Cheikh Jarrah

Cheikh Jarrah (arabe : الشيخ جراح, hébreu : שייח' ג'ראח, anglais : Sheikh Jarrah) est un quartier à majorité palestinienne de Jérusalem-Est, au nord de la vieille ville.

Panneau trilingue à l'entrée de Cheikh Jarrah.

Il est administré par Israël depuis 1967, puis incorporé à la juridiction israélienne par la Loi de Jérusalem de 1980[1]. Celle-ci ne bénéficie pas d'une reconnaissance internationale.

Dans le quartier sud, se trouvent des terres qui avant l'occupation jordanienne appartenaient à des propriétaires juifs[2]. Dans les années 1950, la Jordanie et l'UNRWA y ont installé temporairement des réfugiés palestiniens[3]. Après la conquête israélienne de 1967, la propriété a été rendue aux propriétaires juifs, mais les résidents arabes ont continué à y vivre, ce qui est à l'origine d'une dispute devant les tribunaux israéliens.

Toponymie

Le quartier a reçu son nom de Cheikh Jarrah, un médecin de Saladin, dont le tombeau du XIIe siècle est situé route de Naplouse.

En arabe, jarrah signifie « chirurgien » et cheikh est un titre honorifique accordé aux chefs religieux locaux[4].

Démographie

Lors du recensement ottoman de 1905, le cheikh Jarrah nahiya (sous-district) comprenait les quartiers musulmans de Sheikh Jarrah, Hayy el-Husayni, Wadi el-Joz et Bab ez-Zahira, et les quartiers juifs de Shim'on Hatsadik et Nahalat Shim'on. Sa population comptait 167 familles musulmanes (environ 1 250 personnes), 97 familles juives et 6 familles chrétiennes. Il contenait la plus grande concentration de musulmans en dehors de la vieille ville. La majeure partie de la population musulmane est née à Jérusalem, avec 185 résidents seuls membres de la famille al-Husayni. Un plus petit nombre était originaire d'autres parties de la Palestine, à savoir Hébron, Jabal Naplouse et Ramla, et d'autres parties de l'Empire ottoman, notamment Damas, Beyrouth, la Libye et l'Anatolie.La population juive comprenait des ashkénazes, des séfarades et des maghrébins tandis que les chrétiens étaient pour la plupart protestants. En 1918, le quartier Sheikh Jarrah du Sheikh Jarrah nahiya contenait environ 30 maisons.

Lors de la guerre de 1947-1948, la population juive est expulsée. Sous l'occupation jordaniennes, leurs propriétés sont saisies, et servent de logements pour l'installation de réfugiés palestiniens, qui s'y maintiennent après la prise du territoire par Israël en 1967.

Lieux et monuments

Le Tombeau des Rois appartient au domaine national français en Terre sainte depuis la fin du XIXe siècle.

Le Tombeau des Rois est un site archéologique figurant parmi les quatre domaines français de Jérusalem[5]. Le Hekdesh du Tombeau des Rois, association cultuelle juive liée au grand-rabbinat d'Israël[6], a engagé le une procédure judiciaire en France via son défenseur, en assignant le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et le consulat de France à Jérusalem devant le tribunal de grande instance de Paris[7]. Les plaignants revendiquent la propriété du site[8].

Fondé en 1954 par la congrégation française des Sœurs de Saint-Joseph de l'Apparition, l'hôpital Saint-Joseph est surnommé « el-Faransi » (le Français). Il s'agit du seul hôpital catholique à Jérusalem-Est et l'un des rares à y offrir des soins généralistes[9].

La cathédrale Saint-Georges route de Naplouse est le siège du diocèse anglican de Jérusalem. Elle fut consacrée en 1898. Elle abrite deux paroisses, une anglophone, l'autre arabophone. L'ensemble des bâtiments abritent aussi une guest house (hôtellerie) pour les pèlerins[10].

Bataille judiciaire

Le quartier de Cheikh Jarrah avec les tours de Jérusalem-Ouest en arrière-plan (2009).
Manifestation à Cheikh Jarrah contre l'éviction de familles palestiniennes (2010).

Depuis 1972, une bataille judiciaire oppose Palestiniens et Israéliens sur la propriété de maisons du quartier[11].

En 2001, des militants juifs entrent par la force dans une section scellée d'une maison qui se trouve dans l'enceinte du tombeau du grand prêtre juif Simon II le Juste (hébreu : Shimon HaTzadik[12]. Affirmant détenir le titre de propriété, ils refusent de quitter les lieux[13].

En 2008, la Cour suprême d'Israël reconnaît les titres de propriétés de la communauté juive sépharade qui possédait une partie des terres du quartier, durant l'époque ottomane[14].

Depuis 2008, dix familles palestiniennes ont dû partir, ayant refusées de payer le loyer qui les protégeaient par le « statut de locataire »[15]. En 2021, soixante-dix familles sont menacées d'expulsion[16].

Le , la Cour suprême d'Israël devait examiner l'affaire sachant que selon la loi israélienne, si les citoyens israéliens peuvent prouver qu'ils possédaient un « droit de propriété » à Jérusalem-Est avant l'occupation jordanienne, ils peuvent demander à ce que leur soit rendu leur propriété[17]. Ce jour coïncide avec la Journée de Jérusalem (hébreu : Yom Yeroushalayim) qui commémore en Israël la conquête de la partie orientale de la ville en 1967. Les célébrations sont souvent marquées par des tensions[18].

Le , « à la lumière du contexte actuel et à la demande du procureur général Avichaï Mandelblit », la Cour suprême repousse l'audience sur l'expulsion de quatre familles palestiniennes de Cheikh Jarrah. La Cour s'est fixée la date du 8 juin pour rendre ses conclusions, ce qui signifie que les expulsions déjà approuvées par le tribunal de district de Jérusalem ne devraient pas avoir lieu d’ici-là[19]. Face à la sensibilité politique, la Cour repousse son jugement, et en l'attente d'une décision de la Cour suprême sur des cas similaires[20].

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, l'une des agences des Nations unies, met en garde Israël, estimant que les possibles expulsions de familles palestiniennes pourraient constituer des crimes de guerre[21].

Affrontements de 2021

Des colons israéliens installés au numéro 10 de la rue Othman Ben Affan, depuis l’expulsion en 2009 de son occupante, Mariam Ghawi.

Depuis avril 2021, des affrontements violents opposant l'armée israélienne et palestiniens ont fait des centaines de blessés[22]. Ces violences sont apparues durant le mois du Ramadan[23] à la suite de la menace d'éviction de plusieurs familles palestiniennes du quartier Cheikh Jarrah.

Les Palestiniens dénoncent une politique de judaïsation de Jérusalem[24].

Réactions internationales

Les États-Unis ont appelé « responsables israéliens et palestiniens à agir pour mettre un terme à la violence », et exprimé leur inquiétude quant à « l'expulsion potentielle des familles palestiniennes de Cheikh Jarrah » tandis que l'Union européenne a condamné les violences et appelé à la désescalade[25].

Les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan, quatre pays arabes ayant récemment normalisé leurs relations avec Israël, ont fait état de leur « profonde inquiétude » appelant Israël au calme. Le Quartet pour le Moyen-Orient (États-Unis, Russie, Organisation des Nations unies, Union européenne) a appelé Israël à faire preuve de « retenue »[26].

Le , lors d'un message dominical après la prière, le pape François a appelé à la fin des violences à Jérusalem : « La violence n'engendre que la violence. Ça suffit avec les affrontements »[27].

Notes et références

  1. Lucas Menget, « Jérusalem-Est ou "à l’est de Jérusalem" : un arrangement géographique qui n’est pas un plan de paix », France Info, (lire en ligne)
  2. http://www.israelnationalnews.com/News/News.aspx/132678
  3. https://www.jewishpress.com/blogs/elder-of-ziyon/yes-jordan-illegally-gave-jewish-owned-land-to-unrwa/2021/05/11/#:~:text=Relying%20on%20the%20Trading%20with%20the%20Enemy%20Ordinance%2C,the%20property%20of%20Israelis%20in%20the%20West%20Bank
  4. Shafik Mandhai, « EN IMAGES : L’histoire de Sheikh Jarrah en sept clichés d’époque », Middle East Eye, (lire en ligne)
  5. Bernadette Arnaud, « Tombeau des rois à Jérusalem : à peine rouvert, déjà refermé », Sciences et Avenir, (lire en ligne)
  6. « Le Tombeau des rois, propriété de la France à Jérusalem, rouvre ses portes », La Croix, (lire en ligne)
  7. « Souveraineté de la France sur le tombeau des rois à Jérusalem », sur senat.fr, (consulté le )
  8. Thierry Oberlé, « Des rabbins israéliens veulent chasser la France du Tombeau des rois », Le Figaro, (lire en ligne)
  9. « L'hôpital Saint-Joseph de Jérusalem, un signe chrétien dans la ville », La Croix, (lire en ligne)
  10. Julie Schneider, « Jérusalem: la judaïsation par le béton », Slate, (lire en ligne)
  11. https://web.archive.org/web/20091213014542/http://www.haaretz.com/hasen/spages/1005342.html
  12. Yonatan Sindel, « A Sheikh Jarrah, un quartier palestinien de Jérusalem-est, les constructions israéliennes vont commencer », StreetPress, (lire en ligne)
  13. Benjamin Barthe, « La guerre des pierres de Jérusalem-Est », Le Monde, (lire en ligne)
  14. https://www.jns.org/sheikh-jarrah-a-legal-background/
  15. Louis Imbert, « A Jérusalem-Est, des Palestiniens menacés d’expulsion », Le Monde, (lire en ligne)
  16. « Regain de tensions à Jérusalem-Est: 15 personnes arrêtées », sur I24news,
  17. Christophe Lafontaine, « Tensions à Jérusalem : des Palestiniens bientôt expulsés ? », sur terresainte.net,
  18. « Jérusalem-Est: la Cour suprême repousse l'audience sur l'expulsion des familles palestiniennes de Cheikh Jarrah », I24news, (lire en ligne)
  19. https://www.timesofisrael.com/court-pushes-off-ruling-on-evictions-of-palestinian-families-in-silwan/amp/
  20. « Éviction de familles palestiniennes à Jérusalem : l'ONU évoque de possibles crimes de guerre », sur L'Orient-Le Jour,
  21. Samuel Forey, « « Mort aux Arabes », récit d’une nuit d’affrontements à Jérusalem », La Croix, (lire en ligne)
  22. Thierry Oberlé, « Des menaces d’expulsion embrasent Jérusalem-Est », Le Figaro, (lire en ligne)
  23. Aaron Boxerman, « Violences à Jérusalem : Israël critiqué par l’AP et le Hamas », The Times of Israel, (lire en ligne)
  24. « Au moins 200 blessés dans des heurts entre Palestiniens et police israélienne à Jérusalem », France 24, (lire en ligne)
  25. « Tensions à Jérusalem. La justice repousse l’audience clé sur l’expulsion de familles palestiniennes », Ouest-France, (lire en ligne)
  26. « Le Pape François appelle à la fin des violences à Jérusalem », Vatican News, (lire en ligne)
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