Armée macédonienne

L'armée macédonienne est considérée comme l'une des meilleures armées civiques de l'Antiquité. Instrument de la conquête de la Grèce sous le règne de Philippe II, puis de l'Orient sous le règne d'Alexandre le Grand, elle a affronté victorieusement l'armée perse pour devenir le modèle sur lequel se sont formées les armées des royaumes antigonide, séleucide et lagide aux IIIe et IIe siècles av. J.-C.

Pour l’article homonyme, voir Armée de la République de Macédoine du Nord.

Représentation de la bataille d'Issos sur la mosaïque d'Alexandre à Pompéi.

Les phalanges de porteurs de sarisses forment l'une des pièces maîtresses de toute armée macédonienne de l'époque hellénistique ; mais elle voient leur armement constamment alourdi au cours des IIIe et IIe siècles av. J.-C. Leurs lances atteignant dès le siège d'Edessa en 274 av. J.-C., une taille de 7,5 mètres contre 5 mètres au temps de Philippe et d'Alexandre. Ce changement radical de l'utilisation tactique de la phalange est constaté à Magnésie, aux Thermopyles, à Cynoscéphales ou à Pydna. Les phalanges sont désormais presque incapables de manœuvrer, de se déplacer rapidement, et occupent un rôle exclusivement défensif. Les alourdissements parallèles du bouclier et de l'armure, qui avaient pour but de donner un avantage décisif lors d'engagements entre deux armées de type macédonien, coûtent aux phalangites leur mobilité et leur efficacité en tant que formation à vocation offensive. Les légions romaines et leur grande flexibilité viennent à bout de la lourde phalange macédonienne et lui infligent la première défaite de son histoire à Cynoscéphales, rendant une telle formation désuète vers le milieu du IIe siècle av. J.-C., participant à sa disparition totale et définitive à la fin du Ier siècle av. J.-C.

L'armée macédonienne s'appuie aussi sur une cavalerie lourde (les Compagnons) chargée de provoquer la rupture chez l'adversaire une fois celui-ci fixé par les sarisses des phalangites. La plupart des batailles d'Alexandre sont ainsi remportées grâce à la hardiesse de ses cavaliers. Finalement la réussite de l'armée macédonienne au IVe siècle av. J.-C. s'appuie sur une parfaite coordination entre infanterie (lourde et légère) et cavalerie.

Généralités

Sources antiques

Ordre de bataille traditionnel sous Philippe II et Alexandre.

L'armée macédonienne est connue surtout grâce aux historiens qui ont écrit au sujet des règnes de Philippe II, d'Alexandre le Grand et des Antigonides, à savoir Diodore de Sicile (Bibliothèque historique, livres XVI à XX), Arrien (Anabase), Quinte-Curce (Histoire d'Alexandre), Justin (Abrégé des histoires philippiques de Trogue-Pompée), Polybe (Histoires, livres XVIII et XXX), Tite-Live (livres XXXI à XLV). Il faut y ajouter un ensemble de documents épigraphiques qui ont contribué à renouveler considérablement l'apport des textes littéraires : règlements militaires émis par la chancellerie macédonienne (diagramma de Chalcis, Kynos, Cassandréia et d'Amphipolis), lettres royales, et règlements civiques (loi éphébarchique d'Amphipolis, loi gymnasiarchique de Béroia)[1].

Il est parfois délicat de réconcilier les informations fournies par ces différentes sources qui ne s'accordent ni sur les chiffres ni parfois même sur le vocabulaire technique. Une difficulté particulière tient à ce que certaines appellations (peltastes, hypaspistes) désignent des unités différentes selon les époques. Pour ces raisons, de nombreuses incertitudes demeurent quant à l'organisation de l'armée macédonienne.

Pour le détail de l'armement, nous disposons, outre des armes découvertes dans certaines tombes (sarisse, épée et cuirasse dans les tombes d'Aigéai, d'un certain nombre de sources iconographiques représentant divers types de soldats : le sarcophage d'Alexandre à Sidon, la mosaïque d'Alexandre de Pompéi représentant la bataille d'Issos, une statuette d'Herculanum, des fresques funéraires en Macédoine (notamment celles de la tombe de Lysôn et Calliclès à Lefkadia), des stèles funéraires sculptées.

Composition de l'armée

L'armée des rois de Macédoine est composée de soldats-citoyens (πολιτικοὶ στρατιῶται / politikoì stratiỗtai), de mercenaires (archaioi xenoi) recrutés sur contrat à court ou long terme, et de troupes alliées. L'infanterie, formée de troupes professionnelles, comprenait deux composantes distinctes sous Philippe :

  • L'infanterie de la garde royale : les pezétaires (πεζέταιροι / pézétairoi) plus tard appelés hypaspistes (ὑπασπισταὶ / hypaspistaì) puis argyraspides (ἀργυράσπιδες / argyráspides)
  • Les peltastes (πελτασταὶ / peltastaì)

La cavalerie (βασιλικαὶ ἶλαι / basilikaì ĩlai), est quant à elle recrutées dans l'ensemble de la Macédoine. Il existe par ailleurs une importante réserve mobilisée, selon les besoins, sur une base territoriale.

Les mercenaires sont eux engagés personnellement par les rois, par des accords qu'ils pouvaient conclure en tant que seuls représentants de l'État habilités à conduire les relations avec les puissances étrangères.

Haut commandement

L'armée est fréquemment divisée en divisions (moirai) placées sous le commandement de généraux (strategoi), tel Parménion, sous les règnes Philippe et Alexandre, qui commande l'aile gauche durant les grandes batailles. L'échelon suivant des officiers (hégémonès) est occupé par des aristocrates macédoniens.

La phalange est quant à elle divisée en 6 taxeis (régiments) composés de 1 500 hommes chacun, avec à leur tête un taxiarque. La plupart des taxiarques sont des princes des maisons de Macédoine originaires de la région d'origine des unités qu'ils commandent, au moins au début de la conquête de l'Asie. ainsi par exemple Perdiccas commande le taxis d'Orestide, Coénos celui d'Élimée et Polyperchon celui de Tymphaia.

Enfin la cavalerie des Compagnons est dirigée par des hipparques dont les attributions ont évolué tout au long des conquêtes d'Alexandre. En effet la cavalerie des Compagnons compte en 334 av. J.-C., sept escadrons (ilais) de 1 200 Compagnons placés sous le commandement de l’hipparque Philotas. À la suite de son exécution en 330 av. J.-C., Alexandre procède à une réforme de la cavalerie des Compagnons qu’il scinde en deux hipparchies commandées par Héphaistion et Cleitos le Noir[2]. À la fin de la conquête, la cavalerie lourde compte vraisemblablement cinq hipparchies (dont une formée d’orientaux)[3]. Héphaistion, puis Perdiccas, exercent de fait une autorité sur les autres hipparques au titre de chiliarque des Compagnons.

Infanterie

Effectifs de la phalange

Un syntagma de 256 hommes, l'unité tactique de base de la phalange.

L'armée de Philippe II comprend un noyau de fantassins professionnels, les pézétaires (Compagnons à pieds) constitué sur une levée territoriale. Dans le corps expéditionnaire d'Asie sous Alexandre le Grand, les pezhetaires sont au nombre de 9 000 répartis en six (taxeis) de trois lochoi chacun. Les taxeis portent le nom de leur commandant (ou taxiarques) et sont recrutés sur une base territoriale. Il faut y ajouter trois chiliarchies de 1 000 hypaspistes et un nombre incertain d'archers et d'autres fantassins légers pour aboutir à environ 24 000 fantassins au total.

Alexandre étend l'appellation de pézétaires à l'ensemble des phalangites, ce qui explique la loyauté que ces derniers vouent par la suite à sa personne[réf. nécessaire]. Le terme recouvre à la fois les pézétaires (compagnons à pied) et les asthétaires (désignant les phalangites regroupés en formation régionale), à savoir l'essentiel de l'infanterie lourde macédonienne.

À l'époque antigonide, les phalangites sont divisés en deux ailes de chalcaspides (« boucliers de bronze ») et leucaspides (« boucliers blancs »)[4]. Leurs effectifs sont en expansion sous le règne des derniers antigonides : ils sont 10 000 en 224[5], 16 000 en 197[6], 21 000 en 171[7] et probablement 24 000 en 168.

La composante de base de la phalange est le lochos, la file de 16 hommes commandée par un lochagos. Quatre de ces lochoi composent une tétrarchia de 64 hommes sous la direction d'un tétrarchès. Quatre tétrarchiai forment un syntagma (ou une speira) soit 256 hommes, l'équivalent d'une compagnie. L'unité supérieure qui réunit quatre syntagmai, soit 1 024 hommes, est la chiliarchia, commandée par un chiliarchès. Quatre d'entre elles composent une stratégia de 4 096 phalangites, à la tête duquel se trouve un stratégos. À chaque échelon, le commandant de l'unité est aussi le commandant d'une des unités inférieures qui la composent : le stratégos est donc aussi l'un des quatre chiliarchai.

Les unités supérieures comptent en outre un certain nombre d'officiers supplémentaires (ektaktoi ou exarithmoi taxéos) dont l'hypérétès dans la speira, l'archypérétès dans la chiliarchia, qui sont des officiers d'intendance. Ils ont en charge l'inventaire et la conservation du butin, la distribution de la solde, de la ration et de l'équipement éventuellement. À l'échelon de la stratégia, on trouve les grammateis (secrétaires) qui tiennent les rôles de l'armée.

Armement des phalangites

Tétradrachme en argent représentant un bouclier macédonien.

L'armement des phalangites est décrit par le code militaire d'Amphipolis qui prévoit les amendes frappant les militaires dépourvus de l'armement réglementaire :

  • Armes défensives : une cuirasse de cuir (kotthybos ou kitôn), d'un casque ogival en bronze (kônos), ou d'un bonnet de feutre, d'un bouclier rond (aspis) ou d'un petit bouclier en forme de croissant tenu (peltê) par une lanière ce qui permet de manier la sarisse à deux mains, et de jambières (cnémides) en cuir ou en métal.
  • Armes offensives : une longue pique ou sarisse de 5,4 m de long environ au IVe siècle av. J.-C. et une épée courte (machaira/μάχαιρα).

Significativement les amendes les plus lourdes touchent les armes offensives et le bouclier dont l'absence compromet l'efficacité de la formation tout entière. Les officiers portent une demi-cuirasse métallique au lieu de la cuirasse en cuir.

Il convient de souligner que les découvertes archéologiques montrent que les phalangites peuvent également utiliser l'épée hoplitique droite à deux tranchants (xiphos) ainsi que la lance hoplitique (dory) plus courte que la sarisse.

De manière plus anecdotique, Plutarque écrit qu'Alexandre commande à ses généraux de raser leur barbe et celles des soldats pour qu'elle ne puisse pas servir de prise aux mains des ennemis[8].

Avantages de la phalange macédonienne

Pézétaire (à droite) combattant à la bataille d'Issos, détail du Sarcophage d'Alexandre.

L'origine d'une infanterie de ligne hoplitique peut remonter au règne d'Archélaos[9]. Auparavant, la seule infanterie lourde dont dispose le royaume de Macédoine lui est fournie par des cités grecques alliées.

Mais son véritable créateur est Philippe, considéré comme l'inventeur de la phalange de sarissophores[10]. Il met au point une infanterie particulièrement efficace, car débarrassée d'une partie de son armement défensif au profit d'une pique, la sarisse, longue de 5 mètres à ses débuts et avec une vitesse de charge accrue. Moins coûteux, cet armement permet d'équiper un plus grand nombre de soldats. Le bouclier voit sa superficie réduite d'un tiers tandis que l'armure métallique est abandonnée. Le royaume peut enfin rivaliser avec les cités grecques malgré la relative pauvreté initiale de ses moyens matériels et économiques. Cette réforme militaire a donc aussi des conséquences politiques considérables : elle permet d'intégrer un nombre considérablement accru de Macédoniens dans la défense du royaume et dans sa vie politique. À la fin du règne de Philippe, le nombre de Macédoniens mobilisables dans l'infanterie lourde, recrutée sur une base territoriale, est estimé à 30 000.

Les sarisses sont levées à la verticale pendant la charge puis baissées au dernier moment créant ainsi une violente onde de choc, qui, associée à la formidable masse combinée de tous les soldats libérait une énergie cinétique telle que l'impact pouvait renverser plusieurs rangs ennemis. De plus, les piques levées à la verticale formaient un bouclier incomparablement efficace face aux projectiles de toutes sortes. Piégés dans l'inextricable amas de lances qui pointaient vers le ciel, les missiles retombent au sol sans causer de dégâts et peuvent ainsi être réutilisés par les archers ou frondeurs macédoniens.

Durant les phases défensives, les sarisses sont plantées dans le sol à l'aide d'embouts de bronze, afin de permettre aux fantassins de soutenir plus aisément la puissance des charges adverses. Les piquiers présentent ainsi à leur opposition une incassable muraille de boucliers, dont jaillissent de toutes parts de terribles rangées de sarisses. Cette inexpugnable forêt de lances forme un excellent mur défensif qui immobilise ses opposants et brise tous les assauts, d'infanterie comme de cavalerie. En effet, ces murs de lances que les blocs de piquiers macédoniens dressent face à eux sont si denses et si compacts qu'ils permettent d'opposer une dizaine de sarisses à l'avancée de chaque soldat du premier rang adverse. Les opposants de la phalange étaient de ce fait invariablement tenus en respect par les sarisses ennemies, trop nombreuses pour que quiconque pût se soustraire à leurs attaques. Ces sarisses foisonnantes, dressées face à chaque adversaire, n'étaient séparées les unes des autres que par d'infimes espaces, bien trop exigus pour que les assaillants ne puissent s'immiscer au cœur de la formation, qui restait de ce fait inattaquable. Ainsi, les phalangites peuvent frapper leurs adversaires sans que leurs opposants, équipée d'armes plus courtes, ne puissent rendre les coups de quelque manière que ce soit. Cette formation supplante de ce fait la phalange hoplitique dès son apparition dans le premier quart du IVe siècle av. J.-C. Imperméable aux assauts adverses, cette formation redoutable s'impose comme colonne vertébrale de toutes les armées hellénistiques durant trois siècles.

Plutarque décrit dans La vie de Paul Émile les premiers instants de la bataille de Pydna et décrit la phalange macédonienne en ordre de combat :

« Dès que la charge a commencé, Paul Émile court aux premiers rangs, et s'aperçoit que les capitaines macédoniens ont enfoncé le fer de leurs piques dans les boucliers des Romains, qui ne pouvaient, avec leurs épées, atteindre jusqu'à eux. À cet instant, les autres Macédoniens prennent en main les boucliers qu'ils portaient suspendus à leurs épaules, baissent tous à la fois leurs piques, et les présentent à l'ennemi : à la vue de cette haie impénétrable de boucliers, serrés les uns contre les autres, et de ce front hérissé de piques, Paul Émile se sentit frappé d'étonnement et de crainte. Il confessa n'avoir jamais vu de spectacle plus terrible ; et il parla souvent depuis de l'impression que cette vue avait faite sur lui.

[...]

Il se fit là, de part et d'autre, des efforts prodigieux de valeur, et le carnage fut horrible : les Romains s'efforcent de couper avec leurs épées les piques ennemies, de les repousser avec leurs boucliers, de les détourner même en les saisissant à la poignée. Les Macédoniens brandissent des deux mains leurs piques menaçantes, frappent les assaillants, percent leurs boucliers et leurs cuirasses, sans que rien pût amortir la violence du coup, et renversaient, la tête la première, les corps des Péligniens et des Marruciens, s'élançant comme des bêtes féroces, emportés par leur fureur, s'enferrant d'eux-mêmes, et se précipitant à une mort certaine. Ainsi, les hommes du premier rang ayant été tués, ceux du second reculèrent. [...] Pourtant, à cette vue, Paul Émile, d’après Posidonios, déchira sa tunique. On le comprend : parmi les Romains, les uns venaient de céder ; les autres se troublaient devant la phalange, qui n’offrait pas de fissure, et qui, bien au contraire, opposait à l’ennemi une haie de lances, était de toutes parts inaccessible. »

Polybe ajoute dans l'Histoire Générale :

« Dès que la phalange a la forme qui lui est propre et se maintient dans sa force, il n'est rien qui puisse lui résister en face ni en soutenir le choc. [...] Il est facile de s'imaginer quels doivent être le choc et la force de la phalange quand elle compte seize hommes de profondeur. [...] Un seul Romain a contre lui deux soldats du premier rang de la phalange ennemie, et dans le combat il doit avoir affaire à dix sarisses. Or, il ne lui est possible, au milieu de la mêlée, quelle que soit sa rapidité, ni de couper ces sarisses ni de s'y faire jour par ses seules ressources, d'autant plus que les rangs qui suivent ne sauraient être utiles en rien aux premiers pour ajouter à la violence du choc et à la vigueur des coups, circonstance qui prouve qu'il est absolument impossible de résister à la phalange dès qu'elle a la force qui lui est propre, et qu'elle est en état de librement agir. »

Les phalanges sont, à cet effet, les unités idéales pour former l'« enclume » dans le cadre de la « tactique du marteau et de l'enclume ». Elles sont alors utilisées comme point d'appui solide qui permet de tenir tant qu'elles restent en formation, laissant ainsi à la cavalerie des Compagnons, le rôle du « marteau » qui pulvérise l'armée adverse.

Inconvénients de la phalange macédonienne

Mais l'incomparable efficacité de la phalange dans les assauts frontaux est contrebalancée par une grande vulnérabilité sur les flancs et l'arrière. Les fantassins n'étant équipés que d'une épée courte, d'un bouclier léger et d'une armure légère, ils sont incapables de contrer efficacement une attaque portées sur les flancs ou l'arrière de leur dispositif dans le cas où ils sont également engagés par une autre unité de face. Cette faiblesse est cependant minimisée par le soutien de peltastes et d'autres troupes légères qui protègent les flancs de la phalange. Ainsi, même les phalanges plus mobiles de Philippe et d'Alexandre ne peuvent pas se permettre de découvrir leurs flancs même si elles ont la possibilité de manœuvrer plus ainsi facilement que les phalanges plus tardives des Diadoques.

Les différents royaumes hellénistiques ont eu en effet tendance à alourdir l'équipement des phalanges. Les rangs de la phalange sont par exemple doublés pour passer de 16 à 32, au détriment de la capacité de manœuvre, tandis que le port des armures métalliques et des casques enveloppants se généralise et que la taille de la sarisse s'allonge de 5 à 7,5 m. La phalange, de par cette rigidité, nécessite enfin pour être efficace d'être déployée sur terrain plat comme l'a remarqué Polybe[11] ; ce qui finalement cause sa perte face aux légions romaines, plus souples, à Cynoscéphales, à Magnésie du Sipyle et à Pydna.

Hypaspistes

Tétrobole représentant un casque et un bouclier macédonien.

Les hypaspistes (ou « porteurs de boucliers ») sont à l'origine un régiment composé des valets d'armes personnels des Compagnons du roi. Les premiers hypaspistes portent au combat les armes personnelles du roi, y compris le Bouclier sacré de Troie. Cette unité d'infanterie est composée de 3 000 fantassins divisés en six lochoi. Au début de la conquête de l'Asie, elle est dirigée par Nicanor, fils de Parmenion. Après sa mort à la bataille de Gaugamèles, ils sont alors regroupés en trois chiliarchies[12]. Le terme d'hypaspistes qualifie probablement les pézétaires lorsque ce dernier terme est appliqué aux phalangites de la levée territoriale. Il s'agit donc à la fois d'une garde royale, à ne pas confondre avec les gardes du corps ou sômatophylaques, et d'une « police militaire ». Ils sont recrutés parmi les jeunes nobles macédoniens. À l'époque antigonide, le règlement militaire de Cassandréia confirme leur rôle d'unité d'élite et leur recrutement nobiliaire. À la fin du règne d'Alexandre, cette appellation d'hypaspistes est remplacée par celle d'argyraspides (« bouclier d'argent »)[13]. Les fantassins du premier lochos constituent l'avant-garde (agèma) ; ils sont connus sous l'appellation de basilikoi hypaspistai (« porteurs de bouclier royaux »), à moins que ces derniers n'en constituent qu'une fraction. Ils sont chargés de garder la tente du roi au camp et obtiennent la place d'honneur dans l'ordre de bataille.

La question de leur équipement sous les Argéades est sujette à débat, même s'il est probable qu'ils portent une lance plus courte (la doratia) que la sarisse. Ils servent de lien entre la cavalerie des Compagnons et la phalange car leur armement, supposément plus léger que celui des phalangites, leur aurait permis de suivre la cavalerie et de précéder la phalange.

À l'époque antigonide, les peltastes, au nombre de 3 000, constituent avec les 2 000 fantassins de l'agèma, l'élite de l'infanterie macédonienne. Il semble donc que les peltastes antigonides soient les héritiers des hypaspistes d'Alexandre et avant eux des pézétaires de Philippe, un corps d'infanterie lourde d'élite. Le changement de nom est peut-être lié à l'adoption d'un bouclier plus petit. Quoi qu'il en soit le terme d'hypaspistes aurait été réservé à la garde royale.

Hoplites grecs

La ligue de Corinthe fournit à Philippe et Alexandre des contingents d'infanterie lourde de type hoplitique. Ces mercenaires grecs auraient été équipés avec la panoplie traditionnelle des hoplites consistant principalement en une lance (dory), une épée courte (xiphos), un bouclier rond (hoplon), un casque (kranos) et une armure de bronze (thôrax). Dans la bataille, ces hoplites auraient joué un rôle moins actif que les phalangites et hypaspistes macédoniens.

Durant la bataille de Gaugamèles, l'infanterie grecque est placée à l'arrière du dispositif en position défensive. Ils sont parvenus à repousser les assauts de la cavalerie perse qui a tenté d'encercler les troupes macédoniennes et à protéger les bagages des percées adverses.

Les souverains Antigonides privilégient les mercenaires celtes et galates équipés en thuréophores comme troupes d'appoint, ces derniers étant « meilleur marché » que les hoplites grecs.

Peltastes

Un javelinier agriane.

L'importance de la phalange et de la cavalerie des Compagnons ne doit pas amoindrir le rôle joué par l'infanterie légère et des tirailleurs (javeliniers, frondeurs, archers, etc.). Ces troupes ont en effet pour mission de harceler l'adversaire avec leurs traits, de protéger les flancs de la phalange et de couvrir les charges de la cavalerie lourde. Philippe comprend leur utilité tactique durant les guerres contre les Illyriens qui sont parvenus à détruire une grande partie de l'armée macédonienne et à tuer son prédécesseur, Perdiccas III. Déjà lors de la bataille de Sphactérie en 425 av. J.-C. durant de la guerre du Péloponnèse des troupes légères (ici athéniennes) ont démontré qu'elles peuvent vaincre une infanterie lourde.

Outre les Thraces, les peltastes les plus réputés sont les Agrianes (une tribu de Péonie en Bulgarie actuelle) que Philippe a incorporé à son armée. Ils sont équipés d'un bouclier d'osier léger (le peltè), le plus souvent en forme de croissant, et armés de javelots et d'une épée courte. En règle générale, les Agrianes sont positionnés sur l'aile droite aux côtés des Hétaires pour accompagner leurs manœuvres[14]. Le plus grand exploit de ces javeliniers d'élite est d'être parvenu à fixer les troupes de Bessos permettant à Alexandre de charger Darius III à la bataille de Gaugamèles[15]. Nombreux sont les témoignages dans l'Anabase d'Arrien qui montrent que les Agrianes accompagnent le roi et sa garde rapprochée dans la plupart des campagnes à travers l'Asie.

À l'époque des Antigonides, l'équipement des peltastes s'alourdit avec l'emploi de casques métalliques et d'un long bouclier ovale hérité des Celtes (le thuréos) qui remplace le peltè. Ce bouclier a peut-être été importé en Grèce par les Thraces et les Illyriens. Par ailleurs les Antigonides alourdissent l'équipement des thuréophores pour en faire des thoracitès, protégés par une cotte de mailles voire un linothorax.

Archers et frondeurs

Dans la plupart des États grecs, le tir à l'arc n'est pas estimé, ni pratiqué par les militaires locaux. C'est pourquoi les Grecs se tournent volontiers vers des archers étrangers, comme les Scythes à Athènes. Cependant, les archers crétois sont fort réputés pour leur efficacité et leurs services sont demandés dans tout le monde grec. Des archers sont aussi recrutés en Macédoine[16] et parmi les peuples balkaniques, dont les Thraces et les Illyriens.

Sous les règnes de Philippe et d'Alexandre, les archers et frondeurs sont donc des troupes de mercenaires le plus souvent recrutés en dehors de la Macédoine. Sous Philippe, leur présence est attestée à la bataille du Champ de Crocus en 352 av. J.-C. durant laquelle Philippe défait les Phocidiens[17] et à la bataille de Chéronée en 338 av. J.-C.[18]. Sous Alexandre leur présence est attestée durant les grandes batailles livrées contre les Perses.

Les archers et frondeurs s'avèrent utiles pour la guerre de harcèlement et le soutien à la cavalerie. Arrien déclare par exemple au sujet de la bataille livrée contre les Scythes (ou Sakas) sur le Iaxarte en 329[19] : « [Alexandre] fait traverser d'abord les frondeurs et les archers pour empêcher, à coups de traits, les Scythes d'approcher la phalange dans son passage, avant que toute la cavalerie fût à l'autre bord » ; « les archers, les Agrianes et l'infanterie légère, sous les ordres de Balacros, volent [au] secours [de la cavalerie] ». Alexandre les a aussi utilisé pour mener la poursuite contre Darius III en 330[20].

Durant la conquête de l'Asie des contingents d'archers, notamment perses, mèdes et scythes, sont incorporés, parfois au sein même des phalanges. À la fin de son règne, Alexandre amalgame en effet dans de mêmes unités des phalangites macédoniens, disposés sur trois rangs et des archers et javeliniers perses, disposés sur douze rangs, avec des Macédoniens en « serre-file » au dernier rang. L'effectif de ces tirailleurs est estimé à 20 000 hommes[21].

Cavalerie

Cavalerie des Compagnons

Alexandre (à g.) combattant lors de la bataille d'Issos en 333 av. J.-C., détail du Sarcophage d'Alexandre.

La cavalerie lourde macédonienne est considérée comme la plus efficace de l'Antiquité occidentale. La cavalerie commence à être complètement incorporée dans les armées grecques au IVe siècle av. J.-C. Mais elle ne sert alors qu'à couvrir les flanc de l'infanterie ou à pourchasser les fuyards. C'est Philippe II qui la réorganise avec pour but d'en faire une arme de choc. Avec l'utilisation d'une lance plus courte que la sarisse, sa principale force réside dans sa charge dévastatrice.

La cavalerie lourde, dite cavalerie des Compagnons (hetairoi), est recrutée parmi la noblesse de Macédoine. Elle compte 3 000 cavaliers au début de la campagne d'Alexandre, dont 1 500 l'accompagnent en Asie. Elle est divisée en 12 escadrons, dont le premier est l'escadron royal (basilikè ilè) qui constitue l'avant-garde (agèma). Cet escadron a un effectif de 300 cavaliers, tandis que les autres comportent 250 lances. C'est Alexandre qui aurait étendu le nom de Compagnons à l'ensemble de la cavalerie lourde macédonienne.

L'unité de base de la cavalerie est l’ilè, un escadron de 250 cavaliers commandé par un ilarque et divisée en deux lochoi, eux-mêmes divisés en deux tétrarchies de 60 cavaliers commandés par un tétrarque.

La formation tactique de base de la tétrarchie est le « coin » ou le « diamant », que Philippe reprend aux Thraces. Le tétrarque est à la pointe de cette formation triangulaire, tandis que des cavaliers expérimentés occupent le milieu et chaque extrémité des lignes de 13 cavaliers. L'ilarque est accompagné d'un héraut relayant ses ordres, et secondé d'un hyperétès. Les quatre coins de l'ilè sont rangés en une seule ligne d'intervalle, respectant un intervalle suffisant entre eux pour leur permettre de manœuvrer. Cette formation permet une souplesse accrue dans la manœuvre avec un changement rapide de la direction de l'attaque. De deux à quatre ilai peuvent être réunies pour former une hipparchie ou brigade, sous le commandement d'un hipparque.

Chaque cavalier dispose d'un valet chargé de veiller à son cheval et à son équipement. Les cavaliers sont propriétaires de leur cheval, et reçoivent à leur enrôlement de quoi en acheter un de qualité idoine. Le cavalier est coiffé d'un casque, d'abord du modèle phrygien, peint aux couleurs de l'escadron, avant qu'Alexandre n'impose le modèle béotien plus simple. Le casque comporte les marques du rang de son porteur. Il porte également une cuirasse et des bottes ainsi qu'un bouclier. Il est armé d'une lance (xyston) de 4,50 mètres de long, faite de bois de cornouiller et munie d'une double pointe de façon à pouvoir être toujours utilisée si elle vient à se rompre. Comme seconde arme, le cavalier porte au côté gauche une épée le plus souvent recourbée (kopis ou machaira). Seuls les cavaliers des unités lourdes portent une armure.

Une série de reliefs funéraires trouvés en Macédoine indiquent une évolution de l'armement des cavaliers à l'époque antigonide, avec l'adoption d'un grand bouclier rond.

Lanciers

Fresque du tombeau de Niausta, fin du IVe siècle av. J.-C., représentant un cavalier chargeant un soldat perse.

Les prodromoi (éclaireurs), appelés aussi sarisophoroi (porteurs de sarisse), sont employés pour des missions de reconnaissance, de poursuite et pour provoquer l'engagement au début des batailles. Une partie de ces cavaliers sont armés de javelots et font office de tirailleurs montés.

Les prodromoi disparaissent des sources après 330 av. J.-C., Il existe deux hypothèses explicatives : soit ils ont été divisés en hippakontistai (lanceurs de javelot montés) et en sarisophoroi hippeis (porteurs de sarisse montés), deux types de cavaliers qui existent avant cette date probablement au sein des prodromoi ; soit ils ont été incorporés à la cavalerie des Compagnons pour former les nouvelles hipparchies créées par Alexandre.

Il est possible aussi que cette cavalerie légère accueille les jeunes macédoniens avant leur intégration dans la cavalerie lourde. La loi éphébarchique d'Amphipolis montre que l'équitation et les exercices équestres font partie de l'éducation des jeunes macédoniens.

Cavalerie thessalienne

Cavalier portant un casque thessalien à la bataille d'Issos, détail du sarcophage d'Alexandre.

La cavalerie thessalienne est considérée comme l'une des plus efficaces du monde grec. À partir de 352 av. J.-C. et de la victoire de Philippe sur Onomarchos au Champ du Crocus, la Thessalie est sous protectorat macédonien. Philippe est élu archonte des Thessaliens, titre que reçoit aussi Alexandre, et qui leur donne un certain nombre de prérogatives, comme l'utilisation du trésor fédéral. Il existe donc un important contingent de cavalerie lourde thessalienne dans l'armée macédonienne.

Son organisation et son équipement sont similaires à ceux des hetairoi macédoniens. Les 1 800 cavaliers thessaliens qui débarquent en Asie sont divisés en 8 ilai, dont l'avant-garde est constituée par l'escadron d'élite de Pharsale. Aux batailles du Granique, d'Issos et de Gaugamèles, la cavalerie thessalienne, est placée sur l'aile gauche sous le commandement de Parménion. Elle n'a pas été décisive durant ces trois grandes batailles, l'offensive victorieuse ayant toujours eu lieu depuis l'aile droite commandée par Alexandre.

Cavalerie légère

Cavalier thrace chassant le sanglier, bas relief du IIIe siècle av. J.-C.

L'emploi massif de la cavalerie légère permet aux Macédoniens de contrôler le champ de bataille, là où les Grecs l'utilisent plutôt pour « entamer » les troupes adverses ou poursuivre les fuyards. Philippe et Alexandre recrutent des mercenaires thraces et péoniens comme javeliniers montés. Par ailleurs, en 330 av. J.-C., Alexandre incorpore des javeliniers montés, les hippocontistai, probablement perses[22].

Armés de javelots et d'épées, les cavaliers thraces sont en majeure partie recrutés dans la tribu des Odryses. Ils agissent comme éclaireurs pendant les marches. Sur le champ de bataille, ils sont placés sur le flanc de la cavalerie thessalienne, à l'aile gauche de l'armée, et déployée dans leur traditionnelle formation en « coin ». Durant la bataille de Gaugamèles, les cavaliers thraces, au nombre de 500, sont répartis en quatre ilai. Les cavaliers péoniens, originaires de tribus soumises par Philippe, sont eux aussi armés de javelots et d'épées ; ils opèrent le plus souvent dans un seul escadron aux côtés des prodromoi, dirigés par leur propre officiers. Alexandre en reçoit lors de la campagne d'Égypte 500 en renfort et 600 à Suse.

Durant la campagnes en Sogdiane en 329 av. J.-C., des archer montés, qui nécessitent un entrainement spécifique et une habileté équestre exceptionnelle, sont incorporés par Alexandre. La présence de ces 1 000 cavaliers scythes et dahéens est attestée à la bataille de l'Hydaspe[23]. Véritables « prédateurs des steppes », leurs attaques-éclair démoralisent et désorganisent les adversaires les plus déterminés.

Engins de siège

Philippe II a non seulement introduit la rapidité et l'audace dans l'art de la guerre ; il a également cherché à accélérer la prise des places fortes. Avant lui, les Grecs se contentent d'assiéger une cité et d'attendre la reddition de ses habitants à cause de la maladie ou la famine. Il s'inspire en cela des Carthaginois. Le Thessalien Polyeidos de Thessalie construit une tour de siège de 14,50 mètres, l'hélépole. L'artillerie connait des innovations majeures[24] :

  • Le gastraphète ventre tireur »), une arbalète primitive, envoie des carreaux à plus de 100 mètres avec une grande précision : un tireur situé à 30 mètres des remparts est sûr de faire mouche sur un défenseur qui se profilerait entre les créneaux.
  • Le scorpion (ou baliste quand il tire des boulets) est un grand arc qui se remonte avec une manivelle, pouvant envoyer le feu chez l'adversaire et tirer plusieurs projectiles à la fois.
  • L’oxybèles est une machine décochant de longues piques.
  • Le lithobolos (ou pierrier) est une catapulte qui peut jeter des projectiles de 80 kg à 150 mètres.
  • Le bélier est agrandi (certains font 20 mètres) et amélioré : les assaillants s'abritent sous une protection, la tortue.
Une oxybèles

Des ingénieurs accompagnent l'expédition d'Alexandre : des hydrauliciens comme Kratès, des spécialistes des mines à l'exemple de Gorgos. Ces progrès portent leur fruit : toutes les villes assiégées entre 334 et 326 av. J.-C. sont prises. La guerre n'est plus un art, elle devient une science[25].

Antigone le Borgne est considéré comme le Diadoque disposant des meilleurs engins de siège. Lors du siège de Rhodes en 305, son fils Démétrios utilise de gigantesques machines de siège, dont les fameuses hélépoles juchées sur les navires. Démétrios y gagne de cette façon son surnom de Poliorcète Preneur de ville ») bien qu'il ne s'empare pas complètement de la cité du fait de la résistance de ses défenseurs. Pendant le siège d'Échinus par Philippe V en 211, les assiégeants construisent des tunnels pour protéger les soldats et les sapeurs pendant qu'ils vont et viennent du camp aux travaux de siège. Deux tours de siège reliées par un mur en osier surmontées de balistes lance-pierre protègent l'approche du bélier. En dépit de la réputation ancienne de la Macédoine dans les techniques de siège, Alexandrie devient le centre des innovations pour les catapultes à partir du IIIe siècle av. J.-C., comme en témoignent les écrits de Philon.

Organisation

Recrutement

Fresque d'Agios Athanasios, Ve siècle av. J.-C.

La cavalerie comme la phalange est recrutées sur une base territoriale constituée de quatre grands districts (Bottie, Amphaxitide, Macédoine Supérieure, et prôtè méris), subdivisés en cités ou groupes de cités en Macédoine Inférieure, et en ethnè ou groupes d'ethnè en Macédoine Supérieure. Ce recrutement territorial s'applique aussi bien aux soldats qu'aux officiers. On peut donc dire que l'armée macédonienne n'est que la collection des armées particulières de ses subdivisions civiques ou territoriales. Plusieurs unités civiques peuvent être combinées pour former une unité tactique si leurs seuls effectifs sont insuffisants pour cela.

La conscription est effectuée par des officiers spéciaux auxquels le roi envoie les ordres de mobilisation, précisant la date et le lieu du rassemblement. La mobilisation peut être générale, ou seulement partielle, selon un système de rotation qui est perdu. Elle coïncide généralement avec la grande assemblée des Macédoniens en armes au printemps, pour la lustration rituelle de l'armée, lors de la célébration de la fête des Xandika qui donne le nom du mois macédonien. Le lieu de rassemblement de l'armée est soit la capitale, Pella, soit un grand centre religieux tel Dion, soit encore le lieu le plus pratique en vue de la campagne à venir.

D'après le règlement sur le service militaire d'époque antigonide, dont une copie épigraphique a été trouvée à Cassandréia, la conscription se fait sur la base du « feu » (un soldat par feu) et concerne les hommes de 15 à 50 ans.

L'affectation dans les différentes unités (peltastes, agèma, phalange) se fait sur un critère censitaire : les conscrits des familles aisées sont versés dans la phalange et l'agèma ; il en est probablement de même pour les pézétaires / hypaspistes sous Philippe II et Alexandre respectivement. Logiquement, en effet, seuls les Macédoniens les plus aisés peuvent consacrer le temps nécessaire à l'entraînement intensif que requiert l'appartenance aux corps d'élite. Pour les mêmes raisons, les peltastes ont une limite d'âge abaissée à 35 ans, et l’agèma à 45 ans. La limite d'âge peut être repoussée sur des critères familiaux, suivant la possibilité ou non de remplacer le soldat qui peut ainsi être amené à servir dans la réserve jusqu'à 55 ans. Les cavaliers sont aussi bien considérés que les officiers et maintenus dans la réserve après l'âge de 55 ans, contrairement aux fantassins. Pour cette raison, ils bénéficient de récompenses et privilèges supplémentaires.

Entraînement

L'entraînement du soldat macédonien commence dans sa jeunesse par l'éducation éphébique de deux ans (pour ceux qui résident dans des cités). La loi gymnasiarque de Béroia montre la pratique de nombreuses disciplines paramilitaires (tir à l'arc, au javelot), dans lesquelles il faut probablement compter des exercices de manœuvre préparant l'intégration dans la phalange puisque la conscription pouvait intervenir dès l'âge de 15 ans. La participation à l'éphébie était soumise à un cens minimum (3 000 drachmes à Amphipolis), et elle est interdite aux fils d'artisans ou de commerçants.

Polyen décrit comment Philippe a entraîné son armée en multipliant les exercices et les manœuvres[26]. Les phalangites s'entraînent tout en armes, chargés de leur ration, et doit parcourir ainsi des marches forcées de 300 stade (unité)s (environ 54 km). Frontin précise que Philippe leur a interdit l'usage des chariots pour les bagages et qu'une unité de 10 hommes n'avait droit qu'à un seul porteur, et un cavalier à un seul écuyer[27]. En campagne, chaque homme doit emporter pour 30 jours de blé. Ce qui témoigne de l'importance que Philippe puis Alexandre accordent à la mobilité de leur armée.

Logistique

L'administration de l'armée en campagne est l'affaire du secrétaire royal (grammateus basilikos ou achigrammateus), Eumène de Cardia sous le règne d'Alexandre, et peut-être déjà sous Philippe II. Le secrétariat de l'armée possède les rôles de mobilisation (syllogismous) et les registres d'effectifs (syntelas) indiquant la force des différentes unités, et en fonction desquels sont occasionnellement distribuées les rations, payés les équipements, décidés les renforts, et les promotions. Les fournitures sont réparties par lochoi dans l'infanterie et par ilai dans la cavalerie, la répartition finale étant l'affaire des hyperetai, l'équivalent à l'époque hellénistique des sergents-majors.

Le secrétariat de l'armée est divisé en diverses sections, chacune dirigée par un secrétaire (grammateus) assisté par des inspecteurs (episkopoi) : on connaît ainsi un secrétaire de la cavalerie et un secrétaire des mercenaires pour l'Égypte. Le secrétaire de la cavalerie a la tâche difficile de remplacer les montures perdues au combat (1 000 sur 7 000 à la Gaugamèles par exemple), soit par réquisition locale, soit par l'envoi de renforts provinciaux. Des haras royaux (hippotropheia) sont attestés chez les Lagides et les Séleucides avec pour fonction de fournir les chevaux. Il est probable qu'il en existe aussi en Macédoine. Le royaume antigonide en maintient à Sicyone[28].

Un type de tétradrachme d'Alexandre Ier porte à l'avers un cheval marqué au caducée, marque des écuries royales macédoniennes. Leur existence est confirmée par un règlement de service militaire trouvé à Cassandreia concernant la revue des chevaux de cavalerie, l'examen (dokimasia) qui, comme à Athènes, doit déterminer s'ils sont bons pour le service : c'est probablement l'hipparque qui s'en charge et transmet l'information à l'épistate. S'il manque à sa tâche, il peut être puni d'une amende de 1 000 drachmes[1]

Normalement, les rations ne sont pas fournies, mais chaque soldat doit les acheter à des marchands qui suivent l'armée. La réquisition n'est utilisée qu'en dernier recours. Que les armes soient fournies par l'État au moins en partie est révélé non seulement par les sources littéraires (25 000 panoplies ont été acheminées pour rééquiper l'armée d'Alexandre avant la campagne de l'Inde[29]) mais aussi par l'archéologie : de nombreuses armes (balles de fronde, pointes de flèches trouvées à Méthone, fers de lance, bouclier à Dion) portent des inscriptions (MAC ou PHILIPPOU par exemple) qui prouvent l'existence de manufactures et d'arsenaux royaux où elles sont fabriquées. Au IIIe siècle av. J.-C., Eumène Ier de Pergame déclare au Sénat de Rome que les arsenaux de son royaume peuvent équiper entièrement trois armées de 30 000 fantassins, 5 000 cavaliers et 10 000 mercenaires[30] correspondant à l'armée de Macédoine.

Évolution durant l'époque hellénistique

Fresque de l'époque hellénistique provenant d'une tombe à Imathie, IIe siècle av. J.-C.

Évolution des effectifs

Ces chiffres indiquent que la proportion de cavaliers dans l'armée macédonienne reste à peu près constante, autour de 10%, et qu'il est incorrect de conclure à un affaiblissement du nombre de cavaliers à l'époque hellénistique.

Évolution de l'armement

Le morcellement de l'Empire d'Alexandre le Grand est à l'origine d'innombrables querelles entre les royaumes antigonide (Macédoine), séleucide (Asie) et ptolémaïque (Égypte). Les guerres des Diadoques donnent donc lieu aux premiers affrontements entre armées de type macédonien, le monde oriental étant alors complètement dominé par les puissances helléniques. L'issue de ces combats dépend dès lors presque exclusivement du nombre et de la qualité des troupes engagées, ne laissant qu'une faible part à l'initiative tactique tant les armées étaient de composition similaire. Les combats sont souvent très longs, indécis et meurtriers, comme en témoignent les batailles de Paraitacène (317 av. J.-C.), de Gabiène (316), d'Issos (301 av. J.-C.) ou de Couroupédion (281).

On note ainsi une tendance remarquée vers l'alourdissement des phalanges, notamment des sarisses, durant les deux siècles qui suivirent la mort d'Alexandre. D'après Théophraste[réf. nécessaire], les sarisses des phalanges à l'époque d'Alexandre mesurent environ 5,3 m ; Arrien leur donne 4,9 m[réf. nécessaire] ; et Asclépiodote le Tacticien estime que leur taille fluctue entre 4,6 et 5,5 mètres au IVe siècle av. J.-C.[réf. nécessaire] On constate dès le début du IIIe siècle av. J.-C. un allongement considérable de l'arme en question. Les troupes macédoniennes qui défendent Édessa contre les spartiates en 274 av. J.-C. portent des lances d'environ 7,5 m de long. De telles armes, contrairement aux piques utilisées sous les règnes de Philippe et Alexandre, sont incommodes pour le combat et leur maniement est très difficile, même après le plus intensif des entraînements. Cette information est confirmée par Polybe, et semblerait être la conséquence du fait que les armées macédoniennes ne s'opposent plus à des formations « versatiles » comme à l'époque de Philippe qui lutte contre les Thraces et les Triballes, ou d'Alexandre, vainqueur des Perses et des Indiens. Dès l'éclatement de l'Empire d'Alexandre, ces formations s'affrontent essentiellement entre elles. Il est possible d'imaginer que ces changements ont été opérés dans le but de donner aux phalanges un avantage décisif lors de combats entre deux armées armée à la macédonienne, et ce au prix de leur mobilité, flexibilité et efficacité contre d'autres formations plus souples.

Évolution tactique

Détail de la fresque d'Agios Athanasios, Ve siècle av. J.-C.

Les tactiques utilisées par l'armée macédonienne ont fortement évolué entre les campagnes de Philippe II et d'Alexandre et les batailles de l'époque hellénistique. Ainsi à Magnésie du Sipyle, les troupes séleucides, pourtant en supériorité numérique, laissent toutes les initiatives aux légions romaines et se contentent de présenter à l'ennemi leur habituelle rideau de lances, sans faire avancer leur ligne de phalange et risquer de désorganiser leurs troupes. Les rangs sont doublés, passant des 16 rangs habituels à 32 rangs. De même à Cynoscéphales et Pydna où les phalangites macédoniens finissent par céder à la suite d'un manque de cohésion dus aux accidents de terrain et à la progression inégale de leur ligne qui se désolidarise désormais très vite. Ces défaites sont donc la conséquence d'un manque de manœuvrabilité qui ne peut s'expliquer que par l'incommodité au combat des lances allongées et l'alourdissement croissant de l’équipement de ces fantassins à partir du IIIe siècle av. J.-C. Les cavaliers suivent leur évolution parallèle, partant du cavalier léger et rapide à la formidable puissance de choc, pour en arriver aux cataphractes entièrement parés d'une énorme armure de fer. Dès le IIe siècle av. J.-C., l'armée macédonienne a perdu sa mobilité et sa fluidité pour devenir une armée presque statique.

Philippe et Alexandre semblent ne jamais avoir rencontré de problèmes de la sorte, même dans leur terre natale, boisée et vallonnée, ou dans les rudes conditions climatiques et géographiques d'Asie. Les phalanges tardives doivent impérativement rester en rangs serrés pour éviter de se retrouver empêtrées dans le pèle-mêle de leur masse désordonnée, ce qui n'est pas arrivé, ou dans une bien moindre mesure, à la phalange du IVe siècle. En effet, la bataille de Chéronée se déroule sur un terrain très vallonné. La bataille du Granique est disputée en traversant une rivière, dont les rives sont éminemment touffues et pentues, deux paysages dans lesquels la phalange a pris l'avantage. La bataille de l'Hydaspe voit également l'infanterie macédonienne traverser le courant tumultueux qui sépare les deux armées. Face à des opposants redoutables, nombreux et disciplinés, en des terrains escarpés ou difficilement praticables, la phalange macédonienne a triomphé de tous ses adversaires durant des décennies. Les victoires, certes coûteuses, de Pyrrhus à Héraclée et Ausculum montrent que le « système macédonien » est adaptée même face aux redoutables légions romaines.

Déclin et postérité du système macédonien

La rigidité croissante de la phalange macédonienne a engendré une uniformisation des tactiques militaires, tandis que le manque de manœuvrabilité de l'infanterie limite les possibilités de déploiement des troupes sur un terrain difficile. Les armées macédoniennes sont devenues trop « prévisibles », ne laissant plus de place aux tactiques surprenantes comme celles déployées par Alexandre et Pyrrhus. La faute en révient à une infanterie de piquiers devenue trop rigide, à des cavaliers constamment alourdis et rapidement épuisés et à des troupes de mêlée qui ne sont plus utilisées que pour défendre les flancs des phalanges, immobilisées par le poids de leurs équipement. Les armées de type macédonien (dont l'armée séleucide) n'ont jamais été en mesure de vaincre complètement leurs adversaires latins, mise à part durant la campagne de Pyrrhus en Italie ou quelques affrontements mineurs comme la bataille de Callinicus.

Les Macédoniens ont été vaincus par les légions romaines à la bataille de Pydna en 168 av. J.-C. mais le « système macédonien » s'éteint avec l'annexion du royaume lagide d'Égypte en 30 av. J.-C. Mais la Macédoine et Alexandre continuent d'exercer une fascination parmi les généraux les plus importants de l'histoire de Jules César à Napoléon. La phalange à la macédonienne connaît un second souffle au Moyen Âge à partir du XIVe siècle avec la montée en puissance des piquiers suisses qui deviennent les fantassins les plus redoutés d'Europe, sonnant le glas de l'époque de la chevalerie.

Notes et références

  1. Hatzopoulos 2001.
  2. Arrien, Anabase, III, 27, 4.
  3. Arrien, Anabase, VII, 6, 4
  4. Polybe, IV, 67, 5. Tite-Live, XLIV, 41, 1-2
  5. Polybe, II, 65, 1.
  6. Tite-Live, XXXIII, 4, 4
  7. Tite-Live, XLII, 51, 3.
  8. Plutarque, Thésée, 4.
  9. Thucydide, II, 100, 2.
  10. Diodore, XVI, 3, 1-2. Voir Jean-Nicolas Corvisier, Philippe II de Macédoine, Fayard, 2002. [réf. incomplète]
  11. Polybe, XVIII, 14.
  12. Hatzopoulos 1996, p. 446.
  13. Eric Foulon, « Hypaspistes, peltastes, chrysaspides, argyraspides, chalcaspides », Revue des Études Anciennes, no 98, , p. 56 (lire en ligne)
  14. Arrien, I, 4 (Granique) ; II, 5 (Issos).
  15. Diodore, XVII, 57 ; Arrien, III, 5.
  16. Arrien (III, 5) mentionne par exemple leur présence à Gaugamèles.
  17. Diodore, XVI, 6.
  18. Diodore, XVI, 86, 4
  19. Arrien, IV, 1.
  20. Arrien, III, 7.
  21. Diodore, XVII, 75, 1-2.
  22. Arrien, III.
  23. Arrien, V, 3.
  24. François-Xavier de Villemagne, « Artillerie et machines de siège de l’armée d’Alexandre le Grand » (consulté le )
  25. Alexandre le Grand au-delà du mythe, Mandadori Magazines France, , 113 p., p. 61-62.
  26. Polyen, Stratagèmes , IV; 2, 10.
  27. Frontin, Strategemata, IV, 1, 6.
  28. Plutarque, Vie d'Aratos, 6, 2.
  29. Diodore, XVII, 95, 4.
  30. Tite-Live, XLI, 12, 8-10.
  31. Diodore XVI, 4, 3.
  32. Diodore XVII, 3-6.
  33. Tite-Live, XXXIII, 4, 4. Il en mobilise 500 la même année pour faire face à l'invasion dardanienne (Tite-Live XXXIII, 19, 3).
  34. Tite-Live XLII, 51, 3-11.
  35. Plutarque, Vie de Paul Émile, 13, 4.

Annexes

Bibliographie

  • M. Hatzopoulos, L'organisation de l'armée macédonienne sous les Antigonides, Meletimata 30, (ISBN 978-960-79-0507-9).
  • (en) N. G. L. Hammond, A History of Macedonia, Oxford, 1972-1988.
  • (en) M. Hatzopoulos, The Macedonian State, Oxford, .
  • (en) M. Hatzopoulos, Macedonian Institutions Under the Kings, Meletimata 22, .
  • (en) N. Sekunda et Angus McBride, The Army of Alexander the Great, Osprey, coll. « Men-at-Arms » (no 148), , 40 p. (ISBN 978-0-85045-539-7).

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