Politique étrangère de l'Éthiopie

Jusqu'au XIXe siècle, la politique étrangère de l'Éthiopie, comme de nombreux pays de l'Afrique subsaharienne, a été marquée par un relatif isolement par rapport à ses voisins.

Historiques

Les historiens font généralement remonter l'existence d'une politique étrangère moderne au règne de l'Empereur Théodoros II dont la principale priorité était la sécurité des frontières traditionnelles du pays ainsi que la modernisation du pays grâce aux technologies venues d'Europe[1]. Toutefois, les efforts diplomatiques de Théodoros se sont achevés dramatiquement par l’expédition militaire britannique de 1868 qui a abouti à sa mort. Malgré les efforts de son successeur, l'Empereur Yohannès IV, pour établir des relations avec le Royaume-Uni, l'Éthiopie est restée ignorée des grandes puissances mondiales jusqu'à l'ouverture du Canal de Suez (1869), et surtout la guerre Muhadiste (1881-1899) qui a attiré l'attention sur le pays[2].

Par la suite, ce sont également les questions relatives à la sécurité des frontières et à la modernisation qui ont été mises en avant, comme en témoignent l'issue de la première guerre italo-éthiopienne, l'admission de l'Éthiopie à la Société des Nations () et l'invasion italienne de 1935. Depuis la Seconde Guerre mondiale, l'Éthiopie a joué un rôle actif dans le monde et dans les affaires africaines. Elle est devenue membre des Nations Unies dès 1945 et prit part aux opérations de l'ONU en Corée en 1951 et au Congo en 1960. L'ancien Empereur Hailé Sélassié est l'un des fondateurs de l'Organisation de l'unité africaine (OUA). Addis-Abeba est d'ailleurs le siège de l'OUA et de la Commission économique pour l'Afrique de l'ONU.

Bien qu'étant membre du Mouvement des non-alignés, après la révolution de 1974, l'Éthiopie a développé des relations étroites avec l'Union soviétique et ses alliés, dont elle a d'ailleurs soutenu la politique et les prises de positions jusqu'au changement de gouvernement en 1991.

Aujourd'hui, l'Éthiopie entretient de très bonnes relations avec l'Occident et les USA, en particulier dans la réponse à l'instabilité régionale et, de plus en plus, par le biais de la participation économique. En revanche, les relations avec l'Érythrée restent extrêmement tendues en raison d'un différend frontalier persistant. De même, l'instabilité le long des frontières du Soudan et de la Somalie contribue aux tensions avec le régime du Front islamique national soudanais et plusieurs groupes en Somalie.

Le , l'Éthiopie a annoncé la rupture de ses relations diplomatiques avec le Qatar[3]. Le Ministère éthiopien des Affaires étrangères a déclaré que cet émirat déstabilisait la Corne de l'Afrique à travers son soutien à des groupes terroristes régionaux.

Conflits internationaux

Somalie

La majeure partie de la frontière qui sépare l'Éthiopie au sud de la Somalie est une "ligne administrative provisoire" et non une frontière internationale.

Depuis la Guerre de l'Ogaden qui opposa les deux pays en 1977 et 1978 après l'invasion de l'Ogaden par les troupes somaliennes de Siad Barre, les conflits territoriaux continuent dans la région.

Fin décembre 2006, l'armée éthiopienne intervient contre les islamistes somaliens de l'Union des tribunaux islamiques qui avaient pris le pouvoir en juin soutenus et armés par l'Érythrée et qui doivent alors fuir Mogadiscio (voir Guerre en Somalie). L'Éthiopie prend ainsi le contrôle de la majeure partie du pays et le gouvernement de transition se déclare le gouvernement de facto du pays. Depuis 2007, une guérilla et des actes de terrorisme ont lieu contre le gouvernement de la Somalie et les forces Éthiopiennes. L'Éthiopie mène un double jeu en soutenant officiellement le gouvernement de transition tout en s'alliant à des clans d'opposition au régime actuellement au pouvoir en Somalie. Ainsi, les sécessionnistes du Somaliland autorisent le commerce éthiopien à passer par leurs ports, donnant ainsi à l'Éthiopie un accès à la mer.

Érythrée

L'Érythrée est devenue indépendante de l'Éthiopie en 1993. Par la suite, des désaccords sur l'emplacement des frontières ont amené à la guerre Érythrée-Éthiopie (1998-2000) qui a débouché en 2002 sur la mise en place d'une commission frontalière. Pourtant, la détermination des limites frontalières n'a cessé d'être repoussée malgré la pression internationale. L'Éthiopie demande avec insistance que la frontière prenne en compte la "géographie humaine" et non les délimitations techniques définies par la Commission, notamment concernant la région frontalière de Badme. De son côté, l'Érythrée demande l'application stricte de la décision de la Commission.

Malgré les tensions persistantes, la guerre n'a pas repris.

Le , l'Érythrée envoie une délégation en Éthiopie. Le , le président érythréen Isaias Afwerki et le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, réunis à Asmara, ont conclu un accord de paix entre les deux pays[4]. Ce traité de paix s'inscrit dans une volonté commune de développer leur économie[5].

Egypte

Entre l’Éthiopie et l’Égypte, les relations ont connu plusieurs pics de tension à propos de l'exploitation du Nil qui traverse ces deux pays.

En 1875, l'Égypte et l'Éthiopie se sont affrontées en partie à cause d'une controverse relative au Nil et en 1978, le président Anouar el-Sadate avait menacé son homologue éthiopien, le général Mengistu, de représailles s'il se mettait en tête de retenir une partie des eaux du fleuve[6].

Depuis le milieu des années 1990, les relations se sont dégradées à propos du Barrage de la Renaissance. Ce projet est lancé en 1995 à l'initiative de l’Éthiopie pour développer l'agriculture irriguée et le potentiel hydroélectrique d'un pays[6]. L'Égypte redoute qu'une redistribution des eaux du Nil ne la transforme à terme en désert.

Entre le début du chantier en 2011, et 2019, les négociations se succèdent sans permettre de résoudre les désaccords entre les pays[7].

En mars 2021, depuis le Soudan où il est en visite, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi critique l’intention de l’Éthiopie de procéder à la seconde phase de remplissage du mégabarrage sur le Nil[8].

Kenya

Le Kenya partage avec l'Éthiopie située au nord, une frontière de 861 km.

Malgré cette proximité géographiques, le montant des échanges entre les deux États n'étaient que de 8 millions de dollars par an dans les années 2010[9].

Plusieurs partenariats ont été conclus ces dernières années pour renforcer leur coopération économique et leurs échanges commerciaux.

En , le chantier d'une interconnexion électrique entre le Kenya et l'Éthiopie est lancée, avec pour ambition d'être opérationnelle à la m-2019. Le transfert d'électricité permi par cette infrastructure pourrait atteindre 2 000 mégawatts[10].

En , les chefs d'État des deux pays, Uhuru Kenyatta et Abiy Ahmed, se rencontrent en Éthiopie pour renforcer leur coopération économique, notamment en instaurant une zone de libre-échange à Moyale, ville située à la frontière entre les deux pays et sur la route reliant Nairobi à Addis- Abeba[9]. Leurs discussions ont aussi porté sur le "Lamu Port Southern Sudan-Ethiopia Transport Corridor", mégaprojet comprenant le développement du port de Lamu, au Kenya. Avec le "Lapsset", cette future mégalopole constituerait également le point d'arrivée d'un pipeline de plus de 1 500 kilomètres, d'une autoroute et d'un chemin de fer qui partiraient du Soudan du Sud et d'Éthiopie[9].

Soudan

L'Éthiopie et le Soudan partagent une frontière d'environ 720 km située au sud-est du Soudan. L'accord sur le tracé des frontières remonte à 1902 entre l'Éthiopie et la Grande-Bretagne, puissance coloniale qui contrôlait le Soudan, mais des lacunes persistent sur certains points provoquant régulièrement des incidents avec des agriculteurs éthiopiens venant cultiver sur un territoire revendiqué par le Soudan[11]. La zone contestée est le triangle d’Al-Fashaga, une zone de 250 km2, stratégique car fertile pour les deux pays très peuplés[12].

Le gouvernement d'Omar el-Bechir ne cherche pas à contrôler cette région, occupé par la seconde guerre civile soudanaise, mais la révolution provoque un changement de régime et un revirement politique de la part du Soudan qui ambitionne de reprendre ce territoire[12]. Avant 2018, le Soudan d'Omar el-Bechir soutenait le projet éthiopien du barrage de la Renaissance, le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique, espérant obtenir de l’électricité à bas coût et un instrument pour réguler les crues, parfois dévastatrices[13]. En 2020, après la première phase de remplissage et la révolution soudanaise, Khartoum change de ton, et s’inquiète de la mise en danger de sa production hydroélectrique, et des risques que l’énorme réservoir du Gerd fait courir aux 20 millions de Soudanais vivant en aval[13]. Surtout, le Soudan comme l’Égypte refusent la deuxième étape de remplissage, prévue pour juillet 2021, sans accord contraignant sur la répartition des eaux du Nil[13].

En , tandis que la guerre du Tigré éclate en Éthiopie, opposant le gouvernement d'Abiy Ahmed à la région séparatiste du Tigré, le gouvernement soudanais masse 6000 soldats à la frontière, officiellement pour empêcher le conflit de déborder sur territoire[12] En effet, le conflit déborde au Soudan, où des fermes sont attaquées par combattants venus d'Éthiopie, dont l'identité est incertaine, le gouvernement éthiopien les désignant comme des bandits, alors que son homologue soudanais les accuse d'être des miliciens pro-gouvernementaux[13].

De son côté, l'armée soudanaise multiplie les incursions, profitant de la guerre civile éthiopienne pour prendre le contrôle du territoire disputé entre les deux États[12]. Les jours suivant, l’offensive soudanaise se heurte à une résistance de l'Éthiopie, dont l'armée remporte une victoire rapide sur le front du Tigré, tandis que 50.000 Éthiopiens déplacés par le conflit se réfugient au Soudan[12].

En , quatre soldats soudanais sont tués dans une embuscade éthiopienne provoquant l'envoi par le Soudan d'importants renforts à la frontière accompagnés par le chef du Conseil de souveraineté, Abdel Fattah Abdelrahmane al-Burhan[11]. Mais l'Éthiopie minore l'importance de l'incident rejetant la faute sur des milices éthiopienne non identifiées, et affirme qu'il ne menace pas les relations entre les deux pays[11].

Une semaine plus tard, les chefs d'État éthiopiens et soudanais Abiy Ahmed et Abdallah Hamdok se rencontrent et prévoient l'organisation d'un comité sur le tracé des frontières[11]. Un cycle de discussions a lieu à Khartoum les 22 et entre les délégations des deux pays, menées du côté éthiopien par le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Demeke Mekonnen et du côté soudanais par le ministre chargé du cabinet Omar Manis[14]. Mais les délégations se séparent sans accord sur le tracé de la frontière, tout en qualifiant les discussions d'amicales, remettent des rapports à leurs dirigeants et planifient une future réunion à Addis-Abeba[15].

La tension monte néanmoins d'un cran le lorsque le Soudan déclare avoir pris le contrôle du triangle d’Al-Fashaga, tandis que le porte-parole du ministère des affaires étrangères éthiopien Dina Mufti menace le Soudan d'une contre-attaque éthiopienne[12]. Des affrontements sporadiques se poursuivent les mois suivants[13].

En août 2021, le ministre soudanais de l'Énergie Jaden Ali Obeid déclare que le Soudan est en discussion avec l'Éthiopie pour l'achat de 1000 mégawatts d'électricité, illustrant l'ambivalence du pays au sujet de la construction du barrage de la Renaissance qui lui fait craindre des inondations, mais sur lequel il compte pour son électrification[16]. Avant cette date, le Soudan importait déjà d'Éthiopie environ 10 % de ses besoins en électricité[16],

Russie

En 2021, la Russie est le premier fournisseur de l’armée éthiopienne, face aux sanctions américaines en raison de la crise du Tigré qui suivent les pressions de l’administration de Donald Trump dans la crise diplomatique du barrage de la Renaissance[17].

Implication dans des organisations internationales

L'Éthiopie fait partie de plusieurs organisations internationales :

ACP, AEIA, AID, BAD, BIRD, CEA, CIO, CNUCED, FAO, FISCR, FIDA, FMI, G-24, G-77, HCR, IGAD, Intelsat, Interpol, ISO, MICR, NAM, OACI, OIAC, OIM (observateur), OIT, OMI, OMM, OMPI, OMS, OMT, ONU, ONUDI, OUA, SFI, UIT, UNESCO, UNU, UPU.

Représentation internationale

Voir aussi

Liens externes

Notes et références

  1. Chris Proutky, Empress Taytu and Menelik II, Trenton: The Red Sea Press, 1986, p247-256
  2. Bahru Zewde, A History of Modern Ethiopia, seconde édition, Oxford : James Currey, 2001
    Sven Rubenson, The Survival of Ethiopian Independence, Hollywood: Tsehai, 1991
  3. Article L'Éthiopie rompt ses relations diplomatiques avec le Qatar publié le 22 avril 2008, Magazine L'International
  4. « Éthiopie – Érythrée : la paix après des décennies de guerre », sur France 24, (consulté le )
  5. « Rapprochement Éthiopie-Érythrée : « C’est un virage à 180 degrés, mais la route est encore longue » », sur JeuneAfrique.com, (consulté le )
  6. Arielle Thédrel et Service Infographie, « La guerre du Nil Bleu rebondit entre l'Éthiopie et l'Égypte », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
  7. « Offres de médiation sur le barrage du Nil bleu », sur Les Echos, (consulté le )
  8. « Sissi rejette la politique du « fait accompli » de l’Éthiopie », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  9. Marlène Panara, « Kenya-Éthiopie : un nouveau partenariat économique mis en œuvre », sur Le Point, (consulté le )
  10. « Kenya-Ethiopie : le projet d'interconnexion électrique sera achevé l'année prochaine », sur La Tribune (consulté le )
  11. « Négociations mardi sur le tracé des frontières avec l’Éthiopie », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  12. « L’Éthiopie et le Soudan à couteaux tirés pour le contrôle d’une zone frontalière », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  13. Gwenaëlle Lenoir, « Le Soudan empêtré dans le duel entre l'Égypte et l'Éthiopie », sur Orient XXI, (consulté le )
  14. « L'Ethiopie critique l'attitude du Soudan sur la question frontalière », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  15. « Le Soudan et l’Éthiopie se séparent sans décision sur le tracé de leur frontière », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  16. Agence Ecofin, « Le Soudan veut acheter 1000 mégawatts d'électricité à l'Ethiopie », sur Agence Ecofin (consulté le )
  17. Ramzi Basha, « Barrage Renaissance sur le Nil. À pas prudents, la Russie s'engage dans un dossier explosif », sur Orient XXI, (consulté le )
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