République populaire de Hongrie

La république populaire de Hongrie (également traduit par République populaire hongroise ou République démocratique hongroise) était le nom officiel de la Hongrie de 1949 à 1989, lorsqu'elle faisait partie des « démocraties populaires » membres de la sphère d'influence de l'Union soviétique désignée sous le nom de bloc de l'Est. Se réclamant du marxisme-léninisme, le régime demeura en place jusqu'à la chute du bloc communiste en Europe. La république populaire de Hongrie se présentait comme héritière de la république des Conseils dirigée en 1919 par Béla Kun. La république populaire de Hongrie était membre du pacte de Varsovie et du Conseil d'assistance économique mutuelle.

Ne doit pas être confondu avec République démocratique hongroise.

Pour le régime communiste de 1919, voir République des conseils de Hongrie.

Pour les articles homonymes, voir République de Hongrie.

République populaire de Hongrie
(hu) Magyar Népköztársaság

  
(40 ans, 2 mois et 3 jours)


Drapeau de la république populaire de Hongrie à partir de 1957.

Emblème de la république populaire de Hongrie à partir de 1957.
Devise en hongrois : Világ proletárjai, egyesüljetek!  Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »)
Hymne Himnusz
Localisation de la république populaire de Hongrie (en vert) en Europe.
Informations générales
Statut République.
État communiste à parti unique.
Capitale Budapest
Langue(s) Hongrois
Monnaie Forint hongrois
Démographie
Population  
• 1960 9 961 044 hab.
• 1970 10 322 099 hab.
• 1980 10 709 463 hab.
Superficie
Superficie 93 028 km2
Histoire et événements
Nouvelle constitution.
Proclamation officielle.
Début de l'insurrection de Budapest.
Nouvelle constitution, fin du régime communiste.
Premier secrétaire du Parti des travailleurs
(1e) 19491956 Mátyás Rákosi
(De) 1956 Ernő Gerő
Premier secrétaire du Parti socialiste ouvrier
(1e) 19561988 János Kádár
(De) 19881989 Károly Grósz
Président du Conseil présidentiel
19491950 Árpád Szakasits
19501952 Sándor Rónai (en)
19521967 István Dobi
19671987 Pál Losonczi
19871988 Károly Németh
19881989 Brunó Straub
Président du Conseil des ministres
(1e) 19491952 István Dobi
(De) 19881989 Miklós Németh
Parlement
Parlement monocaméral Assemblée nationale

Entités précédentes :

Entités suivantes :

Symboles

La république populaire de Hongrie utilisa pendant la période socialiste, trois drapeaux et trois emblèmes :

Mise en place

Statue d'un soldat russe installée en 1947 au monument de la Libération à Gellért-hegy (Budapest).

À l'automne 1944, durant la Seconde Guerre mondiale, l'Union soviétique envahit le territoire du Royaume de Hongrie. Le 29 décembre, un parlement intérimaire, réuni à Debrecen et comptant notamment des représentants du Parti communiste hongrois, du Parti social-démocrate de Hongrie et du Parti paysan, nomme chef du gouvernement le général Béla Miklós. Le nouveau régime fasciste mis en place par l'Allemagne nazie est balayé en quelques mois par les combats. Début avril 1945, tout le territoire hongrois est occupé par les Soviétiques. À l'hiver 1945, des élections ont lieu mais, contrairement aux espoirs soviétiques, le Parti communiste hongrois, réorganisé par Mátyás Rákosi, ne remporte que 17 % des suffrages. Zoltán Tildy, chef du parti agrarien, prend en novembre la tête d'un gouvernement de coalition. Le , le Royaume de Hongrie est officiellement aboli, laissant place à la nouvelle république de Hongrie. Zoltán Tildy devient président de la République, tandis que Ferenc Nagy le remplace à la tête du gouvernement. Cependant, le maréchal soviétique Kliment Vorochilov impose, en mars 1946, la présence des communistes au gouvernement : László Rajk devient ministre de l'intérieur et organise la police secrète Államvédelmi Hatóság (AVH). L'ancienne classe politique hongroise est victime de purges : des responsables politiques comme l'ancien chef du gouvernement István Bethlen, sont déportés en URSS. Le , Ferenc Nagy est contraint à la démission par les Soviétiques. Lajos Dinnyés, membre du parti agrarien, le remplace à la tête du gouvernement, mais est contraint d'appliquer les politiques de nationalisations préconisées par les communistes. Les mines et les industries lourdes sont nationalisées, suivies des banques, puis de toutes les entreprises de plus de cent salariés. Mátyás Rákosi, secrétaire général du Parti communiste hongrois, adopte une stratégie désignée sous le nom de tactique du salami, éliminant progressivement tous les adversaires politiques des communistes en suscitant scissions et fusions parmi les partis adverses ou en évinçant personnellement les politiciens rivaux. Aux élections de 1947, malgré les pressions, la division de l'opposition et la manipulation du scrutin, les communistes deviennent le premier parti en nombre de suffrages, tout en ne réalisant qu'une progression relativement modeste (22 % contre 17 % aux précédentes élections). Le parti agrarien, puis le parti social-démocrate, sont contraints de fusionner avec le Parti communiste hongrois, qui devient le Parti des travailleurs hongrois. Le , Tildy démissionne, remplacé à la présidence de la République par le communiste Árpád Szakasits. Aux élections de 1949 est présentée une liste unique, qui obtient 95,6 % des suffrages. Le , l'assemblée adopte une nouvelle constitution. Le 20 août, la république populaire de Hongrie est proclamée.

Le régime de Rákosi

Drapeau de la république populaire de Hongrie de 1949 à 1956.
Défilé des militants du Komsomol à Budapest, en 1949.

Mátyás Rákosi, chef du régime en tant que secrétaire général du Parti des travailleurs hongrois de 1948 à 1956, assure son autorité sur le pays en réalisant des purges parmi les opposants, réels ou supposés, les intellectuels et au sein même du parti. En , László Rajk est arrêté ; en septembre, il est soumis à une parodie de procès au cours de laquelle il « avoue » être un agent à la solde de Tito : il est exécuté le . D'autres membres importants du parti, comme János Kádár sont également arrêtés par l'AVH. Rákosi, se voulant « le meilleur disciple de Staline »[1], organise son propre culte de la personnalité[2] et établit l'un des régimes les plus répressifs du bloc communiste en Europe[3]. En six ans, entre 1948 et 1953, près de 1 300 000 personnes comparaissent devant les tribunaux, qui prononcent 695 623 condamnations, allant de l'amende à la peine capitale, avec une moyenne de 116 000 par an sur une population de 9,5 millions d'habitants[4]. L'AVH multiplie les purges, les arrestations et les exécutions. L'église catholique hongroise est réprimée et ses biens nationalisés ; le cardinal József Mindszenty, arrêté en décembre 1948, est condamné après une parodie de procès. L'église protestante hongroise est également réprimée. L'éducation religieuse est supprimée du parcours scolaire. Rákosi s'emploie à développer l'éducation publique en Hongrie, luttant contre l'illettrisme mais diffusant également la propagande du régime dans les écoles. Un plan quinquennal est adopté en 1950. L'agriculture est collectivisée et ses ressources utilisées pour développer l'industrie lourde. L'économie hongroise souffre des énormes dommages de guerre accordés à l'URSS en 1947 ; la production industrielle lourde augmente notablement, mais les retards des industries légères entraînent des pénuries, tandis que les investissements dans l'industrie militaire, après le déclenchement de la guerre de Corée, réduisent encore la production de biens de consommation. Le régime devient de plus en plus impopulaire.

En tant que proche allié de Staline, Rákosi est victime de la mort du maître du Kremlin : ayant pris lui-même la tête du gouvernement en 1952, il doit la céder à Imre Nagy en juillet 1953. Rákosi demeure néanmoins premier secrétaire du parti : une lutte pour le pouvoir l'oppose bientôt à Nagy. Ce dernier autorise la sortie de prisons d'opposants politiques, allège le contrôle étatique sur les médias et envisage la tenue d'élections. En mars 1955, le parti, mené par Rákosi, condamne le « déviationnisme » d'Imre Nagy. Ce dernier est destitué par le parlement de son poste au gouvernement le . Il est ensuite exclu du parti. Mais la déstalinisation impulsée par Nikita Khrouchtchev vient bientôt menacer à nouveau Rákosi, dont les jours au pouvoir sont comptés. Khrouchtchev dénonce notamment comme une injustice la condamnation de László Rajk. Le , Mátyás Rákosi doit quitter la tête du parti ; son successeur, Ernő Gerő, est cependant lui aussi une figure du régime stalinien, ce qui ne calme nullement le mécontentement populaire. Le 3 octobre, le Parti réhabilite Rajk et d'autres victimes des purges.

L'insurrection de 1956

Drapeau avec l'emblème communiste découpé, utilisé pendant l'insurrection de Budapest en 1956.

En juin 1956, des grèves ouvrières spectaculaires ont lieu en république populaire de Pologne : Władysław Gomułka est appelé au pouvoir le 21 octobre pour sauver le régime. La situation polonaise fait boule de neige : le 23 octobre, en Hongrie, les protestations étudiantes — officiellement entamées pour soutenir les ouvriers de Pologne — tournent à l'insurrection populaire. Les troupes soviétiques prennent position dans Budapest mais une partie de l'armée hongroise fraternise avec les insurgés. Le Parti des travailleurs hongrois, dont János Kádár a pris la tête le 25 octobre, rappelle Imre Nagy à la tête du gouvernement le 28. Nagy, entrainé par le mouvement populaire, annonce la formation d'un gouvernement de coalition et, le 31 octobre, décrète le retrait de l'armée hongroise du pacte de Varsovie. Le 30 octobre, le cardinal Mindszenty et d'autres prisonniers politiques sont libérés. Le 1er novembre, il proclame la neutralité de la Hongrie auprès des instances de l'ONU.

Le 4 novembre, l'Armée rouge pénètre dans Budapest tandis que János Kádár fonde un contre-gouvernement fidèle à l'URSS. L'insurrection est noyée dans le sang, la répression faisant environ 3000 victimes à Budapest. Un exode de citoyens hongrois a lieu vers les pays voisins. Imre Nagy est arrêté et déporté ; il sera exécuté deux ans plus tard. Mátyás Rákosi, jugé responsable de la situation par les Soviétiques, terminera sa vie en exil au Kirghizistan.

Le régime de Kádár

János Kádár reste à la tête du parti (rebaptisé Parti socialiste ouvrier hongrois) jusqu'en 1988, assumant également à plusieurs reprises la direction du gouvernement. Une politique répressive est d'abord menée après l'insurrection, se traduisant par l'arrestation de plusieurs dizaines de milliers d'opposants. L'AVH est cependant dissoute. Dans les années 1960, une relative libéralisation est introduite, tandis que les derniers partisans de Rákosi perdent toute influence au parti. L’homosexualité est dépénalisée en 1961[5]. Le régime resserre ses liens avec l'Union soviétique, renouvelant en 1967 son traité d'alliance pour vingt ans et recevant secrètement une base de missile sol-sol nucléaire de l'armée rouge sur son sol à partir de 1970[6] ; une amnistie est parallèlement décrétée, et de progressives réformes économiques ouvrent les biens et les services à l'économie de marché. La censure des arts se fait plus légère. La relative libéralisation politique et économique amène à l'ouverture de relations commerciales avec l'ouest. Malgré ces réformes, la Hongrie reste une dictature. La police secrète, moins violente que sous le régime de Rákosi, demeure néanmoins active, et les communistes contrôlent l'intégralité de la vie politique. Les conditions économiques du pays sont généralement meilleures que dans les autres pays du bloc de l'est, mais la politique économique de Kádár se traduit également par une augmentation de la dette publique.

D'après le philosophe Gáspár Miklós Tamás : « ce pouvoir offrait une sécurité sociale efficace, le plein-emploi, une meilleure politique de santé publique, des loisirs bon marché ou gratuits, de meilleures conditions de vie matérielles. Tout cela, certes, au prix de l’hypocrisie, de la censure, de l’absence de choix offert au consommateur et du conformisme. Le régime était qualifié de « socialiste » ou de « communiste » ; il s’agissait en fait d’un État-providence conservateur sur les plans moral et culturel. Il a introduit dans une société rurale et archaïque les standards de vie modernes, de la plomberie à l’alphabétisation, sans oublier l’affranchissement des servitudes de l’ancien monde, en particulier la soumission à l’aristocratie[7]. »

En , 62 % des Hongrois déclaraient regretter la Hongrie socialiste de Kádár, selon un sondage de l’institut allemand gfk-Hungaria[8].

Transition vers la démocratie

En mai 1988, János Kádár, âgé de 76 ans et malade, cède sa place de secrétaire général du parti à Károly Grósz. Les cadres réformateurs prennent progressivement le contrôle du Parti socialiste ouvrier hongrois ; Imre Pozsgay entre au politburo. L'opposition redouble d'activité : le Forum démocrate hongrois est formé la même année. Le , Pozsgay qualifie publiquement l'insurrection de Budapest de « soulèvement populaire », et non de contre-révolution : devant l'absence de réaction soviétique, les réformateurs communistes estiment avoir le champ libre. En février 1989, le Parti accepte le principe du multipartisme. En avril, l'URSS accepte de retirer en 1991 ses troupes de Hongrie. Le , les barbelés à la frontière austro-hongroise commencent à être démantelés. Les protagonistes de l'insurrection de Budapest sont réhabilités : en juin 1989, Imre Nagy reçoit des funérailles officielles. János Kádár meurt le 6 juillet, le jour même où Nagy est officiellement réhabilité par la Cour suprême. À l'été 1989, une table ronde réunit tous les partis pour définir la transition démocratique. Début octobre, les réformateurs comme Imre Pozsgay, Gyula Horn et Miklós Németh l'emportent sur le conservateur Károly Grósz au sein du Parti : le Parti des travailleurs hongrois s'auto-dissout, les réformateurs formant le Parti socialiste hongrois, tandis que les conservateurs fondent le Parti ouvrier hongrois. Le 16 octobre, le parlement hongrois ouvre une session historique, au terme de laquelle le principe des élections libres est adopté. La constitution est radicalement révisée. Le 23 octobre, jour anniversaire de l'insurrection de Budapest, Brunó Straub, chef de l'État, est remplacé par Mátyás Szűrös. Ce dernier annonce la fin officielle de la république populaire de Hongrie, qui prend alors le nom de « république de Hongrie ». En 1990, les premières élections législatives libres sont remportées par le Forum démocrate hongrois, tandis que le Parti communiste ouvrier hongrois n'obtient aucun élu.

Annexes

Articles connexes

Notes et références

  1. Collectif, Histoire de l'Europe au XXe siècle, Volume 3, Complexe, 1999, p. 189
  2. Peter F. Sugar, Peter Hanak, Tibor Frank, A History of Hungary, Indiana University Press, 1994, pp. 375-77
  3. Charles Gati, FailedIllusions: Moscow, Washington, Budapest, and the 1956 Hungarian Revolt, Stanford University Press, 2006, pp. 9-12
  4. Miklós Molnar, Histoire de la Hongrie, Hatier, 1996, p. 390
  5. « Droits LGBT en Hongrie mariage gay et adoption d'un enfant », sur www.gayvoyageur.com
  6. Émission le mur de Berlin, la guerre des espions, TF1, 2009
  7. « Hongrie, laboratoire d’une nouvelle droite », Le Monde diplomatique, (lire en ligne, consulté le )
  8. (en) « A public opinion survey about János Kádár and the Kádár regime from 1989 », sur Hungarian Spectrum, (consulté le ).
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