Paris-Tours
Paris-Tours est une course cycliste française créée en 1896. C'est l'une des plus anciennes et des plus prestigieuses courses du calendrier professionnel. Se déroulant en automne, elle partage avec le Tour de Lombardie le surnom de « Classique des feuilles mortes ».
Sport | Cyclisme sur route |
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Création | 1896 |
Organisateur(s) | ASO |
Éditions | 114 (en 2020) |
Catégorie | UCI ProSeries |
Type / Format | Classique |
Périodicité | Annuelle (octobre) |
Lieu(x) | France |
Statut des participants | Professionnel |
Site web officiel | www.paris-tours.fr |
Tenant du titre | Casper Pedersen |
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Plus titré(s) |
Gustave Danneels Paul Maye Guido Reybrouck Erik Zabel (3 victoires) |
Née à la fin du XIXe siècle, c'est la deuxième course professionnelle en nombre d'éditions courues, derrière Paris-Roubaix et à égalité avec le Tour de Lombardie. Elle fait donc figure de course historique, bien que n'étant pas considérée comme un "Monument".
C'est une classique qui se court à travers la Beauce, la Gatine tourangelle et le Val de Loire, en région Centre.
Les coureurs les plus titrés sont le Français Paul Maye, les Belges Gustave Danneels et Guido Reybrouck et l'Allemand Erik Zabel, avec trois succès chacun.
Histoire
La course est créée par le quotidien Paris-Vélo en 1896, la même année que Paris-Roubaix, à l'occasion de l'inauguration du vélodrome de Tours. Cette première édition qui se déroule le , est un succès populaire, attirant une foule considérable aux abords et à l'intérieur du vélodrome. La deuxième édition a lieu cinq ans plus tard, en 1901 (organisation conjointe du Véloce Club de Tours et du journal l'Auto-Vélo)[1] et la troisième en 1906 (à l'initiative de Victor Lefèvre, directeur du vélodrome de Tours, et organisée par le Véloce Club de Tours et le journal l'Auto)[2], date à partir de laquelle elle se tient annuellement. À partir de 1907, la course est réservée aux professionnels, organisée dorénavant par le quotidien L'Auto, qui avait créé le Tour de France peu de temps auparavant. Parmi les grands noms qui s'illustrent dans ces premières années, on peut citer Lucien Petit-Breton, François Faber ou Octave Lapize.
En 1935, le dérailleur est autorisé pour la première fois. Pour la première fois également la course est retransmise en direct à la radio. En 1945, le journal L'Équipe, successeur de L'Auto, prend en charge l'organisation de la course. En 1950, l'arrivée s'effectue sur l'Esplanade du Champ de Mars, et non plus au vélodrome. Les années suivantes l'arrivée est jugée au sommet de la côte de l'Alouette.
À partir de 1951, la course se déroule en octobre, elle avait lieu au printemps jusque là, entre Paris-Roubaix et la Flèche wallonne. En 1958, la course est retransmise pour la première fois en direct à la télévision. En 1959, elle se termine par un circuit final avec une côte à franchir trois fois, l'Alouette. En 1965 et 1966 les organisateurs interdisent le dérailleur, afin de rendre la course plus sélective.
De 1974 à 1987, le tracé est plusieurs fois modifié : Tours-Versailles, Blois-Chaville, Blois-Monthléry, Créteil-Chaville. Durant cette période elle change même de nom, s'appelant successivement Blois-Chaville ou le Grand Prix de l'Automne. Ce dernier nom restera associé aux autres parcours qui suivront jusqu'au retour à la formule Paris-Tours. L'intérêt de la formule du Grand Prix d'Automne est qu'elle incorporait dans son final les célèbres côtes de la vallée de Chevreuse, il y même des nostalgiques de ces fins de course animées qui empruntaient les côtes des Dix-sept tournants, de la Madeleine, de Chateaufort, de l'Homme Mort et du Pavé des Gardes.
À partir de 1988, la course reprend son nom initial et son parcours se stabilise. Elle connait un regain d'intérêt dans les années 1990, dû à son inscription à la Coupe du monde ainsi qu'à son arrivée sur l'avenue de Grammont, qui lui donne un cachet particulier. Cette dernière ligne droite très large et longue de près de 3 kilomètres est considérée comme l'un des haut-lieux du cyclisme, en particulier pour les sprinteurs. En 2011, elle est raccourcie à 800 mètres.
En 2018 une nouvelle modification de parcours est établie : le tracé emprunte désormais dans sa partie finale des chemins caillouteux, dits chemins de vigne, ainsi que plusieurs petites côtes raides. C'est le changement le plus radical, et le plus controversé, dans une épreuve qui en a connu beaucoup. Le lieu d'arrivée lui, ne change pas.
Elle fait partie de l'UCI ProTour entre 2005 et 2007, puis elle est classée en catégorie 1.HC au calendrier de l'UCI Europe Tour. En 2020, elle intègre l'UCI ProSeries, le deuxième niveau du cyclisme international. Elle est gérée par l'organisateur d’événements sportifs Amaury Sport Organisation. L'édition 2020 est exceptionnellement inscrite au calendrier de la Coupe de France[3].
Parcours
Paris-Tours a eu de nombreux changements de parcours bien que la distance soit toujours restée d'environ 250 kilomètres. Le départ a rapidement été transféré de Paris, d'abord à Versailles, puis à Saint-Arnoult-en-Yvelines. Depuis 2009, le parcours commence dans le département d'Eure-et-Loir, d'abord dans une ville différente : Chartres en 2009, Bonneval en 2014 ou encore Brou en 2017 ; puis, depuis 2018, il est fixé à Chartres. Une boucle passant par Chinon est ajoutée entre 1919 et 1926 pour permettre l'approche des côtes vallonnées de Tours sur la rive sud de la Loire, et atteindre une distance totale de 342 kilomètres. Les sprinteurs ont continué à dominer l'épreuve et en 1959, les organisateurs ont ajouté trois ascensions sur la côte de l'Alouette.
En 1965, les dérailleurs ont été interdits et les coureurs limités à deux vitesses. La course est remportée par le néo-professionnel néerlandais Gerben Karstens, qui a choisi les développements 53x16 et 53x15 et terminé les 246 kilomètres, à une vitesse record de 45,029 km/h. L'expérience est jugée comme un échec lorsque la course de 1966 s'est terminée de la même manière qu'en 1964.
Le parcours est inversé et le parcours change constamment entre 1974 et 1987. Pour beaucoup, l'événement perd de son caractère car la course se déroule entre Tours et Versailles (1974-1975), Blois et Chaville (1976-1977 et 1979-1984), Blois à l'autodrome de Montlhéry (1978) et Créteil à Chaville (1985-1987). En 1988, la course revient à son itinéraire initial : Paris à Tours.
Le vent peut souvent être hostile : en 1988, Peter Pieters s'impose à une moyenne de 34 km/h, la plus lente depuis 57 ans. Cependant, Paris-Tours devient la classique la plus rapide lorsque le vent est favorable coureurs, Oscar Freire gagnant en 2010 à 47,730 km/h. Ce qui lui permet de détenir le ruban jaune de la vitesse la plus rapide d'une classique.
En 2018, elle change de format, avec l'introduction de chemins de vignes, neuf secteurs de 12,5 kilomètres au total, nécessitant agilité pour les coureurs. Sept côtes « courtes et sèches » sont également introduites dans le final.
Caractéristiques
Connue comme la plus plate des classiques, l'épreuve emprunte dans sa première partie les routes de la Beauce avant d'attaquer, en général, quelques côtes dans les 30 derniers kilomètres. L'arrivée se situe sur l'avenue de Grammont à Tours, offrant ainsi une dernière ligne droite de 800 mètres.
Malgré un parcours qui semble taillé pour les sprinteurs, la course se solde assez peu souvent par un vrai sprint massif (seulement 5 fois sur les 20 dernières éditions). Ceci peut s'expliquer par la longueur (environ 230 km), le paysage à découvert qui accentue le rôle du vent, le final sinueux émaillé de petites côtes (Côte de Beau Soleil, Côte de l'Épan) qui ne favorise pas le contrôle des échappés par un peloton. Enfin, la situation dans le calendrier, en toute fin de saison, joue également.
Cela en fait une classique difficile à dompter, plus dure que son profil ne le laisse présager.
Sur les vingt dernières éditions (1998 à 2017), voici très schématiquement comment la course s'est gagnée statistiquement :
- à 10 reprises (50 %) le vainqueur est un rescapé d'une échappée plus ou moins précoce. Cette échappée peut s'être constituée très tôt et le vainqueur s'en est extrait seul ou a emmené un ou plusieurs coureurs avec lui et les a réglés au sprint. Parfois l'échappée victorieuse s'est dessinée un peu plus tard (à une quarantaine de kilomètres de l'arrivée). L'échappée initiale peut être un groupe très fourni résultant d'une bordure. Il s'agit des victoires de Jacky Durand, Marc Wauters, Andrea Tafi, Richard Virenque, Jakob Piil, Erik Dekker, Frédéric Guesdon, Greg Van Avermaet, Jelle Wallays et Matteo Trentin (en 2015).
- à 4 reprises (20 %) le vainqueur s'est extrait du peloton près de l'arrivée (moins de 25 km), soit qu'il ait rejoint une échappée déjà constituée en amont, soit qu'il ait formé un nouveau groupe après que le peloton ait rejoint la première échappée. À chaque fois la victoire s'est décidée au sprint, à deux, trois ou plus. Il s'agit des succès de Philippe Gilbert par deux fois, Marco Marcato et Matteo Trentin (en 2017).
- à 5 reprises (25 %) c'est un sprint massif qui a décidé de l'issue de la course. Le peloton qui se dispute la victoire peut être plus ou moins fourni. Il s'agit des victoires d'Erik Zabel par deux fois, Alessandro Petacchi, Oscar Freire et John Degenkolb.
- à 1 reprise (5 %) le vainqueur a devancé le sprint massif en "faisant le kilomètre", en finisseur. Il s'agit du succès de Fernando Gaviria.
Quelle que soit la façon de s'y prendre, la course se gagne toujours "en costaud" et l'aspect tactique est moins décisif que sur d'autres courses. Pour être plus précis, on peut dire que les coups tactiques se jouent à couteaux tirés et dans le feu de l'action, avec très peu temps de réflexion et de préparation, tant les coureurs sont souvent constamment sur la corde raide et doivent improviser. Cependant les plans prémédités peuvent tout de même être tentés (en dehors de la décision d'aller dans l'échappée "matinale"), notamment pour les coups de bordure : ainsi en 1999 l'équipe Mapei décide de griller le ravitaillement à une centaine de kilomètres de l'arrivée et fait exploser le peloton, formant en tête un groupe de 49 coureurs qui ne sera plus revu. La victoire reviendra finalement à un coureur d'une autre équipe (Marc Wauters de la Rabobank).
À noter que la configuration actuelle de la course ne permet pas vraiment aux équipes de miser sur la constitution d'un train pour emmener leur sprinteur. De plus sur les cinq fois où la course s'est soldée par un sprint massif lors de ces vingt dernières années (voir ci-dessus), on peut constater que le sprinteur qui s'impose est soit très expérimenté, trente-trois ans et plus (Zabel, Petacchi, Freire) et ne figure plus parmi les tout meilleurs de sa catégorie au moment où il s'impose, soit un coureur très rapide qui n'est pas réellement un pur sprinteur (Degenkolb), ce qui semble accréditer l'idée que le surnom de Classique des sprinteurs est quelque peu usurpé, et que l'épreuve ne favorise pas vraiment les purs sprinteurs tels que Cavendish, Kittel, Démare ou auparavant McEwen, Kirsipuu, Cipollini, etc. En réalité ce type de pur sprinteur ne figure tout simplement pas au palmarès de la course, malgré quelques belles places d'honneur (Cipollini 4e, Kirsipuu deux fois 3e, McEwen 4e et 6e, Démare 2e et 3e...). Ironiquement Fernando Gaviria, vainqueur en 2016 et qui peut être considéré comme un pur sprinteur, a gagné l'épreuve en devançant le sprint, avec une attaque à 800 mètres de la ligne.
Sur Paris-Tours le vent joue un rôle prépondérant. En fonction de celui-ci on peut distinguer quatre schémas de course :
- Quand le vent est de dos ou trois-quart dos, la course est bien souvent ultra-rapide. Cela a tendance à favoriser les échappés plus que les sprinteurs. On assiste alors à une course tendue comme un arc du début à l'arrivée. Paradoxalement c'est avec le vent dans le dos que la course est la plus dure pour l'ensemble des coureurs, car il n'y a alors ni temps mort ni répit. En 2015 avec vent dans le dos, une trentaine de coureurs s'isolent à l'avant dès le 8e kilomètre et ne seront jamais revus (ce fut d'ailleurs l'édition la plus rapide) ;
- Quand le vent est de face ou trois-quart face, les sprinteurs sont favorisés car leurs équipes peuvent contrôler aisément les échappés. La course est alors beaucoup plus facile pour la plupart des coureurs (hormis les échappés et les équipiers qui roulent en tête du peloton). Bien protégés au milieu du peloton, la plupart des coureurs se laissent glisser jusqu'aux derniers kilomètres (on dit qu'ils "fument la pipe") ;
- Quand le vent est de côté (cas peu fréquent), les coups de bordure sont quasiment inévitables. On assiste alors à peu près au même schéma de course qu'avec le vent de dos. Le peloton se scinde très rapidement en plusieurs morceaux et cela favorise les échappés (comme en 2006 lors de la victoire de Frédéric Guesdon) ;
- Quand le vent est faible ou nul, le déroulement de la course dépend beaucoup des tactiques mises en place par les différentes équipes. Généralement cela produit un schéma de course très similaire de celui avec vent de face, et les sprinteurs sont favorisés.
A ces quatre schémas de base il faut ajouter le rôle des douze derniers kilomètres, sur des routes sinueuses, étroites et avec un léger relief, qui tendent à désorganiser le peloton et permettre soit la résistance de l'échappée, soit la mise sur orbite de coureurs assez explosifs pour s'extraire du peloton.
Sur le parcours actuel, les coureurs grimpent deux bosses dans les derniers kilomètres. Bien souvent, ces deux difficultés très modestes sont suffisantes aux hommes forts pour produire un écart et le conserver jusqu'à la ligne d'arrivée. Après plus de deux-cents kilomètres de plat, ce brusque changement de rythme fait souvent des dégâts, sans rapport avec la difficulté intrinsèque du relief. De plus, pratiquement jusqu'à la dernière ligne droite, les routes sont très sinueuses, étroites et tortueuses. Dans ces conditions il est très difficile pour un peloton de s'organiser.
Si son absence de difficulté intrinsèque en fait une course très ouverte sur le papier (elle est réputée être la classique la plus facile, en tout cas la plus facile à terminer), et si le suspense est souvent au rendez-vous, en définitive les surprises y sont rares : elle revient en général à un coureur expérimenté ou en pleine maturité, presque jamais à un second couteau. Le palmarès récent de la course est à ce titre éloquent : hormis le grimpeur Richard Virenque en 2001, ou l'inconnu Jelle Wallays en 2014, on n'y trouve pratiquement que de grand chasseurs de classiques. L'aléatoire a très peu d'impact sur cette course, ce qui la rend d'ailleurs assez peu spectaculaire. Bien souvent elle récompense l'homme fort du moment tout simplement. L'aspect physique est en effet déterminant sur Paris-Tours, au détriment de la tactique, d'autant qu'elle se court en toute fin de saison, à une époque où les organismes sont très éprouvés : ce sont les coureurs les plus résistants qui restent les plus compétitifs.
Ainsi paradoxalement, et malgré son absence de difficulté, elle favorise moins les surprises que d'autres courses plus huppées, comme Paris-Roubaix ou Milan-San Remo. Peu sujette aux aléas (crevaisons, chutes, météo extrême) ou aux considérations tactiques pouvant parfois favoriser la victoire d'un gregario (en produisant un "enterrement de première classe"), Paris-Tours est souvent une pure épreuve de force, s'apparentant presque à un long contre-la-montre sur certaines éditions, notamment quand les coureurs ont le vent dans le dos.
Du fait de sa position en fin de saison, elle réussit également aux coureurs revanchards qui trouvent là une dernière occasion de briller après une saison tronquée ou décevante. En revanche, des coureurs tels Eddy Merckx, seulement sixième dans l'édition de 1973, Bernard Hinault ou Lance Armstrong, sont absents du palmarès de cette épreuve automnale.
Si elle présente un peu les mêmes caractéristiques que Milan-San Remo, elle est toutefois moins longue, moins sélective et présente en général un plateau moins relevé du fait d'un prestige bien moindre que celui de la Primavera (surtout depuis son déclassement en UCI Europe Tour).
On peut aussi la rapprocher des flandriennes par certains aspects (notamment le rôle du vent). Les Belges dominent d'ailleurs le palmarès, et c'est la classique qui réussit le mieux aux Néerlandais, hors Amstel Gold Race. On ne s'étonnera donc pas de retrouver dans le palmarès de Paris-Tours un certain nombre de coureurs qui ont également remporté Paris-Roubaix : John Degenkolb, Greg Van Avermaet, Frédéric Guesdon, Andrea Tafi, Andreï Tchmil, Johan Museeuw...
Elle convient aux routiers-sprinteurs (un peu moins aux purs sprinteurs), aux gros rouleurs, aux baroudeurs, et dans une moindre mesure aux puncheurs. S'y imposer requiert d'être endurant, patient (pour ceux qui attendent les derniers kilomètres pour lancer l'offensive), audacieux, tenace, plein de sang-froid, vigilant (la victoire peut s'envoler dès les premiers kilomètres si le vent favorise les bordures) et rapide au sprint car les victoires en solitaire sont rares (en général c'est un petit groupe qui se dispute la victoire).
Du fait de sa grande rapidité, le vainqueur de cette épreuve a été le détenteur du Ruban jaune à huit reprises dont la première fois en 1936 (Gustave Danneels) et la dernière en 2015 (Matteo Trentin).
Place dans l'histoire du cyclisme
Après Paris-Roubaix, Paris-Tours est, avec le Tour de Lombardie, l'épreuve cycliste qui s'est courue le plus grand nombre de fois (111e édition en 2017). Même les deux guerres mondiales l'ont peu affectée, puisque seules les éditions 1915, 1916 et 1940 ont été annulées.
Cette longévité et cette régularité sont d'autant plus remarquables que l'épreuve, en elle-même, ne présente que peu de spécificités, et au fond assez peu de personnalité en comparaison des autres classiques historiques telles que les flandriennes, les ardennaises ou les classiques italiennes.
Son parcours linéaire et plat ne comporte ni haut-lieu ni juge de paix, ni sections remarquables. Sans aspérité ni point de repère évident, elle ne favorise pas les changements de rythme, les coups de force, les exploits mémorables. Au contraire les schémas de course y sont très linéaires. Aussi, si son palmarès est plutôt flatteur et prestigieux, rares sont les éditions marquantes. Traversant essentiellement les grands espaces agricoles de la Beauce et les petites forêts du Val-de-Loire, elle ne peut pas non plus se targuer de drainer une foule passionnée sur son passage (en tout cas rien de comparable avec les classiques du nord ou les classiques italiennes, voire les classiques allemandes).
Autrefois sa distance constituait une difficulté en soi, c'est moins le cas aujourd'hui puisqu'elle ne dépasse plus guère les 230 km. Il faut cependant noter ce paradoxe : dans un contexte de tendance générale au raccourcissement des courses cyclistes, la distance actuelle de Paris-Tours, bien qu'inférieure à ce qu'elle était hier, est peut-être plus inhabituelle aujourd'hui qu'elle ne l'était alors. En effet aujourd'hui les courses qui atteignent ou dépassent les 230 km sont assez peu nombreuses dans une saison cycliste.
Au tournant des années 1960, les classiques ont commencé à se différencier nettement les unes des autres, pour acquérir au fil du temps une personnalité bien marquée : introduction du Poggio sur Milan-San Remo, augmentation importante des secteurs pavés sur Paris-Roubaix, recherche de nouvelles côtes sur Liège-Bastogne-Liège, création de l'Amstel Gold Race... Les organisateurs de Paris-Tours ont eux aussi cherché à dynamiser leur course pour lui donner plus d'attrait, de caractère et de visibilité, et pour éviter les arrivées groupées : introduction d'un circuit final en 1959, interdiction du dérailleur en 1965 et 1966 notamment, mais ces modifications éphémères n'eurent pas l'effet escompté. Entre 1975 et 1987, le parcours fut plusieurs fois modifié et même parfois inversé, partant de la Touraine pour arriver en région parisienne. Le nom de la course fut lui aussi changé (Blois-Chaville, Grand-Prix de l'Automne), au risque de perdre toute identité.
Curieusement l'épreuve n'a jamais pâti de ces bouleversements, qui ne lui ont pas bénéficié non plus. Elle a continué, au fil des ans, à attirer les meilleurs coureurs du peloton, sans doute favorisée en cela par sa position dans le calendrier, avec peu de concurrence d'autres courses à cette époque de l'année. Son inscription à la Coupe du Monde a probablement contribué également à consolider sa visibilité et sa pérennité.
Elle semble tirer son relatif prestige précisément de son caractère monolithique et imperturbable. Son intérêt paraît résider avant tout dans la stricte opposition des coureurs entre eux, sur terrain neutre en quelque sorte : sans côtes raides et sans cols, sans monts, sans secteurs pavés ni chemins de terre, sans ferveur régionaliste, sans météo extrême ou particulière, sans danger ni aléa notable, elle ne favorise aucun coureur en particulier, pas même les purs sprinteurs manifestement (qui sont toutefois les plus à même d'en faire un réel objectif).
La longévité de l'épreuve peut aussi s'expliquer par son caractère "institutionnel": en effet depuis sa création jusqu'à aujourd'hui, l'épreuve a toujours bénéficié de l'appui et de l'organisation d'un partenaire puissant (d'abord le journal l'Auto puis le journal L'Équipe, et actuellement ASO), au contraire de nombreuses autres courses qui n'ont pu vivre et survivre que par le soutien d'une forte mobilisation locale bénévole. Il est possible que sans cet appui, Paris-Tours aurait depuis longtemps sinon disparu complètement, du moins rétrogradé nettement en termes de classification et de visibilité.
Surnommée autrefois "la course des lévriers" pour son extrême rapidité, puis "la classique des sprinteurs", elle est aujourd'hui une course de second ordre, à l'identité aussi forte que floue, gardant cependant un certain prestige par son caractère historique, immuable et institutionnel.
En définitive sa place dans le paysage cycliste est assez difficile à cerner : course sans aura mais de tout temps considérée comme une grande classique, seule classique dont on peut dire qu'aucun coureur ne rêve de la remporter mais constituant pourtant un morceau de choix dans le palmarès de tout cycliste, elle demeure insaisissable.
Doublé Paris-Tours - Tour de Lombardie
Les deux Classiques des feuilles mortes se déroulent généralement à une semaine d'intervalle, mais le doublé Paris-Tours / Tour de Lombardie fut rare dans l'histoire, car les profils de ces deux courses sont radicalement différents. Seuls trois coureurs ont réalisé ce doublé : Rik Van Looy en 1959, Jo de Roo en 1962 et 1963, et Philippe Gilbert en 2009. Philippe Thys a lui aussi gagné les deux courses la même année (en 1917), mais à l'époque Paris-Tours se courait au printemps.
C'est avec une autre classique italienne, Milan-San Remo, que Paris-Tours est parfois comparée. Comme la Primavera, elle présente un parcours relativement plat ponctué de quelques côtes dans le final, confrontant ainsi les sprinteurs aux puncheurs.
Faits marquants dans l'histoire récente
- En 1986 l'Australien Phil Anderson est le premier non-européen à s'imposer, seulement suivi trente ans plus tard par le Colombien Fernando Gaviria;
- En s'imposant en 1998, Jacky Durand met fin à une période de 42 ans sans victoire française (Albert Bouvet, 1956);
- En 2001 Richard Virenque y signe son exploit le plus inattendu, en étant victorieux après une longue échappée de 242km.
- En 2005 Erik Zabel s'impose pour la troisième fois, devenant ainsi co-recordman de l'épreuve;
- En 2009 le Belge Tom Boonen se présente dans le final en compagnie de son compatriote Philippe Gilbert, vainqueur sortant, et du Slovène Borut Bozic. Il est théoriquement le plus rapide des trois mais se fait piéger lors du sprint, et laisse échapper la victoire au profit de Gilbert, qui signe donc un doublé.
Statistiques, records, anecdotes
- La vitesse moyenne la plus rapide a été établie en 2015 : 49,642 km/h. C'est l'italien Matteo Trentin qui s'est imposé cette année-là.
- Les co-recordmen de victoires sont le français Paul Maye, les belges Gustave Danneels et Guido Reybrouck, et l'allemand Erik Zabel, avec trois succès chacun.
- À noter que Gustave Danneels et Guido Reybrouck ont un lien de parenté : le premier est l'oncle du second.
- Dans le registre familial, on peut aussi remarquer que deux frères ont remporté l'épreuve consécutivement : il s'agit de Francis et Henri Pélissier, victorieux en 1921 et 1922.
- Lors de l'édition de 1921 remportée par Francis Pélissier, la moitié du peloton abandonna loin de l'arrivée, à Chartres. Les conditions météorologiques étaient épouvantables, avec des tempêtes de neige (la course se déroulait au printemps à cette époque).
- Avec le Championnat de Zürich et Bordeaux-Paris, c'est l'une des rares grandes classiques de son époque qu'Eddy Merckx n'a pas accrochée à son palmarès. Dans le cas de Paris-Tours il s'agissait probablement pour lui d'un manque de motivation, tant l'épreuve paraît largement à sa portée (lui qui a notamment remporté sept fois Milan-San Remo). Il préférait sans doute se concentrer sur d'autre objectifs à cette période de la saison (Tour de Lombardie, épreuves sur piste), ou favoriser la victoire d'un de ses équipiers en remerciement du travail accompli toute la saison (comme ce fut le cas en 1968 où il aida Guido Reybrouck à gagner). A noter que en 1973 Merckx a écrit dans "Mes 50 victoires en 1973" pour expliquer son manque de succès dans cette épreuve: " La difficulté de Paris-Tours, c'est qu'il n'y n'a pas!" Il faisait allusion au fait qu'il n'y a pas de côte susceptible de créer une sélection.
- Parmi les autres grands coureurs qui s'y sont illustrés sans jamais concrétiser, on peut citer Louison Bobet (3 podiums), Roger de Vlaeminck (2 podiums), Niki Terpstra (4 podiums) ou encore Maurizio Fondriest (3 podiums).
- Au nombre de victoires par nation, après l'édition 2017 c'est la Belgique qui domine avec 41 victoires, devant la France (31) et les Pays-Bas (12).
- On n'a jamais vu le maillot arc-en-ciel lever les bras en vainqueur sur Paris-Tours. En effet la victoire est parfois revenue à un ex-champion du monde ou à un futur champion du monde (Oscar Freire, Philippe Gilbert, Johan Museeuw...), mais jamais au champion du monde en titre. De manière générale il est intéressant de constater que voir le maillot arc-en-ciel s'imposer sur une classique, quelle qu'elle soit, reste curieusement un fait relativement rare (d'où peut-être la réputation de malédiction parfois attachée à ce maillot).
Podiums
Voir aussi
Notes et références
- Serge Brard, Au bon temps du vélodrome de Tours, , 317 p., page 21
- Serge Brard, Au bon temps du vélodrome de Tours, , 317 p., Page 47
- Coupe de France pro : Quatre nouvelles épreuves
- Cette année-là, exceptionnellement, la course s'est déroulée en pignon fixe (sans dérailleur).
- Gerben Karstens, vainqueur au sprint, est disqualifié après avoir tenté de frauder lors du contrôle anti-dopage.
- Tours-Versailles en 1976 et 1977, Blois-Monthléry en 1978, Blois-Chaville de 1979 à 1984, Créteil-Chaville de 1985 à 1987
Bibliographie
- Charles Guénard, Histoire du Paris-Tours, Alan Sutton, (ISBN 978-2-84910-301-2)
Article connexe
Liens externes
- Site officiel
- Palmarès de Paris-Tours sur memoire-du-cyclisme.eu
- Palmarès de Paris-Tours sur siteducyclisme.net
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