Charles Frederick Worth

Charles Frederick Worth, né le à Bourne (Lincolnshire, Royaume-Uni) et mort le à Paris (France), couturier français d'origine britannique[1], est « un des fondateurs de la haute couture Parisienne »[2] et de la Maison Worth. C'est lui qui crée le principe de la maison de couture.

Biographie

Des débuts modestes

Worth nait en Angleterre le 13 octobre 1825 dans une famille de condition modeste. Jeune homme, il est apprenti et employé chez deux marchands de textile à Londres. Il y acquiert une connaissance approfondie des tissus et des besoins des couturiers. Il visite souvent la National Gallery et d'autres expositions, et y étudie les portraits historiques. On retrouvera dans ses créations ultérieures des éléments inspirés de ces portraits[3].

Installation à Paris et premiers modèles

Maison Worth, 7 rue de la Paix (Paris).

Worth s'installe à Paris en 1845, où il trouve du travail chez Gagelin (neveu à la mode de Bretagne du mari de Mme Eloffe), maison importante de vente de textiles, de châles et de vêtements prêts à porter. Il en devient le principal vendeur et finit par ouvrir une division couture : c'est son premier travail de couturier professionnel. Ses modèles exposés aux expositions universelles de Londres en 1851 et de Paris en 1855 sont récompensés par des prix qui contribuent à la réputation de Gagelin, mais attirent aussi l'attention sur Worth lui-même. Il peut ainsi fonder sa propre firme en 1858 au 7 rue de la Paix, avec un associé, Otto Bobergh[3].

Sa conception de la création de mode est différente de celle existante jusqu'alors : il crée le principe de la maison de couture. Avant Worth, le couturier répond aux commandes de la clientèle ; le client demande, le couturier exécute : c’est un artisan. Worth crée des modèles inédits, selon son inspiration, mettant son sens artistique en avant : c'est un artiste. Il lance ses propres collections, dont les modèles sont faits à l'avance, et sont présentés dans des salons luxueux, en un seul exemplaire. Le rôle de la cliente est limité au choix des couleurs et du type de tissus, Worth a une autonomie dans la création. Les collections changent régulièrement, ouvrant le cycle de la mode (collection printemps-été, automne-hiver)[4].

Le succès

Le succès de Worth s'inscrit dans la trajectoire du Second Empire. Avec Napoléon III, Paris redevient une capitale impériale, dont l'empereur veut faire une vitrine pour l'Europe. La demande en articles de luxe, y compris les vêtements et robes à la mode, atteint des niveaux inconnus depuis la Révolution. Quand Napoléon III épouse Eugénie de Montijo, les goûts de la nouvelle impératrice donnent le ton de la cour : Worth y est en faveur et devient un couturier très demandé dès les années 1860[3]. Il compte dans ses clientes des membres de la haute société parisienne et de l'aristocratie, comme la princesse Pauline de Metternich, épouse de l'ambassadeur d'Autriche.

Worth est célèbre dans l’évolution du vêtement pour avoir remplacé la crinoline par la tournure.

Worth innove dans le processus de commercialisation et de communication : avant lui, le couturier communique à travers des magazines de mode ou en envoyant par courrier des poupées habillées. Worth invente le mannequin vivant qu'il appelle le sosie, et il utilise pour cela sa propre femme Marie Vernet Worth. Il organise des défilés de mode et met en scène ses créations, accepte des copies de ses robes par les grands magasins.

Worth crée tout au long de l'année, inventant le concept de mode de saison. Il personnalise le modèle pour chaque cliente. Il crée un thème, puis décline plusieurs modèles sur le même thème.

Il invente le personnage de créateur de mode. Il a des liens avec de nombreux artistes.

Parmi ses clientes les plus en vue, à la Belle Époque, il compte notamment la comtesse Greffulhe, célèbre pour son élégance. Le palais Galliera, musée de la mode de la ville de Paris, détient dans ses collections de nombreux modèles griffés Worth ayant appartenu à la comtesse Greffulhe, parmi lesquels une cape du soir, transformée par Worth à partir d'un caftan donné à la comtesse par le tsar de Russie Nicolas II[5].

Il possède une grande connaissance technique de la filière du vêtement : textiles, couleurs, modes de confection, effets stylistiques… Il est en relation avec d'autres artisans pour les chaussures, les sacs, les chapeaux. Il domine un secteur professionnel qui repose sur le créateur, l'artisan et le confectionneur.

Une dizaine de maisons de couture vont se créer par la suite sur ce même modèle.

Porte monumentale de 1864, dernier vestige de la propriété initiale du couturier Worth. Elle comporte sur son fronton deux escargots, symbolisant l'ascension du couturier[6].
Sépulture de la famille Worth dans le cimetière Carnot de Suresnes.

Entre 1865 et 1869[7], l'architecte Denis Darcy construit pour lui une propriété à Suresnes, sur un terrain de 15 000 m² compris au croisement des actuelles avenue Franklin-Roosevelt et rue Worth. De style éclectique ou historiciste (néo-gothique et néo-florentine), la demeure comporte un jardin orné de serres exotiques, de bosquets, de cascades et d'un grand nombre de colonnes, de sculptures et de statues recueillies dans les ruines du palais des Tuileries, incendié pendant la Commune[8],[9]. L'intérieur est richement décoré : outre une profusion de porcelaines et d'accessoires luxueux[10], il comprend des fauteuils Louis XVI recouverts de beaux tissus, une baignoire d'argent ou encore des commodités en marbre disposant d'un jet de parfum ; l'une de ses clientes, Pauline von Metternich, a témoigné d'ailleurs du faste du grand salon de la demeure Worth[11]. En 1892, le fils du couturier, Gaston Worth, fait ériger sur le site un pavillon de style néo-normand (nommé a posteriori pavillon Balsan, en hommage à la milliardaire Consuelo Vanderbilt, épouse Balsan et donatrice de l'hôpital Foch), réplique de la villa les Bleuets de son frère Jean-Philippe, en Suisse. Au début des années 1930, le château originel de Charles Frederick Worth est démoli, tandis que les jardins et la quasi-totalité du site de l'ancienne propriété sont lotis pour accueillir l'hôpital Foch. Ne subsiste du bâtiment original que la porte monumentale de l'avenue Franklin-Roosevelt, tandis que le pavillon Balsan, légué à la fondation Foch, est conservé. Une rue adjacente est nommée en l'honneur du couturier[12],[13],[6],[14],[15],[16]. Une partie des ruines des Tuileries qui s'y trouvaient ont été déplacées à Barentin (Seine-Maritime)[17]. Charles Frederick Worth est enterré au cimetière Carnot de Suresnes[18].

À la mort du créateur en 1895, ses fils Gaston-Lucien (1853–1924) et Jean-Philippe (1856–1926) reprennent l'entreprise.


Bibliographie

  • Gaston Worth, La Couture et la Confection des Vêtements de Femme, Paris, Imprimerie Chaix, 1895.
  • Jean-Philippe Worth, A Century of Fashion, Boston, Little Brown and Cie, 1928.
  • Edith Saunders, The Age of Worth, couturier to the Empress Eugenie, Londres, Longmans, 1954.
  • Brooklyn Museum, The House of Worth, New York, The Brooklyn Museum, 1962.
  • Museum of the City of New York, The House of Worth, the gilded age 1860-1918, New York, Museum of the City of New York, 1982.
  • Elizabeth Ann Coleman, The Opulent Era: fashions of Worth, Doucet and Pingat, New York, The Brooklyn Museum / Thames & Hudson, 1989.
  • Amy de la Haye, Valerie D. Mendes, The House of Worth: Portrait of an Archive 1890-1914, Londres, Victoria & Albert Museum, 2014.
  • Karen M. DePauw, Jessica D. Jenkins, Michael Krass, The House of Worth: Fashion Sketches, 1916-1918, Mineola, Dover Publications & Litchfield Historical Society, 2015.
  • Chantal Trubert-Tollu, Françoise Tétart-Vittu, Jean-Marie Martin-Hattemberg et Fabrice Olivieri, La Maison Worth 1858-1954. Naissance de la Haute Couture, La bibliothèque des Arts, 2017.

Galerie

Notes et références

  1. Worth sur le site Wordnet de l'Université de Princeton, consulté le 21 mai 2009 : « French couturier (born in England) ».
  2. Traduction de l'anglais : « one of the founders of Parisian haute couture » sur Encyclopaedia Britannica, consulté le 09 octobre 2012.
  3. (en) Worth sur le site du Metropolitan Museum of Art de New York, consulté le 21 mai 2009.
  4. Catherine Örmen, Comment regarder la mode : histoire de la silhouette, Édition Hazan, 2009
  5. Laure Hillerin, La Comtesse Greffulhe, L'ombre des Guermantes, Flammarion, (lire en ligne)
  6. Le patrimoine des communes des Hauts-de-Seine, Flohic éditions, 1994, p. 387.
  7. « DARCY Denis », elec.enc.sorbonne.fr, consulté le 19 janvier 2021.
  8. Renée Grimaud, Hauts-de-Seine insolites : Trésors cachés et lieux secrets, Parigramme, 2013, p. 50.
  9. « Patrimoine », suresnes.fr, consulté le 23 juillet 2019.
  10. Yann Kerlau, Les secrets de la mode, Place des éditeurs, 14 février 2013.
  11. Jean Prasteau, Voyage insolite dans la banlieue de Paris, Librairie académique Perrin, 1985, p. 114-115.
  12. René Sordes, Histoire de Suresnes : Des origines à 1945, Société historique de Suresnes, , p. 457-458.
  13. Michel Hebert et Guy Noël, Suresnes. Mémoire en images : tome 1, Éditions Alan Sutton, , p. 38.
  14. Francis Prévost, Histoires de Suresnes, Suresnes Information, (ISBN 2-9503475-0-9), p. 160-161. Une photographie du château Worth y est publiée.
  15. « La demeure Worth », suresnes.fr, consulté le 8 septembre 2018.
  16. Françoise Louis-Chambon, « Journées européennes du patrimoine: Suivez le guide ! », Suresnes Mag n°310, , p. 46-47 (lire en ligne).
  17. Les Tuileries. Grands décors d’un palais disparu, éditions du Patrimoine, 2016, p. 250-251.
  18. Philippe Landru, « Suresnes (92) : cimetière ancien », sur landrucimetieres.fr, (consulté le ).

Annexes

Article connexe

Liens externes

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