Prêt-à-porter

Le prêt-à-porter est constitué de pièces vendues en tant que produit fini et non pas réalisées sur mesure. Celui-ci est traditionnellement opposé, pour les femmes, à la haute couture et pour les hommes à la grande mesure. Il désigne le passage de la couture artisanale et du vêtement sur-mesure à la standardisation des tailles qui permet la production en série.[1]

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Ne pas confondre avec le film de Robert Altman : Prêt-à-porter (film, 1994)

Historique

Les prémices de ce qui sera plus tard appelé le prêt-à-porter apparaissent lors de la première moitié du XXe siècle. Ce sont des expériences, parfois anecdotiques[n 1], certaines fois prenant plus d'ampleur, mais loin de la production de masse que connaitra la seconde moitié de ce siècle.

Lors de la Première Guerre mondiale, l'armée américaine doit habiller ses soldats le plus rapidement possible, les tailles sont donc standardisées afin de gagner du temps de fabrication et donc d'en baisser les coûts. Cette technique s'appelle alors la « confection », le terme s'élargira et désigne désormais l'ensemble des industries de l'habillement[4]. Paris est le centre de la mode[5].

Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, la confection ne représente qu'un quart de la production de vêtements, le reste est fait à la maison, ou commandé chez la couturière[4] à qui on peut apporter des modèles de grands couturiers : les couturières du monde entier achètent des « toiles », ces patrons en mousseline de coton permettant d'effectuer une copie[5]. Après la guerre, c'est l'âge d'or de la haute couture parisienne qui impose ses tendances sur le monde entier.

Albert Lempereur, président de la Fédération de l'industrie des vêtements féminins, emmène la presse et des confectionneurs aux États-Unis ; il importe en France les méthodes américaines[6]. C'est en 1948 que le terme « prêt-à-porter » apparaît et il sera repris en 1950 pour une publicité de Publicis par la société WEILL : « Weill vous va », slogan qui veut rassurer les clientes sur le fait de trouver leur taille[7]. En effet, de retour du voyage en Amérique Jean-Claude Weill introduit en France le concept révolutionnaire du ready to wear et ainsi en inventant une forme de prêt-à-porter à la française, inspiré du prêt-à-porter américain : il fait entrer le chic et l'élégance dans la modernité. Dans son atelier, il énumère les avantages de ce principe : le choix des tissus, la diversité. Le terme « prêt-à-porter » désigne alors tout vêtement produit en série et comportant une griffe sous la forme d'une étiquette sur chaque vêtement. L'usage de l'étiquette va se généraliser et le terme « prêt-à-porter » désigne désormais simplement les vêtements qui ne sont pas faits sur mesure[4]. Jacques Fath lance une ligne de prêt-à-porter l'année de sa mort. Marcel Rochas, vers cette même période, ouvre la voie en se copiant lui-même ; il sera rapidement suivi de Jacques Heim ou Schiaparelli[8].

Un salon du prêt-à-porter a lieu en à Paris[7]. Le Vogue américain publie un numéro spécial « prêt-à-porter » à l'été de la même année, la mode passe des ateliers des couturières aux boutiques[9].

En 1958 et afin de lutter contre l'inexorable avancée de cette tendance, Jacques Heim au titre de président de la Chambre syndicale de haute couture lance le « prêt-à-porter création » afin de vendre des modèles spéciaux destinés à la vente en série. Quelques années plus tard, les couturiers eux-mêmes lanceront « prêt-à-porter des couturiers » afin de se démarquer du « prêt-à-porter industriels » qui utilise des matériaux moins onéreux, des formes plus simples et surtout possède moins de prestige[4]. Suivant un modèle économique qui perdure de nos jours pour les maisons de couture, le but est alors de décliner des modèles abordables à partir des collections de haute couture. « La haute couture se meurt. […] Mais non. Contre tout pronostic, la moribonde se porte bien ; elle revit des transfusions que lui administre le jeune prêt-à-porter. Et si les couturiers […] peuvent exhiber cent ou deux cents robes à 3000 francs, c'est parce qu'ils en vendent dix mille à 300 francs[8]. » Mais ce « prêt-à-porter des couturiers » est encore considéré comme un sous-produit, de la « basse-haute couture[8] ». Jusque dans les années 1960, le prêt-à-porter côtoie donc la haute couture, mais celle-ci, et le luxe en général, perdent du terrain[5]. De plus en plus, suivant le modèle initié très tôt par Christian Dior (avec Miss Dior) et d'autres, les grandes maisons de couture produisent en parallèle du prêt-à-porter et des produits sous licence : Pierre Cardin, Carven, deviennent des marques commercialisant leurs noms sur toutes sortent de produits. Courrèges arrête un temps ses activités de haute couture pour développer deux gammes de prêt-à-porter. Yves Saint Laurent avec sa ligne rive gauche marque son époque avec son prêt-à-porter luxueux. La mode passe des ateliers aux usines, et des boutiques à une distribution à grande échelle[8].

Malgré tout, la Chambre syndicale refuse d'intégrer les créateurs de prêt-à-porter, pourtant indispensables à la survie des grandes maisons[5]. Trois catégories se forment : la haute couture féminine et le sur-mesure pour les hommes, le prêt-à-porter des couturiers, luxueux mais anecdotique, et le prêt-à-porter industrialisé. De plus en plus, ce prêt-à-porter fabriqué en masse devient créatif, prend une importance mondiale, et Paris ne domine plus la planète avec ses tendances : Milan, New York, et surtout Londres dans les années 1960 deviennent des centres de la mode[5]. Vers cette époque, une nouvelle génération de stylistes, qui ne jurent exclusivement que par le prêt-à-porter, voit le jour en France : Emmanuel Khanh, Jean Bousquet Daniel Hechter, Michèle Rosier, Jacqueline et Élie Jakobson, Chantal Thomass, ou même Mary Quant en Angleterre[7]. La génération issue du baby-boom a besoin de consommer et rejette les préceptes vestimentaires de ses ainés. Au-delà des multiples boutiques ouvertes, le prêt-à-porter prend de plus en plus de place dans les marques de distribution : Prisunic, aidé de Denise Fayolle, pousse ses rayons pour laisser plus de place aux vêtements ; La Redoute ou les 3 Suisses font appel à des stylistes[7]. À partir de 1965, Dim Dam Dom fait entrer ces mêmes stylistes dans le poste de télévision, leu donnant une visibilité sans pareil.

Dans les années 1980, la nouvelle génération de créateurs que sont Thierry Mugler, Azzedine Alaïa, Claude Montana ou Jean Paul Gaultier abordent la mode sans passer par la haute couture, produisant un prêt-à-porter luxueux, innovant. Viendra à la suite le prêt-à-porter minimaliste et inventif des stylistes japonais, puis belges[5]. Certains de ces créateurs inverseront la tendance, passant du prêt-à-porter à l'exigence de la stricte haute couture dans les années 1990.

Dans les années 2000, loin de la consommation de masse instituée par le prêt-à-porter industriel, la différenciation, entre la haute couture présentant des pièces souvent uniques et le prêt-à-porter de luxe des couturiers produit à un peu plus d'exemplaires, prend l’appellation officielle de « Couture » lorsqu'elle est exécutée dans le cadre des défilés de haute couture à Paris, voire de « demi couture[10] » plus tard. Les collections de prêt-à-porter des couturiers et des jeunes créateurs sont présentées par des défilés à Paris, Milan ou New York… Paris alternant, suivant les saisons, entre la haute couture et le prêt-à-porter.

Les collections de prêt-à-porter industriel sont présentées lors de salons professionnels (Prêt-à-Porter Paris et Who's Next à Paris, Bread&Butter à Berlin, Pitti Uomo à Florence, etc.), et certaines enseignes deviennent des géants du commerce mondial : Uniqlo, H&M, Zara, Gap

De nos jours, la plupart des créateurs et grandes maisons réalisent leur chiffre d'affaires et bénéfices sur l'activité rémunératrice de prêt-à-porter, la haute couture n'étant plus qu'une vitrine du savoir-faire de la maison, permettant de développer l'image de celle-ci et de communiquer, mais dont la rentabilité est faible, voire déficitaire, depuis plusieurs décennies[11].

Notes et références

Notes

  1. En 1934 un département « Éditions » est créé par Lucien Lelong ; c'est notablement la première fois qu'un grand couturier lance une ligne annexe à sa collection principale[2]. Cette seconde ligne est réalisée à la main, dans les ateliers de la maison, avec des tissus de marque. La qualité est comparable aux réalisations de haute couture, mais la différence se situe dans le fait que les modèles, spécifiques de cette collection, sont réalisés à l'avance en cinq tailles et stockés ; les retouches sont en supplément. Lucien Lelong précise alors que : « en aucun cas, elles ne sont des adaptations des modèles montrés quelques mois auparavant : seuls le sens de la beauté et la qualité de l'artisanat sont les mêmes. »[3]

Références

  1. « Le prêt-à-porter », sur supdemod.eu (consulté le )
  2. Olivier Saillard (dir.), Anne Zazzo (dir.) et al. (préf. Bertrand Delanoë), Paris Haute Couture, Paris, Skira, , 287 p. (ISBN 978-2-08-128605-4), « Une chronologie de la haute couture », p. 274
  3. Olivier Saillard (dir.), Anne Zazzo (dir.), Lila Ralison et al. (préf. Bertrand Delanoë), Paris Haute Couture, Paris, Skira, , 287 p. (ISBN 978-2-08-128605-4), « Lucien Lelong et la ligne « Édition » », p. 159
  4. "Le vêtement", M.N. Boutin-Arnaud, S. Tasmadjian, Éditions Nathan, 1997. (ISBN 2-09-182472-0)
  5. Noël Palomo-Lovinski (trad. de l'anglais par Lise-Éliane Pomier), Les plus grands créateurs de mode : de Coco Chanel à Jean Paul Gaultier, Paris, Eyrolles, , 192 p. (ISBN 978-2-212-55178-5), « L'industrie de la mode : bref historique », p. 8 à 9
  6. Catherine Örmen, Comment regarder la mode : histoire de la silhouette, Édition Hazan, 2009
  7. Joëlle Porcher, Vichy, mini, bikini : la mode au temps des trente glorieuses, Carbonne, Loubatières, , 124 p. (ISBN 978-2-86266-728-7), « La victoire du prêt-à-porter », p. 56 et sv.
  8. Mariella Righini, « Mode - La planche de salut », Le Nouvel Observateur, , p. 32 (ISSN 0029-4713)
  9. Anne-Cécile Sanchez, « Et Saint Laurent aima la femme », sur lepoint.fr, Le Point, (consulté le ) : « En août 1956, Vogue a réalisé un numéro spécial « prêt-à-porter », un mot nouveau dans l’univers de la couture : bientôt les Françaises habituées aux couturières vont découvrir les stylistes, les boutiques, la mode de Prisunic. »
  10. (en) « Demi Couture is on the Rise », sur fashionologie.com, SugarInc, (consulté le )
  11. Michèle Leloup, « Les couturiers sur le fil », sur lexpress.fr, L'Express, (consulté le )

Articles connexes

Bibliographie

  • Alexandra Bosc, Palais Galliera, Olivier Saillard et al. (préf. Anne Hidalgo), Les années 50 : la mode en France 1947 - 1957, Paris, Paris Musées, , 259 p. (ISBN 978-2-7596-0254-4), « Produire la mode : de la haute couture au prêt-à-porter, une évolution nécessaire ? », p. 186 à 195
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