Pentecôte
La Pentecôte (du grec ancien πεντηκοστὴ ἡμέρα / pentêkostề hêméra, « cinquantième jour ») est une fête chrétienne qui célèbre l'effusion du Saint-Esprit le cinquantième jour à partir de Pâques sur un groupe de disciples de Jésus de Nazareth, dont les Douze Apôtres. Cet épisode est relaté dans les Actes des Apôtres.
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Pentecôte | |
La Pentecôte, Heures d'Étienne Chevalier, enluminées par Jean Fouquet, musée Condé, Chantilly. | |
Observé par | les catholiques |
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Type | Célébration religieuse |
Signification | Commémore la descente de l'Esprit saint sur les Apôtres le 50e jour à partir de Pâques. |
Date | 7 semaines après le dimanche de Pâques (50 jours en comptant celui-ci) |
Date précédente | 31 mai 2020 |
Date courante | 23 mai 2021 |
Date suivante | 5 juin 2022 |
Observances | Messe, prières |
Lié à | Chavouot Pâques |
Cette fête, qui clôt le temps pascal et dont la célébration est attestée localement à partir du IVe siècle, puise son origine dans la fête juive de Chavouot, prescrite dans les livres de l'Exode et des Nombres.
La Pentecôte se célèbre le septième dimanche après le dimanche de Pâques, à une date mobile calculée par le Comput. Elle tombe toujours un dimanche entre le et le . Elle se poursuit le lendemain, dans certains pays, par un lundi férié ou chômé, dit « lundi de Pentecôte ».
Origines de la fête
La fête juive
Dans le calendrier juif, Chavouot se déroule « sept semaines entières » ou cinquante jours jusqu'au lendemain du septième sabbat »[v 1], après la fête de Pessa'h. De là son nom de Fête des Semaines (Chavouot, en hébreu) et celui de Pentecôte (cinquantième [jour], en grec ancien) dans le judaïsme hellénistique. Cinquante jours constituent sept semaines, selon la façon de compter de la Bible, et le chiffre 7 est éminemment symbolique[1].
Fête à considérer comme un sursaut de la tradition prophétique qui tend à s'estomper dans le judaïsme du Second Temple au profit d'une religion sacerdotale, elle puise ses origines dans une fête célébrant les moissons[v 2] qui devient progressivement la célébration de l'Alliance sinaïtique entre Dieu et Moïse et de l'instauration de la Loi mosaïque[2]. Prescrite dans les livres de l'Exode et des Nombres[3], vers le début du Ier siècle elle devient l'un des trois grands pèlerinages annuels, surtout célébré par certains juifs hellénisés[n 1] et par certaines sectes juives[n 2] tout en conservant hors de ces groupes minoritaires sa dimension agricole jusqu'au Ier siècle de notre ère. Ce n'est qu'à partir du IIe siècle que le pharisianisme lie la fête de la moisson à la commémoration du don de la Loi au Sinaï[4].
Le Nouveau Testament
Les évangiles synoptiques n'évoquent pas la Pentecôte.
Les Actes des Apôtres situent explicitement lors de la fête juive[5] le moment où les premiers disciples de Jésus de Nazareth, qui sont réunis au nombre de cent vingt[6], reçoivent l'Esprit saint et une inspiration divine dans le Cénacle de Jérusalem : des langues de feu se posent sur chacun d'eux, formalisant la venue de l'Esprit dans un épisode de communication inspirée qui permet aux disciples de s'exprimer dans d'autres langues que le galiléen et d'être compris par des étrangers, ce qui a été assimilé soit à du polyglottisme ou de la glossolalie selon les théologiens[7],[8],[2].
« Le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d'un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d'eux. Et ils furent tous remplis du Saint Esprit, et se mirent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer. »
— Actes 2:1-4[v 3]
Le récit des Actes insiste à la fois sur l'universalité de l'évènement, qui concerne environ cent-vingt disciples de Jésus — au nombre desquels les Douze — et dont sont témoins des gens venus de « toutes les nations », ainsi que sur son caractère cosmique[6]. L'image du feu — conforme à la tradition juive de l'époque sur l'épisode de la révélation sinaïtique que l'épisode entend renouveler — matérialise la « Voix » divine. La tradition chrétienne perçoit et présente la Pentecôte comme la réception du don des langues qui permet de porter la promesse du salut universel aux confins de la Terre[2] ainsi que semble en attester l'origine des témoins de l'événement, issus de toute la diaspora juive[v 4].
La prise de possession des disciples par l'Esprit-Saint évoque les transes prophétiques et l'apôtre Pierre, qui cite une prophétie de Joël[v 5] qui concerne tant la Terre que le Cosmos[v 6], annonce la venue d'un peuple de prophètes, un statut accordé à tout disciple de Jésus qui peut s'engager dans une mission universelle[6] et assurer la diffusion de l'Évangile : le discours de Pierre conduit 3 000 juifs pieux au baptême[9].
« Ceux qui acceptèrent sa parole furent baptisés ; et, en ce jour-là, le nombre des disciples s'augmenta d'environ trois mille âmes. »
— Actes 2:41
Dans un épisode rapporté par le seul évangile selon Jean, celui de la dernière Cène qui se déroule la veille de sa Passion, Jésus annonce la venue du Paraclet (traduit par le « Consolateur » ou le « Défenseur ») :
« Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur, afin qu'il demeure éternellement avec vous, l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point ; mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous[v 7],[v 8]. »
Histoire
La célébration de cet épisode n'apparaît toutefois pas avant le IIe siècle, liée à la fixation de la célébration de la fête chrétienne de Pâques, fixée un dimanche de printemps qui se prolonge alors par une cinquantaine de jours de célébrations que le prêtre carthaginois Tertullien nomme, vers 200, « spatium Pentecostes »[10]. Attestée dans certaines communautés chrétiennes à partir de la fin du IIe siècle, elle n'était pas généralisée : ce n'est qu'à partir du IVe siècle que la fête de la Pentecôte est instituée précisément à l'ultime des cinquante jours de cette période[11] et solennisée un dimanche[10] ; elle est attestée à Rome et Milan vers 380[10].
À l'époque de Charlemagne, la Pentecôte était devenue une « fête d'obligation », mentionnée comme telle lors du concile régional de Mayence[12], au cours de laquelle l'Église catholique s'adressait aux nouveaux baptisés et confirmés.
Dans le catholicisme, le concile Vatican II a remis à l'honneur le culte rendu à l'Esprit saint. Cette fête donne parfois lieu à des célébrations particulièrement festives, notamment au sein des communautés charismatiques[13].
La Pentecôte est l'une des Douze Grandes Fêtes de l'Église orthodoxe[14].
Elle est l'une des trois principales fêtes célébrées par les évangéliques[15],[16],[17].
Symbolique
La fête de la Pentecôte est une occasion spécifique de célébrer le Saint-Esprit, troisième personne de la Trinité. À travers la Pentecôte, l'Église commémore l'anniversaire de sa propre fondation[18].
En cette occasion, les prières invoquent Dieu pour qu'il envoie l'Esprit-Saint « sur l'Église et les Églises de notre temps » et, sur un plan plus individuel, que l’Esprit leur soit accordé de manière personnelle[13].
Les trois symboles bibliques que reprend la liturgie sont la colombe, mentionnée lors du baptême de Jésus de Nazareth[19], ainsi que le souffle de vent et les langues de feu[20]répandues lors de la venue de l'Esprit[21].
Messe chantée et vêpres
Dans la tradition catholique, la messe chantée à la fête de la Pentecôte comporte la séquence grégorienne Veni Sancte Spiritus. Dans quelques rares églises catholiques d'Europe occidentale, usage hérité du Moyen Âge, des pétales de roses sont lancés sur les fidèles pendant le chant de la séquence. En outre, l'hymne grégorienne de vêpres de la fête de la Pentecôte est le Veni Creator Spiritus.
Olivier Messiaen a composé une de ses œuvres majeures pour orgue, la Messe de la Pentecôte, pour célébrer cette fête.
Pentecôtisme
Au début du XXe siècle apparaît le pentecôtisme, appelé aussi mouvement de Pentecôte, un courant chrétien évangélique accordant une importance spéciale aux dons du Saint-Esprit, tels ceux manifestés par les apôtres et autres fidèles rassemblés le jour de la Pentecôte[22].
Calendrier
Fête mobile
La Pentecôte est célébrée le septième dimanche, soit quarante-neuf jours après le dimanche de Pâques. La date en est variable puisque Pâques est une fête mobile[n 3]. Elle est toujours comprise entre le et le .
Elle est la troisième des cinq fêtes cardinales de l'année liturgique catholique.
Les dates récentes ou imminentes de cette fête religieuse mobile par rapport au calendrier grégorien sont les dimanches suivants dans l'Église catholique, selon le comput[23],[24] :
- année précédente : dimanche 31 mai 2020 ;
- année courante : dimanche 23 mai 2021 ;
- année suivante : dimanche 5 juin 2022.
Caractère férié
La fête de la Pentecôte a lieu un dimanche, jour férié dans les pays de culture chrétienne.
Dans certains pays, le lendemain est également férié : le lundi de Pentecôte est actuellement jour férié en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en France, en Hongrie, en Islande, au Liechtenstein, en principauté de Monaco, au Luxembourg, aux Pays-Bas, dans certains cantons suisses, en Norvège, au Danemark[25], en Ukraine, en Roumanie, à Chypre, en Grèce (secteur public et certains secteurs du privé), à Madagascar, au Bénin, au Togo, en Côte d'Ivoire et au Sénégal qui, pourtant, est un pays à 90 % musulman.
En Suède, il ne l'est plus depuis 2005, année où le (fête nationale suédoise) est devenu férié. Mais il ne l'est pas dans des pays pourtant de tradition catholique comme l'Italie[n 4], le Brésil, l'Irlande, l'Espagne, le Canada[n 5], le Portugal, la Pologne, ni au Cameroun, ni dans certains pays de tradition orthodoxe comme la Russie.
En France, le lundi de Pentecôte a été jour férié depuis le concordat de 1801 jusqu'en 2004. Entre 2004 et 2007, à la suite de la décision du gouvernement Raffarin d'en faire une journée de solidarité envers les personnes âgées et handicapées, il devient non chômé pour beaucoup d'entreprises, les salariés devant alors travailler sans percevoir la rémunération supplémentaire relative à un jour férié. Les règles concernant ce travail non rémunéré sont toutefois assouplies dès 2008, et les salariés ne sont plus tenus de travailler ce jour-là[26]. Dans la polémique liée à cette mise en place, l'épiscopat français déclara qu'il n'y avait pas objection d'ordre religieux à sa suppression, mais réclama une concertation[27].
Notes et références
Notes
- À l'instar des communautés où fut composé le Livre des Jubilés.
- À l'instar des communautés de Qumrân.
- par exemple le dimanche de Pentecôte de l'année prochaine se déroulera le 5 juin, alors que celui de l'année en cours est le 23 mai.
- Ce jour férié existait en Italie jusqu'à ce que le gouvernement l'incorpore aux congés payés pour éviter un pont à effet délétère sur l'économie.
- Le Canada célèbre la Fête de la Reine Victoria et la Journée nationale des patriotes au Québec le lundi qui précède le 25 mai, date qui correspond parfois au lundi de Pentecôte.
- Versets
- Lv 23. 15-16.
- Ex 23. 16.
- Ac 2. 1-4.
- Ac 2. 5-11.
- Jl 2. 2-3, cité par Lémonon, 1998, op. cit.
- Ac 2. 19, cité par Lémonon, 1998, op. cit.
- 15-31 Jn 14, 15-31.
- Jn 14,15.
Références
- Pentecôte ou le cinquantième jour.
- Marie Françoise Baslez, Bible et Histoire, éd. Gallimard, coll. Folio Histoire, 2003, p. 219-243.
- Exode 23:16-17, 34:26, Nombres 28:26.
- Hugues Cousin, « Le récit de Pentecôte (Actes 2,1-13) », supplément au Cahier Évangile no 124, éd. du Cerf, 2003, article en ligne.
- Philippe Rouillard, Les Fêtes chrétiennes en Occident, p. 103.
- Jean-Pierre Lémonon, L'Esprit Saint, éditions de l'Atelier, , 175 p. (ISBN 978-2-7082-3354-6, lire en ligne), p. 88-89.
- Mal Couch, A Bible Handbook to the Acts of the Apostles, Kregel Academic, USA, 1999, p. 38
- Bill Lockwood, 'Gift of tongues' involved speaking foreign languages, timesrecordnews.com, USA, 10 décembre 2016
- Philippe Rouillard, Les Fêtes chrétiennes en Occident, p. 104-105.
- Philippe Rouillard, Les fêtes chrétiennes en Occident, Certf, (ISBN 978-2-204-07106-2, lire en ligne), p. 103-104
- Simon Claude Mimouni et Pierre Maraval, Le christianisme des origines à Constantin, éd. P.U.F., coll. Nouvelle Clio, 2006, p. 448.
- Rémy Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, L. Vivès, 1863, p. 643-644, § 8.
- Philippe Rouillard, Les fêtes chrétiennes en Occident, Cerf, (ISBN 978-2-204-07106-2, lire en ligne), p. 105-106
- Michael Prokurat, Alexander Golitzin, Michael D. Peterson, The A to Z of the Orthodox Church, Rowman & Littlefield, USA, 2010, p. 128
- William H. Brackney, Historical Dictionary of the Baptists, Scarecrow Press, USA, 2009, p. 402
- Daniel E. Albrecht, Rites in the Spirit: A Ritual Approach to Pentecostal/Charismatic Spirituality, A&C Black, UK, 1999, p. 124
- Walter A. Elwell, Evangelical Dictionary of Theology, Baker Academic, USA, 2001, p. 236-239
- Philippe Rouillard, Les fêtes chrétiennes en Occident, Cerf, (ISBN 978-2-204-07106-2, lire en ligne), p. 105
- Lc 3. 21-22
- Ac 2. 2-3
- Philippe Rouillard, Les fêtes chrétiennes en Occident, Cerf, (ISBN 978-2-204-07106-2, lire en ligne), p. 106
- J. Gordon Melton, Pentecostalism, britannica.com, USA, consulté le 28 mai 2020
- (fr) « Dates des fêtes de 2010 à 2035 », sur www.lexilogos.com (consulté le ).
- (fr) www.imcce.fr : date de Pâques (ajouter 7 semaines soit 49 jours pour le dimanche de Pentecôte, ou 50 jours pour le lundi).
- « Jour férié sur borger.dk (da) ».
- « « Journée de solidarité » : le lundi de Pentecôte, un jour férié pas comme les autres », sur europe1.fr, Europe 1, (consulté le ).
- « Sacré lundi de Pentecôte ! », Le Parisien, 31/12/2003.
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Ouvrages historiques
- Jean Chelini, Le calendrier chrétien : cadre de notre identité culturelle, Paris, Picard, 2007.
- Daniel Marguerat, Les Actes des apôtres (1-12), Labor et Fides, 2007 (ISBN 978-2-8309-1229-6).
- Philippe Rouillard, Les Fêtes chrétiennes en Occident, Le Cerf, , 347 p. (ISBN 978-2-204-07106-2, lire en ligne), p. 103-108.
- Ouvrages et articles de théologie
- Arnaud Join-Lambert, « Quel sens pour les fêtes chrétiennes ? », dans Études no 4123, , p. 355-364.
- Robert Le Gall, « Année liturgique et vie spirituelle », dans La Maison Dieu no 195, 1993, p. 197-210.
- Thomas J. Talley, Les Origines de l’année liturgique. Paris, Cerf, 1990 (Liturgie 1).
Articles connexes
Liens externes
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