Paul Poiret

Alexandre Paul Poiret né à Paris le [1] et mort dans la même ville le est un grand couturier et parfumeur français.

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Connu pour ses audaces, il est considéré comme un précurseur du style Art déco. Il crée la maison de couture qui porte son nom en 1903.

Biographie

Famille

Fils d'Auguste Poiret (vers 1840-1903), marchand-drapier établi Rue des Deux-Écus[2] aux abords de la Halle aux blés des Halles centrales, et de Louise Heinrich, son épouse, Paul Poiret est le second enfant et le seul garçon d'une fratrie de quatre enfants.

Il a trois sœurs. L'aînée, Jeanne (1871-1959) épousera le bijoutier René Boivin (1864-1917) ; la cadette, Germaine (1885-1971), modiste et artiste peintre, s'unira à un certain Bongard et tiendra de 1911 à 1925 au 5, rue de Penthièvre à Paris une maison de couture connue sous le nom de Jove, dans laquelle elle exposera des œuvres d'artistes de l'École de Paris ; la benjamine, Nicole (1887-1967) donnera à son époux, l'ébéniste André Groult (1884-1967) deux enfants : Benoîte Groult et Flora Groult.

Paul Poiret épouse le à Paris Denise Boulet (1886-1982). Le couple aura cinq enfants : Rosine (née en 1906), Perrine (vers 1910), Martine (1911) , Colin (1912) et Gaspard (vers 1913).

Les débuts

Paul Poiret est embauché comme dessinateur de mode chez Doucet en 1898, puis travaille chez Worth de 1901 à 1903.

La maison Paul Poiret (1903-1929)

Il ouvre sa maison de couture en et habille Réjane, ce qui le lance. Il est le premier couturier, avec Madeleine Vionnet[3], à supprimer le corset en 1906, en créant des robes taille haute. Il devient ainsi un pionnier de l'émancipation féminine.

En 1908, il confie à Paul Iribe de dessin du catalogue Les Robes de Paul Poiret racontées par Paul Iribe. Le caractère novateur de l'ouvrage lui confère un grand succès. En 1910, l'orientalisme est à la mode. Les ballets russes et Léon Bakst triomphent à Paris. Poiret suit la tendance. Il achète les tissus colorés du Wiener Werkstätte à Vienne avec qui il entame une longue collaboration.

En 1909, il fait l'acquisition de l'ancien hôtel du Gouverneur des pages (XVIIIe siècle), 107, rue du Faubourg-Saint-Honoré, dont le jardin s'étend jusqu'à une grille de clôture à hauteur du 26, avenue d'Antin[4]. Il confie l'aménagement de cet hôtel particulier en lieu de vie pour lui et sa famille, en lieu de travail et en siège pour sa maison de couture à l'architecte et décorateur ensemblier Louis Süe[5] (1875-1968) qui opte pour le style néo-Louis XVI[réf. nécessaire].

Dans ce cadre Poiret donne le la somptueuse fête costumée persane sur le thème La mille & deuxième nuit , à laquelle sont conviés 300 invités, essentiellement des artistes. La maison est fermée de tapisseries pour l'évènement qui fera date. Le premier salon est aménagé en « cour sablée où, sous un vélum bleu essor, des fontaines jaillissaient dans des vasques en porcelaines ». De nombreuses personnalités sont présentées, comme les peintres Luc-Albert Moreau et Guy-Pierre Fauconnet, l'actrice Régina Badet ou la princesse Murat, alors que le tragédien Édouard de Max conte Les Sept Vizirs[6].

Cette même année, Poiret lance Les Parfums de Rosine  du prénom de sa première fille  et devient le premier à imaginer le « parfum de couturier » qu'il conçoit en harmonie avec ses créations. Il ouvre un laboratoire au 39, rue du Colisée et une usine à Courbevoie incluant un atelier de verrerie et de cartonnerie pour le conditionnement. Les premières compositions sont imaginées par Maurice Schaller puis par Henri Alméras, mais Poiret s'implique personnellement. Jusqu'en 1929, ce sont 35 parfums qui sortent des usines, dont certains adoptent des noms singuliers comme Shakhyamuni (1913) ou Hahna l’Étrange Fleur (1919)[7].

Toujours en 1911, il se diversifie dans les broderies et les imprimés avec les Ateliers de Martine  du prénom de sa deuxième fille . Georges Lepape collabore à l'album Les Choses de Paul Poiret pour présenter ses robes. Il fait aussi appel à d'autres artistes peintres comme Raoul Dufy, Mario Simon, André Marty, etc.

En 1911, pendant son voyage en Russie, Poiret s'installe chez son amie et grande couturière russe Nadejda Lamanova dans son atelier au boulevard Tverskoï (Moscou) et donne trois défilés de mode[8],[9].

Entre 1911 et 1917, il loue et restaure le pavillon du Butard à La Celle-Saint-Cloud et l'utilise comme résidence estivale et écrin de grandes fêtes, dont celle restée célèbre en date du  « Festes de Bacchus »  à l'occasion de laquelle il crée un costume de bacchante : robe en mousseline de soie imprimée et un « châle Knossos » de Mariano Fortuny y Madrazo, portés par Denise Poiret[10]. Isadora Duncan danse sur les tables au milieu de 300 invités et 900 bouteilles de champagne furent consommées jusqu'aux premières lueurs du jour.

Antérieurement, il avait fait construire à l'Île-Tudy la villa Kermaria où il organisa aussi des fêtes somptueuses ; les peintres Bernard Naudin et Raoul Dufy par exemple y séjournèrent[11], ainsi que le poète Max Jacob[12].

Il fait partie du cercle des Mortigny, fondé par Dimitri d'Osnobichine, qui regroupe de nombreux artistes et habitués de la vie parisienne : Bernard Boutet de Monvel, Pierre Brissaud, Georges Villa, Guy Arnoux, Joë Hamman, Lucien-Victor Guirand de Scevola, Joseph Pinchon, André Warnod, Pierre Troisgros, Jean Routier, Henri Callot, Pierre Falize, Pierre Prunier, cercle qui fonctionne jusque dans les années 1950. Poiret fait jouer Le Secret des Mortigny, pièce de Marcel Bain au théâtre de l'Oasis, théâtre de verdure dans le jardin de l'hôtel particulier du couturier au 26, avenue Victor-Emmanuel III à Paris[13].

Poiret connaît le triomphe : il habille les comédiennes les plus en vue ; c'est lui qui gaine de soie la première vamp de l'histoire, Irma Vep, interprétée par Musidora sous la direction de Louis Feuillade.

Il habille également le Tout-Paris, aidé par sa femme Denise qui se fait ambassadrice de la marque. Il s'inspire de ses nombreux voyages pour créer des vêtements marqués par l'Orient, la Russie, l'Afrique du Nord.

Créations de Paul Poiret en 1920, Nauplie, Fondation ethnographique du Péloponnèse.

En collaboration avec le peintre Raoul Dufy, il lance des imprimés audacieux. Plus tard, il crée la jupe-culotte et la jupe entravée, qui font scandale.

Le , jour de l'inauguration du Salon d'automne au Grand Palais à Paris, il remarque et achète le soir même deux des trois bouteilles décorées de médaillons et bandeaux émaillés de Maurice Marinot, avec qui il cherchera fin 1919 à collaborer directement en association avec son beau-frère André Groult, mais sans succès.

Il édita des robes de Georges Barbier, dont Groult éditait les papiers peints.

On lui doit la coupe du pantalon bleu horizon porté par les poilus à partir de fin 1916[14].

André Derain peint son portrait en 1915 (musée de Grenoble).

Après la Première Guerre mondiale, son étoile commence à pâlir. La clientèle le délaisse pour un style plus épuré. La Maison Paul Poiret connaît ses premières difficultés financières en 1923, mais poursuit ses activités grâce au soutien financier de Georges Aubert. Sa participation à l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes en 1925 est très remarquée : il présente ses collections sur trois péniches baptisées Délices, Amours et Orgues.

En 1921-1923 il fait construire à Mézy-sur-Seine (Yvelines) la villa Paul Poiret, dessinée par Robert Mallet-Stevens, dont la construction est interrompue par les difficultés financières du couturier en 1923, et qui ne sera terminée qu'en 1932 par Elvire Popesco, qui l'avait rachetée deux ans auparavant.

Il possédait également la villa Casablanca à Biarritz, construite en 1922 par Guillaume Tronchet et rachetée ensuite par Jean Patou[15]. Il possédait également la villa Treizaine à Gassin, sur la route de Saint-Tropez, où il peint[16].

En 1927, il joue avec Colette dans sa pièce La Vagabonde.

En 1928, Paul Poiret publie Pan, Annuaire du luxe à Paris, aux Éditions Devambez, très bel annuaire qui réunit presque tous les grands noms du commerce de luxe de l'époque. Publié et conçu par lui, il est illustré de 116 planches en noir et en couleurs par les plus grands artistes contemporains[17]. Cet album offre un panorama important sur la publicité des années 1920 : tailleurs, chapeliers, cannes, bottiers, couturiers, lingerie, fourrures, bijoux, la table, orfèvrerie, primeurs, vins, fleurs, galeries d'exposition, photographes, pharmaciens, restaurants, hôtels, cabarets, voyages, sports, bagages, plages, chevaux, chasse, pêche, etc.

Fin , la maison Paul Poiret ferme, du fait de la crise économique. les Parfums de Rosine sont rachetés par Oriza L. Legrand.

En 1930 il publie En habillant l'époque[18] et invente la gaine[réf. nécessaire], souple et confortable.

Sépulture de Paul Poiret.

Il publie trois livres de mémoires et meurt en partie ruiné et oublié en 1944. Il repose désormais au cimetière de Montmartre à Paris.

Sa marque commerciale est un turban très enveloppant orné d'une aigrette, que son épouse rend célèbre.

Hommage

Le Lycée des métiers d'art et de la mode Paul-Poiret, fondé à Paris en 1920 et établi depuis 1961 au no 19 de la rue des Taillandiers (11e arrondissement) porte son nom.

Œuvre

Collections et expositions posthumes

Les créations de Paul Poiret ont fait l’objet de plusieurs expositions.

  • 1986 : « Paul Poiret et Nicole Groult, maîtres de mode Art Déco », Paris, Palais Galliera, exposition temporaire[19].
  • 2005 : « La Création en liberté », Paris, galerie de la maison de couture Azzedine Alaïa, . Exposition temporaire de la garde-robe personnelle de Denise Poiret préalable à la vente aux enchères[20] lors de laquelle les effets personnels de l'épouse du couturier réalisent des montants records, notamment un manteau d'automobile créé par Paul Poiret pour elle en 1914, qui est adjugé plus de 110 000 euros[21].
  • 2007 : « Paul Poiret : Le Magnifique » (Paul Poiret: King of Fashion), New York, Metropolitan Museum. Première rétrospective d'envergure, conçue comme exposition itinérante, présentant de nombreuses pièces dont le musée a fait l'acquisition lors de la vente aux enchères qui s'est déroulé deux ans plus tôt[22].
  • 2011 : « Paul Poiret : Le Magnifique » (Paul Poiret: King of Fashion), Moscou, Kremlin et Saint-Pétersbourg[23]. Présentation en Russie de la rétrospective itinérante créé en 2007 au Metropolitan Museum of Art, pour célébrer le centenaire de la visite de Paul Poiret à Moscou et Saint-Pétersbourg.
  • 2013 : « Paul Poiret, couturier parfumeur », Grasse, musée international de la Parfumerie, exposition temporaire dédiée au travail pionnier de Poiret dans la parfumerie avec « Les Parfums de Rosine », lancés en 1911[24].
  • La Fondation Alexandre Vassiliev conserve, en plus de vêtements et accessoires par la maison de couture, plusieurs peintures[25] de la main de Paul Poiret, ainsi que des effets personnels[26].

Renouveau de la marque

Éteinte depuis 1933, la griffe Paul Poiret fait l’objet de nombreuses convoitises et plusieurs propriétaires se partagent les droits sur le nom. Le statu quo change lorsqu’au début des années 2010 la société luxembourgeoise Luvanis, spécialisée dans la relance de marques endormies, reprend l'ensemble des droits sur la marque dans le monde[27].

Désormais unique propriétaire, Luvanis charge en 2014 la banque d’affaires londonienne Savigny Partners de l'aider à trouver le meilleur candidat pour faire renaître la marque[28]. C’est le groupe de luxe sud-coréen Shinsegae International, notamment distributeur des marques Givenchy, Céline, Brunello Cucinelli et Moncler, qui est retenu en 2015 au terme d'un long processus de sélection[29].

Après plusieurs annonces dans la presse internationale[30], Shinsegae a confirmé la relance de Poiret depuis son berceau parisien en avec la femme d'affaires belge Anne Chapelle (PDG et propriétaire des marques Ann Demeulemeester et Haider Ackermann[31]) aux commandes de la maison et la couturière Yiqing Yin chargée des nouvelles collections[32]. Poiret présente sa première collection de mode depuis 90 ans en à Paris[33].

Notes et références

  1. Acte de naissance No 24 à Paris 1er arrondissement, p. 3, archives numérisées Paris.
  2. Paul Poiret, Revenez-y, Gallimard, Paris, 1932, p. 11 (en ligne).
  3. Françoise Thibaut, « Le temps des couturières : Madeleine Vionnet et Jeanne Lanvin », Canal Académie, .
  4. Façade sur jardin, 107, rue du faubourg Saint-Honoré, le , photographie de Charles Lansiaux, Paris, musée Carnavalet, (en ligne) sur le site Les Musées de la Ville de Paris parismuseescollections.paris.fr.
  5. Jess Berry, House of fashion: Haute couture and the modern interior, p. 37 (en ligne).
  6. Bénédicte Burguet, « Le paquebot moderniste de Paul Poiret », Vanity Fair no 5, , pp. 88-89.
  7. [PDF] Isabelle Chazot, « Naissance et évolution du parfum de couturier », sur L'Osmothèque (en ligne).
  8. Paul Poiret, En habillant l'époque
  9. (ru) Raisa Kirsanova, « Paul Poiret en Russie », Catalogue d'exposition "Paul Poiret - le roi de la mode", , p. 65-78.
  10. Don de Madame Poiret de Wilde au Palais Galliera, musée de la mode de la ville de Paris, en 1985.
  11. Erwan Mordelet, Île-Tudy, Quimper, éditions Alain Bargain, 2004.
  12. .
  13. Comoedia, .
  14. http://fortificationetmemoire.fr/wp-content/uploads/2018/03/Le-pantalon-de-la-discorde.pdf
  15. Pierre Groppo, « La villa de Paul Poiret et de Jean Patou », Vanity Fair no 32, , pp. 66-67.
  16. Henry Bidou, « Les peintres de la Côte », Journal des débats politiques et littéraires, , p. 6 (lire en ligne, consulté le ).
  17. Dont Jean Camille Bellaigue, Lucien Boucher, Jean Cocteau, Mlle Colin, Maurice Crozet, Louis de Lajarrige, Henri Deluermoz, Raoul Dufy, Jean Dupas, Yan Bernard Dyl, Pierre Fau, Léonard Foujita, Gus Bofa, Edy-Legrand, Herbert Libiszewski, Charles Martin, Pierre Mourgue, Sem, Louis Touchagues, Roger de Valerio, Maurice Van Moppès, etc.
  18. Paul Poiret, « En habillant l'époque », sur parismuseescollections.paris.fr (consulté le )
  19. Emmanuèle Peyret, « Poiret, sœurs et sans reproche », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  20. (en-US) Suzy Menkes, « Liberty belle: Poiret's modernist vision », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
  21. « Catalogue de la vente La Création en Liberté : Univers de Denise et Paul Poiret (1905 -1928) à Piasa - Fin de la vente le 11 Mai 2005 », sur www.piasa.auction.fr (consulté le ).
  22. « Poiret: King of Fashion », sur The Metropolitan Museum of Art, i.e. The Met Museum, (consulté le ).
  23. (en) Jekaterina Tchekourda, « Poiret, the Forgotte Fashion Designer », The Moscow Times, (lire en ligne, consulté le ).
  24. « Paul Poiret, premier couturier parfumeur, célébré à Grasse », Culturebox, (lire en ligne, consulté le ).
  25. (en) Fondation Alexandre Vassiliev, « "Ma terrasse" by Paul Poiret », sur www.vassilievfoudation.com
  26. (en) Fondation Alexandre Vassiliev, « Aimée and Louise VIEILLOT portrait », sur www.vassilievfoundation.com.
  27. (en-US) Miles Socha, « Paul Poiret Poised for Brand Revival », WWD, (lire en ligne, consulté le ).
  28. (en) Vanessa Friedman, « Fashionistas and Investors Start Salivating: Paul Poiret Is For Sale », On the Runway Blog, (lire en ligne, consulté le ).
  29. (en-US) Miles Socha, « Paul Poiret Trademarks Acquired By Shinsegae International », WWD, (lire en ligne, consulté le ).
  30. (en-US) Astrid Wendlandt, « The Rebirth of Paul Poiret », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
  31. « La maison Poiret va “renaître” plus de 80 ans après sa fermeture », Journal du Luxe.fr Actualité du luxe, (lire en ligne, consulté le ).
  32. (en) Osman Ahmed, « Anne Chapelle’s Next Move: Rebooting Poiret », The Business of Fashion, (lire en ligne, consulté le ).
  33. (en) Laird Borrelli-Persson, « Poiret Is Being Revived a Century After Its Heyday—Will It Matter to Fashion Audiences in 2018? », Vogue, (lire en ligne, consulté le ).

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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