Terra Nova (think tank)

Terra Nova est une association française, fondée en par Olivier Ferrand qui se définit comme un laboratoire d'idées. Proche du centre gauche, elle se veut progressiste et indépendante. Elle entend produire des réflexions et diffuser des propositions politiques en France et en Europe.

Pour les articles homonymes, voir Terra Nova.

Organisation

Terra Nova fédère un réseau de plusieurs centaines de spécialistes dans divers domaines, issus de la haute fonction publique, du monde académique, du monde de l'entreprise et du milieu associatif[1].

L'association est constituée en plusieurs pôles thématiques, organisant des groupes de travail réguliers sur une grande variété d’enjeux économiques, sociaux, politiques et sociétaux. Elle publie sur son site Internet trois types de travaux, synthèses de ses réflexions formulant des propositions précises : des notes courtes, des études plus développées et des rapports, publiés comme travaux collectifs ou individuels[2].

Événements, tables-rondes et débats publics sont régulièrement organisés entre autres par des cycles de conférences à la Bellevilloise, à la mairie du 3e arrondissement de Paris ou encore dans les locaux de Sciences Po. Terra Nova est aussi partenaire d'évènements comme le Forum Libération de Grenoble ou les Journées de Strasbourg avec Le Nouvel Observateur. L’association prend également l’initiative de rencontres à caractère plus politique : par exemple, le , elle organise à la salle Wagram à Paris avec la fondation Jean-Jaurès un colloque intitulé « La démocratie face au terrorisme » que conclut François Hollande, alors Président de la République.

Terra Nova dispose aussi d’antennes locales et d’un réseau d'antennes étudiantes.

Les intervenants sont répartis en plusieurs pôles d'expertise couvrant une grande partie du champ des politiques publiques : « économie et finances », « affaires sociales », « économie verte », « éducation », « enseignement supérieur et recherche », « logement et politique de la ville », « sécurité », « immigration, intégration, non discrimination », « justice », « sport », « Europe », « affaires internationales ». Des groupes de travail sont régulièrement lancés sur des problématiques précises, qui peuvent dépendre ou non des pôles.

Objectifs

Les objectifs prioritaires de cette fondation sont :

  • refonder la social-démocratie, et une « matrice idéologique » de gauche progressiste pour promouvoir ses idéaux traditionnels ;
  • étudier dans le détail des problèmes concrets, en diffusant ses travaux auprès des chefs politiques, élus nationaux et responsables locaux, ainsi qu'à tous ceux mettant en œuvre des politiques publiques ;
  • se coordonner aux échelons européen et international avec d'autres groupes de réflexion progressistes pour promouvoir les réussites ou bonnes pratiques de ses partenaires européens ;
  • contribuer à l'animation du débat démocratique, à la vie des idées en lançant ou relançant des idées comme celle de faire payer un loyer fictif aux contribuables propriétaires de leurs résidences principales[3].

Diffusion des idées

La diffusion des idées de Terra Nova passe par un contact direct avec les responsables politiques et une présence active dans les médias. Elle passe également par une diffusion citoyenne large, ainsi que la gratuité de ses publications et de ses événements.

Direction

Au sein du conseil d’administration de Terra Novas se réunissent des personnalités issues du monde des idées, de l’entreprise, du monde associatif et de l’administration. La direction du think tank est assurée par Thierry Pech.

Présidents

Directeurs généraux

Financement

Terra Nova est financée à plus de 50% par des subventions publiques, le reste se répartissant en mécénat d'entreprise et cotisations des adhérents[7]. Parmi ces mécènes ayant effectué un don[8], on trouve :

Personnalités

Parmi les personnalités connues participant ou ayant participé à Terra Nova entre 2008 et 2010 figurent notamment[9] :

Propositions de Terra Nova

Stratégie électorale

En 2012, Terra Nova propose un recentrage de la stratégie électorale de la gauche française vers les jeunes, les femmes et les populations immigrées[11],[12]. Cette proposition a déclenché un certain nombre d'analyses critiques. Hervé Algalarrondo, rédacteur au Nouvel Observateur fait ainsi remarquer dans son essai La Gauche et la préférence immigrée (Plon, 2011) : « la régularisation de tous les sans-papiers n’est pas seulement un mot d’ordre antirépublicain, dans la mesure où elle fait fi des prérogatives de l’État. C’est aussi, et plus encore, un mot d’ordre anti-ouvriers, dans la mesure où c’est, par nature, la catégorie sociale la plus touchée par l’arrivée de nouveaux migrants[13]. » La démographe Michèle Tribalat conteste également que cette stratégie de réorientation du Parti socialiste vers les populations immigrées soit réaliste, ces populations se montrant dans la réalité, selon elle, conservatrices et difficilement prêtes « à accepter les réformes sociétales défendues par la gauche »[14]. Thierry Pech a publiquement pris ses distances avec l'analyse défendue dans cette note[15].

Pour Jérôme Fourquet, spécialiste des sondages de l'Ifop, la stratégie électorale prônée par Terra Nova explique l'échec électoral de Claude Bartolone en 2015 et d'Alain Juppé en 2016[16]. Le premier présentant son adversaire Valérie Pécresse comme celle qui défend « la race blanche », lui-même se faisant le défenseur des « minorités » a contribué à placer « au cœur de la campagne ce type de représentations, en faisant de la question de l'identité le clivage majeur » ce qui aura pour conséquence de provoquer le basculement des votes des électeurs du Front national vers la droite[16]. Le second dans sa volonté « d'extrémiser » son adversaire François Fillon en l'attaquant sur l'IVG et sa conception « traditionnaliste » a eu pour principal effet « d'accroître la détermination et la mobilisation de l'électorat de droite et des sympathisants frontistes » contre lui. Alain Juppé a, tout comme Claude Bartolone, voulu s'adresser à la « France de demain », définie par Terra Nova comme étant une France « plus jeune, plus féminine, plus diverse, plus diplômée mais aussi plus urbaine et moins catholique[16]. » En procédant ainsi, « il amplifia la mobilisation d'une autre France en faveur de son rival[16]. »

Droit social

En 2015, Gilbert Cette et Jacques Barthélémy publient un rapport sur l'assouplissement du droit du travail. Ils proposent qu'une « négociation collective puisse modifier plus facilement certains éléments du contrat de travail, tels que la durée du travail et, par conséquent, la rémunération mensuelle des salariés. » Le rapport suggère de « changer les règles du jeu » : ainsi, les partenaires sociaux auraient la possibilité d’exclure l’octroi d’indemnités aux salariés susceptibles d’être congédiés parce qu’ils ne veulent pas se conformer à un AME[17],[18].

Jours fériés

En 2017, Terra Nova propose d'ajouter deux jours fériés supplémentaires au calendrier : une fête musulmane et une fête juive. Pour Benoît Rayski, qui rappelle que les juifs ne réclament rien, cette seconde fête est seulement présente pour dissimuler le « tropisme islamique » du laboratoire d'idées[19].

Hausse des droits de succession

Le , Terra Nova publie une note proposant d'augmenter la fiscalité des droits de succession de 25% . Une hausse justifiée par une situation "socialement injuste et économiquement sclérosante"[20]. Terra Nova estime que l'héritage prend une part trop importante du PIB du pays (plus de 10% en 2015) et qu'il est majoritairement tourné vers les retraités (on est passé d'un âge moyen des héritiers en ligne directe de 40 ans en 1960 à 50 ans aujourd'hui). Hériter après 60 ans, réduirait les possibilités d'investissement et contribuerait à accentuer les inégalités entre les moins de 40 ans et les retraités, moins investisseurs et moins consommateurs que les plus jeunes.

Terra Nova suggère la mise en place d'un abattement décroissant en fonction de la fortune héritée et un barème progressif de taxation de la transmission patrimoniale qui privilégierait de payer moins d'impôts en dessous d'un héritage de 150.000 euros et davantage au-dessus de ce barème. Selon Terra Nova, ces mesures pourraient tendre vers davantage d'égalité car elles rapporteraient autour de 3 milliards d'euros par an à l'Etat. Une somme qui pourrait servir à mieux accompagner les personnes âgées dépendantes ou à aider un jeune atteignant la majorité en lui versant automatiquement une "allocation de patrimoine"[21].

La proposition de Terra Nova intervient dans un contexte où Emmanuel Macron, le président de la République, est très fermé à l'idée de bousculer la loi concernant l'héritage, soucieux de ne pas froisser l'électorat des retraités, déjà hostile envers son action[22].

Référendum d'initiative citoyenne délibératif

En 2019 un rapport[23] de Terra Nova propose l'instauration en France d'un "référendum d'initiative citoyenne délibératif". Cette proposition fait explicitement suite au mouvement des Gilets jaunes et à la demande de référendum d'initiative citoyenne[24].

Les points principaux de cette proposition sont d'une part la possibilité de déclenchement d'un processus référendaire à partir d'un certain nombre de signatures (initiative populaire), et d'autre part l'instauration concomitante d'une assemblée citoyenne constituée de personnes tirées au sort et chargée d'éclairer le choix des électeurs. La deuxième partie de la proposition s'appuie sur les expériences similaires de jury citoyens qui encadrent les initiatives citoyennes (Citizens' Initiative Review (en)) aux Etats-Unis[25].

Influence et controverses

Les positionnements de Terra Nova ont suscité le débat au sein de la gauche française, qu'il s'agisse de la réforme des retraites[26], de la crise européenne, ou des stratégies électorales en vue de la présidentielle de 2012[27].

Terra Nova a été critiquée pour sa stratégie de financement dont une part importante provient de grandes entreprises[28].

De même, les analyses de Terra Nova à l'encontre de Nicolas Sarkozy ont aussi suscité des critiques, qu'elles traitent de redistributions fiscales profitant majoritairement selon elles aux entreprises et aux ménages aisés[29] ou de la politique de sécurité[30].

Terra Nova a été critiquée pour une supposée influence du « lobby bancaire »[6]. L'économiste Gaël Giraud motive son désengagement de Terra Nova ainsi : « J’ai cessé ensuite de venir aux réunions, qui n’aboutissaient à rien, des financiers étant tout le temps là pour empêcher la réflexion[31]. » Pour Laurent Léger, journaliste à Charlie Hebdo, en 2013, le poids des financiers est devenu considérable au sein de Terra Nova : BNP Paribas y siège, ainsi qu'Ernst et Young, un des principaux cabinets d'audit financier au monde. Mais le journaliste pointe tout particulièrement la banque Rothschild, également présente par le biais de l’un de ses associés au sein du conseil d'administration, Guillaume Hannezo, lequel « est omniprésent depuis juin 2012 et se montre particulièrement interventionniste, sans commune mesure avec les autres administrateurs[32]. »

Prix et récompenses

Terra Nova a reçu le prix Think Tank français de l'année 2011 le par l'assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, l'observatoire français des think-tanks et le groupe de communication et de lobbying i&e.

Notes et références

  1. "Des idées pour changer. Le nouvel endroit où la gauche pense", Libération, mardi 13 mai 2008, p. 2-4.
  2. « Publications de Terra Nova », sur tnova.fr (consulté le ).
  3. « L'OFCE suggère de surtaxer les propriétaires qui n'ont ni crédit ni loyer à payer », bfmtv.com, 25 octobre 2016.
  4. « Communiqué de presse à l'occasion du conseil d'administration de Terra Nova du 12 janvier 2013. »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?)
  5. Lionel Zinsou nommé nouveau président de Terra Nova, lemonde.fr, 28 juin 2017
  6. « Crise ouverte à Terra Nova », Mélissa Bounoua, nouvelobs.com, 1er novembre 2013.
  7. « Nos mécènes », sur tnova.fr (consulté le ).
  8. Site de Terra Nova : les partenaires.
  9. « Terra Nova, une fondation pour refonder », liberation.fr, 15 mai 2008.
  10. « Christophe Bejach, l’un des fondateurs de Terra Nova, condamné pour pédopornographie à Londres », sur 20minutes.fr, .
  11. « Gauche : d'une stratégie de classe à une stratégie de valeurs », Le Monde, 10 juin 2011.
  12. Alexander Zevin, « Terra Nova, la “boîte à idées” qui se prend pour un think tank », Le Monde diplomatique, février 2010.
  13. Voir l'article de Guillaume Desanges, Valeurs actuelles, 13 octobre 2011.
  14. « Théorie du genre et loi sur l'égalité des sexes : la stratégie Terra Nova de la gauche est-elle en train de se retourner contre elle ? », entretien, atlantico.fr, 30 janvier 2014.
  15. Marianne, no 866, du 11 avril au 17 avril 2014.
  16. « De Claude Bartolone à Alain Juppé : l'échec électoral de la stratégie “Terra Nova” », lefigaro.fr, 3 février 2017.
  17. « Terra Nova propose une “révolution du droit du travail” », lemonde.fr, 2 septembre 2015.
  18. « Droit social : Terra Nova propose que la dérogation devienne la règle », France Info, 2 septembre 2015.
  19. « Jours fériés pour tous : du lard ou du cochon ? », Benoît Rayski, causeur.fr, 27 février 2017.
  20. « Terra Nova propose d’augmenter la fiscalité des successions de 25 % », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  21. « Terra Nova préconise une hausse des droits de succession », sur FIGARO, (consulté le )
  22. « Pourquoi Macron ne veut pas d’une réforme des droits de succession », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  23. Loïc Blondiaux, Marie-Anne Cohendet, Marine Fleury, Bastien François, Jérôme Lang, Jean-François Laslier, Thierry Pech, Quentin Sauzay et Frédéric Sawicki, Le référendum d’initiative citoyenne délibératif, Terra Nova, (lire en ligne)
  24. Simon Blin, « Le RIC sera-t-il «délibératif» ? », sur liberation.fr, (consulté le ).
  25. Caroline Piquet, « Qu’est-ce que le «RIC délibératif» proposé par Terra Nova ? », sur leparisien.fr, (consulté le ).
  26. « Olivier Sterdyniak tacle les propositions de Terra Nova sur les retraites »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), Henri Sterdyniak, 24 mai 2010.
  27. « Gauche marketing ou gauche sociale ? »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), Pierre Khalfa et Willy Pelletier, lemonde.fr, 21 juin 2011.
  28. « Think tanks : un financement qui pose question »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), sur La Voix du Nord, (consulté le ).
  29. « Bilan fiscal du quinquennat : nouvelle querelle gauche-droite »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) Les Échos, 7 mars 2012.
  30. « Sécurité : les propositions de Terra Nova raillées par Guéant » Le Parisien, 2 novembre 2011.
  31. « Les paradis fiscaux dans l’enfer de Terra Nova », Laurent Léger, article paru dans Charlie Hebdo n° 1123 du 24 décembre 2013.
  32. Anne-Sophie Jacques, « Le banquier de Terra Nova contre les “lanceurs d'alerte autoproclamés” », sur @rrêt sur images, (consulté le ).

Liens externes

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