Enrico Caruso
Enrico Caruso est un ténor italien né le à Naples et mort le dans la même ville. Il est considéré par de nombreux critiques comme le plus grand chanteur d'opéra de tous les temps.
Pour les articles homonymes, voir Caruso (homonymie).
Nom de naissance | Errico Caruso |
---|---|
Naissance |
Naples ( Royaume d'Italie) |
Décès |
Naples ( Royaume d'Italie) |
Activité principale |
Chanteur lyrique Ténor |
Style | Opéra |
Années d'activité | 1895–1921 |
Maîtres |
Guglielmo Vergine et Vincenzo Lombardi |
Conjoint |
Ada Giachetti-Botti Dorothy Park Benjamin |
Répertoire
- Fedora (Giordano)
- Aida, Rigoletto et La traviata (Verdi)
- La Bohème et Madame Butterfly (Puccini)
- I pagliacci (Leoncavallo)
- Cavalleria rusticana (Mascagni)
Biographie
Origine familiale
Élevé à Naples dans une famille pauvre de sept enfants, il fait d'abord partie de la chorale de sa paroisse. Comme son père, à l'âge de 10 ans, il commence à travailler comme mécanicien, puis comme ouvrier dans une fabrique de tissu. Il passe ses moments libres à interpréter des chansons populaires dans les restaurants de la ville.
Les débuts
Il suit les cours de Guglielmo Vergine pendant trois ans, et même si Caruso maîtrise mieux la technique vocale, il a encore du mal à déchiffrer une partition, ne sait jouer d'aucun instrument et continue à chanter essentiellement « d'oreille » (c'est-à-dire par cœur)[1].
En 1895, à 22 ans, Caruso fait ses débuts dans L'Amico Francesco, un opéra de Domenico Morelli. Il y est repéré par des impresarios et se voit confier rapidement les premiers rôles dans Cavalleria rusticana de Pietro Mascagni, Faust de Charles Gounod, Rigoletto et La traviata de Giuseppe Verdi[2],[3].
Premiers succès et premier amour
En 1897, il se prend de passion pour la soprano Ada Giachetti-Botti (1874–1946), sa partenaire dans La traviata et La Bohème de Giacomo Puccini à l'Opéra de Livourne. Celle-ci quitte le domicile conjugal pour vivre avec Caruso. Le couple aura par la suite, hors mariage, deux garçons : Rodolfo (1898–1951) et Enrico (1904–1987).
Le 17 novembre 1898, Caruso crée Fedora, un opéra d'Umberto Giordano sous la direction du compositeur lui-même. La représentation obtient un grand succès et Caruso est assailli de nouvelles propositions de contrats. Son expérience de la scène et de nouveaux cours de chant pris auprès de Vincenzo Lombardi lui permettent de progresser encore, au point de susciter l'admiration de Puccini qui lui fait passer une audition, et de Toscanini qui l'engage en 1900 pour interpréter La Bohème à la Scala de Milan.
Sa voix chaude et puissante lui vaut une réputation qui dépasse les frontières. Caruso chante à Covent Garden en 1902, donne des concerts aux États-Unis et se permet même de chanter sans microphone au Yankee Stadium de New York.
Il est l'une des premières vedettes de l'enregistrement phonographique, ce qui lui assure la reconnaissance d'un plus large public. Son premier enregistrement est réalisé sur un gramophone le dans une chambre d'hôtel de Milan. De nombreux autres suivront : on compte aujourd'hui 488 disques, pratiquement tous produits par RCA Victor, qui lui ont rapporté plus de deux millions de dollars. « Ses enregistrements ont fait de Caruso un modèle universel pour des générations de ténors, et sa réputation a joué un rôle majeur dans le succès social et économique du phonographe », écrit le New York Times[4]. Il enregistre ainsi un grand nombre d'airs ou de chansons traditionnelles parmi lesquels Una furtiva lagrima (L'elisir d'amore), Addio a Napoli, Cuba, Rachel, quand du seigneur (La Juive), Celeste Aida (Aida), Amore o grillo (Madame Butterfly) avec Antonio Scotti, Vesti la giubba (I pagliacci) qui sera l'un de ses principaux succès, et Libiamo ne' lieti calici (La traviata) avec Alma Gluck. Il chante en français, en espagnol, en anglais, en italien et en latin. Partout où il passe, c'est un triomphe[5].
Apogée de sa carrière
Les concerts américains marquent l'apogée de la carrière de Caruso. En 1903, il est acclamé par la critique pour son rôle dans Rigoletto au Metropolitan Opera de New York. La salle devient sa scène préférée : il y crée plusieurs grands rôles de ténor[6]. Les journaux le surnomment alors « le Grand Caruso » (« The Great Caruso »). En 1906, alors qu'il joue Carmen à San Francisco, il doit quitter précipitamment la ville à la suite du tremblement de terre qui ravagea celle-ci[7].
Sa liaison avec Ada s'envenime. Il lui interdit de continuer sa carrière de chanteuse. Elle refuse de l'accompagner dans une nouvelle tournée aux États-Unis. En 1908, Ada part et refait sa vie avec leur chauffeur Cesare Romati[8].
Caruso poursuit sa carrière mais il est de plus en plus souvent victime de problèmes de santé. Gros fumeur, il est sujet à de nombreuses bronchites, angines et migraines. Il retourne à Milan en 1909 pour subir une intervention chirurgicale à la suite de l'apparition d'un nodule sur une corde vocale.
Pour échapper à la guerre, il entame une tournée en Amérique du Sud de 1917 à 1919, participant à une collecte de fonds en faveur des alliés. Il rencontre alors la jeune américaine Dorothy Park Benjamin (1893–1955) qu'il épouse en 1918, et avec qui il aura une fille, Gloria (1919–1999).
Dernières années
En 1920, il chante Aida à La Havane (Cuba), pour dix mille dollars[9]. Les billets se vendent jusqu'à 35 dollars, une fortune à l'époque, ce qui suscite la colère du public[10]. Le soir de la première représentation, la salle est la cible d'un attentat à la bombe.
Sa santé se détériore à partir de 1920. Victime d'une pleurésie et d'une infection généralisée, il subit six opérations en trois mois. Puis, le 3 décembre 1920, il se blesse au rein gauche lors d'une représentation de Samson et Dalila de Saint-Saëns au Metropolitan Opera. Il retourne alors à Naples, où il meurt de septicémie le , à l'âge de 48 ans. L'Italie décrète un deuil national. Il est inhumé à Naples dans une chapelle à son nom[11].
Un concert solennel est donné au Teatro Argentina en son souvenir. Le poète Orazio Marcheselli, de Milan, des artistes tels que Celestina Boninsegna et le ténor Umberto Macnez s'y font entendre. La recette est destinée à une œuvre de protection des artistes lyriques[12].
Postérité
Dans le film La Féline de Jacques Tourneur, les protagonistes souhaitent échanger dans une animalerie un chaton contre un canari, ce à quoi la vendeuse dit qu'elle possède « un canari qui chante aussi haut que Caruso ».
En 1951, le réalisateur américain Richard Thorpe lui consacre un film, Le Grand Caruso (The Great Caruso), avec Mario Lanza dans le rôle-titre.
L'année suivante, l'italien Giacomo Gentilomo réalise à son tour un film : Caruso, leggenda di una voce. Au comédien choisi pour le rôle-titre — un certain Ermanno Randi — Mario Del Monaco prête sa voix. Gina Lollobrigida figure aussi au générique.
En 1956, Frank Borzage écrit et filme pour la télévision The Day I met Caruso, moyen-métrage de la série Le Choix de… contant la rencontre fortuite dans un train du chanteur et d'une jeune quaker, jouée par Sandy Desher. La fillette reproche à Caruso de gaspiller ses dons au profit de causes légères. Le Napolitain, choqué mais attendri, finit par lui faire entendre que le bonheur que son chant procure au peuple n'est pas une chose légère. Lotfi Mansouri, portrait craché de Caruso, incarne le chanteur mais c'est la propre voix de Caruso que l'on entend dans des extraits de La Bohème, O sole mio ou encore Over There.
Au début du film Fitzcarraldo, réalisé par Werner Herzog en 1982, le personnage fou d'opéra, Brian Sweeney Fitzgerald dit « Fitzcarraldo », cherche à s'installer pour écouter Ernani, de Verdi, chanté par Caruso.
Lucio Dalla lui rend hommage en 1986 avec sa chanson Caruso.
Le , la Bibliothèque-Musée de l'Opéra de Paris a exposé des urnes de plomb scellées en 1907 et contenant des enregistrements de Caruso légués par Alfred Clark, président de la Compagnie française du gramophone.
Depuis 2013, un cratère de la planète Mercure est nommé Caruso en son honneur[13]. L'astéroïde (37573) Enricocaruso a également été nommé en son honneur.
Écouter Caruso
Fichiers audio | |
La donna è mobile (extrait de Rigoletto), circa 1908 | |
L’Ave Maria de Percival Benedict Kahn avec Mischa Elman au violon (1913) | |
Vesti La Giubba (extrait de I pagliacci), 17 mars 1907 | |
No, pagliaccio non son (extrait de I pagliacci) | |
La Partida | |
Caruso est la première star mondiale de la musique grâce au disque et en particulier la société anglaise Gramophone Company (labels "His Master's Voice", "La Voix de son Maître" en France, "La Voce del Padrone" en Italie…), historiquement la première multinationale de l'industrie du disque. Elle distribue les enregistrements de Caruso dans le monde entier comme le constate Mario d'Angelo[14].
La notoriété et le succès du ténor sont autant liés aux enregistrements d'airs d'opéra italien que de la chanson napolitaine qu'il sera le premier à interpréter au disque.
Filmographie
- 1918 : My Cousin d'Edward José : Tommasso Longo / Cesare Caroli
- 1919 : The Splendid Romance d'Edward José : Le prince Cosimo
Sélection discographique
- Le Récital rêvé (coffret 3 CD), « Classiques RTL », Médiadisque, 2007
- The Complete Caruso (coffret 12 CD), RCA Red Seal, 2004
- The Complete Recordings, 1902-1920, (coffret 12 CD), Naxos Historical, 2006
- The Great Caruso (Original Mono Recordings from 1904-1919), ASV, 2005
- Caruso: The Early Recordings, Nimbus, 2001
- Caruso in Song, RCA, 1993
Galerie
- Caruso et sa fille Gloria en 1919.
- Caruso et sa femme Dorothy.
- carte postale d'Enrico Caruso par Giacomo Brogi.
- Caruso et son épouse, Dorothy.
- Caruso pose aux côtés d'un phonographe.
- Jose Mardones, Enrico Caruso, et Rosa Ponselle dans La forza del destino, opéra de Giuseppe Verdi.
- Enrico Caruso à l'Hôtel Vittoria à Sorrente, quelques jours avant sa mort.
- Enrico Caruso, funérailles à l'église San Francisco de Paulo à Naples.
Bibliographie
(Une bibliographie complète est fournie par la thèse de Jean-Pierre Mouchon mentionnée plus loin).
- Pierre V. R. Key, "Enrico Caruso. A Biography". In collaboration with Bruno Zirato (Boston, Little, Brown, and Company, 1922, 455 pp., ill.).
- Emil Ledner, "Erinnerungen an Caruso", préface de Leo Blech (Hanovre et Leipzig, Paul Steegemann Verlag, 1922, 93 pp., ill).
- Jean-Pierre Mouchon, "Particularités physiques et phonétiques de la voix enregistrée de Caruso" (in "Le Sud Médical et Chirurgical", 99e année, n° 2.509, 31 octobre 1964, 11.812-11.829).
- Jean-Pierre Mouchon, Enrico Caruso. 1873-1921. Sa vie et sa voix. Étude psycho-physiologique, physique, phonétique et esthétique, préface du Dr Édouard-Jean Garde (Langres, imprimerie du Petit-Cloître, 1966,106 p., ill., puis en dépôt à l'Académie régionale de chant lyrique, à Marseille, puis à l'Association internationale de chant lyrique TITTA RUFFO, à Marseille)
- Jean-Pierre Mouchon, Enrico Caruso. His Life and Voice (Éditions Ophrys, Gap, 1974, 77 p., ill.).
- Jean-Pierre Mouchon, Enrico Caruso. L'homme et l'artiste, 3 volumes (thèse de doctorat d'État, Paris 4-Sorbonne, 1978, dirigée par Jacques Chailley, publiée par l'Atelier national de reproduction des thèses, Université de Lille III, 1605 p., ill.).
- Jean-Pierre Mouchon, Chronologie de la carrière artistique du ténor Enrico Caruso (Académie régionale de chant lyrique, Marseille, 1992, 423 p., ill. (ISBN 2-909366-10-3)).
- Pedro Eduardo Rivero, "Caruso en la Argentina" (Buenos Aires, Editorial Universitaria de Estudios Avanzados, 1994, 345 pp., ill.)
- Riccardo Vaccaro, "Caruso", préface du Dr. Ruffo Titta (Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 1995, 466 pp., ill.).
- Jean-Pierre Mouchon, "Particolarità fisiche e fonetiche della voce incisa di Caruso" (in Riccardo Vaccaro, "Caruso", 1995, p. 36–47)
- Jean Laurens, "Caruso, son âme, ses techniques, sa voix" (Paris, La Pensée universelle, 1996, 196 pp.).
- Roderic Martin, Caruso de Naples, Herault, 1997 (ISBN 978-2740700938).
- Pedro E. Rivero, "Enrico Caruso. Arte y Enfermedad" (Buenos Aires, Laboratorios Fabra, 1997, 50 pp., ill.).
- Pedro E. Rivero, "Enrico Caruso. Crónicas rioplatenses" (Buenos Aires, Ediciones Dunken, 1997, 108 pp., ill.).
- Jean-Pierre Mouchon, "Enrico Caruso. L'homme et l'artiste" (Terra Beata, 45, bd. Notre-Dame, 13006—Marseille, France, 2011, 1359 pp., ill. (ISBN 2-909366-16-2)). Cette thèse n'est plus sur le site et attend d'être publiée par une maison d'édition.
- Jean-Pierre Mouchon, "Enrico Caruso. Deuxième partie. (La voix et l'art, les enregistrements) Étude physique, phonétique, linguistique et esthétique". Volume III (Association internationale de chant lyrique TITTA RUFFO, 2012, 433 pp., ill.) (ISBN 2-909366-18-9). Ce troisième tome a été publié en deux volumes par Edilivre, sous le titre de :"Le ténor Enrico Caruso", volume I (La voix et l'art. Étude physique, phonétique, linguistique et esthétique), 2015, 131 pp., ill., ISBN papier: 978-2-332-95868-6; volume II (Les enregistrements), 2016, 382 pp., ill., (ISBN 978-2-332-96438-0) (papier).
- Mario d'Angelo, La musique à la Belle Époque, Autour du foyer artistique de Gustave Fayet, Paris, éd. du Manuscrit, 2012 (nouvelle éd. (ISBN 9782304041521)).
Notes et références
- John Kobler, « Where Have All the Great Men Gone ? » in American Heritage Magazine, février-mars 1984
- (en) Grove Music Online
- (en)American National Biography Online
- Article de David Hamilton, 6 janvier 1991
- (it)operissimo.com
- François Weil, Histoire de New York, Paris, Fayard, 2005 (ISBN 2213618569), p. 256
- « Nouvelles diverses », Le Ménestrel, , p. 131 (lire en ligne, consulté le ).
- Enrico Caruso Jr et Andrew Farkas, Enrico Caruso, My Father and My Family, Amadeus Press, 1990
- Pierre Van Rensselaer, Enrico Caruso : a Biography, 1922 (édition en ligne)
- New York Times du 13 juin 1920.
- (it) Article de Luciano Alberti dans l'encyclopédie Treccani
- « Le mouvement musical à l'étranger - Italie », Le Ménestrel, , p. 447 (lire en ligne).
- « Planetary Names: Crater, craters: Caruso on Mercury », sur planetarynames.wr.usgs.gov (consulté le )
- Mario d'Angelo, La Musique à la Belle Époque, Paris, éd. du Manuscrit, 2012 (nouvelle édition).
Article connexe
- Sauce Caruso, créée en l'honneur du ténor
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