Bataille du cap Matapan

La bataille du cap Matapan qui se déroula le est une bataille navale entre la marine italienne et la Royal Navy au large du Ténare (ou cap Matapan) dans le sud du Péloponnèse. Ce fut une grande bataille navale de la Seconde Guerre mondiale[2]. Elle mit en évidence la supériorité du porte-avions sur le cuirassé et marque de fait une transition entre la bataille navale de la Première Guerre mondiale où le cuirassé était roi et la bataille navale de la Seconde Guerre mondiale où le porte-avions allait bientôt démontrer sa supériorité.

Bataille du cap Matapan

Informations générales
Date
Lieu Près de Ténare, Grèce
Issue Victoire britannique
Belligérants
Royaume-Uni Royaume d'Italie
Commandants
Andrew CunninghamAngelo Iachino
Forces en présence
1 porte avions
3 cuirassés
7 croiseurs légers
17 destroyers
1 cuirassé
6 croiseurs lourds
2 croiseurs légers
17 destroyers
Pertes
4 croiseurs légers légèrement endommagés[1]
1 bombardier torpilleur perdu
1 avion
3 morts
1 cuirassé sévèrement endommagé
3 croiseurs lourds coulés
2 destroyers coulés
> 2 300 morts

Seconde Guerre mondiale

Batailles

Campagne de la Méditerranée

1940

1941

1942

1943

1944

1945

Coordonnées 35° 21′ 00″ nord, 22° 00′ 00″ est
Géolocalisation sur la carte : Grèce

Prélude

La marine italienne constitue pour Benito Mussolini sa seule fierté, son aviation et son armée de terre étant en retrait. Ainsi, il veut démontrer que l'Italie est la puissance dominante en Méditerranée. Il tente de prendre l'Égypte où il échoue, tout comme dans son invasion de la Grèce où il sera contraint d'appeler à l'aide le Troisième Reich. À l'époque, la Regia Marina possédait 4 cuirassés, 9 croiseurs, 120 contre-torpilleurs et torpilleurs, 117 sous-marins[2]. La faiblesse de cette marine résidait dans son manque de porte-avions : le Duce considérait que les bases aériennes italiennes seraient suffisantes pour assister sa marine, malgré une aviation faible.

De leur côté, les Britanniques étaient inférieurs en nombre en Méditerranée et leurs navires étaient plus anciens que ceux des Italiens. Mais l'Amirauté y avait transféré un porte-avions et les cuirassés ainsi que les croiseurs britanniques qui étaient dotés de radar, moyen de détection moderne qui démontra bientôt son utilité. Même si les navires britanniques avaient parfois besoin d'une refonte, leurs équipages bénéficiaient d'une culture maritime forte et étaient rompus aux exercices en haute mer là où les marins italiens manquaient d'expérience[3]. La Mediterranean Fleet britannique se trouvait basée à Alexandrie, jugée plus sûre que Malte.

Situation du théâtre d'opération

Cela fait déjà plusieurs mois qu'a commencé le siège de Malte, considérée comme un porte-avions par l'Amirauté britannique, et l'île est une épine dans le pied de l'Axe qui y voit une base navale et aérienne dangereuse pour ses convois à destination de la Libye. L'Italie multiplie donc les raids aériens contre l'île, qui ne peut être ravitaillée que par voie maritime, voie dangereuse car la mer Méditerranée est une mer fermée où tous les endroits sont susceptibles d'être menacés par l'aviation ou les sous-marins.

Mais le , la marine italienne doit faire face aux débarquements de matériels et d'hommes en Grèce qui viennent aider le peuple hellène dans sa lutte contre l'Italie, à la suite de l'invasion du pays (27-). Après le sacrifice des aviateurs allemands au-dessus de Malte et les raids contre le port d'Alexandrie, l'Italie doit démontrer sa puissance et se résout à tenter d'intercepter un convoi qui fait route d'Alexandrie au Pirée. Le commandement italien espère ainsi empêcher les convois britanniques d'arriver en Grèce étant sous la double menace de l'aviation et de la marine.

La flotte italienne qui appareille comprenait :

La flotte appareille donc le . Celle-ci est divisée en deux groupes, le premier comprend le cuirassé et les croiseurs Trento, Trieste et Bolzano avec 7 destroyers. L'amiral Sansonetti commandait 3 contre-torpilleurs et les 3 croiseurs. L'autre groupe était commandé par l'amiral Cattaneo et comprenait les croiseurs Zara, Fiume, Pola, Abruzzi et Garibaldi soutenus par 6 escorteurs. Le groupe de Iachino devait patrouiller aux alentours de l'île de Gavdos, celui de Cattaneo devant lui patrouiller en mer Égée.

Enigma

Grâce au déchiffrage d'un message radio Enigma de la Marine Italienne par les décodeurs de Bletchley Park (notamment Mavis Lever), l'amiral Andrew Cunningham dirigeant la Mediterranean Fleet est au courant de cet appareillage en force de la marine italienne. Il fait alors appareiller le pour intercepter l'adversaire les navires suivants :

L'amiral Andrew Cunningham

Le 27 mars, à 12 heures, la flotte italienne est repérée par un hydravion britannique Short S.25 Sunderland à 150 km au sud-est de la Sicile[4]. Ainsi, la situation italienne se complique : à la suite de ce repérage, Iachino sait qu'il devra se mesurer à la flotte britannique, dont il ne connait pas encore la position. En effet, le haut-commandement italien lui a demandé de n'attaquer qu'avec une situation extrêmement favorable et avec un soutien de l'aviation qu'il ne peut obtenir que sur demande. Respectant le grand principe de non-dispersion des forces, Iachino demande à Cattaneo de le rallier.

Les Britanniques, face à la menace, ont non seulement fait appareiller leur flotte, mais ont aussi fait faire demi-tour à leurs convois. Cependant les cuirassés britanniques tout comme les croiseurs souffraient de leur ancienneté ; le Barham n'avait pas été modernisé depuis la bataille du Jutland[5] en 1916. Ils étaient pénalisés par une vitesse inférieure, et le porte-avions Formidable embarquait seulement 27 avions dont les vieux Swordfish et Albacore. Même les destroyers qui égalaient les Italiens par leur calibre d'artillerie ne pouvaient rivaliser en termes de vitesse (35 nœuds (65 km/h) contre 39 nœuds (72 km/h)).

La bataille

Le 28 mars

En cette journée du , 3 croiseurs britanniques (HMS Orion, HMS Gloucester, HMS Ajax) et le croiseur australien HMAS Perth ainsi que 4 destroyers dirigés par l'amiral Pridham-Wippell appareillent du Pirée pour prendre en charge la défense du convoi en provenance d'Alexandrie. À ce moment, la flotte italienne est divisée en deux groupes naviguant à 18 kilomètres l'un de l'autre. Un hydravion italien repéra la petite flotte britannique et Iachino accéléra sa vitesse pensant que ces navires devaient signaler la présence d'un convoi. Ainsi, Sansonetti arriva à une vingtaine de kilomètres des Britanniques. Ces derniers, ignorant le nombre de navires, prennent le large malgré les tirs des croiseurs italiens[4]. Mais, ils ne sont pas assez rapides et Pridham-Wippell se dirige à 185 km au sud pour rejoindre Cunningham en espérant piéger les croiseurs adverses. Les Italiens suivaient une route parallèle aux Britanniques. Non loin de la zone de combat se trouvait la flotte de Cattaneo qui néanmoins se replia sur ordre de Iachino.

Cependant, les Italiens ne poursuivent pas les Britanniques et Pridham prend cela pour une fuite de l'adversaire qu'il pense inférieur en nombre. Il se met à poursuivre les croiseurs italiens mais le cuirassé Vittorio Veneto ouvre le feu à environ 20 000 m afin de couvrir les croiseurs italiens. Les Britanniques sont moins rapides dans leurs déplacements que les Italiens, Cunningham se trouvant encore à plus de 150 km de la zone de combat. Avec seulement quatre croiseurs, l'amiral Pridham n'a aucune chance de s'en sortir. Le chef de la Mediterranean Fleet apprenant le drame qui se joue envoie une escadrille composée de deux Fulmar et six Albacore. Deux Junkers Ju 88 sont abattus et les avions britanniques ont le champ libre. Le cuirassé italien se trouve alors la cible des avions mais il réussit à éviter les torpilles des Britanniques qui s'étaient pourtant divisés en deux sections, une à bâbord et l'autre à tribord. Les croiseurs britanniques s'enfuient et les Italiens font demi-tour, comprenant que le porte-avions Formidable risque de faire basculer le sort de la bataille du mauvais côté. L'amiral Iachino met alors le cap au Nord-ouest.

L'aviation en action

Carte de la zone du combat

L'amiral Cunningham est lui en confiance et décide de lancer à l'avant de sa flotte le porte-avions HMS Formidable et deux destroyers. De nouveau, trois Albacore sont chargés de l'attaque sur le cuirassé italien qui évite à nouveau les torpilles. L'aviation italienne est appelée à l'aide et un peu avant 13 h, deux Savoia 79 lancent deux torpilles sur le porte-avions mais sans réussite, ces derniers ne saturant pas la défense britannique. À 14 h, les deux groupes britanniques étaient de nouveau réunis, et Iachino continuait sa retraite, les Italiens craignant une nouvelle attaque aérienne depuis le porte-avions britannique. Le seul avantage qu'ils possèdent alors est leur vitesse générale légèrement supérieure à celle des Britanniques (31 nœuds contre 30[6]). Pour Cunningham, la seule chance de remporter un succès est d'appeler la RAF, qui lance des bombardiers Blenheim basés à terre. Leurs bombes n'obtiennent aucun résultat.

Le porte-avions HMS Formidable

Le Formidable lance à nouveau ses avions torpilleurs Albacore couverts par les Fairey Swordfish, mais toutes les attaques échouent, à l'exception de celle du commandant Stead, dirigeant l'escadrille, qui largue sa torpille à 900 m du cuirassé avant de s'écraser en mer, touché par la DCA. Une telle distance rend la torpille inévitable pour le cuirassé, cette dernière explose au-dessus de l'hélice bâbord. Le cuirassé doit stopper ses machines et prend une légère gîte. Une fois les moteurs relancés, il ne peut avancer qu'à une vitesse de 12 nœuds (soit environ 22 km/h). La situation devient critique pour les Italiens qui risquent de perdre leur navire-amiral. Les 3 cuirassés britanniques sont à peine plus rapides et malgré des machines poussées au maximum, la nuit approche et la mer reste désespérément vide d'ennemis, le cuirassé italien se situant à 85 km en avant de la flotte britannique. Cunningham se sent alors obligé de lancer ses cuirassés rapides qui obtiennent un contact radar à 19 h 25. Les six Albacore et les deux Swordfish du Formidable décollent en direction de l'adversaire. La DCA italienne oppose un tir de barrage qui contraint les avions britanniques à se disperser. Mais les canonniers italiens perdent ensuite de leur efficacité et bientôt le croiseur Pola est obligé de stopper, touché par une torpille britannique qui a fait exploser (et noyer) ses machines.

Le combat de nuit

Face à ce nouveau drame, Iachino détache la 1re division de croiseurs pour aider le Pola en détresse. Les radars britanniques repèrent alors la flotte ennemie, tandis que la flotte italienne ne pouvait voir les Britanniques approcher. Ces derniers allument leur faisceaux lumineux sur les croiseurs italiens pris complètement par surprise et les canonnent à bout portant. Les canons de 381 mm des 3 cuirassés causent d'énormes dégâts. Le croiseur Pola est achevé et les croiseurs Zara et Fiume sont eux aussi coulés avec deux torpilleurs ; les destroyers Vittorio Alfieri et Giosué Carducci sont aussi détruits. Dans la confusion qui s'ensuit, le cuirassé italien profite de la nuit et s'enfuit. Les avions britanniques envoyés à sa recherche ne retrouvèrent pas leur porte-avions, et doivent se poser sur les aérodromes crétois. L'amiral Iachino arrive ainsi à Tarente et apprend par la radio qu'il a perdu cinq navires.

Bilan

Cette bataille est une victoire nette pour les Britanniques qui ont démontré leur supériorité tactique avec notamment l'utilisation de l'aviation navale, qui allait être la future grande composante de la guerre sur mer. Cette aviation a permis aux Britanniques de ralentir les Italiens dans leur retraite et de causer de très importants dégâts à leur flotte. Quant aux cuirassés, ils ont démontré qu'ils étaient encore des navires capitaux dans une bataille, grâce notamment à l'emploi du radar qui montra son efficacité. Ils purent causer de lourdes pertes à une marine italienne dépassée d'un point de vue non seulement stratégique mais aussi technologique.

Côté italien, le cuirassé engagé a été torpillé et sévèrement endommagé. Les marins italiens ont eu à déplorer la mort de 2 300 des leurs. Les Italiens ont également perdu trois croiseurs et deux destroyers ; les Britanniques seulement un bombardier-torpilleur et un avion pour un bilan de 3 morts.

Il est à noter que les pertes italiennes ont été limitées par l'intervention humanitaire des Britanniques, qui avaient appelé un navire-hôpital, le Gradisca, au secours des naufragés, à un moment où Cunningham et sa flotte se trouvaient sous la menace des actions de la Luftwaffe (qui a été étonnamment absente lors de cette bataille et qui n'intervint que trop tardivement et sans réussite).

Notes et références

  1. Rivista Marittima (it)
  2. Koenig 1978, p. 183
  3. Koenig 1978, p. 184
  4. Antier 1983, p. 448
  5. Koenig 1978, p. 186
  6. Antier 1983, p. 450

Bibliographie

  • S.W.C. Pack, La bataille de Matapan, France Empire,
  • William John Koenig, Grands combats navals, Fernand Nathan, , 256 p.
  • Jean-Jacques Antier, La Bataille de Malte : 1940-1943, Presses de la Cité, , 280 p. (ISBN 978-2-258-01193-9)
  • Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0)
  • Guy Le Moing, Les 600 plus grandes batailles navales de l'Histoire, Rennes, Marines Éditions, , 620 p. (ISBN 978-2-35743-077-8)


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