Ramzan Kadyrov
Ramzan Akhmadovitch Kadyrov (en russe : Рамза́н Ахма́тович Кады́ров, api : [rɐˈmzan ɐxˈmatəvʲɪtɕ kɐˈdɨrəf][alpha 4] ; en tchétchène : КъадиргӀеран Ахьмад-Хьаьжин Рамзан), né le , à Tsenteroï (URSS), est un homme d'État russe.
Ramzan Kadyrov | ||
Ramzan Kadyrov, en 2018. | ||
Fonctions | ||
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Chef de la république de Tchétchénie[alpha 1] | ||
En fonction depuis le [alpha 2] (14 ans, 7 mois et 4 jours) |
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Élection | ||
Réélection | ||
Premier ministre | Lui-même Odes Baïsoultanov |
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Prédécesseur | Alou Alkhanov | |
Premier ministre de la république de Tchétchénie | ||
[alpha 3] – (1 an, 4 mois et 23 jours) |
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Prédécesseur | Sergueï Abramov | |
Successeur | Odes Baïsoultanov | |
Biographie | ||
Nom de naissance | Ramzan Akhmadovitch Kadyrov | |
Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Tsenteroï (RSFSR, URSS) | |
Nationalité | Russe | |
Parti politique | Russie unie | |
Père | Akhmad Kadyrov | |
Conjoint | Medni Kadyrova | |
Enfants | 12 enfants | |
Religion | Islam sunnite | |
Résidence | Grozny (Tchétchénie) | |
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Chef de la république de Tchétchénie | ||
Membre du parti Russie unie, il est Premier ministre de Tchétchénie par intérim du au , après l'accident de voiture de son prédécesseur, Sergueï Abramov. Il entre en fonction le avec approbation du parlement de la République. Il devient président de la République tchétchène le . Il est un fervent soutien du président russe Vladimir Poutine, dont il se dit un « fidèle fantassin »[1].
L'ONG Memorial l'accuse explicitement d'être à l'origine de l'assassinat de Natalia Estemirova, le . Son nom est également mentionné dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat de l'homme politique libéral Boris Nemtsov, en 2015.
Des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme accusent Kadyrov d'avoir instauré une sévère dictature en Tchétchénie, de semer la terreur sur la population, d'enlever, torturer et exécuter divers suspects et innocents sans inculpation ni jugement[2],[3],[4],[5],[6], d'emprisonner de rares voix dissidentes en les faisant condamner sur la base d'accusations truquées[7], d'intimider, contraindre de s'excuser et humilier devant les caméras des internautes critiquant son pouvoir[8],[9],[10], de forcer les employés du secteur public et les étudiants à prendre part aux rassemblements de masse (meetings, soubbotniks, matchs de football, flashmobs) en menaçant de licencier les uns et d'exclure les autres[11],[12],[13],[14],[15], d'avoir bâclé les travaux de reconstruction dans la République en détournant une partie de l'argent destiné à cette fin, et de ponctionner les salaires des fonctionnaires au profit de sa mystérieuse « fondation Kadyrov »[16].
Biographie
Son père, Akhmad Kadyrov, est un ancien grand mufti et homme politique, président de la république de Tchétchénie de 2003 à 2004.
À la suite de l'assassinat de son père, le , il devient vice-Premier ministre de la république de Tchétchénie.
En , après un grave accident de voiture du Premier ministre Sergueï Abramov à Moscou (qui n'est pas considéré comme un acte terroriste), Ramzan Kadyrov devient Premier ministre de Tchétchénie par intérim. Après une longue période de convalescence, Abramov donne finalement sa démission, le , au profit de Ramzan Kadyrov.
Également à la tête des services de sécurité de la présidence tchétchène (les kadyrovtsy), Kadyrov a souvent été accusé d'être violent et antidémocrate[17]. Il reçoit le soutien du président russe Vladimir Poutine et s'engage dans une lutte de pouvoir pour diriger la République avec le président tchétchène effacé[18], Alou Alkhanov[19].
Ramzan Kadyrov détient la réalité du pouvoir en Tchétchénie, à côté d'un parlement aux pouvoirs affaiblis et avec le contrôle direct ou indirect de 10 000 à 12 000 hommes armés[20], souvent d'anciens combattants anti-russes chevronnés. Publiquement pro-fédéral et ostensiblement anti-wahhabite, se montrant souvent à côté de Vladimir Poutine, il prône, d'un autre côté, une islamisation de la société tchétchène.
Ramzan Kadyrov interdit un temps le séjour en Tchétchénie des organisations non gouvernementales danoises, dont Danish Refugee Council, au moment de la crise internationale des caricatures de Mahomet, le .
Président de la république de Tchétchénie
Le , il est nommé par Vladimir Poutine président par intérim après la démission de Alou Alkhanov. Il devient officiellement président le 2 mars.
En 2004, Ramzan Kadyrov est décoré par Vladimir Poutine de la médaille du Héros de la Russie, la plus haute distinction du pays. Il est également nommé académicien de l'Académie des sciences naturelles de la Russie et de celle de la République tchétchène.
Kadyrov est marié depuis 1996 à Medni Moussaïevna Kadyrova (née le ), avec laquelle il a eu dix enfants, dont six filles : Aïchat (née le ), Karina (née le ), Khutmat, Khadizhat, Hedy (née le ) et Tabarik (née le ) ; et quatre fils : Akhmad (né le , nommé ainsi en honneur de son grand-père Akhmad Kadyrov), Zelimkhan (né le , ainsi nommé en hommage au frère aîné de Ramzan Kadyrov, décédé en 2004), et Adam (né le ). Après avoir adopté deux autres garçons en 2007, Kadyrov est à présent le père de douze enfants (six fils et six filles).
Pour son trente-cinquième anniversaire le , des vedettes acceptent son invitation pour des montants inconnus : Jean-Claude Van Damme, Hilary Swank, Vanessa Mae (celle-ci pour 500 000 dollars selon la presse russe). Kevin Costner, Eva Mendes, Shakira ou Mike Tyson, bien qu'invités, n'ont pas assisté à cet anniversaire[21]. À son retour aux États-Unis, Hilary Swank a dû s'expliquer devant la presse pour s'être rendue à l'anniversaire d'un « dictateur ». L'actrice a exprimé son regret de ne pas s'être suffisamment informée des « antécédents » de Kadyrov et a renvoyé son équipe de relations publiques à l'origine du voyage controversé[22].
En 2011, Kadyrov interdit désormais de célébrer le jour anniversaire de la déportation forcée des Tchétchènes effectuée par la police politique soviétique NKVD le [23], en estimant que la Tchétchénie ne peut pas faire le deuil alors que le reste de la Russie fait la fête[24] (le est en effet un jour férié en Russie dédié aux militaires et aux hommes en général[25]). À différents moments, il fait aussi rebaptiser plusieurs rues de Grozny de noms de hauts gradés russes pourtant supposément coupables d'exactions sur des civils lors de la dernière guerre russo-tchétchène[26].
Ramzan Kadyrov fait l'objet d'une interdiction de séjour[27] sur le territoire des pays de l'Union européenne, depuis le , ainsi que du gel de ses « éventuels avoirs » en Union européenne, dans le cadre des sanctions européennes à l'encontre de la Fédération de Russie pour son immixtion dans la crise ukrainienne de 2013-2014.
En , il est en tête des manifestations pour protester contre les caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo[28], qui a été la victime d'un attentat revendiqué par Al-Qaïda.
Le , vingt jours après la fin de son mandat, il est nommé chef de la République par intérim par le président Vladimir Poutine[29].
Certains experts considèrent la Tchétchénie de Ramzan Kadyrov comme « un État dans l'État »[30] qui serait même « plus indépendante vis-à-vis de Moscou que ne l'étaient la Tchécoslovaquie ou la Hongrie à l'époque communiste »[31]. D'autres spécialistes, au contraire, sont d'avis que Kadyrov est un « marionnette politique entre les mains du président russe »[32], qu'il est « plus un soldat russe qu'un Tchétchène » et que sa seule raison d'être est d'éradiquer de l'intérieur l'esprit indépendantiste des Tchétchènes, objectif qu'il aurait atteint au prix de la terreur[33]. Marlène Laruelle, historienne spécialisée dans le monde russe, parle, elle, de l'idéologie du « kadyrovisme », qui allie, sur le plan religieux, un islam rigoriste inspiré des pays du Golfe avec un islam « traditionnel » local d'obédience soufie conjugué aux normes du droit coutumier (adat), et sur le plan politique, l'exaltation d'un nouveau nationalisme tchétchène avec celle de la grande puissance russe, le tout formant un ensemble « mouvant, vacillant », dans lequel Kadyrov peut parfois prendre à revers les attentes de son « suzerain » (Vladimir Poutine) tout en restant son instrument de la « pacification » de la Tchétchénie[34].
Suspicion de crimes
Historique
Dans l'un de ses derniers articles publié le , la journaliste assassinée Anna Politkovskaïa a écrit : « Qu'est-ce que le syndrome Kadyrov ? On peut le caractériser par les traits suivants que sont l'insolence rustre et la cruauté masqués par du courage et de l'amabilité. En Tchétchénie, les kadyrovtsy frappent les hommes et les femmes à partir du moment où ils pensent que c'est nécessaire. Ils les décapitent de la même façon que leurs ennemis wahhabites. Et tout ceci est justifié et commenté par les plus hautes autorités comme des "détails permettant de placer les Tchétchènes en faveur de la Russie". »
Le vice-Premier ministre tchétchène Adam Delimkhanov, député à la Douma et propre cousin de Kadyrov, est accusé le par la police de Dubaï d'avoir commandité le meurtre du chef de guerre pro-russe Soulim Iamadaïev. De nombreux meurtres d'opposants à Kadyrov ont eu lieu à Istanbul entre 2008 et 2016[35]. Le , un ancien garde du corps de Kadyrov, Oumar Israïlov, a été tué à Vienne[36]. Israïlov avait évoqué les prisons privées de Kadyrov et avait déposé une plainte contre ce dernier devant la Cour européenne des droits de l'homme[37],[38].
En 2009, selon le journal Le Monde,
« Avec la bénédiction de Moscou, Kadyrov semble donc bénéficier d'un droit de vie et de mort sur ses sujets.
Les opposants de Kadyrov — six au total — ont donc été assassinés en de multiples endroits situés hors de Tchétchénie : Vienne, Istanbul, Dubaï, et Moscou[39]. »
Selon l'hebdomadaire L'Express, le président tchétchène est aidé dans sa tâche par le Service fédéral russe de sécurité (le FSB), ainsi que par le réseau diplomatique russe à l'étranger[40].
Sont venus s'ajouter ensuite les assassinats de Natalia Estemirova (le à Grozny), puis début , toujours à Grozny, de la responsable d'une organisation caritative pour les enfants, Sauvons les générations, Zarema Sadoulaïeva et son mari Alik Djabraïlov, trouvés dans le coffre d'une voiture, tués par balle[41],[42].
En 2016, Kadyrov met en garde les réfugiés tchétchènes en Europe contre les commentaires désobligeants à son encontre :
« Dans dix ou cinq ans, quand vous serez revenus à la raison, ou que vos parents auront décidé qu'il faut rentrer, ou que l'Europe vous aura chassés, vous n'aurez nulle part où vous cacher. Et à ce moment-là, nous vous demanderons des comptes sur chacun de vos mots. Je connais tous les sites Internet de nos jeunes vivant en Europe, que ce soit Instagram, Facebook ou autre, et nous conservons le moindre mot qu'ils écrivent. Nous avons les données sur chacun d'entre vous. À notre époque, il est possible de localiser toute personne. C'est pourquoi, ne vous attirez pas d'ennuis[43]. »
D'après la chaîne d'information russophone Current Time, les défenseurs des droits de l'homme enregistrent chaque année plus d'une centaine de cas de tortures et de mauvais traitement en Tchétchénie, ce qui constituerait un tiers du nombre réel des actes de torture dans cette République où cette pratique serait devenue quasi légalisée avec l'arrivée au pouvoir de Ramzan Kadyrov[44].
Le , le département du Trésor des Etats-Unis l'inscrit sur la liste des personnes sanctionnées en vertu de la loi Magnitski après l'avoir reconnu responsable de « meurtres extrajudiciaires, torture ou autres grosses violations des droits humains reconnus internationalement »[45],[46]. Trois jours après, ses comptes Instagram et Facebook sont suspendus[46]. Il crée alors un compte officieux sur Instagram et l'utilise jusqu'à ce qu'il ne soit à son tour suspendu en [47].
Entre et , deux opposants de Kadyrov et du Kremlin sont tués en Union Européenne, à Berlin et à Lille, et le troisième, à Gävle, l'a échappé belle[48].
Le , le département d'État des États-Unis l'interdit d'entrer sur le territoire américain, à cause d'un « grand nombre d'informations crédibles selon lesquelles Ramzan Kadyrov est responsable de grossières violations des droits humains depuis plus de dix ans, y compris d'actes de torture et d'exécutions extrajudiciaires »[49]. Deux jours plus tard, apparemment en geste de soutien[50], Vladimir Poutine décerne à Kadyrov le grade de général-major de la Garde nationale russe (Rosgvardia)[51].
Assassinat de Natalia Estemirova
À la suite du meurtre, le , de Natalia Estemirova, qui travaillait pour la défense des droits de l'homme en Tchétchénie, la Fédération internationale des droits de l'homme a déclaré :
« Si M. Kadyrov n'est pas directement responsable de ce meurtre, il en a en tout cas clairement à l'avance absous les auteurs. Et les autorités russes ont accepté cela sur leur sol, elles ont laissé faire, elles en portent la responsabilité[52]. »
L'ONG Memorial a déclaré que la Russie, comme l'URSS stalinienne, souffrait de « terrorisme d'État ». Le président de Memorial, Oleg Orlov, a affirmé que Ramzan Kadyrov avait menacé Natalia Estemirova et que le président Medvedev n'avait pas d'objections à ce que Ramzan Kadyrov soit un meurtrier[53]. Oleg Orlov a formellement accusé Ramzam Kadyrov, disant :
« Je sais, je suis sûr de l'identité du coupable, nous le connaissons tous, son nom est Ramzan Kadyrov[54]. »
Selon l'association Human Rights Watch, dans cette région, « les enlèvements sont encore une pratique courante pour se débarrasser de ceux qui critiquent le pouvoir[52] ».
Anne Le Huérou, de la Fédération internationale des droits de l'homme, a ajouté à cette occasion :
« Beaucoup de défenseurs des droits de l'homme comparent le régime de Kadyrov aux années 1936-1938, lors de la pire période de la terreur stalinienne. Il semble que désormais, le seul choix restant soit de se rallier à Ramzan Kadyrov[52]. »
À la suite des accusations de Memorial, Ramzan Kadyrov a porté plainte auprès de la Direction de la police de Moscou contre les propos dits « diffamatoires » et « calomnieux » du président de l'association, Oleg Orlov, auquel Ramzan Kadyrov a rappelé la notion de présomption d'innocence[55]. Ramzan Kadyrov a réclamé de ce fait 10 millions de roubles (227 000 euros) à Oleg Orlov. Le , le tribunal civil Tverskoï de Moscou a condamné Oleg Orlov, de l'ONG Memorial, à verser à Kadyrov 20 000 roubles de dommages et intérêts, soit 450 euros, et à publier un démenti sur son site internet. Memorial a de son côté été condamnée à 50 000 roubles (1 140 euros) de dommages et intérêts[56].
Assassinat de Boris Nemtsov
Boris Nemtsov, opposant libéral à Vladimir Poutine, est assassiné le près de la Place rouge. Sept suspects tchétchènes sont identifiés, dont trois appartiennent aux services d'ordre de la République tchétchène[57]. L'avocat de la famille Nemtsov appuie la thèse que Ramzan Kadyrov est le commanditaire du crime[58] : il rappelle que Kadyrov avait promis de tuer Boris Nemtsov en 2002, les tensions entre eux deux s'étant aggravées en raison de la question de la participation des kadyrovtsy dans la guerre du Donbass[57]. Rouslan Geremeyev, désigné comme organisateur du crime au début de l'enquête et qui est le neveu d'un proche de Ramzan Kadyrov, n'a pas été inquiété au terme de l'enquête judiciaire[57].
Droits LGBT
En 2017 ont lieu des persécutions contre les homosexuels par les autorités tchétchènes. Après ces révélations, Ramzan Kadyrov déclare à la chaîne HBO :
« Nous n'avons pas ce genre de personnes ici. Nous n'avons pas de gays. S'il y en a, emmenez-les au Canada[59]. »
Bibliographie
- Littell Jonathan, Tchétchénie, an III, Gallimard, 2009
- A. V. Malashenko, Ramzan Kadyrov : le politicien russe de nationalité caucasienne, Éditions Kéruss, 2011
Notes et références
Notes
- Président de la République jusqu'au .
- Par intérim du au .
- Par intérim jusqu'au .
- Prononciation en russe retranscrite selon la méthode de l'alphabet phonétique international (API).
Références
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- Le Nouvel Observateur, le 16 juillet 2009 sur nouvelobs.com (consulté le 17 juillet 2009)
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- Russie : Mémorial condamné pour atteinte à l'honneur de Kadyrov. AFP. Le 6 oct. 2009
- Veronika Dorman, « Boris Nemtsov, la justice interdite devant Kadyrov », Libération, (lire en ligne, consulté le ).
- Pierre Avril, « Russie : le meurtre de Nemtsov reste impuni », sur Le Figaro (consulté le )
- « Le président tchétchène : "Nous n'avons pas de gays ici" », sur L'Alsace, (consulté le ).
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