chaba.2010.01.0260., lire en ligne), p. 260–275
  4. En partageant l’attitude naturelle, celui/celle qui attribue et celui/celle qui est attribué·e peuvent présumer tou·te·s les deux (et chacun·e sait que l’autre suppose) que le genre ne change jamais, que les gens sont « réellement » ce qu’ils paraissent être. (Kessler & McKenna, 1978, pp. 159-160)
  5. Fabienne Malbois, « Fragments d’une ethnométhodologie du genre », Nouvelles Questions Féministes, vol. 24, no 1, , p. 118 (ISSN 0248-4951 et 2297-3850, DOI 10.3917/nqf.241.0118, lire en ligne, consulté le )
  6. Dominique Scarfone, « L’assignation de genre et le sexuel infantile », Filigrane : écoutes psychanalytiques, vol. 28, no 1, , p. 33–42 (ISSN 1192-1412 et 1911-4656, DOI 10.7202/1064595ar, lire en ligne, consulté le )
  7. Martine Van Woerkens, « Judith Butler, Défaire le genre », L’Homme. Revue française d’anthropologie, nos 187-188, , p. 476–478 (ISSN 0439-4216, lire en ligne, consulté le )
  8. Serano, Julia., Manifeste d'une femme trans et autres textes (ISBN 978-2-36624-474-8 et 2-36624-474-6, OCLC 1141938946, lire en ligne)
  9. Béatrice Damian-Gaillard VerfasserIn., L'assignation de genre dans les médias Attentes, perturbations, reconfigurations. (ISBN 978-2-7535-6276-9 et 2-7535-6276-8, OCLC 1193027266, lire en ligne)
  10. Sarah Lécossais, « Béatrice Damian-Gaillard, Sandy Montañola et Aurélie Olivesi (dir.) : L’assignation de genre dans les médias. Attentes, perturbations, reconfigurations », Études de communication. langages, information, médiations, no 44, , p. 178–181 (ISSN 1270-6841, DOI 10.4000/edc.6140, lire en ligne, consulté le )
  11. Christophe Dejours, Cahiers du Genre, n° 42/2007. Notes de lecture de Le sexe, le genre et la psychologie, Patricia Mercader (ed), L’Harmattan, Paris, 2005, 153 p.
  12. Teresa de Lauretis, Théoriser, dit-elle, dans Tania Angeloff, Michel Lallement, Jacqueline Laufer, Éléonore Lépinard, Pascale Molinier (dir.). Épistémologies du genre. Regards d’hier, point de vue d’aujourd’hui, 2005, p142.
  13. Andréa Linhares, « Le genre : de la politique à la clinique », Champ psy, vol. 58, no 2, , p. 23 (ISSN 2260-2100 et 2273-1571, DOI 10.3917/cpsy.058.0023, lire en ligne, consulté le )
  14. Damien Trapin, « De l'identité sexuelle à l'identité de genre: une révolution képlerienne ? », Psychologie clinique et projective, vol. 11, no 1, , p. 9 (ISSN 1265-5449 et 2118-4496, DOI 10.3917/pcp.011.0009, lire en ligne, consulté le )
  15. Valérie Ganem, La désobéissance à l’autorité, Presses Universitaires de France, (ISBN 978-2-13-059084-2, lire en ligne)
  • Portail du genre
  • Portail de la transidentité
  • Portail de la psychanalyse
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.