André Siegfried

André Siegfried, né au Havre le et mort à Paris le , est un sociologue, historien et géographe français, pionnier de la sociologie électorale.

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Biographie

André Siegfried fut élève au lycée Condorcet. D’abord tenté par la politique, à l’instar de son père Jules Siegfried qui fut maire du Havre, député de la Seine-Inférieure et ministre du Commerce, il y renonça après plusieurs échecs, dont quatre aux élections législatives (1902, 1903, 1906 et 1910)[1].

Libre-penseur et protestant au moment où la loi Combes interdit tout enseignement aux membres d’une congrégation (1904) et où la loi de la séparation des Églises et de l'État (1905) est votée, il rédige un essai sur la société canadienne dans laquelle il dénonce les écoles confessionnelles ainsi que l’influence religieuse ambiante. D’abord critiqué par le théologien Dominique-Ceslas Gonthier, son ouvrage est encore aujourd'hui perçu de manières diverses, certains le jugeant trop critique tandis que d'autres en font un reflet fidèle du passé religieux du Canada.

Engagé en politique aux côtés des radicaux indépendants et des républicains de gauche, André Siegfried se présente en 1902 dans les Basses-Alpes, dans la circonscription de Castellane, dont le député sortant est le progressiste antidreyfusard Boni de Castellane. Battu par ce dernier, il l'accuse de diffamation et obtient l'annulation de l'élection le suivant[2]. Cependant, à l'élection partielle du , Siegfried est à nouveau battu, avec plus de 500 voix d'écart.

Lors des élections législatives de 1906, il se présente dans la 2e circonscription du Havre contre le député sortant progressiste Louis Brindeau, qui le bat dès le premier tour avec 9 194 voix contre 7 696[3].

En , il brigue un poste de conseiller général dans le 4e canton du Havre. Arrivé en seconde position au premier tour derrière le maire radical-socialiste de Graville-Sainte-Honorine, le docteur Valentino[4], il est battu au second tour.

Le , il tente une dernière fois sa chance dans la 2e circonscription du Havre. Arrivé en deuxième position (avec 5 715 voix), devant Valentino (4 255 voix) mais loin derrière Brindeau (8 758 voix)[5], il est battu au second tour, avec 7 687 voix (contre 10 210 à Brindeau)[6].

Il est à la fois géographe, sociologue, historien, économiste et écrivain. Il enseigne à partir de 1911 à l'École libre des sciences politiques.

Il est interprète pendant la Première Guerre mondiale.

Très attaché à sa ville natale[7], il sera le premier président d'honneur de l'Institut havrais de sociologie économique et de psychologie des peuples (fondé en 1937).

Plaque au 8, rue de Courty.

En 1932, il est élu à l’Académie des sciences morales et politiques. En 1933, il obtient la chaire de géographie économique et politique au Collège de France. À partir de 1934 et jusqu’à sa mort, il collaborera de façon régulière au Figaro, devenant administrateur de la société fermière du quotidien en 1950.

Grand officier de la Légion d'honneur, André Siegfried est élu à l’Académie française deux mois après la Libération de Paris, le , en même temps que Louis de Broglie et Louis Pasteur Vallery-Radot, avec 13 voix au fauteuil de Gabriel Hanotaux. Il s'agit de la première élection depuis l'invasion allemande. L'Académie, dont une douzaine de membres décédés n'ont pas été remplacés depuis quatre ans, et dont plusieurs autres membres vivent en exil ou sont emprisonnés, ne peut réunir ce jour-là que dix-sept votants, soit moins que le quorum exigé. Ces trois élections sont malgré tout considérées comme valables et les trois nouveaux académiciens pourront même prendre part aux élections suivantes avant d'avoir été reçus en séance solennelle. André Siegfried est reçu le par le duc de La Force.

Il a écrit régulièrement dans la revue du diplomate Montguerre, l'Échauguette.

Par ailleurs, il devient le premier président de la Fondation nationale des sciences politiques, en 1945. On lui doit de nombreuses études sur les pays anglo-saxons, la France et la sociologie électorale. Il reprend dans ses cours à l'IEP ses analyses raciales développées dans les années 1920 : « Il y a des races qui s'assimilent vite, d'autres plus lentement, d'autres enfin, pas du tout », en France, « les Chinois demeurent toujours des étrangers », « la race noire reste inférieure », « le Juif est un résidu non fusible dans le creuset »[8].

En 1954, il fonde l’Institut des sciences et techniques humaines (Quai de Javel), classe préparatoire aux grandes écoles.

Son épouse, née Paule Laroche, est décédée en 1964.

Idées

Proche du sociologue Gustave Le Bon (cf. L'âme des peuples), il publie en 1913 son Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième République, ouvrage fondateur de la sociologie électorale[9] dans lequel il insiste notamment sur l’influence de la géologie sur le vote des habitants d’une quinzaine de départements de l’Ouest de la France durant les quarante premières années de la Troisième République.

Dans cet ouvrage, il explique notamment les préférences électorales par la nature des sols. Selon ses observations, les sols granitiques favorisent les partis conservateurs et les sols calcaires les partis progressistes. André Siegfred explique cette corrélation de la manière suivante : l'accès plus facile à l'eau sur les sols granitiques tend à concentrer les terres entre les mains de grands propriétaires et donc à disperser les populations, qui ne se fréquentent donc le plus souvent qu'à l'église. De ce fait, les populations des sols granitiques étaient sous l'influence, très puissante pendant la Troisième république, des propriétaires terriens et des prêtres qui favorisaient les partis conservateurs. Du côté des sols calcaires, les points d'eau étaient moins nombreux, les populations plus pauvres et plus concentrées avaient plus l'occasion de se fréquenter ailleurs qu'à l'église (marché, taverne, etc.). Ainsi, ces populations se tournaient majoritairement vers les partis progressistes de l'époque.

Postérité

Un lycée d'Haguenau et un collège de Saint-Romain-de-Colbosc ont reçu son nom

Le est publié un timbre français à son honneur , dessiné et gravé par Pierre Gandon. [10]

Publications

Notes et références

  1. Notice biographique sur le site de l'Académie française (consultée le ).
  2. Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés, , p. 2518-2522.
  3. Le Petit Journal, , p. 4.
  4. Le Temps, , p. 2.
  5. Le Travailleur normand, 1er mai 1910, p. 1.
  6. Le Travailleur normand, , p. 1.
  7. « Quand à Paris souffle le vent d’ouest, ce n’est jamais sans émotion que j’évoque dans ma pensée les flots verts de la Manche, les nuages échevelés se pressant sur l’estuaire de la Seine. ».
  8. Gérard Noiriel, Une histoire populaire de la France : De la guerre de Cent Ans à nos jours, Agone, , 832 p. (ISBN 978-2-7489-0302-7, présentation en ligne).
  9. Emmanuel Laurentin, « Histoire de l'écologie électorale », sur France Culture.fr, (consulté le ).
  10. « Timbre : 1975 André Siegfried 1875-1959 | WikiTimbres », sur www.wikitimbres.fr (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • André-Louis Sanguin, André Siegfried, un visionnaire humaniste entre géographie et politique, Paris, Éditions L'Harmattan, 2010.
  • Frédéric Carbonel, « Origines et développement de l'Institut havrais de sociologie économique et de psychologie des peuples », Annales de Normandie, no 1-2, , p. 117-50. et Cahiers internationaux de psychologie sociale, éd. de l'université de Lièges, 2008, no 77, p. 69-86.
  • Étienne Faure, « Siegfried André », dans Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 1995, p. 1159-1161 dans la réédition de 2003.
  • Nicolas Rousselier, « André Siegfried », dans Jacques Julliard, Michel Winock (dir.), Dictionnaire des intellectuels français, Paris, Seuil, 1996, p. 1060-1061.
  • Jacques Lévy, « Siegfried André », dans Jacques Lévy, Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, 2003, p. 841-842.
  • Catherine Bernié-Boissard, Michel Boissard et Serge Velay, Petit dictionnaire des écrivains du Gard, Nîmes, Alcide, , 255 p., p. 229-230
  • Pierre Bolle, « André Siegfried », dans André Encrevé (dir.), Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine. 5 Les Protestants, Paris, Beauchesne, (ISBN 2701012619), p. 460.
  • Gérard Bergeron, Quand Tocqueville et Siegfried nous observaient…, Québec, Les Presses de l'Université du Québec, 1990, 183 pages.
  • Carole Reynaud-Paligot « André Siegfried et la question raciale » dans Sociétés & Représentations 2005/2 (n° 20). https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2005-2-page-268.htm

Liens externes

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