Langues ouraliennes
Les langues ouraliennes (du nom de l'Oural, leur lieu supposé d'origine) sont une famille d'une trentaine de langues parlées par à peu près 20 millions de personnes en Europe et en Sibérie. Les langues ouraliennes ayant le plus de locuteurs sont le hongrois, le finnois et l'estonien.
Langues ouraliennes | |
Pays | Hongrie et pays voisins, Finlande, Estonie, Lettonie, Russie |
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Classification par famille | |
Codes de langue | |
ISO 639-5 | urj |
IETF | urj |
Linguasphere | 41
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Carte | |
Répartition approximative des branches des langues ouraliennes : finno-permiennes (en bleu), ougriennes (en vert), samoyèdes (en jaune). Le youkaguir, peut-être rattaché à l'ouralien, est en magenta. | |
Classification interne
Si la répartition interne des langues ouraliennes est sujette à débat depuis sa création, deux sous-familles, les langues finno-ougriennes et les langues samoyèdes, sont reconnues comme bien distinctes, bien que certains considèrent que les langues samoyèdes ne sont qu'une simple branche de la famille finno-ougrienne, qui ne se distinguerait pas alors de l'ouralien tout entier. L'ouralien aurait pour proto-langue le proto-ouralien, qui se serait divisé en proto-finno-ougrien (en) et proto-samoyède (en).
De façon générale, les langues ouraliennes se répartissent actuellement en sous-groupes bien caractérisés, mais les relations plus anciennes de ces sous-groupes sont peu claires, peu étudiées, et rendent difficile de les rassembler en branches plus larges[1].
Arbre généalogique
La classification traditionnelle des langues ouraliennes est la suivante. Les synonymes sont en italique.
- langues samoyèdes
- langues samoyèdes du Sud
- selkoupe (anciennement appelé samoyède ostiak)
- kamasse-koïbal — éteint en 1989
- mator-taïgi-karagasse — éteints au XIXe siècle
- langues samoyèdes du Nord
- nganassane (anciennement tavgy, tavgi, tawgi, samoyède tawgi)
- énètse (anciennement yenets ou yen, samoyède de l'Ienisseï) — presque éteint
- nénètse (anciennement yurak)
- youratse (en) — éteint au XIXe siècle
- langues samoyèdes du Sud
- langues finno-ougriennes
- langues ougriennes
- hongrois (magyar)
- langues ob-ougriennes
- langues finno-permiennes
- langues permiennes
- langues finno-volgaïques
- mari (anciennement tchérémisse)
- langues mordves
- langues finno-volgaïques éteintes de position incertaine
- mérien — éteint
- mouromien — éteint
- mechtchérien — éteint
- langues finno-sames
- langues sames (anciennement lapon)
- langues sames de l'Ouest
- same du Sud
- same d'Ume — presque éteint
- same de Lule
- same de Pite — presque éteint
- same du Nord
- langues sames de l'Est
- same de Kainuu (en) — éteint
- same de Kemi (en) — éteint
- same d'Inari
- same d'Akkala — éteint en 2003
- same de Kildin
- same de Skolt
- same de Ter — presque éteint
- langues sames de l'Ouest
- langues fenniques
- langues sames (anciennement lapon)
- langues ougriennes
Les langues mordves sont plus proches des langues finno-sames que du mari.
Profil typologique
Les principales caractéristiques structurelles communes aux langues ouraliennes sont les suivantes :
- ce sont des langues agglutinantes ;
- elles possèdent un grand nombre de cas (en moyenne 13–14), par exemple :
- erzya : 12 cas,
- estonien : 14 cas,
- finnois : 15 cas (ou plus),
- hongrois : 18 cas (et d'autres suffixes agissant comme des cas),
- same d'Inari : 9 cas,
- komi : dans certains dialectes, jusqu'à 27 cas,
- mokcha : 13 cas,
- nénètse : 7 cas,
- same du Nord : 6 cas,
- oudmourte : 16 cas,
- vepse : 24 cas ;
- ces systèmes de cas dérivent tous d'un prototype ouralien commun :
- le nominatif singulier n'a pas de suffixe casuel,
- les suffixes d'accusatif et de génitif sont des consonnes nasales (-n, -m, etc ...),
- un système tripartite de cas exprimant le lieu, avec des séries correspondent à peu près à « de », « vers », « dans / à » ; c'est particulièrement visible, par exemple, en hongrois qui en possède plusieurs pour exprimer « à l'intérieur », « à l'extérieur », « au-dessus » ;
- la présence fréquente de l'harmonie vocalique
- un accent d'intensité toujours fixé sur la première syllabe, à quelques rares exceptions près ;
- pas de tons
- pas de genre grammatical ;
- un verbe négatif présent dans presque toutes les langues actuelles ;
- une distinction de palatalisation chez les consonnes coronales, indépendamment de la voyelle qui suit (sauf dans les langues fenniques, qui l'ont perdue ; certaines l'ont ensuite réacquise secondairement devant voyelle antérieure) ;
- un grand nombre de postpositions alors que les prépositions sont très rares. ;
- un vocabulaire commun d'à peu près 200 mots, notamment des parties du corps, des membres de la famille, des animaux, des objets naturels, des verbes et pronoms fondamentaux, et des numéraux ; les dérivés augmentent le nombre de mots communs ;
- des suffixes possessifs, mais pas de pronom possessif ;
- le nombre duel, perdu dans certaines branches ;
- des marques communes de pluriel : -j / -i et -t /-d ;
- les numéraux sont suivis du singulier ;
- pas de verbe « avoir » mais une structure employant la copule et un suffixe possessif, ou une désinence casuelle ; ex. en finnois Minulla on kala » (mot à mot « sur-moi est poisson »).
Une sélection de mots apparentés
Français | Proto-Ouralien | Finnois | Estonien | Same du Nord | Erzya | Mari | Komi | Khanty | Mansi | Hongrois | Nénètse |
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feu | *tuli | tuli | tuli | dolla | tol | tul | tyl- | - | - | tűz | tu |
poisson | *kala | kala | kala | guolli | kal | kol | - | kul | kul | hal | xalya |
panier | *pesä | pesä | pesa | beassi | pize | pəžaš | poz | pel | pit'ii | fészek | pyidya |
main, bras | *käti | käsi | käsi | giehta | ked´ | kit | ki | köt | kaat | kéz | - |
œil | *śilmä | silmä | silm | čalbmi | śel´me | šinća | śin | sem | šäm | szëm | sæw, häem |
brasse | *süli | syli | süli | salla | sel´ | šülö | syl | löl | täl | öl | tyíbya |
veine / nerf | *sïxni | suoni | soon | suotna | san | šün | sën | lan | tān | ín | teʔ, ten |
os | *luwi | luu | luu | - | lovaža | lu | ly, lѳ | lŏγ, lăw | lo, luw | - | lī |
foie | *mïksa | maksa | maks | - | makso | mokš | mus | muγəl | maat | máj | mud° |
urine | *kunśi | kusi | kusi | gožža | - | kəž | kudź | kos- | końć- | húgy | - |
aller | *meni- | mennä | minema | mannat | - | mija- | mun- | mən- | men- | menni | myin- |
vivre | *elä- | elää | elama | eallit | - | ila- | ol- | - | - | élni | yilye- |
mourir | *kaxli- | kuolla | - | - | kulo- | kola- | kul- | kol- | kool- | halni | xa- |
laver | *mośki- | - | mõskma | - | muśke- | muška- | myśky- | - | - | mosni | masø- |
Possibles parentés linguistiques externes
De nombreuses recherches ont été faites pour relier les langues ouraliennes à d'autres familles de langues. Aucune ne fait complètement consensus à l'heure actuelle ; la moins controversée est celle visant à relier cette famille au youkaguir de l'est de la Sibérie. Le tchouktche est parfois également envisagé comme parent.
D'assez nombreuses ressemblances existent avec les langues indo-européennes, ce qui s'explique au moins en partie par des contacts anciens (et toujours d'actualité). C'est l'hypothèse « indo-ouralienne (en) » de Björn Collinder.
La théorie des « langues ouralo-altaïques », regroupant en une superfamille les langues ouraliennes et les langues altaïques, qui fut un temps très populaire, est aujourd'hui reconsidérée comme un cas d'aire linguistique : les ressemblances observables (notamment typologiques) entre ouralien et altaïque ne proviennent peut-être pas d'une origine commune, mais se seraient développées par contacts prolongés. La famille des langues altaïques est elle-même contestée pour la même raison par certains linguistes en tant que famille généalogique.[réf. nécessaire]
Michael Fortescue, spécialiste des langues eskimo-aléoutes et des langues tchoukotko-kamtchatkiennes a trouvé des apparentements entre langues ouraliennes, youkaguires, tchoukotko-kamtchatkiennes et eskimo-aléoutes, qu'il propose de regrouper dans une super-famille « ouralo-sibérienne (en) »[3].
D'autres super-familles hypothétiques proposées qui pourraient inclure les langues ouraliennes :
- langues eurasiatiques ;
- langues nostratiques ;
- langues ouralo-dravidiennes (en).
Notes et références
- (en) Tapani Salminen, « Problems in the taxonomy of the Uralic languages in the light of modern comparative studies », dans Лингвистический беспредел: сборник статей к 70-летию А. И. Кузнецовой, Moscou, Presses Universitaires de Moscou, (lire en ligne), p. 44-55
- Au sens large, l'estonien comprend à la fois l'estonien littéraire, eesti keel, fondé sur les dialectes du nord de l'Estonie, et les langues sud-estoniennes linguistiquement assez distantes.
- (en) Michael Fortescue, Language Relations across Bering Strait, 1998
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Daniel Mario Abondolo (dir.), The Uralic languages, Londres, New York, Routledge, coll. « Routledge language family descriptions », , XXIV-619 p., 24 cm (ISBN 0-415-08198-X, OCLC 468378953, notice BnF no FRBNF37544234, LCCN 96029898, lire en ligne)
- (en) Collinder, Björn (1957), Survey of the Uralic Languages, Stockholm.
- (en) Collinder, Björn (1960), An Etymological Dictionary of the Uralic Languages, Stockholm.
- (en) Décsy, Gyula (1990), The Uralic Protolanguage: A Comprehensive Reconstruction, Bloomington, Indiana.
- (fr) / (en) Jocelyne Fernandez-Vest (dir.), Les Langues ouraliennes aujourd'hui. Approche linguistique et cognitive, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque de l'École des hautes études, sciences historiques et philologiques » t. 340, 2005
- (hu) Hajdu, Péter, (1963), Finnugor népek és nyelvek, Gondolat kiadó, Budapest [Transl. G. F. Cushing as Finni-Ugrian Languages and Peoples (1975), André Deutsch, Londres].
- (hu) Hajdú, Péter, (1975), Uráli népek. Nyelvrokonaink kultúrája és hagyományai, Corvina Kiadó, Budapest. [trad. Les Peuples Ouraliens Leur Culture Leurs Traditions, Horvath, Roanne].
- (fi) Laakso, Johanna (1992), Uralilaiset kansat (Uralic Peoples), Porvoo – Helsinki – Juva, (ISBN 951-0-16485-2)
- (de) Rédei, Károly (ed.) (1986-88), Uralisches etymologisches Wörterbuch, Budapest.
- (fi) Sammallahti, Pekka, Matti Morottaja (1983): Säämi – suoma – säämi škovlasänikirje. Helsset/Helsinki: Ruovttueatnan gielaid dutkanguovddaš/Kotimaisten kielten tutkimuskeskus, (ISBN 951-9475-36-2)
- (en) Sammallahti, Pekka (1988): Historical Phonology of the Uralic Languages, dans Denis Sinor (dir.), The Uralic Languages, pp. 478-554, Leiden, E.J. Brill.
- (fr) Sauvageot, Aurélien (1930), Recherches sur le vocabulaire des langues ouralo-altaïques, Paris.
Articles connexes
Liens externes
- Les langues ouraliennes aujourd'hui (bibliographie)
- (en) Uralic dans Ethnologue.com (anglais)
- The Untenability of the Finno-Ugrian Theory from a Linguistic Point of View par Dr. László Marácz, opinion minoritaire sur cette famille de langues. (anglais)
- “The Ugric-Turkic Battle”: A Critical Review (PDF) par Angela Marcantonio (Rome), Pirjo Nummenaho (Naples) et Michela Salvagni (Rome) (anglais)
- Linguistic Shadow-Boxing par Johanna Laakso (anglais)
- The Finno-Ugrics, The Economist, (anglais)
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