Charte de la langue française

La Charte de la langue française (communément appelée la loi 101[1]) est une loi définissant les droits linguistiques de tous les citoyens du Québec et confirmant le français comme unique langue officielle de la province.

Pour les articles homonymes, voir 101 (homonymie).

Charte de la langue française

Présentation
Référence R.L.R.Q., chap. C-11 ;
« loi 101 » (surnom[1])
Pays Canada
Territoire d'application Québec
Langue(s) officielle(s) Français et anglais[2]
Adoption et entrée en vigueur
Législature 31e législature du Québec
Gouvernement Gouvernement René Lévesque
Adoption par l'Assemblée nationale du Québec
Modifications Loi 57 (1983), Loi 178 (1988), Loi 86 (1993), Loi 104 (2002), Loi 115 (2010),…

Lire en ligne

Publications du Québec : version consolidée officielle ;
Institut canadien d'information juridique : version permettant de voir l'évolution du texte (depuis 2002).

Proposée par le ministre du Développement culturel Dr Camille Laurin, la loi est adoptée à l'Assemblée nationale le par le gouvernement péquiste de René Lévesque. La loi survient trois ans après la loi sur la langue officielle (la loi 22), votée par le gouvernement Bourassa en . Avant cette date, le Québec était de facto la seule province du Canada à pratiquer le bilinguisme anglais-français au niveau institutionnel.

Objectifs

La Charte dispose que l'Assemblée nationale est « résolue à faire du français la langue de l'État et de la Loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires ».

Le préambule dispose aussi que l'Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif « dans un esprit de justice et d'ouverture, dans le respect des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise et celui des minorités ethniques, dont elle reconnaît l'apport précieux au développement du Québec ».

Finalement, le préambule dispose que l'Assemblée nationale « reconnaît aux Amérindiens et aux Inuit du Québec, descendants des premiers habitants du pays, le droit qu'ils ont de maintenir et de développer leur langue et culture d'origine ».

Comme la commission Larose, le Bloc québécois recommande que le statut juridique de cette charte soit « rehaussé, dans le but d’attribuer à ses principales composantes un caractère quasi constitutionnel »[3].

Titres

Le titre I de la loi, qui contient neuf chapitres, déclare le français langue officielle de la législation, de la justice, de l'administration, des organismes parapublics, du travail, du commerce et des affaires et de l'enseignement. Le chapitre II définit cinq droits linguistiques fondamentaux des Québécois :

  1. Le droit de chaque personne que toutes les branches du gouvernement, les ordres professionnels, les associations d'employés et les entreprises établis au Québec communiquent avec elle en français ;
  2. Le droit de chaque personne de parler français dans les assemblées délibérantes ;
  3. Le droit des travailleurs d'exercer leurs activités en français ;
  4. Le droit des consommateurs d'être informés et servis en français ;
  5. Le droit des personnes admissibles à l'enseignement au Québec de recevoir leur enseignement en français.

Le titre II traite de l'officialisation linguistique, de la toponymie et de la francisation de l'administration civile et des entreprises.

Le titre III établit l'Office québécois de la langue française, définit sa mission, ses pouvoirs et son organisation.

Le titre IV établit le Conseil supérieur de la langue française.

Les titres V et VI définissent les dispositions et les sanctions pénales de même que diverses dispositions transitoires.

Dispositions

Afin de réaliser l'objectif de faire du français la langue normale et habituelle du Québec, la Charte contient certaines dispositions centrales tout en prévoyant les pouvoirs de réglementation afférents. L'Office québécois de la langue française est l'organisme gouvernemental responsable de voir à l'application de la Charte.

Par la loi, la Charte fait du français la seule langue de communication officielle de l'État québécois et des entreprises qui font des affaires au Québec. Ce faisant, la loi oblige le Gouvernement du Québec, toutes les organisations parapubliques et toutes les entreprises à communiquer principalement en français avec les citoyens du Québec. À ce jour, la langue française est effectivement la langue du gouvernement et de l'administration publique ; cependant, il ne peut en être dit autant de tout le secteur privé. Malgré le succès des programmes de francisation imposés aux entreprises de plus de 50 employés dans les années 1980, l'anglais prend encore une place énorme dans la vie de nombreux travailleurs québécois. Les années 1990 ont vu réapparaître le bilinguisme au travail et même l'usage exclusif de l'anglais dans plusieurs nouveaux secteurs économiques qui n'existaient pas auparavant au Québec, comme l'industrie de la haute technologie.

Minorités anglophone et autochtones

L'affichage bilingue dérange certains Québécois francophones, comme en témoigne le vandalisme sur ce panneau bilingue ARRÊT-STOP, à Québec.

Au moment de l'élaboration de la Charte, le législateur québécois devait tenir compte de garanties constitutionnelles et des droits historiques déjà reconnus à la minorité anglophone de même qu'aux peuples autochtones. Conformément à cet encadrement constitutionnel, la Charte inclut plusieurs garanties quant à l'utilisation de langues autres que le français par les Québécois. Par exemple, la loi dispose que :

  • les lois sont publiées en version anglaise en plus de la version française, les deux textes étant reconnus officiels ;
  • les personnes peuvent s'adresser aux tribunaux en anglais ;
  • les jugements rendus par les tribunaux sont disponibles dans la langue officielle ou en anglais sur demande d'une des parties ;
  • la Charte de la langue française ne s'applique pas aux réserves autochtones, mais s’applique à la langue autochtone locale hors réserve. Par exemple, une entreprise à Gatineau contreviendrait à la Charte si elle s'affichait en algonquin comme langue prédominante ou même égale au français.

Historique

Précédentes législations

La fin des années 1960 au Québec est marquée par la « crise de Saint-Léonard », où Canadiens français et Italiens s'affrontent sur la langue devant être utilisée dans les écoles du quartier, les premiers exigeant que ce soit le français, les seconds que ce soit l'anglais. Le gouvernement québécois dirigé par l'Union nationale tente de résoudre la crise en adoptant la loi 63 (communément appelée « Bill 63 »), qui reconnaît officiellement le libre choix en matière de langue d'enseignement. L'Union nationale perd les élections en 1970 au profit du Parti libéral[4].

Alors que la loi 63 avait officiellement pour objectif de favoriser l'utilisation de la langue française, elle a pour principale conséquence de permettre à la vaste majorité des enfants allophones de fréquenter l'école anglaise. Le gouvernement libéral réplique en 1974 en adoptant la loi 22. Bien que cette loi fasse du français la seule langue officielle du Québec, l'emploi de l'anglais est de facto permis dans tous les domaines couverts par cette loi, ce qui choque les partisans de l'unilinguisme. En outre, la loi prévoit que tout enfant doit être soumis à un test linguistique permettant de démontrer qu'il maîtrise la langue anglaise avant de pouvoir être admis à une école anglaise, ce qui scandalise les partisans du libre choix en matière de langue d'enseignement. Le Parti libéral perd les élections de 1976 deux ans plus tard au profit du Parti québécois, qui avait promis de réformer la loi 22[4].

Projet de Charte

En mars 1977, le ministre du Développement culturel Camille Laurin présente l'énoncé de politique (le « Livre blanc ») du gouvernement portant sur les mesures linguistiques. Le 27 avril, le ministre présente le projet de loi 1 intitulé Charte de la langue française. Les travaux de la commission parlementaire s'étendent du 19 juillet au 26 août. La loi est finalement adoptée le 26 août 1977[4].

Pour expliquer sa loi, le Parti québécois souligne les défis que pose au français l'influence importante de l'anglais dans la province en général et à Montréal en particulier. Il insiste généralement sur la nécessité de faire du français la langue commune pour sauvegarder la singularité de la culture québécoise et écarter l'assimilation. Cette campagne de persuasion touche la plupart des journaux francophones qui adhèrent au discours du Parti québécois. Cependant, le journal Le Devoir s’oppose au projet de loi proposé par le PQ, car il estime que les droits des anglophones sont opprimés et que les règles sur l’affichage vont à l’encontre la liberté d’expression[5]. La loi est adoptée par le gouvernement de René Lévesque le 26 août 1977, avec l’appui de 80,6 % des francophones[5]. Toutefois, cette loi ne fait pas l’unanimité chez les hommes d’affaires et politiques, notamment le Premier ministre du Canada de l’époque, Pierre Elliott Trudeau, qui a affirmé que le PQ cherchait « l'établissement d'une société ethnique, monolithique et dominée par une seule langue »[5].

Une grande partie des anglophones refusent cette loi, qui, faisant du français la langue de référence dans la province, fait perdre a l'anglais son statut de langue parfois dominante dans certains quartiers et tente de modifier par la législation l'équilibre linguistique, notamment à Montréal. C’est pourquoi, environ 83 000 anglophones quittent le Québec pendant le mandat du Parti québécois[5]. Ceux-ci quittent la province de Québec par peur et frustration, entre autres parce que les journalistes anglophones québécois utilisent un discours de peur et de panique face à la loi 101. Par exemple, le journaliste Graham Fraser compare la situation du moment au temps de la guerre dans la mesure où la propagande en faveur de la loi 101 est présente. Cette propagande cherche à convaincre les gens du bienfait de la loi. De plus, certains journalistes anglophones vont même jusqu'à traiter M. Lévesque de fanatique[5].

Dispositions invalidées par la Cour suprême et réaménagements subséquents

Diverses dispositions de la Charte ont été invalidées par la Cour suprême du Canada au fil des années, obligeant chaque fois le gouvernement du Québec a adopter une nouvelle loi édulcorée.

Langue d'affichage

En 1984, la Cour supérieure du Québec invalide les dispositions de la Charte qui obligent l'affichage unilingue français dans les commerces. Ce jugement sera confirmé en 1988 par la Cour suprême du Canada. Le gouvernement de Bourassa se voit donc obligé de déposer en urgence le projet de loi 178, modifiant la Charte de la langue française. Ce projet de loi utilise la clause nonobstant de la Charte canadienne des droits et libertés afin de confirmer l'obligation d'affichage unilingue français à l'extérieur, mais permet un affichage dans plusieurs langues à l'intérieur, si le français prédomine[6]. Ce projet de loi laissera insatisfaits autant les nationalistes québécois qui y voient un recul, que les anglophones et allophones du Québec qui constatent que le gouvernement réussit à déroger à la décision de la Cour suprême[7]. Trois ministres du gouvernement démissionneront quelques jours plus tard[8].

Langue d'enseignement

Le texte d'origine de la Loi 101 prévoyait que l'enseignement en langue anglaise ne serait accessible qu'aux élèves dont les parents avaient eux-mêmes reçu leur instruction primaire en anglais au Québec. Cette restriction s'appliquait aux réseaux d'enseignement publics et privés subventionnés, et ce, pour le préscolaire, le primaire et le secondaire. Cette « clause Québec » était alors conforme à la Constitution du Canada, l'éducation étant une compétence exclusive des provinces[9]. Selon Camille Laurin, des études statistiques avaient démontré qu'à l'époque le Québec recevait plus de migrants de la part du reste du Canada que des pays étrangers, ce qui fragilisait l'état du français particulièrement à Hull et à Montréal[10].

L'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982 a rendu inconstitutionnel l'article 73 de la Charte de la langue française, l'article 23 de la nouvelle Charte canadienne des droits et libertés reconnaissant à tout Canadien le droit à l'instruction dans la langue de la minorité linguistique. En conséquence, en 1984, la Cour suprême du Canada invalida l'article 73 de la Loi 101[9]. Dès lors, dès qu'un enfant, ou un parent de cet enfant, avait fréquenté une école anglaise n'importe où au Canada, l'enfant pouvait aller à l'école anglaise au Québec aussi.

Cas des écoles passerelles

Une école-passerelle est une école à laquelle un parent peut inscrire son enfant en première année pour ne pas être soumis aux obligations de la loi 101 en matière de langue d'enseignement.

Selon la loi 101, on ne peut inscrire à une école anglaise qu'un enfant qui a précédemment été inscrit à une école anglaise (au Québec à l'origine, ou ailleurs depuis 1984), dont les parents ont fréquenté l'école anglaise, ou dont un frère ou une sœur a fréquenté une école anglaise. Cependant, les écoles privées non subventionnées par l'État ne sont pas assujetties à ce régime. Par conséquent, il suffit à un parent dont l'enfant ne répond à aucun critère d'inscrire l'enfant à une telle école pendant un an (généralement en première année du primaire) pour que cet enfant ait ensuite le droit de fréquenter l'école publique anglaise à partir de la deuxième année et jusqu'à la fin de ses études. Ce droit échoira d'office à ses frères et soeurs et à ses enfants le cas échéant.

Ces écoles peuvent ainsi avoir jusqu'à cinq ou six classes de première année, mais une seule de deuxième année[11], puisque les parents envoient leurs enfants à l'école publique (donc gratuite) une fois la première année faite. Ce procédé est utilisé principalement par des immigrants qui souhaitent instruire leurs enfants en anglais, mais environ 20 % de la clientèle vient de parents francophones[11]. L'inscription à ces écoles peut coûter entre 10 000 $ et 15 000 $ par année[11].

En 2002, le gouvernement péquiste de Bernard Landry a fait adopter la Loi modifiant la Charte de la langue française (Loi 104) pour éliminer cette échappatoire, qui n'avait pas été prévue par les concepteurs de la loi. La Cour suprême du Canada a cependant invalidé cette loi en 2009, ce qui a amené le gouvernement libéral de Jean Charest à faire adopter la Loi 115, qui cherchait à respecter le jugement de la Cour suprême, en 2010.

Langue de la législation et de la justice

La version originale de la Charte de la langue française prévoyait que les projets de loi déposés à l'Assemblée nationale devaient être rédigés en français et que le français était la langue utilisée lors d'un procès, à moins que les parties en litige ne demandent toutes les deux que le procès se déroule en anglais. Ces dispositions furent aussitôt contestées devant les tribunaux[9]. Selon Camille Laurin, le conseil des ministres savait pertinemment, avant même que le projet de Charte ne soit déposé au Parlement, que les articles imposant l'unilinguisme au sein de la législation et de la justice étaient contraires à l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique, mais il entendait les maintenir pour protester contre l'injustice que constitue le fait que le Québec soit la seule province devant subir ce bilinguisme institutionnel en vertu de la Constitution, alors que les provinces anglophones en sont exemptées[10].

En 1981, la Cour suprême invalida les articles 7, 8 et 11 de la Charte. En 1993, la Loi 86 modifie la Charte. Depuis, les lois et règlements du Québec sont adoptés en français et en anglais et imprimés en deux versions séparées. En outre, les langues française et anglaise peuvent être toutes les deux utilisées au cours d'un procès. Il appartient à l'administration publique de fournir sur demande des traductions, en français ou en anglais selon le cas, des jugements rendus par un tribunal québécois[9].

Bilan

La réglementation de l'affichage publicitaire détourne parfois l'attention du public des autres parties tout aussi importantes de la loi, notamment celles qui régissent la langue de l'enseignement. Ces dernières dispositions ont eu un grand impact social en faisant en sorte que la très grande majorité des immigrants soit forcée aujourd'hui d'être scolarisée en français.

Projet de loi 14

Le 5 décembre 2012, le gouvernement Pauline Marois dépose à l'Assemblée nationale un projet de loi visant à renforcer l’usage du français dans l’espace public et à assurer une intégration réussie, en français, des personnes immigrantes[12].

Afin de ranimer la loi 101, le projet de loi 14 de 2013 présente des mesures coercitives. D’abord, le gouvernement Marois souhaite la francisation des entreprises comptant entre 26 et 49 employés, plutôt que 50 et plus[13]. Ensuite, il veut réévaluer les municipalités bilingues et enlever le statut à celles qui ne posséderont plus la moitié de leurs habitants anglophones. Alors que la loi 101 accorde aux militaires le droit d’envoyer leurs enfants à l’école anglophone / en anglais, le projet de loi 14 veut supprimer ce droit C’est-à-dire que les militaires devraient envoyer leurs enfants dans des écoles francophones / en français. De plus, le domaine de l’éducation est également touché, par exemple, les cégeps anglophones devront prioriser les étudiants de langue anglaise. Puis, toute l’administration devra également franciser l’entièreté de ses institutions pour que le français soit « la langue normale et habituelle de leurs communications »[14]. Cela s’applique aussi au système de santé qui devra rédiger tous ses dossiers en français. Le projet de loi 14 vise à modifier la Charte de la langue française et la CAQ accepte de l'appuyer pour qu'il soit discuté en commission parlementaire mais tient à la modification de certains points. Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, annonce que son parti votera en faveur du projet de loi 14 sur la protection de la langue française.

En réponse à la Coalition avenir Québec qui a le sort du projet de loi entre les mains, la ministre responsable de la Charte de la langue française, Diane De Courcy, annonce des assouplissements majeurs concernant les militaires et les municipalités[15].

Le gouvernement Marois doit composer avec une forte opposition de la part du Parti Libéral et de la Coalition avenir Québec[16]. Respectivement, ces partis redoutent la lourdeur des nouvelles réglementations que veut imposer le gouvernement ainsi que le recul des investisseurs pour trouver le Québec attrayant. Ainsi, l’opposition se dit défavorable aux mesures coercitives proposées par le projet de loi[17]. Face à la difficulté de rassembler une majorité des parlementaires en faveur de son adoption, le gouvernement péquiste décide d'abandonner le projet de loi.

Projet de loi 96

Le , le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, présente le projet de loi no 96 intitulé « Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français », qui modifie la Charte de la langue française et plusieurs autres lois en vigueur.

Impact à l'étranger

La Charte de la langue française a eu un impact dans plusieurs États étrangers, généralement quand un législateur souhaite protéger une langue ou une communauté linguistique majoritaire qu'il estime menacée à l'échelle d'une province ou d'un État en raison d'un contexte géopolitique ou historique défavorable.

Pays baltes

Dans les pays baltes notamment (Estonie, Lettonie et Lituanie), le législateur est intervenu pour protéger la langue majoritaire face à l'influence russe en s'inspirant de la loi québécoise[18].

Jonas Žilinskas, un chargé de cours à l'université de Šiauliai en Lituanie, a décrit l'état de la langue lituanienne après l'influence russe sur le pays comme un faux bilinguisme où seuls les Lituaniens étaient bilingues alors que les Russes ne faisaient pas l'effort d'apprendre le lituanien. Si la langue lituanienne écrite était plus ou moins protégée par les écrivains à travers les journaux et publications, le langage parlé était dégradé. Souvent, dans les institutions, c'était seulement une langue orale, les correspondances et documents techniques utilisant la langue russe[19].

Ce bilinguisme à deux directions mena au mouvement Sąjūdis où le peuple de la Lituanie déclara sa langue comme la seule langue officielle et commencèrent à travailler sur des lois linguistiques calquées sur l'expérience québécoise.

Mart Rannut, vice-doyen de la recherche au département de philologie à l'université de Tallinn, en Estonie, note l'influence de l'expertise du Québec dans le champ linguistique des droits humains et de la planification de la langue qui a aidé les pays qui ont obtenu leur indépendance de l'Union soviétique et conclut que « La loi 101 toucha 1/6e de la planète »[20].

Ina Druviete, à l'époque doyenne du département de sociolinguistique à l'Institut linguistique de Lettonie, nota des similarités entre les politiques linguistiques dans les trois pays baltes et celles du Québec. Toutes ces politiques avaient pour but de « prévenir un changement de langue et modifier la hiérarchie des langages dans la vie publique. Les principaux secteurs d'intervention étaient la langue utilisée dans les agences gouvernementales et les administrations, les réunions et les bureaux en particulier, les noms corporatifs, l'information et l'éducation. Le principe de droits linguistiques territoriaux fut institué »[21].

Catalogne

La loi 101 aurait eu un impact important dans le débat sociopolitique sur la protection de la langue catalane face à l'influence du castillan en Espagne. Une loi catalane inspirée par la loi 101 a rendu le catalan obligatoire dans la fonction publique[22].

Chine

La Chine se serait inspirée de la loi 101 lors de la rédaction de la « Décision sur la mise en place de l’évaluation des niveaux de maîtrise de la langue commune », qui vise à promouvoir le mandarin standard[23].

Israël

En Israël, alors que « la pénétration de l'anglais dans l'organisation sociolinguistique du pays » est perçue, d'après Bernard Spolsky, professeur émérite d'anglais à l'université Bar-Ilan, comme une menace pour l'hébreu, la politique linguistique n'a jusqu'à maintenant influencé que les linguistes et quelques politiciens. Il écrit :

« De temps en temps, des politiciens israélites présentent des projets de loi pour faire de l'hébreu la seule langue officielle du pays. Présentement, l'hébreu partage ce titre avec l'arabe seulement, parce qu'une mesure fut prise très tôt après la fondation de l'État, en 1948 pour modifier la politique britannique qui imposait aussi l'anglais. Le dernier essai pour donner une protection légale à l'hébreu remonte à décembre 2000 : deux propositions de lois furent alors rejetées[24]. »

Pays de Galles

Au Pays de Galles, la politique linguistique du Québec a eu une grande influence mais elle n'a pas pu être implémentée comme dans les pays baltes parce que les locuteurs gallois ne forment pas une majorité dans ce pays membre du Royaume Uni. D'après Colin H. Williams, professeur et chercheur au Département gallois à l'université Cardiff plusieurs leçons inspirées de l'expérience du Québec:

  • L'obtention de données statistiques détaillées pour clarifier le débat public
  • Les lois linguistiques (statut de langue officielle, droit de parler le gallois en cours, le Bwrdd yr Iaith Gymraeg qui administre cette loi)
  • L'iconographie du paysage linguistique
  • Le progrès dans l'enseignement du gallois[25]

Porto Rico

La loi 101 aurait influencé le débat sociopolitique sur la langue espagnole à Porto Rico[26]. Une loi fut adoptée en 1991 afin de donner à l'espagnol le statut de langue officielle unique. Cette loi, qui était inspirée par la Charte de la langue française, a été abrogée en 1993.

Notes et références

  1. Le terme « loi 101 » signifie qu'il s'agit de la 101e loi déposée par le gouvernement lors de la session parlementaire (la 2e session de la 31e législature). Il existe donc plusieurs « loi 101 » dans l'histoire du Québec, puisqu'à chaque session parlementaire le décompte recommence à 1.
  2. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/C_11/C11_A.html.
  3. Bâtir le Québec ensemble. Mémoire du Bloc Québécois — novembre 2007.
  4. Jean-Claude Corbeil, L'embarras des langues : Origine, conception et évolution de la politique linguistique québécoise, Montréal, Québec Amérique, , 548 p. (ISBN 978-2-7644-0562-8), partie I, chap. II (« L'élaboration des premières lois linguistiques »), p. 125-188.
  5. Bilodeau, P.-L. (2016). Impacts de la loi 101 sur la culture politique au Québec de 1997, (mémoire de maîtrise, université du Québec à Montréal). Repéré à http://www.archipel.uqam.ca/8719/. p. 34
  6. Trésor de la langue française au Québec, « Les modifications à la Charte de la langue française. Les lois 178, 86, 40, 171 et 104. », université Laval, 2007. [lire en ligne (page consultée le 2 décembre 2007)].
  7. R. Hudon, « Loi 178 », L'encyclopédie canadienne. [lire en ligne (page consultée le 2 décembre 2007)].
  8. Il s'agit de Herbert Marx, Richard French et Clifford Lincoln.
  9. Jean-Claude Corbeil, L'embarras des langues : Origine, conception et évolution de la politique linguistique québécoise, Montréal, Québec Amérique, , 548 p. (ISBN 978-2-7644-0562-8), partie II, chap. II (« L'évolution de la législation linguistique »), p. 245-294.
  10. Camille Laurin, Une traversée du Québec, Montréal, Hexagone, , 180 p., partie II, « Québec bilingue ou Québec français? », p. 89-96.
  11. Christine St-Pierre, Ici Christine St-Pierre, Septentrion, Québec, 2020, p. 179.
  12. « Le gouvernement péquiste resserre la loi 101, mais ne touche pas aux cégeps », Le Devoir, 5 décembre 2012.
  13. De Courcy, D. (2012). Projet de loi no 14 : Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d’autres dispositions législatives. Repéré sur le site de l’Assemblée nationale http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-14-40-1.html. p. 21.
  14. Sampson, X. (2013). Avenir du français : débat sur le projet de loi 14. Repéré à http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/610813/projet-loi-14-charte-francais-debats.
  15. « De Courcy évite la catastrophe », Robert Dustrisac, Le Devoir, 25 avril 2013.
  16. Salvet, J. (2012). Nouvelle loi 101 : un projet « vital » estime Marois. Repéré à https://www.lesoleil.com/actualite/politique/nouvelle-loi-101-un-projet-vital-estime-marois-934a27bc8c99b5c5f7067a51da372af7.
  17. Descôteaux, B. (2013). Projet de loi 14 : une loi nécessaire. Repéré à https://www.ledevoir.com/politique/quebec/373053/une-loi-necessaire.
  18. Rannut, Mart. (2002d). Le Québec et l’Estonie. L’aménagement linguistique au Québec : 25 ans d’application de la Charte de la langue française. Revue d’Am/nagement Linguistique. Automne 2002: 201-202.
  19. Jonas Žilinskas. "Le problème du bilinguisme en Lituanie aujourd'hui", in Revue d'aménagement linguistique, 2002 (translation).
  20. Mart Rannut. "Le Québec et l'Estonie", in Revue d'aménagement linguistique, 2002 (translation).
  21. Ina Druviete. « La Charte de la langue française et les lois linguistiques dans les Pays baltes », in Revue d'aménagement linguistique, 2002 (translation).
  22. Christian Rioux. Le Devoir « Les Catalans rêvent toujours d'une vraie loi 101 ». 15 juin 2006 En ligne. Consulté le 3 septembre 2019
  23. AXL.CEFAN « La politique à l'égard du chinois officiel ». En ligne. Page consultée le 3 septembre 2019
  24. Bernard Spolsky. "L’aménagement linguistique au Québec : regard d'un Israélien", in Revue d'aménagement linguistique, 2002 (translation).
  25. Colin H. Williams. "L'influence de l'aménagement linguistique au Québec au-delà de ses frontières : Le Pays de Galles", in Revue d'aménagement linguistique, 2002 (translation)
  26. [Daphnée Dion-Viens. Le Soleil. « La loi 101 aux quatre coins du Globe ». 26 juillet 2007. En ligne. https://quebecfrancais.org/la-loi-101-aux-quatre-coins-du-globe-2. Page consultée le 3 septembre 2019.]

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Claude Corbeil, L'embarras des langues : Origine, conception et évolution de la politique linguistique québécoise, Montréal, Québec Amérique, , 548 p. (ISBN 978-2-7644-0562-8)
  • André Bernard, « Les répercussions sociales et politiques de la loi 101 », dans Le Français au Québec, sous la dir. de Michel Plourde, Montréal, Fides et Les Publications du Québec, 2000, p. 292-298.
  • Guy Rocher, « La politique et la loi linguistique du Québec en 1977 », dans Le Français au Québec, sous la dir. de Michel Plourde, Montréal, Fides et Les Publications du Québec, 2000, p. 273-284.
  • José Woerhling, « La Charte de la langue française. Les ajustements juridiques », dans Le Français au Québec, sous la dir. de Michel Plourde, Montréal, Fides et Les Publications du Québec, 2000, p. 285-291.
  • Marc Levine, La reconquête de Montréal, Montréal, VLB éditeur, 1997.
  • Marc Termote et Danielle Gauvreau, La situation démolinguistique au Québec, Québec, Conseil de la langue française, 1988.
  • Uli Locher, Les anglophones de Montréal. Émigration et évolution des attitudes 1978-1983, Québec, Conseil de la langue française, 1988.

Articles connexes

Liens externes

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