Hedi Slimane
Hedi Slimane, né à Paris le , est un photographe et styliste français, directeur artistique de la maison de couture parisienne Celine depuis février 2018. Il fut précédemment directeur artistique de Saint Laurent Paris de 2012 à 2016, et directeur artistique de Dior Homme de 2000 à 2007. Il est connu pour avoir élaboré une grammaire stylistique mêlant haute couture et pop rock.
Biographie
Jeunesse et formation
Hedi Slimane est né dans le 19e arrondissement de Paris[1] d'un père comptable tunisien et d'une mère couturière italienne[2],[3].
À 18 ans, il tente une licence en droit sous l'influence de son père à l'université Panthéon-Assas, mais il abandonne en milieu d'année pour se consacrer à l'art. Il commence une hypokhâgne et une année préparatoire à l'Institut de sciences politiques. Il décide finalement d'intégrer l'Institut d'art de Michelet / La Sorbonne et l'École du Louvre. Parallèlement, il poursuit ses travaux photographiques et commence alors à trouver ses modèles, et faire des castings de rue. Il en prendra ainsi des photographies pour certains de ses proches ainsi que des présentations de mode.
Yves Saint Laurent
Dès ses 16 ans, Hedi Slimane coud des vêtements pour réaliser des coupes adaptées à son gabarit plutôt fin[3]. En 1989, lors d'un show prêt-à-porter qu'il produit pour son ami Jose Levy, Hedi Slimane rencontre Jean-Jacques Picart (qui a révélé Christian Lacroix) et devient son assistant de 1992 à 1995. Il travaille notamment sur le projet du centenaire de la « toile monogramme » de Louis Vuitton[4]. En 1997, il devient premier assistant chez Yves Saint Laurent Rive Gauche Homme et l'année suivante, favori de Pierre Bergé, il est propulsé directeur artistique du prêt-à-porter Homme[5],[6].
Pour la collection automne-hiver 2000–2001, il présente la collection Black Tie qui préfigure l'avènement de la silhouette d'Hedi Slimane : les débuts du skinny[7] (« moulant, proche du corps »). Par la suite, il choisit de quitter YSL, décline la proposition de reprendre Jil Sander, et accepte le poste de directeur de la création Homme chez Dior.
Dior
En juillet 2000, Hedi Slimane devient directeur de la création Homme chez Dior où il « transpose les valeurs de la maison pour les interpréter au masculin » avec des silhouettes sombres et androgynes à la coupe précise (skinny ou slim jeans, vestes réduites, chemises virginales et cravates fines), créant l'esprit et l'identité codifiée de Dior Homme[8],[9].
Dès son arrivée chez Dior, il redécore les bureaux de l'atelier Homme rue François 1er à Paris et fait installer un studio de production audio pour créer ses propres bandes-son[10]. Il produit les bandes-son de ses défilés pour Dior Homme, composées par des artistes underground ou d'avant-garde tels que Readymade FC, Phoenix, The Rakes, Razorlight, These New Puritans, qui composeront Navigate, Navigate pour le dernier défilé Dior Homme de . Il crée parallèlement des couvertures d'album, notamment pour Phoenix (Alphabetical)[réf. nécessaire]. Il crée notamment la tenue de scène (le stagewear) de groupes tels que The Libertines, Daft Punk, les Franz Ferdinand, The Kills à leurs débuts, mais aussi Mick Jagger, Beck, Jack White.
Après avoir insufflé une identité à Dior Homme, il assure le design d'une douzaine de nouvelles boutiques de la marque à travers le monde[6]. En avril 2007, Hedi Slimane quitte la création de Dior Homme[11].
Yves Saint Laurent
Début 2012, Hedi Slimane est nommé directeur artistique de la maison Yves Saint Laurent[12],[13]. Le nom commercial d'Yves Saint Laurent devient Saint Laurent Paris [n. 1] et une partie du studio de création déménage de Paris à Los Angeles[15]. Le premier défilé pour la collection printemps-été 2013 révèle un mélange de pièces emblématiques revisitées et l'introduction d'un style rock californien[16], puis d'un style plus grunge les années suivantes[17],[18]. Dès 2014, le designer rompt définitivement avec les codes historiques de la maison en présentant une collection fondamentalement rock chic[19].
En 2015, Hedi Slimane relance la couture Yves Saint Laurent dans les nouveaux ateliers de la maison situés au 24 rue de l'Université, dans l'hôtel de Sénecterre à Paris. Le chiffre d'affaires de Saint Laurent est multiplié par trois de 2011 à 2015 (de 353 à 974 millions d'euros)[20]. Le , le groupe Kering annonce le départ du créateur[21],[22]. À la suite d'une plainte du designer pour rupture abusive de contrat, le groupe lui verse 13 millions de dollars[23].
Celine
Le , il est nommé directeur de la création artistique et de l’image de la maison de luxe Céline, chargé, en plus de la mode femme, de lancer une ligne pour les hommes et les parfums, ainsi que de développer les accessoires[24]. Il retire l'accent aigu du nom de la marque (Céline devient Celine) et refond le logo[25]. Il propose dès sa première collection un style très "Hedi" - rock et rétro - qui provoque des réactions variées car en rupture avec les collections antérieures de la maison[26],[27]. En 2019, il présente la première collection Celine Homme[28] et lance la première collection de haute parfumerie de la maison parisienne[29].
Photographie
La photographie, toujours en noir et blanc chez Slimane, précède la mode dans son processus créatif, la photo étant pour lui un "observatoire sociétal et culturel sur ce qui émerge"[30]. À onze ans, Hedi Slimane découvre la photographie, et reçoit son premier appareil photo[8]. Il apprend le tirage noir et blanc et se passionne pour le portrait. Plus tard, il se lance dans le casting de rue pour trouver des modèles à photographier. Il commence à faire des photographies pour certains de ses proches ainsi que pour des présentations de mode[5].
Sa période berlinoise, de 2000 à 2003 a une influence décisive dans ses premières collections Dior Homme. Il devient résident du centre d'art du Kunst-Werke, et présente son projet de résidence[Quoi ?] en (repris à PS1 MoMA en 2004), ainsi qu'un essai photographique sur Berlin-Est, publié par Steidl, constituant un témoignage sur une période charnière de la création et de l’underground berlinois.
À partir de 2003, Hedi Slimane passe le plus clair de son temps à Londres et se retrouve au cœur de la nouvelle scène punk rock britannique. Il documente les groupes naissants (The Libertines, Franz Ferdinand…) et définit alors un cadre et une esthétique photographiques qui réduit la performance rock et la scène émergente à une écriture minimale. En 2004, Hedi Slimane produit la chronique photographique bi-mensuelle Rock Diary pour le magazine V, et publié Stage chez Steidl, un ouvrage photo qui constitue le premier livre sur le renouveau rock et la « génération 2.0 »[3]. Il fait l'inventaire systématique des attributs du rock, et définit un style « noir et blanc » abstrait, texturé et dépouillé[31]. On retrouve cette influence en publicité, notamment de mode et parfums. London, Birth of a Cult, sort chez Steidl en 2005, et décrit le quotidien d'une jeune rock star britannique alors méconnue, Pete Doherty, entouré de The Paddingtons, et de ses fans. Ce livre préfigure le projet sur Londres, que Slimane propose alors à Libération[32],[33].
En , Hedi Slimane crée son blog photographique, le Diary[34], avec un format sériel et chronologique[35]. Il y transpose l'idée du Rock diary commencée en 2004, en collaboration avec le journaliste britannique de NME, Alex Needham. Le format minimaliste du Diary de Slimane préfigure l'avènement des réseaux sociaux photo tels qu’Instagram[36]. Après son départ de Dior Homme en , Hedi Slimane enchaîne plusieurs expositions en Europe, à la Fondation d'art contemporain Ellipse de Lisbonne, au Foam Museum d'Amsterdam[37], à la galerie Arndt Partners de Berlin (exposition sur la jeune scène new-yorkaise, Dan Colen, Nate Lowman, Dash Snow , etc.), au Musac, et à la galerie Almine Rech à Paris.
Après Londres, Hedi Slimane s'intéresse à la sous-culture « Jerking » qui se développe à Venice Beach, Los Angeles[38]. En , il consacre à la galerie Almine Rech à Paris une exposition de groupe, Myths and Legends of Los Angeles, consacrée aux artistes californiens, de John Baldessari, à Ed Ruscha ou Chris Burden, mais aussi à la jeune garde, représentée par Sterling Ruby, Mark Hagen, Aaron Curry, ou Patrick Hill. Cette exposition est suivie par une exposition personnelle, Fragments Americana, à la galerie de Bruxelles, avec ses dernières photographies américaines. Le cycle californien aboutit en avec l'exposition au Moca de Los Angeles, qui reprend l'ensemble des archives photographiques californiennes[39].
Fin 2011, Hedi Slimane publie Anthology of a Decade, lexique exhaustif de ses années de mode et de photographie chez JRP-Ringier. Les archives photographiques de la décennie 2.0 sont présentées sous forme de quatre volumes, dédiés à chacun de ses cycles : Paris, Berlin, Londres, Los Angeles.
Style
Le style d'Hedi Slimane chez Dior se caractérise par des silhouettes sombres et androgynes à la coupe précise : skinny ou slim jeans, vestes réduites, chemises virginales et cravates fines[8],[9], un style qualifié de "classique radical"[40], qui se caractérise par une réappropriation des mouvances pop rock dont il est inspiré en tant que photographe[41]. Chez Yves Saint Laurent, il formalise une approche grunge rock avec des blousons et vestes graffités, parfois oversized, souvent pailletés d’étoiles ou de rivets, avec des effets matelassés noir ou aluminium. Les femmes sont en nuisettes de sortie ou mini-robes à franges, bas résille et portent des bottes en cuir ou de pluie. Le smoking noir est réinterprété sous toutes ses coutures[42]. Chez Celine, après avoir développé une approche réminiscente des années 1970[43], il rajeunit la marque avec des codes streetwear (gilet à capuche, brassière de sport, veste camouflage, baskets montantes) qu'il mélange à des classiques bourgeois de la maison (veste en tweed à boutons, blouse lavallière, jupe longue, bottes cavalières, crinoline), un style qualifié de "néo-bourgeois"[44],[45]. Pour sa première collection Celine Homme, il propose un style new-wave, post punk avec trenchs, vestes ajustées, cravates fines et pantalons raccourcis conçus en tweed ou cachemire[28].
L'idée de créer des silhouettes affinées émerge chez Slimane lorsque, jeune et ne trouvant que des vestes trop larges pour son gabarit, il confectionne des vestes sur mesure pour se sentir bien lors de ses sorties en soirée[46]. La minceur des modèles qu'il choisit a conduit certains observateurs à considérer qu'il encourage l'anorexie, un point de vue qu'il réfute : « Il fallait retrouver le sens du corps, redéfinir l'aspect structurel, affiner la silhouette pour affirmer l'allure. Le costume n'avait pas bougé depuis les années 1980. (…) Replacer les épaules, retrouver une nervosité, un maintien, faire des choix plus marqués de matières, c'était induire une tradition hédoniste »[47]. Il rappelle également qu'il est lui-même fin, et que ses inspirations esthétiques ont toujours évolué autour de ceux qui partagent le même gabarit que lui[48], tout particulièrement le chanteur britannique David Bowie[49].
Publications
- Sonic, Xavier Barral, 2014
- (en) Anthology Of A Decade 2000–2010, JRP-Ringier - Zurich, , 240 p. (ISBN 978-3037641156, présentation en ligne)
- American Youth, coffret DVD, MK2, 2009
- Rock Diary, JRP-Ringier, 2008
- Costa Da Caparica 1989, catalogue d'exposition, 2007
- Portrait Of A Performer : Courtney Love, Visionaire Bookzine, 2006
- Interzone : The Hedi Slimane Book, Purple Fashion 4, 2005
- London Birth Of A Cult, Steidl/7L, 2005
- Stage, Steidl/7L, 2004
- Berlin, Steidl/7L, 2003
- Intermission 1, Charta, 2002
Expositions
- 2021 : Sun of Sound, Galerie Almine Rech, Shanghai[50]
- 2014-2015 : Sonic, Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent, Paris
- 2011 :
- California Song MOCA, Los Angeles[51]
- California Dreamin, Myths And Legends Of Los Angeles group show, curateur Hedi Slimane, Galerie Almine Rech, Paris[52]
- Fragments Americana, Galerie Almine Rech, Bruxelles[53]
- 2008 : MUSAC Museum For Contemporary Art, Leon, Spain[54]
- 2007-2008 : Perfect Stranger, Galerie Almine Rech, Paris[55]
- 2007 :
- 2006 :
- 2005 :
- Thank You For The Music group show, Galerie Sprüth Magers, Munich
- Robert Mapplethorpe curateur Hedi Slimane, Galerie Thaddeus Ropac, Paris
- 2004 :
- Stage, Galerie Almine Rech, Paris
- Berlin, Galerie Koyanagi, Tokyo
- Berlin, MOMA/PS1, New York[61]
- 2003 : Berlin Kunstwerke, Berlin
Prix et distinctions
- 2002 : Premier dessinateur de mode homme à recevoir le prix international (International designer) du Conseil des créateurs de mode américains[8]
- 2005 : Un des 50 trentenaires les plus influents en France par Le Figaro Magazine[62]
- 2018 : Français le plus influent au monde selon Vanity Fair[63]
Notes et références
Notes de contenu
- Peu de temps après, il soutient, lors d'une interview, que ce changement de nom « se posait comme une évidence » ; il précise : « Je voulais revenir à l'esprit et aux intentions qui semblaient prévaloir à la création historique du prêt-à-porter d'Yves Saint Laurent, en 1966. […] Yves Saint Laurent et Pierre Bergé baptisaient leur prêt-à-porter naissant Saint Laurent rive gauche, contrepoint de la haute couture sous le label Yves Saint Laurent. […] Nous sommes donc allés à l'essentiel, un nom qui s'écrit comme il se dit au quotidien : Saint Laurent[14]. »
Références
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- Mark Westall. Hedi Slimane 'Sun of Sound'. Fad Magazine. 17 mars 2021
- California Song au MOCA
- California Dreamin, Myths And Legends Of Los Angeles
- Fragments Americana
- Hedi Slimane at Musac
- Perfect Stranger
- Young American
- Sweet Bird Of Youth
- Costa Da Caparica
- As Tears Go By
- Hedi Slimane at MoMA/PS1
- Hedi Slimane. LSA Conso. 1 avril 2016
- Vanity Fair, « Les 50 Français les plus influents du monde en 2018 », Vanity Fair, (lire en ligne, consulté le ).
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- Delarge
- National Gallery of Victoria
- (en) Museum of Modern Art
- (en) MutualArt
- (en) Photographers' Identities Catalog
- (en + nl) RKDartists
- (en) Union List of Artist Names
- Site officiel
- (en) Hedi Slimane designer turned photographer at the top of his game again sur New York Times.com,
- Caroline de Bodinat, « Hedi Slimane, le retour du prodige », Style, sur madame.lefigaro.fr, Le Figaro, (consulté le )
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