Prestation de serment des rois des Belges

La prestation de serment des rois des Belges est la cérémonie au cours de laquelle le prince héritier de Belgique prête le serment qui détermine le début de son règne de roi des Belges. Cette cérémonie se déroule au palais de la Nation, siège du Parlement belge, dans les dix jours suivant la mort ou l'abdication du monarque précédent.

Étude pour "La prestation de serment du roi Léopold Ier", par Gustave Wappers (1831).

La date anniversaire de la première prestation de serment, effectuée par Léopold Ier le 21 juillet 1831, est, depuis une loi du [1], le jour de la fête nationale.

Histoire

Outre le serment effectué par le régent Surlet de Chokier le , la toute première prestation de serment royal de l'histoire de la Belgique se déroule le , mais dans le cadre d'un cérémonial très différent des cérémonies ultérieures. En effet, Léopold de Saxe-Cobourg et Gotha, élu roi sous le nom de Léopold Ier, arrive dans un pays inconnu où tout à déjà été préparé par le régent du royaume et les autres membres du Congrès national. Les instances politiques prirent comme modèles tant les Joyeuses Entrées des anciens ducs de Brabant que les investitures des Pays-Bas (celle de l'ancien roi Guillaume Ier s'étant d'ailleurs déroulée à Bruxelles) et de l'ancienne principauté de Liège. C'est pour cela que cette cérémonie, contrairement aux prestations de serment ultérieures, s'est déroulée en place publique.

La prestation de serment de Léopold Ier, par Gustave Wappers (1831).

Arrivé à Bruxelles à l'aube par la porte GuillaumeNicolas Rouppe lui a remis les clés de la ville, Léopold se rend ensuite sur la place Royale devant la cathédrale Saint-Jacques-sur-Coudenberg où la suite de la cérémonie va se dérouler[2]. Une estrade menant à une galerie décorée avaient été construites. La galerie était tendue de draperies pourpres, devant laquelle étaient groupés les haut dignitaires et une foule nombreuse poussant des vivats enthousiastes. La cérémonie débute à 13h15[3] par la remise des pouvoirs du régent à Étienne de Gerlache, président de la Chambre des représentants, puis par la lecture de 139 articles de la Constitution par le vicomte Charles Vilain XIIII (que Léopold Ier trouvait d'ailleurs trop limitante pour la monarchie « qui n'était pas là pour se défendre »)[4].Enfin, le roi prononça le serment et un petit discours en français, avant d'offrir un banquet aux différents dignitaires nationaux.

« Belge par votre adoption, je me ferai aussi une loi de l’être toujours par ma politique (...) Messieurs, je n’ai accepté la couronne que vous m’avez offerte qu’en vue de remplir une tâche aussi noble qu’utile, celle d’être appelé à consolider les institutions d’un Peuple généreux et de maintenir son indépendance. Mon cœur ne connait d’autre ambition que celle de vous voir heureux »

 Discours du roi Léopold Ier

Prestation de serment de Léopold II, gouache sur photographie à l'albumine par Louis-Joseph Ghémar (1865).

Sept jours après la mort de Léopold Ier, c'est son fils aîné le prince Léopold qui prête serment le afin de devenir Léopold II. Arrivé à cheval avec son frère Philippe au palais de la Nation, il entre dans un hémicycle décoré sobrement. Selon le souhait du souverain, un trône aux accoudoirs décorés de lions et dont le dossier est tendu de velours rouge marqué de la devise nationale est disposé sous un dais royal (cet équipement n'a cependant aucun rôle réel et a plutôt un simple rôle d'apparat).[5] Dans l'assistance, en plus de corps parlementaire, se trouve la famille royale installée sous un autre dais, ainsi qu'un grand nombre de personnalités aristocratiques de l'époque. Après la prestation de serment et le discours, le roi et son fils Léopold duc de Brabant, sont apparus sur le balcon du Palais royal pour assister à une parade militaire sur la Place des Palais. La cérémonie se déroule dans une ambiance joyeuse et un « enthousiasme indescriptible ».[4]

« La Belgique a vu s’accomplir des choses qui, dans un pays de l’étendue du nôtre, ont rarement été réalisées par une seule génération. Mais l’édifice dont le Congrès a jeté les fondements peut s’élever et s’élèvera encore »

 Discours du roi Léopold II

Prestation de serment du roi Albert Ier, par Jules Cran (1909).

Le , six jours après le décès de Léopold II, son neveu le prince Albert se rend lui aussi au palais de la Nation à cheval. Dans le même décor que pour son oncle, il rejoint la famille royale déjà installée sous son dais. Pour la première fois, le monarque prête aussi serment en néerlandais pour bien marquer le bilinguisme du Royaume sanctionné par la loi d'Égalité. Après avoir été ovationné des parlementaires, des représentants du parti ouvrier tentent d'interrompre la cérémonie par un « Vive le suffrage universel » pour clamer leurs revendications. Cependant, dès le premier mot prononcé, l'assemblée s'exclame « Vive le roi » et étouffe la voix des perturbateurs. Dans son discours qu'il a écrit personnellement, le nouveau roi fait aussi mention d'une volonté d'améliorer la politique coloniale en voulant appliquer au Congo « un programme digne d’elle »[4]. Le lendemain, un Te Deum est chanté à la cathédrale Saint-Michel-et-Gudule en présence du couple royal.[5].

« J’ai la nette vision de ma tâche. Le devoir des Princes est dicté à leur conscience par l’âme des peuples ; car, si le Trône a ses prérogatives, il a surtout ses responsabilités »

 Discours du roi Albert Ier

Le prince Léopold prête serment le , six jours après l'accident d'alpinisme d'Albert Ier. Se déplaçant à cheval avec son frère Charles, il est acclamé par la foule tout au long de son trajet du château de Laeken jusqu'au palais de la Nation, bien qu'il semble marqué par la tristesse de son deuil[6]. Après avoir prêté serment, le roi se rend à la colonne du Congrès pour rendre hommage au Soldat inconnu.

« Je sais les devoirs difficiles que ce serment m'impose, pour les accomplir sans défaillance je ne pourrai mieux faire que de m'inspirer de l'exemple de trois grands prédécesseurs [...]. La dynastie belge est au service de la Nation. J’ai la ferme volonté de ne jamais l’oublier... »

 Discours du roi Léopold III

Le régent Charles accompagné du jeune prince Baudouin.

En 1944, après la Libération, le roi Léopold III est prisonnier du Troisième Reich et est donc dans l'impossibilité de régner. Malgré les règles constitutionnelles prévoyant une régence au-delà de dix jours d'interrègne, les partis républicains tentent d'instaurer une république. Finalement, après deux tours de scrutins, le comte de Flandre Charles, frère cadet du roi, est choisi comme régent. Le lendemain, , il prête serment dans la précipitation et sans décor cérémonieux pour, selon son expression : « sauver le brol[4] ». Il s'agit aussi du premier serment prêté sans bras tendu (rappelant trop le salut romain des rituels fascistes).

Concernant Baudouin, il peut sembler étrange qu'il ait prêté deux fois serment. Le premier serment eut lieu le , quand pour résoudre la Question royale, Léopold III décide de déléguer ses pouvoirs à son fils qui devient alors « prince royal » (car il n'a pas encore 21 ans, majorité royale requise). C'est lors de cette cérémonie que fut lancé le tonitruant "Vive la République" lancé par les parlementaires communistes, dont Julien Lahaut était le chef. Le deuxième serment se déroula le 17 juillet 1951, lendemain de l'abdication du roi Léopold. Moins somptueuse que les cérémonies de ces prédécesseurs, elle se déroule en l'absence de représentants de monarchies étrangère et de la famille royale, les événements étant peu propices aux grandes joies familiales. Après la cérémonie, le roi alla rendre un hommage au Soldat inconnu puis apparu, seul et avec un visage grave, au balcon du palais royal[5].

« L’union de toutes les forces du pays et la compréhension mutuelle de nos deux cultures nationales rendront possible le développement constant du patrimoine matériel et moral de la Belgique (...) J'espère qu’avec mon gouvernement, j’arriverai à faire régner la concorde entre les Belges »

 Discours du roi Baudouin

Le , deux jours après les funérailles du roi Baudouin, son frère Albert, prince de Liège, arrive à 15 h au palais de la Nation. Dans un décor volontairement épuré et sans dais, le souverain prête pour la première fois serment dans les trois langues officielles : en néerlandais, en français puis en allemand. Cette action marque aussi le premier serment royal prêté par le roi d'une Belgique fédérale. Le prince, visiblement très ému, tremble de la tête et des mains[7]. Avant sa prestation, le parlementaire anarchiste Van Rossem clame « Vive la République d'Europe » mais le reste de l'assistance lui répond aussitôt « Vive le Roi ». Après avoir prononcé un discours très réussi selon le monde politique, une voiture ramène le couple royal jusqu'au palais royal pour la traditionnelle apparition au balcon.

« En ce moment où les égoïsmes collectifs prennent un peu partout dans le monde des formes inquiétantes, montrons qu'il est possible de faire vivre harmonieusement dans un même pays les femmes et les hommes de cultures différentes qui l'habitent... Pour faire face à la menace de l'égoïsme collectif, il n'y a qu'une solution : la solidarité »

 Discours du roi Albert II

Le roi Philippe et son épouse Mathilde se rendant au palais royal de Bruxelles après la prestation de serment.

Le , jour de fête nationale, le roi Albert II abdique. Le prince Philippe, présent lors de la cérémonie d'abdication de son père qui se déroule au palais royal, se rend ensuite au palais de la Nation. Vers midi, il prête serment et devient ainsi le septième roi des Belges. Il est alors applaudi longuement par les parlementaires et la famille royale avant de déclamer son discours d'une voix assurée. Pour une fois, personne n'a interrompu la cérémonie par une quelconque proclamation[8].

« Nous sommes confrontés à une crise qui frappe durement de nombreux concitoyens. Je veux aujourd'hui encourager chaque homme et chaque femme à faire face. Il y a en chacun de nous un potentiel insoupçonné qui n'attend qu'à se révéler. J'en suis profondément convaincu »

 Discours du roi Philippe

Déroulement

Conditions d'accès au trône

Comme indiqué par l'article 85 de la Constitution belge, la Belgique est une monarchie héréditaire « dans la descendance directe, naturelle et légitime de S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg, par ordre de primogéniture. » Les règles de succession n'ont été modifiées que deux fois depuis 1831 : la première fois quand, le , le roi Léopold II décide de « déchoir de ses droits à la couronne » l'héritier qui se serait marié sans le consentement royal, et la deuxième, le quand la loi salique fut abrogée et permettant aux femmes de monter sur le trône.

En l'absence de roi pour cause de décès ou d'abdication, le conseil des ministres prend en charge les pouvoirs constitutionnels du souverain. Cet interrègne ne peut durer plus de dix jours, et existe jusqu'à la prestation de serment de l'héritier présomptif[9], ou à défaut (par exemple si ce dernier est trop jeune) jusqu'à la nomination d'un régent et sa prestation de serment dans les mêmes formes que dans le cas d'un roi.

Cérémonie au palais de la Nation

Le déroulement qui va être ici décrit correspond à la cérémonie de prestation de serment du roi Philippe le 21 juillet 2013 réduit de l'abdication et des hommages du roi Albert II ainsi que des cérémonies propres à la fête nationale, des différences existent donc avec les cérémonies antérieures.

Après être arrivé devant le péristyle du palais de la Nation, le prince héritier vêtu d'un uniforme militaire rentre dans le bâtiment. Dans le même temps, la salle de l'hémicycle se remplit de plusieurs centaines d'invités : parlementaires, ministres, députés, membres des hautes juridictions, ambassadeurs, ecclésiastiques et représentants de l'Union européenne et de l'Otan s'installent dans leurs sièges, ou à défaut restent debout dans les travées. Á la gauche du trône se trouvent d'autres fauteuils destinés aux membres de la famille royale. Ces derniers s'installent tour à tour en étant applaudis par l'assistance (lors du dernier serment presté, l'ordre d'entrée fut le suivant : les enfants royaux, la reine Fabiola, la princesse Mathilde, le roi Albert II et la reine Paola, et enfin le reste de la famille royale[8]). Ensuite, l'huissier annonce l'arrivée du souverain dans les trois langues nationales en disant : « De Koning ! Le Roi ! Der König ! » (alors que, constitutionnellement parlant, il ne sera roi qu'après la prestation de serment). Les présidents du Sénat et de la Chambre des Représentants accueillent le prince et l'invitent à prêter serment. Celui-ci déclare alors la formule constitutionnelle dans les trois langues officielles[10], le bras levé avec l'index et le majeur relevés et joints :

Serment en néerlandais Serment en français Serment en allemand

Ik zweer dat ik de Grondwet en de wetten van het Belgische volk zal naleven, 's Lands onafhankelijkheid handhaven en het grondgebied ongeschonden bewaren.

Je jure d'observer la Constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire.

Ich schwöre, die Verfassung und die Gesetze des belgischen Volkes zu beachten, die Unabhängigkeit des Landes zu erhalten und die Unversehrtheit des Staatsgebietes zu wahren.

La Belgique a dès cet instant un nouveau roi : l'assistance ovationne son souverain, jusqu'à ce que ce dernier reprenne la parole afin de prononcer son discours personnel. La Brabançonne et l'Hymne européen sont ensuite joués et le nouveau monarque signe le Livre d'or et quitte le bâtiment. Pour fêter l'événement, 101 coups de canons espacés de 30 secondes sont tirés depuis le parc du Cinquantenaire[11].

Joyeuse Entrée

Après cette cérémonie, le couple royal effectue sa Joyeuse Entrée dans Bruxelles. Sous la protection de l'Escorte royale à cheval, la voiture remonte la rue Royale encombrée par une foule enthousiaste jusqu'à arriver au palais royal. La famille royale fait alors un apparition au balcon du palais pour saluer la foule rassemblée sur la Place des Palais. D'autres Joyeuses Entrées se dérouleront dans les principales villes du pays dans les jours suivant la cérémonie, pour permettre à la population entière d'acclamer le Roi[12].

Cérémonie à la colonne du Congrès

Le couple royal se dirige vers la colonne du Congrès sous escorte policière. Arrivé à destination, le roi salue le Premier ministre, le ministre de la Défense et les chefs des différentes sections de l'armée. Devant la colonne du Congrès, il s'incline au son du clairon devant la tombe du Soldat inconnu et ranime la flamme éternelle. Il rend ensuite un nouvel hommage au son de la Brabançonne avant de monter dans un blindé ouvert pour passer en revue les troupes (le roi étant constitutionnellement le chef des Armées). Après cette cérémonie et un défilé militaire et civil (effectué en raison de la fête nationale, et non de la prestation de serment), le couple royal prend un bain de foule avant de retourner au palais royal[8].

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Gustave Viatour et Alfred de Groote, Dictionnaire des honneurs, rangs et préséances, suivi du décret impérial du 24 messidor, an xii, annoté pour la Belgique, Gand, (OCLC 79286361).

Notes et références

  1. Viatour et De Groote 1899, p. 40.
  2. « Le voyage de Léopold 1e de Londres jusqu’à sa prestation de serment en 5 jours », sur histoiresroyales.fr, (consulté le ).
  3. « La prestation de serment de Léopold Ier », sur royalementblog.be, .
  4. Paul Vaute, « De 1831 à 1993, sept serments jalonnent notre histoire », La Libre, (lire en ligne, consulté le ).
  5. « Les prestations de serment des Rois des Belges », sur royalementblog.be, (consulté le ).
  6. « Dans «Le Soir» de 1934: Léopold III prête serment dans une Belgique sous le choc », Le Soir, (lire en ligne, consulté le ).
  7. « Intronisation Albert II », sur ina.fr (consulté le ).
  8. « Philippe roi des Belges: le fil de la journée en vidéos », sur rtbf.be, (consulté le ).
  9. Article 90 de la Constitution belge.
  10. « Les prestations de serment au Palais de la Nation », sur senate.be (consulté le ).
  11. (nl) « Oefening voor 101 saluutschoten », sur hln.be, (consulté le ).
  12. Philippe Basabose and Daniel Vaillancourt, Les Joyeuses Entrées du Roi des Belges : des fanions pour mon royaume, Bulletin d'histoire politique, Lux Éditeur, (lire en ligne).
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