< Théorie des groupes
fin de la boite de navigation du chapitre

Groupe : définitions et exemples

Définition

Un groupe est un monoïde où tout élément admet un symétrique.

Un groupe est donc un ensemble muni d'une loi de composition interne possédant les propriétés suivantes :

  • La loi de composition est associative : ;
  • Il existe un (et un seul) élément neutre, noté e vérifiant ;
  • Tout élément a un symétrique (dit aussi inverse en notation multiplicative et opposé en notation additive),

Remarque : le symétrique de x est noté x-1 en notation multiplicative et -x en notation additive.

Comme on l'a vu dans le chapitre sur les monoïdes,

  • l'élément neutre est unique ;
  • un élément donné n'a qu'un symétrique ;
  • le symétrique du symétrique d'un élément x est x lui-même.

On vérifie facilement que si un magma M est isomorphe comme magma à un groupe, M est un groupe.


Théorème

Tout élément d'un groupe est simplifiable.

Fin du théorème

Démonstration. Nous avons vu dans le chapitre sur les monoïdes que tout élément inversible d'un monoïde est simplifiable.


Théorème

Soit x un élément d'un groupe G. Si y est un élément de G tel que xy = 1 ou yx = 1, y est l'inverse de x

Fin du théorème

Démonstration. Supposons d’abord xy = 1 et prouvons que y est l'inverse de x. Il suffit de multiplier à gauche les deux membres de l'égalité xy = 1 par x-1 et d'appliquer l'associativité. Si maintenant y x = 1, on peut multiplier à droite par x-1, ou encore dire que d’après le résultat précédent, x est l'inverse de y, ce qui entraîne que y est l'inverse de x.

On supposera dans ce cours que le lecteur connaît la notion de cardinal infini et ses propriétés les plus classiques. On notera ou encore Card(X) le cardinal d'un ensemble X.

Définition

L'ordre d'un groupe est le cardinal de son ensemble sous-jacent. On notera l'ordre du groupe G.

Exemples.

1) : groupe trivial (la loi est définie par ).

2) Soit X un ensemble. Rappelons qu'en théorie des ensembles, on appelle permutation de X une bijection de X sur lui-même. L'application de X dans lui-même qui applique chaque élément sur lui-même est évidemment une permutation de X, que nous noterons idX. Soient f, g et h des permutations de X. On montre en théorie des ensembles que

  • ,

f-1 désigne la permutation réciproque de f, définie en théorie des ensembles. Cela montre que l’ensemble des permutations de X, muni de la loi de composition , est un groupe, qu'on appelle groupe symétrique de X, et qu'on note ou .

3) L'ensemble des entiers relatifs (ou entiers rationnels), muni de l'addition des entiers est un autre exemple de groupe. (Cet ensemble est connu dès le niveau des lycées et collèges, mais nous le construirons dans la suite du présent chapitre.) On sait que la somme de deux entiers ne dépend pas de l’ordre dans lequel l'addition est effectuée, autrement dit le composé de deux éléments du groupe en question ne dépend pas de l'ordre dans lequel on leur applique la loi de groupe. On dit qu'un tel groupe est commutatif, ou encore abélien :

Définition

Un groupe abélien (ou commutatif) est un groupe dont la loi de composition est commutative, c'est-à-dire, rappelons-le, que cette loi satisfait à la condition :

.

Dire qu'un groupe est abélien revient à dire qu'il est commutatif comme monoïde.

Exemple de groupe non commutatif.

Si X est un ensemble d'au moins trois éléments, le groupe SX n’est pas commutatif.

Fin du théorème

Démonstration. Si x et y sont deux éléments distincts de X, désignons par (x, y) la permutation de X qui applique x sur y, y sur x, et laisse fixes tous les autres éléments de X. Par hypothèse, nous pouvons choisir trois éléments distincts a, b et c de X. Les permutations

et

ne sont pas égales, car la première applique b sur c et la seconde l'applique sur a. Ceci prouve bien que le groupe SX n’est pas commutatif.

Remarque : Quand on parle d'un groupe, il arrive (souvent) que la loi soit sous-entendue, mais s'il y a un risque de confusion il faut la mettre explicitement.
Par convention tacite, la loi d'un groupe est généralement notée de la même façon que la multiplication, d'élément neutre 1. Les groupes abéliens sont notés comme l'addition, d'élément neutre 0 et d'inverse -x (on dit « l'opposé »). Attention cependant, aucune convention explicite n'existe, les auteurs sont donc libres de noter les lois comme ils veulent ; et souvent les notations dépendent de la nature des objets constituant le groupe.

Extension de la loi aux parties

Si et sont des parties d'un groupe noté multiplicativement, nous désignerons par l’ensemble des éléments de de la forme avec et . Nous désignerons par l’ensemble des éléments de G de la forme avec .
Il est clair que, pour toutes parties et de , nous avons :

Si X est le singleton , on écrit au lieu de et, de même, au lieu de .

En notation additive, on écrit au lieu de , et au lieu de .

Construction du groupe des entiers relatifs (ou entiers rationnels)

(Cette section peut être omise en première lecture.)

L'ensemble des nombres naturels, muni de l'addition, est un monoïde commutatif où tout élément est simplifiable. Le seul élément de ce monoïde qui admette un opposé est 0[1]. Nous allons montrer que peut être « plongé » dans un groupe. De façon générale, si M est un monoïde commutatif, on peut « plonger » M dans un monoïde commutatif plus grand, où tout élément est de la forme ms-1, -que l’on notera (m / s) en notation multiplicative et (m - s) en notation additive,- m appartenant à M et s étant un élément simplifiable de M. On procède comme suit. Soit S l’ensemble des éléments simplifiables de M. Dans le produit cartésien , on considère la relation d'équivalence entre et définie par la condition . On note m/s (en contexte multiplicatif) la classe d'équivalence de (m,s). On montre que, pour et , la classe d'équivalence de (mn, st) ne dépend que des classes d'équivalence de (m,s) et (n,t), ce qui permet de munir l’ensemble quotient d'une loi de composition qui peut être caractérisée par . On munit ainsi l’ensemble quotient d'une structure de monoïde. Ce monoïde est noté . Le monoïde M est isomorphe au sous-monoïde de formé par les éléments de la forme (m/1), m parcourant M. On identifie M à ce sous-monoïde de et on a donc bien «plongé» M dans un monoïde tel qu'annoncé. On vérifie en effet (i) que tout élément simplifiable s de M est inversible dans , (ii) que s-1 est identique à la classe associée au couple (1,s), et (iii) que toute classe m/s associée au couple (m,s) est égale au produit ms-1 dans .

Si tout élément de M est simplifiable, S est égal à M tout entier et est un groupe. On étend, dans ce cas, la notation a/b à tous les éléments a et b du groupe , en convenant que ( en contexte additif).
Dans le cas particulier où M est le monoïde additif , on plonge ainsi dans un groupe commutatif noté ℤ, +, qu'on appelle groupe des entiers rationnels, ou des entiers relatifs.

Soient a, b deux nombres naturels, et soit n le nombre naturel constituant l'écart entre a et b. Ainsi a+n=b ou bien a=b+n, selon que ou bien . L'élément (a-b) de ℤ peut donc s'écrire d'une des deux façons (0-n), (n-0) avec n naturel (selon que ou ). On en tire que tout élément de ℤ est égal à un élément de la forme -n ou n, avec n naturel (si on identifie comme ci-dessus à un sous-monoïde de ℤ). Autrement dit, . On peut aussi montrer que 0 est le seul élément de ℤ qui appartienne à la fois à et à [2].

On a dans ℤ une relation d'ordre total

qui coïncide dans avec la relation d'ordre usuelle dans . Cette relation d'ordre dans ℤ est dite relation d'ordre usuelle dans ℤ. Quand nous parlerons d'une relation d'ordre dans ℤ sans la préciser, il s'agira de celle-là.

Si r est un entier relatif, il résulte d'une remarque ci-dessus que r ou -r est naturel et qu’ils ne le sont tous deux que si r = -r = 0. On appelle valeur absolue de r et on note l'unique entier naturel qui appartient à l’ensemble {r, -r}. C'est aussi le plus grand des deux entiers rationnels r et -r.

Remarque : la méthode de plongement ci-dessus sert aussi à définir le corps des fractions d'un anneau intègre.

Sous-groupes

Définition

Un sous-groupe d'un groupe est un sous-ensemble H de G possédant les propriétés suivantes :

  • H est stable par la loi :
  • l'élément neutre de G appartient à H
  • l'inverse de tout élément de H est dans H

D'après la condition de stabilité, la loi de G induit une loi de composition interne dans H, qui, pour tous éléments h1, h2 de H, applique (h1, h2) sur l'élément h1 h2 de H. Cette loi induite est évidemment associative. Puisque l'élément neutre de G appartient à H, il est évidemment élément neutre pour la loi induite. Enfin, puisque pour tout élément h de H, l'inverse de h pour * appartient à H, il est clair que cet inverse est aussi l'inverse de h pour la loi induite. Tout ceci montre que la loi induite fait de H un groupe.

Pour exprimer que H est sous-groupe de G, on écrit souvent[3] plutôt que . De même, pour exprimer que H est un sous-groupe propre de G (c'est-à-dire distinct de G), on écrit souvent[4] .

Caractérisation

H est un sous-groupe de G si et seulement si :

Fin du théorème


Exemples :

  • Dans tout groupe, l’ensemble constitué de l'élément neutre est un sous-groupe.
  • Dans , toute partie de la forme avec est un sous-groupe. Nous verrons dans un autre chapitre que tout sous-groupe de est de cette forme.


Proposition

L'intersection d'une famille non vide de sous-groupes est un sous-groupe.

Fin du théorème
Panneau d’avertissement Une réunion de sous-groupes n’est pas toujours un sous-groupe. (Par exemple, dans , est un sous-groupe, est un sous-groupe mais la réunion n’est pas un groupe car .) Voir dans les exercices à quelle condition la réunion de deux sous-groupes est un sous-groupe.
Définition

On appelle sous-groupe maximal d'un groupe G un élément maximal de l’ensemble des sous-groupes propres de G, cet ensemble étant ordonné par inclusion. Autrement dit, un sous-groupe M de G est dit sous-groupe maximal de G si M est un sous-groupe propre de G et qu’il n'existe pas de sous-groupe H de G tel que M < H < G.

Remarque

Cette définition est quelque peu abusive, puisque, en toute rigueur, le seul sous-groupe maximal de G pour la relation d'inclusion est G lui-même. Cet abus est cependant quasi universel.

Si G est un groupe fini, tout sous-groupe propre de G est contenu dans au moins un sous-groupe maximal. (Si H est un sous-groupe propre de G, il existe au moins un sous-groupe propre de G qui contient H, à savoir H lui-même. L'ensemble des ordres des sous-groupes propres de G qui contiennent H est donc non vide. D'autre part, puisque G est fini, cet ensemble est fini. Comme tout ensemble fini non vide de nombres naturels admet un plus grand élément, il existe donc un sous-groupe propre de G contenant H dont l’ordre est le plus grand possible. Il est clair qu'un tel sous-groupe propre de G est un sous-groupe maximal de G. On pourrait dire aussi que l’ensemble des sous-groupes propres de G contenant H, ordonné par inclusion, est un ensemble ordonné fini non vide et admet donc un élément maximal.) En particulier, tout groupe fini G non réduit à l'élément neutre contient au moins un sous-groupe maximal. (En effet, d’après ce qui précède, le sous-groupe propre 1 de G est contenu dans au moins un sous-groupe maximal de G.)

Homomorphismes

Définition

Un homomorphisme de groupes, parfois appelé morphisme de groupes, est un morphisme de magmas d'un groupe dans un groupe , c'est-à-dire une application vérifiant :

.

L'ensemble des homomorphismes d'un groupe G dans un groupe H se note Hom(G, H).

Remarque
Un homomorphisme d'un groupe G dans lui-même est appelé endomorphisme (de groupe) de G.

Rappelons que selon les conventions sur la préséance des évaluations, f(x)–1 désigne ( f(x) )–1. Cela étant, nous avons la

Proposition

Soit f un homomorphisme d'un groupe G dans un groupe H. Alors :

  • f applique élément neutre sur élément neutre ;
  • pour tout élément x de G, f(x–1) = f(x)–1.

Exemples d'homomorphismes.

1) Si G et H sont des groupes, l’application de G dans H qui envoie tout élément de G sur l'élément neutre de H est un homomorphisme de G dans H, qu'on appelle l'homomorphisme trivial de G dans H.
2) Nous avons vu que, dans Z, la multiplication est distributive par rapport à l'addition. On en tire que si n est un élément de Z, l’application de Z dans lui-même (multiplication par n) est un endomorphisme de Z.

Pour un morphisme de groupes de G dans H, l'image de tout sous-groupe de G et la préimage de tout sous-groupe de H, sont des sous-groupes de H et de G respectivement (c'est une conséquence immédiate de la propriété correspondante pour les magmas et de la proposition précédente). En particulier :

Noyau et image

Si est un morphisme de groupes,

  • la préimage de l'élément neutre de H, appelée noyau de f, est un sous-groupe de G, noté ;
  • l'image de f est un sous-groupe de H.
Définition

G et H étant des groupes, on dit que H est image homomorphe de G s'il existe un homomorphisme de groupes partant de G et dont H est l'image. Cela revient à dire qu’il existe un homomorphisme surjectif de G sur H.

Exercice

Démontrer que :

  1. un homomorphisme est injectif si et seulement si son noyau est réduit à l'élément neutre ;
  2. si f et g sont deux homomorphismes d'un groupe G dans un même groupe, alors l'ensemble des éléments x de G tels que est un sous-groupe de G.
Fin de l'exemple

Isomorphismes

  • Si un homomorphisme est bijectif, on parle d'isomorphisme de groupes. (On montre qu'alors est également un morphisme de groupes).
  • Un isomorphisme d'un groupe G sur lui-même est appelé un automorphisme de G.

Soient G, H et K trois groupes. Il existe évidemment un isomorphisme de G sur lui-même, car la transformation identique est un tel isomorphisme. S'il existe un isomorphisme de G sur H, il existe un isomorphisme de H sur G (l'inverse de n’importe quel isomorphisme de G sur H). Enfin, s'il existe un isomorphisme f de G sur H et un isomorphisme g de H sur K, alors il existe un isomorphisme de G sur K, car est un tel isomorphisme. Ceci montre que la relation « il existe un isomorphisme de G sur H » est une relation d'équivalence entre groupes.

Définition

Deux groupes sont dits isomorphes s'il existe un isomorphisme de groupes de l'un sur l'autre.

Un groupe isomorphe à un groupe G est parfois appelé une copie de G.

D'après ce qui précède, la relation « être des groupes isomorphes » est une relation d'équivalence. On peut considérer que deux groupes isomorphes ont la même structure de groupe, qu'on passe de l'un à l'autre par un changement de notation.

Nous écrirons ou encore pour exprimer que deux groupes G et H sont isomorphes.

On vérifie facilement qu'un magma isomorphe comme magma à un groupe est lui-même un groupe et que tout isomorphisme de magmas entre groupes est un isomorphisme de groupes.

Exemples d'isomorphismes de groupes.

1) Si G est un groupe, la permutation identique de G est évidemment un automorphisme de G.
2) L'application de Z dans lui-même est un automorphisme du groupe (additif) Z. Plus généralement, si G est un groupe commutatif, l’application de G dans lui-même est un automorphisme de G.
3) Automorphismes intérieurs. Soient G un groupe et g un élément de G. L'application est un automorphisme de G. (Par exemple, pour montrer que cette application est une permutation, on peut montrer qu'elle admet l’application pour réciproque.) Un tel automorphisme est appelé automorphisme intérieur de G.
4) Si X et Y sont des ensembles équipotents, si f est une bijection de X sur Y, l’application du groupe symétrique SX dans le groupe symétrique SY est un isomorphisme de SX sur SY. (Pour montrer que c’est une bijection, noter qu'on obtient sa réciproque en remplaçant par .) Dans le cas particulier où X et Y sont égaux, f est un élément du groupe SX et l'isomorphisme en question est un automorphisme intérieur.
5) Transport de structure. Soient ) un groupe et f une bijection de l'ensemble G sur un ensemble X. La loi de composition dans X définie par fait de X un groupe. C'est la seule loi de groupe (et même de magma) sur X pour laquelle la bijection f est un isomorphisme de G sur X. (Vérification facile.) On dit que est la structure de groupe transportée de sur X par f. C'est un cas particulier du transport de structure d'un magma.
Théorème

L'ensemble des automorphismes d'un groupe G, muni de la composition, forme un groupe. Ce groupe est noté Aut(G).

Fin du théorème

Puissances d'un élément

Soient G un groupe noté multiplicativement, x un élément de G et n un nombre naturel. On appelle n-ième puissance de x et on note le composé d'une séquence de n éléments égaux à x. (Ce composé a été défini au chapitre Lois de composition internes, monoïdes.)
Si le groupe G est noté additivement, on écrit nx plutôt que .
En particulier, en notation multiplicative, , et en notation additive, 0x = 0 (le premier zéro étant celui de Z et le second celui de G).
On étend la définition de au cas où n est un entier relatif négatif en posant, pour r naturel > 0,

.

En notation additive, ceci s'écrit

.

On démontre (par d'assez fastidieuses récurrences et distinctions entre cas positif et négatif) que, pour tous entiers rationnels m et n,

,

ce qui montre que, pour un x donné, l’application de ℤ dans G est un homomorphisme. On vérifie facilement (récurrence sur n) que c'est le seul homomorphisme de ℤ dans G qui applique 1 sur x.
En notation additive : (m+n)x = mx+nx et, pour un x donné, l’application de ℤ dans G est un homomorphisme. Si le groupe G est commutatif, alors (récurrence sur n ou application d'un résultat plus général sur les séquences si n est naturel; passage aux inverses si n est négatif). En notation additive, cela s'écrit . Cela revient à dire que si G est commutatif, alors, pour un entier relatif n donné, l'application

( en notation additive)

de G dans lui-même est un endomorphisme.

Théorème

Soient G et H deux groupes et f un homomorphisme de G dans H. Pour tout élément x de G et tout entier relatif n,

.
Fin du théorème

Démonstration. Récurrence sur n pour n positif; passage aux inverses pour n négatif.

Multiplication dans ℤ

Dans le cas particulier où G est le groupe commutatif ℤ noté additivement, l’application est une loi de composition interne dans ℤ, qu'on appelle multiplication dans ℤ et qu'on note multiplicativement (par juxtaposition ou au moyen du symbole ). À l'aide des résultats mentionnés dans la section précédente, on peut démontrer les propriétés classiques de la multiplication dans ℤ : coïncidence dans avec la multiplication dans définie en théorie des ensembles, associativité, neutralité de 1, commutativité, distributivité à gauche et à droite par rapport à l'addition. En raison de ces propriétés, l'addition et la multiplication font de ℤ un anneau commutatif. (Pour la notion d'anneau, voir la leçon de Wikiversité sur ce sujet.)

Si r et s sont des entiers rationnels, . Puisque le produit de deux nombres naturels non nuls est non nul, il en résulte que le produit de deux entiers rationnels non nuls est non nul, ce qui revient à dire que l'anneau ℤ est intègre.

On dit qu'un entier relatif a divise un entier relatif b s'il existe un entier relatif c tel que a c = b. Il est clair qu'un entier relatif a divise un entier relatif b dans ℤ si et seulement si divise dans . En particulier, un nombre naturel a divise un nombre naturel b dans ℤ si et seulement si a divise b dans .

Si G est un groupe, x un élément de G et m, n des entiers rationnels, nous avons

en notation multiplicative

et

en notation additive.

L'énoncé qui suit suppose connue la notion de module sur un anneau (voir la leçon de Wikiversité sur les modules).

Théorème. Les groupes abéliens comme ℤ-modules.

Soit G, + un groupe abélien. Il existe sur G une et une seule structure de ℤ-module dont la loi interne est la loi + de G.

Fin du théorème

Démonstration. On a considéré plus haut la loi de composition externe . Des propriétés de cette loi que nous avons énoncées permettent de prouver qu'avec la loi interne +, elle munit G d'une structure de ℤ-module. Cela démontre l'assertion d'existence. Prouvons l'unicité, ce qui revient à prouver que si une loi externe est telle que G, +, soit un ℤ-module, alors la loi est égale à la loi . Soit x un élément de G. Nous avons (propriétés élémentaires des modules) et, pour tout nombre naturel n, , d'où on tire par récurrence sur n que pour tout nombre naturel n. En passant aux opposés, nous trouvons , autrement dit (voir la définition de (-n) x). Toujours d'après les propriétés élémentaires des modules, le premier membre est égal à , d'où . On a donc prouvé que pour tout entier rationnel r, . Comme ceci est démontré pour tout élément x de G, la loi est égale à la loi , comme annoncé.

Par une construction analogue à celle du groupe des entiers relatifs à partir du monoïde des entiers naturels, on construit à partir de l'anneau (intègre) le corps des nombres rationnels, qui est le corps des fractions de l'anneau ℤ. Nous ne détaillerons pas cette construction et supposerons connu le corps des nombres rationnels, ainsi que ses propriétés de corps ordonné.

Parties génératrices

Si A est une partie d'un groupe G, l'intersection des sous-groupes de G qui contiennent A est un sous-groupe de G d’après ce qui précède. C'est évidemment le plus petit sous-groupe de G contenant A (« plus petit » correspondant à la relation d'ordre inclusion). On l'appelle le sous-groupe engendré par A et nous le noterons 〈A〉. On dit qu'une partie A d'un groupe G engendre G, ou encore est une partie génératrice de G, si 〈A〉 = G. Si est une famille de parties de G, le sous-groupe de G engendré par est aussi appelé le sous-groupe de G engendré par les parties , ou encore par les . Nous noterons ce sous-groupe . Nous dirons qu'un groupe est de type fini s'il admet une partie génératrice finie[5] et qu'il est de type infini dans le cas contraire, c'est-à-dire si toutes ses parties génératrices sont infinies.

Description constructive du sous-groupe engendré

Soit A une partie d'un groupe G. Le sous-groupe de G engendré par A est l’ensemble des produits de séquences d'éléments de G où n'apparaissent que des éléments de A ou des inverses d'éléments de A. Autrement dit, c’est l’ensemble des éléments de G qui peuvent se mettre sous la forme

,

parcourant les nombres naturels (≥ 0) et les parcourant les éléments de .

Fin du théorème

Si sont des parties de G, le sous-groupe de G engendré par se désigne aussi comme le sous-groupe de G engendré par et se note plutôt que .

Si la partie A de G se réduit à un élément a, on dit « sous-groupe engendré par a » au lieu de « sous-groupe engendré par {a} » et on écrit 〈a〉 au lieu de 〈{a}〉. De même, le sous-groupe engendré par la partie finie est appelé « sous-groupe engendré par » et noté . Un groupe est dit monogène s'il est engendré par une partie à un élément.

D'après la caractérisation ci-dessus des éléments de 〈A〉, il est clair que si a est un élément de G, 〈a〉 est l’ensemble des éléments de G de la forme , n parcourant ℤ.


Proposition

Soient un homomorphisme de groupes et A une partie de G. Désignons par 〈A〉 le sous-groupe de G engendré par A. Le sous-groupe de H engendré par f(A) est égal à f(〈A〉).

Fin du théorème
Remarque

Il existe des structures mathématiques pour lesquelles on n'a pas de « description constructive » de la sous-structure engendrée. (On en rencontre en théorie de la mesure.) On peut donc trouver que la démonstration qui précède repose sur un aspect un peu adventice du sous-groupe engendré. Voici une démonstration qui n'a pas cet inconvénient.

Puisque l'image d'un sous-groupe par un homomorphisme est un sous-groupe du groupe d'arrivée, f(〈A〉) est un sous-groupe de H ; de plus, puisque , f(〈A〉) contient f(A). Ainsi, f(〈A〉) est un sous-groupe de H qui contient f(A). Par minimalité de f(〈A〉), nous avons donc

.

Prouvons l'inclusion réciproque, à savoir

.

Il revient au même de prouver que tout sous-groupe K de H qui contient f(A) contient f(<A>). Or est un sous-groupe de G qui contient A, donc, par minimalité de <A>,

, donc , ce qui démontre notre argument.
Proposition

Soient f et g deux homomorphismes d'un groupe G dans un groupe H, X une partie génératrice de G. Si f et g coïncident en tout point de X, ils sont égaux.

Fin du théorème
Proposition

Soient G, H deux groupes et X une partie génératrice de G. Un homomorphisme f de G dans H est surjectif si et seulement si f(X) est une partie génératrice de H.

Fin du théorème

Opposé d'un groupe

Soit G un groupe, noté multiplicativement (par juxtaposition). La loi de composition sur l’ensemble sous-jacent de G définie par :

est une loi de groupe. Le groupe ainsi défini est appelé le groupe opposé de G, ou l'opposé de G[6]. L'élément neutre est le même dans les deux groupes et le symétrique d'un élément donné est également le même dans les deux groupes. L'opposé de l'opposé de G est G lui-même. Un groupe est identique à son opposé si et seulement s'il est commutatif. Dans tous les cas, G est isomorphe à son opposé par l’application .
(La considération du groupe opposé nous permettra d'éclaircir les rapports entre actions à gauche et actions à droite d'un groupe sur un ensemble.)

Identité de Dedekind

Identité de Dedekind

Soient G un groupe, U et V des parties de G telles que G = UV. Pour tout sous-groupe H de G contenant U, Pour tout sous-groupe K de G contenant V,

Fin du théorème

Remarque. L'identité de Dedekind est le plus souvent utilisée quand U et V sont des sous-groupes de G, mais elle nous servira sous sa forme générale dans la démonstration des théorèmes de Gaschütz et de Schur-Zassenhaus.

Notes et références

  1. Pour le prouver dans le cadre de Bourbaki, où les entiers naturels sont définis comme des cardinaux, on peut dire que si un entier naturel a admet un opposé b, alors a + b = 0, d'où (N. Bourbaki, Théorie des ensembles, Paris, 1998, ch. III, § 3, prop. 13, p. 29) a ≤ 0, d'où, puisque 0 est le plus petit des cardinaux (ib. § 3, p. 25), a = 0.
  2. Voir les détails dans N. Bourbaki, Algèbre, Paris, Hermann, 1970, ch. I, § 2, num. 4 et 5, pp. 17-21.
  3. Voir par exemple J. Calais, Éléments de théorie des groupes, Paris, 1984, p. 30.
  4. Voir par exemple J. Calais, Éléments de théorie des groupes, Paris, 1984, p. 30.
  5. Cette définition correspond à J. Calais, Éléments de théorie des groupes, P.U.F., 1984, p. 35.
  6. N. Bourbaki, Algèbre, ch. I, § 4, no 1; Paris, Hermann, 1970, p. 29.
Cet article est issu de Wikiversity. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.