Oud
L'oud (en arabe : عود ; en arménien : Ուդ ; en peul : hoddu ; en turc : ut ou ud ; en grec moderne : ούτι) est un instrument de musique à cordes pincées très répandu dans les pays arabes, en Turquie, en Grèce, en Azerbaïdjan et en Arménie. Son nom vient de l'arabe al-oud (signifiant « le bois »), terme transformé en Europe en laute, alaude, laud, liuto, et luth[1]. Le luth occidental s'en distingue à partir du XIVe siècle. En Extrême-Orient, il a probablement inspiré le pipa (琵琶) chinois, en japonais biwa.
Pour l’article ayant un titre homophone, voir Houd.
Pour l'essence nommée bois de oud, voir Calambac.
Oud | |
Oud syrien fabriqué par Abdo George Nahat de Damas en 1931 (Musée de la musique, Paris). | |
Variantes modernes | Ud, outi |
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Classification | Instrument à cordes |
Famille | Instrument à cordes pincées |
Instruments voisins | Luth, pipa, biwa |
Le barbat (persan) en est très certainement à l'origine, mais si cet instrument existe encore à titre symbolique en Iran, il y est très peu répandu et il a été réinventé récemment à partir d'archives.
Luth à manche court, il a été l'objet d'ouvrages de référence des musicologues musulmans de l'époque médiévale. L'oud a comme points communs avec le luth le nombre de cordes et la forme de l'instrument, mais il n'a pas de frettes.
Histoire
L'oud a son berceau à Babylone, vers 1800 av. J.-C., comme celui découvert sur un bas-relief du temple d’Hammourabi par le chercheur Irakien Anwar Rachidi. Présent chez les Assyriens, il apparaît en Égypte où on le retrouve dans la tombe d’Ahmôsis (1500 av. J.-C.). Pendant la première civilisation pharaonique, les Égyptiens ont utilisé le luth pour leurs cérémonies et pour leurs fêtes.
Le barbat est un instrument de musique ancien d'origine perse ; après le tambûr, c'est le plus vieil instrument à cordes en Iran, remontant en 800 av. J.-C. Son invention est attribuée à Barbad et al-birbat serait sa forme arabisée. D'autres sources précisent que le mot viendrait de bat qui signifie « poitrine », désignant ainsi une similarité de forme.
Il est probable que les premiers instruments étaient taillés dans une pièce de bois (manche et caisse de résonance non séparés), de la même façon que le pipa chinois (déjà présent chez les Tang (618-907) et les Wei du Nord (386-534)) ou le biwa japonais (VIIIe siècle), qui seraient des descendants du barbat apporté par la Route de la soie.
Après que l’islam se fut implanté en Iran, l'instrument fut amené dans l’Empire Omeyyade et il s'est propagé ensuite dans tout le Moyen-Orient et le Maghreb, faisant de ces pays le berceau du luth oriental : l'oud. Ce dernier, rénové par Zalzal Mansour (mort en 791), possédait un manche plus court séparé (au départ) d'une caisse plus grosse, comme l'instrument actuel[2].
Plus tard, Médine fut un lieu de rencontre de tous les musiciens et luthiers si bien que l'oud y acquiert une réputation éminente parmi tous les autres instruments de la musique arabe. Grâce à l'oudiste Ziryab (décédé vers 852), l'oud voyage jusqu'en Europe en transitant par l'Andalousie sous domination mauresque, devenue la capitale de la musique arabo-andalouse.
L'oud a pris sa forme actuelle au début du IXe siècle, (la chanson de Roland fut sans doute jouée sur un luth arabe)[réf. nécessaire]. La caisse était faite de barres de bois contraint en forme de voûte qui pourraient être l'origine du nom oud puisque le mot signifie bois ou bâton et que la table était elle aussi faite en bois (à l'opposé des tables en peau des luths plus anciens).
Le musicologue Azzouz El Houri affirme que, lorsque la culture islamique pénétra en Europe, cet instrument fut utilisé avec différents noms ; liuto en Italie, luth en France, alaúde au Portugal et laúd en Espagne. À la même période, l'instrument a été interdit en Iran sous les Safavides à cause du fanatisme religieux, jusqu'à récemment.[Quand ?]
La caisse courbée a servi de modèle au luth et à la mandoline européennes, dont les caisses étaient construites de nombreuses lamelles de bois flexibles collées. Le luth se transforme durant la Renaissance et la période baroque. Les cordes sont jouées entre le pouce et l'index avec le petit doigt posé sur la table et le manche comporte des frettes nouées en boyau pour pouvoir jouer des musiques polyphoniques. À la fin du XVIe siècle, une nouvelle forme de luth à 12 cordes apparaît en Angleterre (théorbe et chitarrone) servant plus à l'accompagnement qu'à la mélodie. Il a sans cesse évolué, par l’ajout de cordes graves, jusqu’au XVIIIe siècle.
Lutherie
L'oud est constitué de quatre parties majeures :
- Table d'harmonie
- en bois de résineux (aujourd'hui épicéa le plus souvent, autrefois cèdre au Proche-Orient et au Maroc), traditionnellement non vernie. La table est soutenue par un barrage du même bois. Elle est percée de grandes ouïes (1 ou 3), souvent ornées de rosaces rapportées, en bois ou en os. Un chevalet en bois y est collé, ainsi qu'un renfort au point de jeu.
- Caisse de résonance
- en bois dur (noyer, acajou, érable, hêtre sont d'usage courant), elle est piriforme et est constituée d'une quinzaine ou plus de côtes, formant la plus grande caisse de résonance de tous les luths.
- Manche
- généralement fait dans l'un des bois de la caisse de résonance, le manche n'est pas fretté et est très court, tel celui du violon, permettant de jouer les micro-intervalles présents dans la plupart des maqamat appelés aussi A-dawr en arabe : الدّور qui veut dire une rotation.
- Cheviller
- l'angle entre le manche et le cordier est quasi perpendiculaire, et cela a une grande importance pour soutenir la pression des onze ou douze cordes, tenues par des chevilles en bois similaires à celles du violon. Le sillet est généralement en os ou en ébène.
Le luthier cherche à alléger l'instrument afin de le rendre le plus résonnant possible ; la forme de la caisse permet des épaisseurs de bois très faibles (de l'ordre de 1,5 mm). Ainsi, un bon instrument pèse moins de 1 kilogramme.[réf. nécessaire]
Le niveau de décoration de l'oud (marqueterie, incrustations de nacre, d'os ou d'ivoire) varie selon le pays d'origine. Ainsi, les ouds d'origine turque sont souvent très dépouillés, et ceux d'origine égyptienne souvent très décorés.
Les cordes étaient traditionnellement en boyau pour les deux ou trois chœurs les plus aigus, et filées cuivre sur soie pour les plus graves. Aujourd'hui, elles sont généralement en nylon et nylon filé. La tension des cordes de l'oud est notablement plus faible que celle d'autres instruments comme la guitare, typiquement de 30 à 40 newtons.
Plusieurs types d'ouds sont utilisés dans la musique arabo-turque :
- ud hanin est un oud spécifique pour le solo à la caisse petite, en amande, à une rosace, au son ténu.
- ud rannan est un oud spécifique pour la musique d'ensemble à la caisse piriforme, à trois ou cinq rosaces, très sonore.
Au Maghreb on distingue l'oud proche-oriental, oud sharki, et l'oud à quatre chœurs de la musique arabo-andalouse, dit `ud rammal au Maroc, ud `arbî en Tunisie et dans le Constantinois et enfin kuitra en Algérie.
Un autre type d'oud, popularisé par le virtuose irakien Mounir Bachir qui en a initié la conception, possède un chevalet flottant en lieu et place du chevalet fixe des ouds traditionnels ; sa facture est inspirée par la mandoline italienne. Il est généralement monté avec des cordes de tension plus élevée (de 40 à 50 newtons) et possède une sonorité moins profonde, plus proche de la guitare, caractérisée par une plus longue résonance. Les ouds de ce type sont habituellement sans décoration, munis d'une touche longue et d'ouïes de forme ovoïde. Ils sont généralement appelés ouds irakiens, bien qu'ils soient maintenant répandus dans tout le Proche-Orient, et que l'oud à chevalet fixe soit toujours courant en Irak.
Jeu et accord
L'oud se tient de la même façon qu'une guitare, en faisant attention de garder la face verticale de manière qu'elle ne soit pas visible par le joueur ; le poids doit en être supporté par la cuisse et le bras droit de manière que la main gauche soit libre pour se déplacer sur le manche. Dans le passé, de nombreux joueurs jouaient assis en tailleur par terre ; maintenant la plupart jouent assis sur une chaise, utilisant souvent un repose-pied sous leur pied droit.
On utilise un long plectre flexible mettant le poignet dans un angle particulier qui donne un certain son et une grande agilité : le risha (« plume » en arabe) ou mezrab (en turc) est fait d'une tranche fine de corne de vache, d'une plume d'aigle ébarbée et aplatie ou plus prosaïquement un médiator en plastique. Il se tient entre le pouce, l'index et l'auriculaire, pour pincer les cordes de l'instrument selon deux techniques : le pincement simple ou double. On reconnaît un virtuose de l'oud à l'utilisation équilibrée qu'il fait de ces deux techniques. Les plectres les plus fins donnent un son très délicat, plein de nuances, les plus lourds donnent un son très fort. Les joueurs se servent souvent d'un plectre dont une des extrémités n'a pas été modifiée et dont l'autre a été amincie par ses soins, lui permettant ainsi d'utiliser la forme la plus appropriée pour ses besoins.
Instrument soliste de la musique arabe par excellence, l'oud est aussi employé comme basse mélodique ou rythmique dans les ensembles instrumentaux, à moins qu'il n'accompagne un chanteur. Il en va de même pour la musique turque et iranienne. Mais il est aussi en ces contrées, un instrument très populaire, et se prête à tout le répertoire folklorique. De même, en Grèce ou en Arménie, il est plutôt cantonné à cette musique festive.
On ne joue pas d'accord sur l'oud, à l'inverse du luth ou de la guitare. La musique étant modale, on ne joue jamais plusieurs notes en même temps, mais dans une succession très rapide, sauf pour la corde de bourdon. En outre, nombre d'oudistes enlèvent les deux dernières cordes, les plus aiguës, afin de faciliter le jeu. Mounir Bachir a la particularité de mettre la corde grave en bas des autres.
Il est possible d'accorder un oud de nombreuses façons différentes.
Accordages arabes :
- Sol la ré sol do fa
- Do sol la ré sol do
- Ré sol la ré sol do, c'est l'accordage le plus utilisé.
- Do fa la ré sol do
- Do mi la ré sol do
- Fa la ré sol do fa
- Do fa la ré sol do fa , pour un oud avec treize cordes.
Accordages constantinois (Algérie) :
- Do la ré sol, accord en deux quintes embrassées.
Accordages turcs :
- Ancien accordage turc classique : la ré mi la ré sol
- Nouvel accordage turc classique : fa# si mi la ré sol
- Accordage turc/arménien : mi la si mi la ré
- Accordage turc/arménien : do# fa# si mi La ré
- Accordage Cümbüş : ré mi la ré sol do
Compositeurs et virtuoses
- Sayed Darwich (1892 – 1923) (Égypte)
- Farid El Atrache (1910 – 1975) (Syrie / Égypte)
- Mohammed Abdel Wahab (1907 - 1991) (Égypte)
- Mounir Bachir (1930 - 1997) (Irak)
- Hamza El Din (1929 - 2006) (Nubie)
- Jamil Bachir (1921 - 1977) (Irak)
- Muhammad Qadri Dalal (1946 - ) (Syrie)[3]
- Rey Malek (1902 - 1983) (Algérie)
- Maâti Bachir (1942 - 2004) (Algérie)
- Le Trio Joubran (Palestine)
- Charbel Rouhana (Liban)
- Nasseer Shamma (Irak)
- Cinuçen Tanrikorur (Turquie)
- Yurdal Tokcan (tr) (Turquie)
- Ali Sriti (1919 - 2007) (Tunisie)
- Mourad Sakli (Tunisie)
- Achref chargui (Tunisie)
- Semih mahjoubi (Tunisie)
- Yousra Dhahbi (Tunisie)
- Aziz ouertani (Tunisie)
- Simon Shaheen (ar) (Palestine)
- Azzouz El Houri (Maroc)
- Said Chraibi (Maroc)
- Anouar Brahem (Tunisie)
- Rabih Abou-Khalil (Liban)
- Ara Dinkjian (en) (États-Unis)
- Nizar Rohana (Palestine / Pays-Bas)
- Harfi Mostafa (Maroc / France )
- Moneim Adwan (Palestine / France)
- Fayçal Salhi (France / Algérie)
- Samir Tahar (Algérie)
- Seif Bennia (Tunisie)
L'oud a fait une entrée dans le jazz depuis les années 1970 avec Alice Coltrane et la musique improvisée, avec des créateurs comme Anouar Brahem, Dhafer Youssef, Roman Bunka, Chris Karrer (en), Rabih Abou-Khalil, Aziz ouertani (LYRA France), Marcel Khalifé et Titi Robin. En 2006, dans OSS 117 : Le Caire, nid d’espions de Michel Hazanavicius, Jean Dujardin réalise une interprétation restée célèbre de Bambino à l’oud en arabe. En 2016, la chanteuse et compositrice franco-algérienne Nabila Dali le met à l'honneur dans son premier album Imnayen, avec le musicien Ilyes Yassine.
Voir aussi
Liens externes
- (en) « http://www.iranianoud.com/english/home.html »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)
- (en) Techniques de base
- (fr) Les luths d'Orient du Musée de la musique (Paris)
Notes et références
- « LUTH : Etymologie de LUTH », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
- Hamdi Makhlouf, Métamorphoses du ud; de l'organologie à l'espace compositionnel, Tunisie, Ennejma Ezzahra / SOTUMEDIAS, (ISBN 978-9938-918-81-6)
- « The Oud », sur oudipedia.info (consulté le )
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