Palatalisation
La palatalisation est une modification phonétique dans laquelle un son est produit par une partie plus à l'avant du palais dur que celle utilisée pour le son d'origine.
Par exemple, le latin castellum a donné chastel en ancien français. Conformément à la loi de Bartsch, caballus s'est transformé en cheval. Le phénomène qui fait passer la consonne occlusive vélaire sourde /k/ latine (phonème dorso-vélaire, articulé du dos de la langue contre le voile du palais) à la consonne fricative palato-alvéolaire sourde /ʃ/ française (phonème post-alvéolaire, prononcé contre une partie du palais dur) est une palatalisation.
La palatalisation a joué un rôle important dans l'évolution des langues romanes, slaves, l'anglo-frison et les langues indo-aryennes mais aussi en japonais (elle explique pourquoi les consonnes /t/ et /s/ sont réalisées [tɕ] et [ɕ] devant un /i/, par exemple) et en mandarin (où /hi/, par exemple, s'est palatalisé en [ɕi]).
Abusivement, on parle aussi de palatalisation pour décrire l'avancée du point d'articulation d'une voyelle postérieure vers une voyelle antérieure. L'évolution du u long latin prononcé [uː], vers le français u prononcé [y], en est un exemple.
Enfin, la palatalisation peut désigner un trait d'articulation secondaire, alors noté [j].
Langues slaves
Les langues slaves, dès l'époque du vieux slave, ont subi deux palatalisations.
Première palatalisation
Les consonnes [k] [g] [x] devant les voyelles antérieures (i, e, ь, ȩ, a) se sont palatalisées en chuintantes : [ʧʲ] [ʒʲ] [ʃʲ]. On en retrouve des traces dans les doublets russes мука/мучить (souffrance/tourmenter), бог/Боже мой! (dieu/mon Dieu!), дух/душа (esprit/âme).
Devant une chuintante, le a mouillé a évolué dans les langues slaves de l'est et du sud en а et dans les langues slaves de l'ouest en e : vieux slave кричати (racine крик), russe кричать, polonais krzyczeć, tchèque křičeti.
Enfin, le groupe [gt] a évolué en [ʒd] et les groupes [sk], [kt] et [gt] ont tous évolué en [ʃt].
Seconde palatalisation
Les consonnes [k], [g], [x] se sont palatalisées respectivement en [t͡sʲ], en [d͡zʲ] (plus tard, [zʲ]) et en [sʲ]. Les règles d'applications sont plus complexes que celles pour la première palatalisation, et la seconde palatalisation s'est historiquement réalisée en deux étapes.
Langues germaniques
Cette évolution linguistique a affecté certaines variantes des langues germaniques occidentales entre le IIIe siècle et le Ve siècle (anglo-frison ou ingvaeonique). Elle s'exprime dans les étymologies :
- angl. yesterday « hier » ← v.angl. ġeostrandæg, ġiestrandæg ← germ. *gestra-,
- angl. yellow « jaune » ← v.angl. ġeolu ← germ. *gelwaz.
Langues chinoises
Elle est notamment pour le mandarin à l'origine du glissement de la prononciation de Pékin, tel que retranscrite par des missionnaires jésuites français du XVIIe siècle, à l'époque où la langue parlée était encore proche du chinois médiéval, à [bei.t͡ɕɪ:ŋ] (pīnyīn: Běijīng), en mandarin contemporain.
Langue picarde
Les segments [k , g , kʲ , gʲ , tʃ , dʒ] sont susceptibles de subir une palatalisation ou bien résultent d'une palatalisation. On trouve cette palatalisation des occlusives dentales devant yod dans la plupart des variétés du picard.[1]
Par exemple, les séquences de graphèmes dj , dg servent à noter [dʒ].
En picard, on trouvera donc écrit:
- guidon o djidon o dgidon (rare)
- D'es main gueuche, i tient ch' guidon, et pi d'l'eute em laisse.
- Porquoé point t'lampe à pétrole por ahotcher à ch' djidon de s'motochyclette
- guidon o djidon o dgidon (rare)
Références
- Alain Dawson, thèse: Variation phonologique et cohésion dialectale en picard, p. 113, Université de Toulouse II - Le Mirail (2006)
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