Via Francigena

La via Francigena, la voie Francigène en français, (pouvant se traduire par la « voie qui vient de France ») est un chemin de pèlerinage reliant Canterbury à Rome en passant par la France et la Suisse. Il serait trop restrictif de l’identifier au seul itinéraire de Sigéric, archevêque de Cantorbéry, qui effectua le trajet en 990 et en laissa la description dans un document qui récapitule ses 79 étapes, lors du voyage de retour depuis la « ville éternelle » jusqu’au siège de son évêché. Toutefois, ce sont les étapes de son voyage qui forment la Via Francigena d'aujourd'hui.

La voie francigène suivie par Sigéric.
Signalisation sur la via Francigena.
La via Francigena sur le territoire de la commune de Ariano Irpino.

À l'instar du chemin de Compostelle, c'est une importante voie de pèlerinage médiévale qui a été récemment l'objet d'études, d'un balisage et d'une reconnaissance en 1994 par le Conseil de l'Europe comme « grand itinéraire culturel du Conseil de l'Europe »[1].

La via Francigena inclut notamment, à rebours, le chemin de Saint-Jacques des Italiens (permettant d'atteindre la via Tolosana ou la via Gebennensis). Prolongée au-delà de Rome, la via Francigena du Sud permet d'atteindre le sanctuaire de Monte Gargano à Monte Sant'Angelo (par la via Micaelica) et les ports d'embarquement apuliens vers la Terre sainte.

Itinéraires

Histoire

En 58 av. J.-C., Jules César ouvrit une route de Rome, reliant le nord de l'Europe à Rome, qui devint rapidement l'épine dorsale du système routier de l'Europe occidentale.

À la suite de la domination arabe de Jérusalem (640), Rome devint la principale destination des pèlerinages chrétiens, jusqu'au début du culte de Saint Jacques, à Compostelle, au Xe siècle.

L'itinéraire atteignit son apogée à partir de 1300, avec la proclamation des "années saintes". En effet, le pape accordait l'indulgence plénière aux pécheurs qui entreprenaient le pèlerinage vers Rome. Le flux atteignit souvent des dizaines de milliers d'usagers chaque année. La Via Francigena était l'axe de communication principal entre le Nord et le Sud de l'Europe, le long duquel transitaient marchands, soldats et pèlerins.

L’utilisation croissante de la Via Francigena comme voie de commerce contribua à l’essor extraordinaire de nombreux centres urbains situés le long de la Via. Elle joua un rôle stratégique dans le transport vers les marchés du nord de l’Europe, des marchandises en provenance de l’Orient (soie, épices) et également pour l’échange de ces produits avec les tissus de Flandre et du Brabant sur les marchés de Champagne. Au XIIIe siècle, les échanges commerciaux s’accrurent tellement que de nombreuses voies alternatives à la Via Francigena se développèrent ; elle perdit par conséquent son caractère d’unicité et se fractionna en de multiples itinéraires reliant le nord et le sud ; à tel point que son nom même fut changé en Via Romea, pour en souligner non plus l’origine mais la destination

L'expression « Tous les chemins mènent à Rome » suggère qu'il n'y avait pas d'itinéraire unique pour se rendre au tombeau de saint Pierre dans la basilique Saint-Pierre du Vatican à Rome. C'était, avec celui de Jérusalem (lieux saints : Bethléem, Saint-Sépulcre, etc. : les pèlerins étaient appelés « paulmiers ») et celui de Compostelle (tombeau de Saint Jacques : les pèlerins étaient appelés « jacquets »), l'un des trois grands pèlerinages chrétiens. Les pèlerins de Rome étaient appelés « Romieux » ou « Roumieux » ou « Romées », selon la langue des régions traversées (d'où le prénom italien Romeo). Plus largement, les Musulmans appelaient tous les Chrétiens « Roumieh » ou « Roumi », terme qui a perduré jusqu'à notre époque.

Itinéraire de Sigéric

Panneaux de la Via Francigena à Bret (Saint-Christophe).

Un des itinéraires importants est matérialisé par le tracé du voyage entrepris en 990 par Sigéric de Cantorbéry, archevêque de Cantorbéry (primat de l'Église d'Angleterre), qui se rendit à Rome afin d'y rencontrer le pape et recevoir le pallium des mains du pape Jean XV. Sigéric décrit précisément les 79 étapes de son itinéraire dans un texte qui nous est parvenu. Le document est conservé à la bibliothèque de Londres

Le parcours compte plus de 2 000 kilomètres à partir de Cantorbéry[2]. Il passe par Shepherdswell et Douvres.

Après le franchissement de la Manche, la via Francigena rentre en France par Calais, Wissant, Arras, Péronne, Saint-Quentin, Laon, Reims, Châlons-en-Champagne, Bar-sur-Aube, Langres, Champlitte, Besançon, Pontarlier et Jougne.

En Suisse, par Orbe, Cossonay, Lausanne, Vevey, Aigle, Saint-Maurice, Orsières, Bourg-Saint-Pierre, le col du Grand-Saint-Bernard; en Italie, Aoste, Ivrée, puis Verceil, Pavie, Fidenza, Lucques, Poggibonsi, Sienne, Bolsène, Montefiascone, Viterbe, pour rejoindre Rome et la basilique Saint-Pierre au Vatican en empruntant l'antique via Cassia et enfin la via Triumphalis (longeant le mont Mario).

Les étapes du manuscrit de Sigéric (environ 20 km par jour) servent de base à l'itinéraire actuel.

Autre itinéraire historique

Un autre parcours historique passe en France par Troyes, Dijon, Lyon, Chambéry, Saint-Jean-de-Maurienne, Lanslebourg et le col du Mont-Cenis, et en Italie par le val de Suse, l'abbaye de la Novalaise, Suse, Saint-Michel-de-la-Cluse, Turin et Verceil (ou Pavie).[réf. nécessaire]

Un parcours historique de Scandinavie

L'itinéraire de Nikulás de Munkathvera

Un autre parcours conduisant vers Rome et la Terre Sainte, le Leiðarvísir a été documenté vers 1155 par le moine Nikulás de Munkaþverá. Parti d'Islande, il a rejoint Jérusalem en passant par la Norvège, le Danemark, l'Allemagne et la Suisse, où il retrouve l'itinéraire de Sigeric à Vevey[3].

Le pèlerinage moderne de la voie francigène

Compte tenu des nombreuses variantes du chemin au fil des siècles, notamment en raison de la modification de frontières ou d'évènements naturels (éboulements, débordements...) la reconstitution du tracé authentique de la Via Francigena serait une entreprise quasi impossible aujourd'hui.

En 1985, Giovanni Caselli, spécialiste d'archéologie routière, reporta sur les cartes et sur le territoire l'itinéraire de Sigéric, base de l'itinéraire actuel.

Balisage

Panneau de signalisation en Italie.

La via Francigena n'est pas identifiable par un symbole aussi connu que la coquille de Saint-Jacques-de-Compostelle. En l'absence de signalétique officielle, le balisage peut revêtir diverses formes selon les pays traversés mais intègre habituellement la figure d'un pèlerin. En France, le parcours est balisé en blanc rouge comme tous les chemins de grande randonnée (GR®145 FFR). En Suisse, la Via Francigena est la "Route 70". Quant à l'Italie, il n'y a pas de balisage homogène mais la signalétique reste dans les teintes de rouge, avec la figure du pèlerin.

Gouvernance

L'Association Européenne des chemins de la Via Francigena[4] (AEVF, fondée en 2001 à Fidenza) est le réseau porteur officiel de l'itinéraire pour le Conseil de l'Europe depuis 2007. L'AEVF s'appuie sur un partenariat entre les institutions européennes et les autorités locales attachées à valoriser le chemin de pèlerinage millénaire afin de promouvoir, en insistant sur la durabilité, des mesures de développement de la Via Francigena pour en faire un véritable atout culturel et touristique, vu non seulement son importance culturelle mais aussi son rôle potentiel de catalyseur du développement local[5].

De nombreuses associations dans les différents pays soutiennent également le développement de la Via Francigena et apportent une aide aux pèlerins et randonneurs.

Ce chemin, qui se fait traditionnellement à pied, est également un itinéraire cyclable EuroVelo (EV 5 - Via Romea Francigena) sur un parcours différent.

Notoriété

La Via Francigena a peu à peu sombré dans l'oubli à partir du XVIIIe siècle. Mais cette route historique connait un second souffle depuis sa certification en tant qu'"itinéraire culturel du Conseil de l'Europe", en 1994. Il s’agit de proposer aux Européens du XXIe siècle de parcourir à nouveau des routes historiques qui doivent leur permettre de mieux comprendre quelle image leurs prédécesseurs se faisaient de l’Europe, de ses valeurs et de ses cultures[6].

Le Jubilé de l'an 2000 et les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) ont marqué une étape dans le renouveau de ce chemin.

Lors du 500e anniversaire de la Garde suisse pontificale, en 2006, d'anciens gardes suisses se sont rendus à Rome par la via Francigena, à pied, pour commémorer leur appel par le pape Jules II en 1506.

Depuis une vingtaine d'années, la Via Francigena connaît un véritable essor de sa fréquentation. La délivrance de crédenciale (passeport du pèlerin) est en constante augmentation. En témoigne aussi le nombre croissant de pèlerins sur le chemin. et le développement des points d'accueil.

La via Francigena en Italie

À l'initiative de la Toscane et sous l'égide du Ministère italien de la culture, un projet regroupant plusieurs régions d'Italie travaille à une revitalisation du parcours, sur le modèle du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. L’objectif de ce projet est de proposer un « produit culturel » et de permettre aux régions traversées d’en tirer le meilleur profit économique. Ce projet aura pour conséquence une certaine « industrialisation » du chemin qui n'était guère fréquenté jusqu'au début des années 2000.

Pèlerins en route vers Rome sur la via Francigena (haut relief sculpté sur la cathédrale de Fidenza à la fin du XIIe siècle).

La via Francigena en Suisse

Le parcours de la Via Francigena en Suisse se réfère au parcours régional no 70 de SuisseMobile[7].

Divers hauts lieux spirituels comme l'Abbaye territoriale de Saint-Maurice d'Agaune ou l'Hospice du Grand-Saint-Bernard se trouvent sur son tracé. Les acteurs locaux (communes et offices du tourisme) s'efforcent d'améliorer les structures d'accueil et la promotion de cet itinéraire.

La via Francigena en France

Signalisation sur un trottoir à Arras.

À l'initiative de diverses associations, le renouveau du tronçon de la via Francigena sur le territoire de la France métropolitaine est en route. Ainsi, depuis 2019, l'itinéraire complet est balisé.

Depuis 2018, le parcours français a été homologué par la Fédération Française de Randonnée en GR®145. Pour des raisons de sécurité et de services aux marcheurs/pèlerins, ce tracé est quelque peu différent du trajet de Sigéric.

Depuis août 2016, Champlitte est la commune référente pour le développement de la Via Francigena en France et le siège opérationnel en France de l'Association Européenne des chemins de la Via Francigena (AEVF).

La via Francigena en Angleterre

Elle passe par Douvres, Shepherdswell et commence à Cantorbéry[8],[9].

Plus au Nord, il existe un chemin de pèlerinage de Rochester à Cantorbéry[10].

Liste des lieux ayant un intérêt particulier le long de la Via Francigena

Notes et références

  1. Régine Cavallaro, « Italie : Le long de la Via Francigena, sur les traces des pèlerins », sur Le Monde, (consulté le )
  2. « Via Francigena France », sur www.xacobeo.fr (consulté le )
  3. « Arborescence de la Via Francigena » (consulté le )
  4. « Association européenne des chemins de la Via Francigena »
  5. « À propos de nous », sur www.viefrancigene.org (consulté le )
  6. « PROJET Via Francigena », sur Association Internationale Via Francigena (consulté le )
  7. Route no 70 de Suisse Mobile
  8. (en) Rita Moreschini, « Walking from Canterbury to Aosta » [archive du ] [PDF], sur Confraternity of Pilgrims to Rome,
  9. Des pèlerins de la Via Francigena expliquent le sens de la marche
  10. (en) The Pilgrims Path In England - Rochester to Canterbury

Voir aussi

Bibliographie

  • Cyprien Mycinski (préf. Jean-Claude Guillebaud), Via Francigena : Traverser l'Italie à pied, Paris, Salvator, , 320 p. (ISBN 978-2-7067-1484-9, lire en ligne)
  • Reinhard Gattinger, Georg Kerschbaum: Via Francigena - À Rome à pied. EUROVIA, Vienne 2005, (ISBN 3-200-00500-9) (Documentation DVD en Français)
  • Adelaide Trezzini, San Pellegrino, luoghi di culto sulle via francigene. 2009 Gangemi (ISBN 88-492-1607-6)
  • Adelaide Trezzini, Topofrancigena da Canterbury a Roma, 2004-2007 Ass. int. Via Francigena
  • Adelaide Trezzini, Guide-Vademecum da Canterbury a Roma, 2002-03 Ass. int. Via Francigena
  • Adelaide Trezzini, Dormifrancigena da Canterbury a Roma, 2006, 2007 Ass. int. Via Francigena
  • Charles Myber, Carnets de route sur la via Francigena (Ed Les routes du terroir 2016)

Articles connexes

Liens externes

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