Jean Perzel

Jean Perzel, né le 2 mai 1892 à Bruck, en Allemagne et mort à Paris le 26 octobre 1986, est Maître verrier et un pionnier du Luminaire et de l'éclairage en France dès les années 1920. Célébrant la modernité et l’innovation, il va travailler avec de grands noms l'Art déco et de l'architecture moderniste : Robert Mallet-Stevens, Michel Roux-Spitz, Le Corbusier, Jacques-Émile Ruhlmann, Djo-Bourgeois... mais également pour des monuments comme le Palais de la Société des Nations à Genève, la Cathédrale Notre-Dame de Luxembourg ou encore le Paquebot Normandie.

Biographie

Enfance

Joseph Perzl dit "Jean Perzel" est né le 2 mai 1892 à Bruck, une commune de Bavière située en Allemagne.

Fils et petit-fils de verrier, Jean Perzel est, depuis l'âge de 12 ans, passionné par le verre[1]. Il suit alors l’apprentissage traditionnel de Maître verrier à Munich. Il sort, à 16 ans, major de sa promotion en tant que compagnon du devoir.

Formation

C'est alors que, de sa Bavière natale, il entreprend un tour de l’Europe à pied. Il arpente l'Autriche, la Bohème, la Suisse, l'Italie, puis la France, tout en se faisant embaucher dans des ateliers pour gagner sa vie et ainsi apprendre les différentes techniques séculaires des maîtres verriers à travers l'Europe et approfondir ses connaissances.

C'est en 1910, à l'âge de 18 ans, qu'il arrive à Paris et travaille chez un maître verrier qui perfectionne son art. Une année plus tard, en 1911, il part pour Alger où on lui a confié la gestion d’une importante commande. La guerre éclate alors qu’il rentre à Paris en 1914 où il s’engage alors dans la légion étrangère où il sera caporal.

Cinq ans plus tard, en 1919, il est démobilisé et obtiendra plus tard sa naturalisation française (officialisée le 7 avril 1925[2]). Il reprend alors son activité de verrier d'art et intègre de 1919 à 1922, l’atelier parisien de Jacques Grüber.

À cette époque, l’électricité commençant à s'inviter dans la vie quotidienne, Jean Perzel tente d'adapter certaines techniques utilisées dans la création de vitraux, à la lumière électrique. Il réalise ainsi ses toutes premières lampes en traitant l’électricité comme les verriers d’autrefois traitaient le soleil : en masquant la source lumineuse tout en utilisant largement ses rayons[3].

L'Atelier Jean Perzel

Création

Dans une recherche tant esthétique que technique, il veut faire table rase de tout ce que la bougie, la lampe à huile, à pétrole, ou le gaz imposaient encore à l'œil[3]. Visionnaire et passionné par cette nouvelle énergie qu'est l'électricité, Jean Perzel se spécialise alors dans l’étude de l’éclairage et fonde sa société. L’Atelier Jean Perzel naît en 1923.

Collection Jean Perzel, 1925.

Après des années d'apprentissage technique à travers l'Europe, il se consacre désormais exclusivement au traitement de la lumière : amplifier l’intensité et la qualité de l’éclairage tout en diffusant la lumière uniformément, sans éblouir. Il va ainsi s’intéresser à des matériaux permettant un filtre de la lumière, comme le verre nacré et dépoli. Il dessine lui-même toutes ses créations, alliant verre et monture en métal dans une recherche d’élégance et de pureté des formes, dans un style moderniste[4].

Il expose au Salon d'automne en 1924[5] où il rencontre ensembliers, architectes, décorateurs et artistes tels que Pierre Chareau, Robert Mallet-Stevens, Djo-Bourgeois, René Prou, Jean Dunand... Il expose également dès 1925 au Salon des artistes décorateurs où le baron Robert de Rothschild, collectionneur et mécène, décide d’acquérir la totalité des luminaires présentés sur son stand.
Ces expositions permettent de révéler au grand public "son verre diffusant, distribuant une lumière rationnelle, et ses appareils, par leur ingéniosité, leur ligne, par la qualité du verre, enfin, furent aussitôt remarqués." (G. Derys, "Mobilier et décoration", revue française des arts décoratifs appliqués, 1933)[1].

Renommée

Jean Perzel a été le premier à créer des appareils d’éclairage modernes avec une approche méthodique, presque scientifique, de l’éclairage[6]. Inventant et embrassant l'ère Art déco et moderniste, l’art du maître verrier suscite commandes publiques et privées : Jacques-Émile Ruhlmann, Jules Leleu, Robert Mallet-Stevens ou Michel Roux-Spitz[7],[8] lequel va notamment construire en 1931 l’immeuble qui, aujourd’hui encore, abrite les ateliers et le showroom de l’Atelier Jean Perzel, Rue de la Cité-Universitaire à Paris[9].

Bureau de Michel Roux-Spitz illuminé par une lampe no 162 de Jean Perzel, 1931. Présenté au Salon des Artistes décorateurs de 1930 et installé ensuite dans l'agence de l'architecte (33, rue O. Feuillet à Paris).

Sa réputation grandit et plusieurs articles sur ses innovations paraissent[10],[1]. Il reçoit plusieurs récompenses et distinctions dans les expositions d'Arts appliqués : médaille d’or à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925[11], premier prix au Concours d’Éclairage organisé au Salon des Décorateurs en 1928, quatre premiers prix au Concours des luminaires de 1936, Grand Prix lors de l'Exposition universelle de 1937[12].

Ernest Tisserand le qualifie de maître de la lumière moderne :

« Devant Jean Perzel, il me semble que tous les éclairagistes ont fui. Ils étaient autrefois un certain nombre à l'imiter, à le démarquer. Mais le public ne s'y trompe pas et Perzel demeure seul maître de la place. (...) Perzel est vraiment le prince de la lumière moderne. »

 L'Art vivant, revue du 1er janvier 1930, Ernest Tisserand[13]

Marquant de son empreinte le monde de l’éclairage[14], il est chargé de réaliser les éclairages de lieux prestigieux à travers le monde. Lampes, plafonniers et lampadaires illuminent la brasserie La Coupole, un plafond lumineux signé Jean Perzel est installé à la Samaritaine[15] ; des appliques [16] sont installées dans le Palais des Nations, siège de la future ONU [17]; il est chargé de l'éclairage de paquebots de luxe, notamment le Normandie[18] et le Queen Mary, de celui de la Villa Noailles et de l'atelier d'artiste de Tamara de Lempicka[19], tous deux conçus par Robert Mallet-Stevens ou de créer une lampe d'étude pour la Cité internationale universitaire de Paris[20] . Perzel crée alors la lampe no 509 bis et la dote d’un cache coulissant qui épouse un abat-jour de verre dépoli, permettant d’orienter la lumière[21],[22].
Sa renommée a aussi gagné l’étranger : il a notamment été en charge de l'éclairage du Palais de Manik Bagh pour le maharadjah d’Indore[23], du Palais Chitralada, résidence du roi de Siam à Bangkok, de l'Ambassade du Canada à La Haye ou encore de l'Institut français de Londres. Ainsi on retrouvera ses luminaires dans les résidences du Général de Gaulle, du Président Georges Pompidou, du Roi de Belgique et d'autre dignitaires.[24]
Il est nommé Chevalier de la Légion d'Honneur, le 31 octobre 1938[25].

Une entreprise familiale

En 1933, il appelle près de lui son jeune neveu, François Raidt, qui rejoint l’entreprise à laquelle il consacrera toute sa vie. François Raidt, alors âgé de 14 ans, apprend grâce à lui le métier de verrier d’art et suit en parallèle des cours du soir sur l'architecture. Jean Perzel lui inculque la rigueur de l’ingénierie dans la création de ses luminaires et à la simplicité de leurs formes afin que chaque pièce puisse toujours être synonyme de modernité. François Raidt seconde alors Jean Perzel, dessine, peaufine et simplifie techniquement certains assemblages.

Jean Perzel et son neveu François Raidt, 1954.

À 18 ans, il sera à la tête d'une importante commande passée en 1937 par Henry Ford[26]. Ce dernier, à l’occasion de la sortie de son vingt-cinq millionième véhicule, souhaite sous 36 heures une série d'objets décoratifs réalisés à partir de pièces détachées Ford, qu'il offrirait ensuite à certains membres émérites du groupe. En l'absence de son oncle, François Raidt lui soumet alors dans les délais impartis une vingtaine de propositions, toutes acceptées par le célèbre industriel[27].

C'est en 1951, Jean Perzel confie la direction de l’entreprise à François, qui la transmettra lui-même en 1994 à son fils Olivier Raidt, se trouvant aujourd’hui encore à ce poste.

Après la seconde guerre mondiale, Jean Perzel se focalise sur la création de nouveaux éclairages extérieurs pour les villes devant se reconstruire en période d’après-guerre. Son activité, en baisse pendant la guerre malgré sa présentation à la Foire de Lyon à l'automne 1942[28], reprend et ses innovations continuent : il est temps de retrouver cette "lumière d'autant plus désirée qu'elle fut plus longtemps absente"[29] pendant la guerre. Il associe notamment la lentille de Fresnel au bronze.

Ayant été un précurseur dans le domaine de l'éclairage moderne, Jean Perzel marque l'histoire des Arts décoratifs. Certains de ses luminaires sont notamment exposés au Musée d'Art moderne de Paris[30]. La compagnie d’éclairage éponyme de Jean Perzel ayant traversé les âges, existe encore aujourd’hui, sous la direction d'Olivier Raidt[31], petit-neveu du fondateur. Ses luminaires y sont toujours fabriqués artisanalement selon les méthodes d’origines et exposés dans l’immeuble Art Déco de l’entreprise familiale à Paris, 3 Rue de la Cité-Universitaire[32]. Elle s'est vu décerner, en 2008, le Label Entreprise du patrimoine vivant[33] pour son savoir-faire dans le respect de la tradition artisanale, mais aussi pour la transmission de celui-ci.
Jean Perzel meurt à Paris le 26 octobre 1986.

Notes & Références

  1. Article "Jean Perzel", Mobilier & Décoration, 1933.
  2. Journal officiel de la République française, Naturalisation française, Journal du 6/7 avril 1925.
  3. Jean Perzel, « L'Art dans l'éclairage moderne », Lux, la revue de l'éclairage, , p.125-126 (lire en ligne).
  4. Article "Procédés et appareils modernes d'éclairage", Art & Décoration, 1926.
  5. Article "L'orientation décorative au Salon d'Automne", Comoedia, 1924
  6. Article "Appareils d'éclairage de Jean Perzel"Mobilier & Décoration, 1929.
  7. Lampadaire no 13 C par Jean Perzel dans les bureaux de Michel-Roux Spitz, Paris, 1930. Bibliothèque de la Smithsonian Institution.
  8. Bureau personnel de Michel Roux-Spitz illuminé par la lampe no 162, exposé au Musée des Arts décoratifs de Paris.
  9. Publicité sur les nouvelles salles d'exposition, rue de la Cité Universitaire dans le Catalogue de la Société des artistes décorateurs, 1931.
  10. Article "Les luminaires de Jean Perzel", Art & Décoration, 1936.
  11. Liste des récompenses de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris, 1925.
  12. Grand Prix de l'Exposition internationale des Arts et des Techniques de 1937.
  13. Article "Le XXe Salon desdécorateurs", L'Art Vivant, 1930.
  14. Article "Jean Perzel", Mobilier & Décoration, 1933.
  15. La Samaritaine, Etude historique et patrimoniale, Attrapa, Mai 2011.
  16. Croquis des appliques no 652 pour la Société des Nations, Collection du Centre Pompidou.
  17. Article "Jean Perzel & la Société des Nations", site de l'Atelier Jean Perzel.
  18. Article "Lumières sur la Paquebot Normandie", site de l'Atelier Jean Perzel.
  19. Lampadaire no 15 dans l'entrée de l'Atelier de Tamara de Lempicka, rue Méchain - Décoratrice Adrienne Gorska, architecte Robert Mallet-Stevens, luminaires par Jean Perzel, Paris, 1931. Bibliothèque de la Smithsonian Institution.
  20. Une chambre d'étudiant avec la lampe no 509 bis de Jean Perzel, à la [Cité internationale universitaire de Paris] vers 1937.
  21. Croquis de la lampe no 509 de Jean Perzel, pour la [Cité internationale universitaire de Paris], 1935, Archives nationales.
  22. Lampe no 509 bis de Jean Perzel, pour la [Cité internationale universitaire de Paris], Archives nationales.
  23. (de + en) Reto Nigglo, Eckart Muthesius 1930: Der Palast Des Maharadschas in Indore/the Maharaja's Palace in Indore : Architektur Und Interieur/Architecture and Interior, 176 p. (ISBN 9783925369551)
  24. "Jean Perzel", Fiche Artnet.
  25. Chevalier de la Légion d'Honneur, no 222 708, 31 octobre 1938.
  26. Objets décoratifs réalisés à partir de pièces détachées Ford - Commande exécutée par François Raidt pour Henry Ford, 1937.
  27. Article "Lumière mécanique", Automobiles classiques, n°81 mars avril 1997.
  28. Stand de Jean Perzel, Foire de Lyon, Automne 1942.
  29. Article "Après une nuit de cinq années", Lux, la revue de l'éclairage, 1946, p. 2-3.
  30. Lampadaires Jean Perzel, Collection du Musée d'Art moderne de Paris.
  31. Article "Olivier Raidt, la tradition Jean Perzel", Connaissance des Arts, 2009.
  32. Article "Perzel : dans les arcanes de la lumière", La Gazette Drouot, 2019.
  33. Entreprise du patrimoine vivant, fiche de l'Atelier Jean Perzel.

Articles & Bibliographie

  • Dictionnaire des artistes décorateurs, éd. 1953, Biographie de Jean Perzel
  • « Notre Histoire », sur Atelier Jean Perzel
  • « Comment Perzel a inventé l’éclairage moderne », Dandy Magazine, (lire en ligne)
  • « Jean Perzel ou l’énergie de l’épure », La Gazette Drouot, (lire en ligne)
  • « Les luminaires Perzel continuent d'illuminer », Côté Maison, (lire en ligne)
  • « Perzel, sculpteur de lumière », LUX, (lire en ligne)
  • « Ateliers Jean Perzel, l'éclairage Haute Couture », INTRAMUROS, (lire en ligne)
  • Emmanuel Bréon, 1925, Quand l'Art Déco séduit le monde (ISBN 9782915542554)
  • Pierre Kjellberg, Art Déco : Les maîtres du mobilier, le décor des paquebots (ISBN 9782859175122)
  • Alastair Duncan, Art Déco (ISBN 9782850883019)
  • Alastair Duncan, Art Deco Complete: The Definitive Guide to the Decorative Arts of the 1920s and 1930s (ISBN 9780810980464)
  • Charlotte Fiell, 1000 Lights: 1878 to 1959 (ASIN B008SLM1A0)
  • Frédéric Ollivier, A bord des Paquebots, 50 ans d'Arts Décoratifs (ISBN 9782915542387)
  • Guillaume Janneau, Luminaire (3 séries) et le luminaire moderne (ISBN 9782909458007)
  • Anne Bony, Les Annees 30 d'Anne Bony (ISBN 9782903370343)
  • Yvonne Brunhammer et Suzanne Tise, Les Artistes Décorateurs 1900-1942 (ISBN 9782080109194)
  • Bruno Foucart, NORMANDIE, L'épopée du Géant des mers (ISBN 978-2733500866)
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