Albanais (peuple)

Le terme Albanais (en albanais Shqiptarët) désigne un groupe ethnique européen qui partage la même origine, langue (albanais) et culture, et qui vit majoritairement en Albanie et au Kosovo, mais aussi à l'ouest de la Macédoine du Nord, au sud de la Serbie et du Monténégro, ainsi qu'au nord-ouest de la Grèce. Le terme est aussi utilisé pour désigner les citoyens de la république d'Albanie sans distinctions de langues, de cultures ou de religions[3].

Pour les articles homonymes, voir Albanais (homonymie).
Albanais
Shqiptarët
Groupe de chanteur traditionnels de Skrapar

Populations significatives par région
Albanie 2 509 879 (2016)[1]
Kosovo 1 749 323 (2016)[2]
Turquie 500 000 à 5 000 000
Macédoine du Nord 509 803
Grèce 280 000 à 600 000
Monténégro 30 439
Croatie 17 513
Roumanie 10 000
Italie 800 000 (en comptant les Arberèches)
Allemagne 300 000
Suisse 200 000
États-Unis 193 813
Suède 54 000
Argentine 40 000
Royaume-Uni 30 000
Canada 28 270
Autriche 28 212
France 44 000
Population totale entre 7 millions et 11.6 millions
Autres
Régions d’origine Illyrie/Balkans
Langues Albanais (dialectes tosque et guègue).
Religions majoritairement musulmane (sunnite et bektachi), minorités orthodoxe et catholique.
Carte de répartition

La diaspora albanaise s'est constituée au Moyen Âge, sous la pression de facteurs économiques, d’événements socio-politiques et de la persécution des Albanais à travers les Balkans. Ses plus grandes communautés sont situées en Allemagne, en Argentine, en Australie, au Canada, aux États-Unis, en Italie, en Roumanie, en Suisse en Ukraine et en Turquie.

Génétique

Les Albanais ont deux haplogroupes dominants, l'haplogroupe E E1b1b1 (E-V13)[4] qui est un sous groupe du M78 du Proche-Orient, que lui-même appartient à la culture atérienne et ibéromaurusienne avec un pourcentage d’environ 30-40 % en Albanie, au Kosovo un pourcentage de 46 %, l’autre dominant est l'haplogroupe J (Y-ADN) (J2b, J2) environ 20-25 % en Albanie et aussi au Kosovo[5], suivit de haplogroupe R1a, haplogroupe I et haplogroupe R1b.

Langue illyrienne et langue albanaise

On a longtemps considéré l'albanais comme une langue indo-européenne isolée, du fait que la langue antique dont il descend nous était inconnue et que tant sa phonologie que sa grammaire sont à un stade d'évolution atypique de l'indo-européen. L'albanais a pourtant de nombreuses caractéristiques communes avec les langues géographiquement voisines, avec lesquelles il forme l'union linguistique balkanique. Comme en grec, certains termes sont pré-indoeuropéens comme kok tête »), sukë colline »), derr cochon »), que le paléolinguiste et bascologue Michel Morvan rapproche du pré-occitan kuk, suk hauteur ») ou du basque zerri porc »).

L'albanais appartient à l'ensemble thraco-illyrien des langues indo-européennes. Cet ensemble est géographique plutôt que linguistique, mais l'albanais, langue « satem », comprend des éléments issus des deux branches, illyrienne satem ») et thrace centum »), langues mortes très peu documentées qui ne permettent pas que l'on détermine avec précision sa position dans l'ensemble.

Mais comme l'illyrien appartient au même groupe de langues indo-européennes que l'albanais (classé comme formant un groupe de langues indo-européennes à lui seul parmi les langues indo-européennes d'aujourd'hui) les philologues protochronistes en déduisent que l'albanais descend « directement et exclusivement » de l'illyrien[6]. Le rapprochement entre l'albanais et l'illyrien a été fait dès 1709 par Gottfried Wilhelm Leibniz, qui appelle l'albanais « la langue des anciens Illyriens ». Plus tard, le linguiste Gustav Meyer (1850-1900) déclara : « Appeler les Albanais les nouveaux Illyriens est aussi juste que d'appeler les Grecs actuels "Grecs modernes". » La langue albanaise constituait pour lui l'étape la plus récente de l'un des dialectes illyriens. Les indo-européanistes modernes, par contre, ne souscrivent guère à l'hypothèse d'une filiation immédiate[7]. Beaucoup de linguistes actuels soutiennent que l'albanais descend de l'illyrien[8],[9] et la parenté directe entre les deux langues est également admise dans divers ouvrages historiques[10]. On avance même parfois l'hypothèse que la frontière linguistique entre les dialectes guègue et tosque trouverait son origine dans la limite entre les domaines des dialectes épirote et « illyrien proprement dit » de l'illyrien[11]. À l'appui de ces théories, on mentionne que quelques anthroponymes albanais actuels sembleraient également avoir leur correspondant illyrien : c'est ainsi qu'à l'albanais Dash (« bélier ») correspondrait l'illyrien Dassius, Dassus, de même l'albanais Bardhi (« blanc ») correspondrait à Bardus, Bardullis, Bardyllis[12],[13]. Quelques ethnonymes de tribus illyriennes sembleraient aussi avoir leur correspondant albanais : c'est ainsi que le nom des Dalmates correspondrait à l'albanais Delmë (« brebis ») ; de même le nom des Dardaniens correspondrait à l'albanais Dardhë (« poire, poirier »)[14]. Mais l'argument principal en faveur de cette thèse, officielle durant la période communiste, est géographique : les zones où est parlé l'albanais correspondent à une extrémité orientale du domaine « illyrien »[15].

Conformément aux positions protochronistes, en 2012 une étude du New York Times classa l'Albanais comme l'une des plus anciennes langues d'Europe apparu au même moment que le grec et l'arménien[16] et conclut que les langues albanaise et illyrienne sont issues « directement » l'une de l'autre. L'appartenance de l'albanais et de l'illyrien au groupe linguistique « satem » semble renforcer cette hypothèse[12].

Elle n'est pourtant pas unanimement admise ou, plus exactement, si la parenté albano-illyrienne n'est contestée par personne, en revanche l'évolution « en ligne directe » est contestée. Pour déterminer les liens exacts que l'albanais entretient avec les autres langues indo-européennes, il a fallu reconstruire l'histoire de son phonétisme, afin d'isoler son fond lexical ancien des emprunts aux langues voisines. Sur cette base, on a pu clairement démontrer, dans une perspective paléolinguistique ou phylogénétique, que l'existence d'un lexique commun à l'aroumain, au roumain (langues romanes orientales) et à l'albanais, ainsi que la toponymie côtière de l'Albanie[17], montrent une origine partiellement thrace (peut-être carpienne) des ancêtres des Albanais, qui auraient initialement évolué plus à l'est qu'aujourd'hui, dans les actuelles Macédoine du Nord et Serbie méridionale, au contact des aires linguistiques illyrienne et thrace (voir notamment les travaux de Walter Porzig, Eqrem Çabej, Eric Hamp, Petro Zheji et d'autres)[18]. L'existence en albanais de mots empruntés au roman oriental balkanique et en roumain de mots de substrat apparentés à des mots albanais, semble renforcer cette seconde hypothèse, que les protochronistes contestent.

Personnalités

Répartition

Environ 55 % des Albanophones actuels vivent en Albanie, 25 % au Kosovo, 10 % en Macédoine du Nord et 10 % dans la diaspora, souvent ancienne, répartie sur de nombreux autres pays, notamment dans les pays voisins de l'Albanie : l'Italie, la Turquie et la Grèce ; mais si l'on compte comme « Albanais » tous les Italiens (« Arberèches »), les Grecs (« Arvanites ») et les Turcs d'origine albanaise passés respectivement à l'italien, au grec et au turc, les proportions changent et il y a dans ce cas plus d'Albanais dans la diaspora qu'en Albanie, Kosovo et Macédoine.

En Turquie, estimer le nombre d'Albanais est une question délicate : le chiffre de 7 500 000 descendants d'Albanais en Turquie est souvent avancé. Cette population est de nos jours totalement assimilée aux autres Turcs, et ces Albanais sont Musulmans, et parlent le Turc. Seuls une faible minorité parle l'Albanais. On reconnait souvent un descendant d'Albanais à son nom, ou patronyme, ou à ses traits, plutôt Européens Balkaniques. La Turquie, pour des raisons historiques, reste le premier pays de la diaspora Albanaise. Ils sont localisés surtout à Istanbul, en Thrace orientale, et sur la côte nord et ouest de la Turquie. Ils sont moins présents en Cappadoce, et dans l'intérieur des terres.

Représentation à l'époque romantique

Au début du XIXe siècle, les Albanais étaient censés être la section la plus féroce des forces ottomanes, et il existe de nombreuses descriptions de voyageurs sur leur apparence alarmante. Les guerriers albanais étaient un sujet de prédilection pour les artistes romantiques, et Byron a choisi d'être représenté en costume albanais dans son célèbre portrait de Thomas Phillips. Le peintre français Alexandre-Gabriel Decamps a voyagé en Grèce, en Albanie et en Turquie en 1827-1828. Ses toiles et aquarelles exposées au Salon de Paris à partir de 1831, furent très appréciées et il devint à l'époque presque aussi célèbre que le peintre romantique plus connu, Eugène Delacroix[19].


Notes

  1. (en) « Europe :: Albania — The World Factbook - Central Intelligence Agency », sur www.cia.gov (consulté le )
  2. (en) « Europe :: Kosovo — The World Factbook - Central Intelligence Agency », sur www.cia.gov (consulté le )
  3. Gëzim Krasniqi, « Citizenship in an emigrant nation-state: the case of Albania », Université d'Édimbourg (consulté le ), p. 9–14
  4. Maciamo, « Eupedia », sur Eupedia (consulté le )
  5. Maciamo, « Eupedia », sur Eupedia (consulté le )
  6. http://www.cosmovisions.com/histIllyrie.htm
  7. Voir Eric Hamp,  ; Bernard Sergent, Les Indo-Européens, Paris, Payot, , p. 95. Bernard Sergent cite Vladimir Georgiev, Heinz Kronasser, Eric Hamp, Frederik Kortlandt et Mircea Rădulescu. Voir aussi Iaroslav Lebedynsky, , p. 24-25.
  8. Bernard Sergent, , p. 94.
  9. http://www.info-grece.com/forums/l-albanie-notre-plus-vieux-voisin 0931.
  10. Par exemple, Serge Métais écrit : « [...] il ne fait guère de doute qu'il y a continuité entre la langue [que les tribus illyriennes] parlaient et l'albanais moderne. » (Serge Métais, Histoire des Albanais : des Illyriens à l'indépendance du Kosovo, Fayard, , p. 98).
  11. Serge Métais, , p. 97-97.
  12. John Wilkes (1992). The Peoples of Europe: The Illyrians. Oxford: Blackwell Publishers, p. 73-85.
  13. http://antikforever.com/Grece/Divers/illyrie_epidamne.htm
  14. Serge Métais, p. 100-101.
  15. Iaroslav Lebedynsky, p. 24.
  16. (en) « Tracing the Origins of Indo-European Languages », sur nytimes.com, (consulté le )
  17. La toponymie côtière de l'Albanie est d'origine grecque et latine, avec une influence slave.
  18. Eqrem Çabej, Eric Hamp, Georgiev, Kortlandt, Walter Porzig, Sergent, Zheji et d'autres linguistes considèrent que le proto-albanais s'est formé sur un fond thraco-illyrien vers le VIe siècle, à l'intérieur des terres, subissant un début de romanisation encore sensible dans la langue moderne, tandis que les emprunts les plus anciens de l'albanais aux langues romanes proviennent du diasystème roman oriental et non de l'illyro-roman qui était la langue romane anciennement parlée en Illyrie après la disparition de l'illyrien (pendant l'occupation romaine, l'illyro-roman a remplacé l'illyrien à la manière du gallo-roman remplaçant le celtique en Gaule). Comme les lieux albanais ayant conservé leur appellation antique, ont évolué selon des lois phonétiques propres aux langues slaves et que l'albanais a emprunté tout son vocabulaire maritime au latin et au grec, ces auteurs pensent que les ancêtres des Albanais ont vécu à l'est de l'actuelle Albanie et que régions côtières de ce pays (thème du Dyrrhacheion) étaient initialement gréco-latines.
  19. (en) « Duel albanais », sur Victoria and Albert Museum (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • Albert Doja, Naître et grandir chez les Albanais : la construction culturelle de la personne, Paris, Montréal, L'Harmattan, , 322 p. (ISBN 2-7384-8879-X)
  • (en) Edwin E. Jacques, The Albanians : an ethnic history from prehistoric times to the present, Jefferson, N.C., McFarland, , 730 p. (ISBN 978-0-7864-4238-6)
  • Michel Roux, Les Albanais en Yougoslavie : minorité nationale, territoire et développement, Paris, Maison des sciences de l'homme, , 546 p.
  • Pierre Sintès, « Les Albanais en Grèce. Le rôle des réseaux préexistants », Balkanologie, vol. VII, no 1, , p. 111-133 (lire en ligne)
  • Mathieu Aref, Albanie (Histoire et Langue) ou l'incroyable odyssée d'un peuple préhellénique, Paris, coll. « Mnémosyne », , 316 p.

Liens internes

Liens externes

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