Hypaspistes
Les hypaspistes, ou « porte-boucliers », sont une troupe d'infanterie d'élite dans l'armée macédonienne sous Philippe II et Alexandre le Grand et à l'époque des monarchies hellénistiques.
Au temps de Philippe II et d'Alexandre
À l'origine valets d'armes des nobles macédoniens[1], leur nom complet est « porte-boucliers des Compagnons »[2]. Cependant Philippe II, afin de réduire le train de vie de ces derniers, les oblige à porter eux-mêmes leurs armes et leurs vivres[réf. nécessaire]. À la suite de cette réforme, les hypaspistes, recrutés parmi les jeunes nobles macédoniens, forment une unité d'environ 3 000 hommes divisée en six lochoi (bataillons)[3]. Ils sont commandés jusqu'en 331 av. J.-C. par Nicanor, fils de Parménion et frère de Philotas, qui est tué à Gaugamèles ; après cette date, ils sont regroupés en trois chiliarchies.
La nature de leur équipement, qui varie probablement selon les époques et les situations, est sujette à caution, la question principale étant de savoir s'ils sont armés durant la bataille d'une sarisse ou d'une lance plus courte (doratia), ce qui parait plus probable. Comme les premiers phalangites macédoniens, ils ne porteraient à l'origine pas de cuirasse, excepté peut-être les officiers, et seraient dotés du couvre-chef national macédonien, la causia, à large rebord fait de feutre ou de cuir. Au fil des conquêtes d'Alexandre le Grand, ils auraient porté un casque métallique, souvent de forme conique à large rebord avec visière, couvre-nuque et couvre-joues (cômos), une cuirasse (chitôn) de feutre ou de cuir, des jambières (cnémides) en métal et un bouclier court (ou aspis) d'un diamètre compris entre 45 cm et 60 cm qui leur aurait permis de porter éventuellement la sarisse, ou un bouclier plus large à l'image de celui des hoplites grecs. Ils seraient par ailleurs armés d'une épée courte (machaira) qui ne frappe que d'estoc[4]. Finalement, de par leur armement et leur puissance de choc, ils s'apparentent à de l'infanterie lourde, tout en étant en plus mobiles que la phalange.
Sur le champ de bataille, le rôle des hypaspistes est de servir de chaînon entre la cavalerie des Compagnons et la phalange dont ils protègent le flanc droit, ce qui est une position honorifique puisque traditionnellement l'armée macédonienne lance sur ce flanc l'assaut décisif. Ainsi lorsque la cavalerie s'avance, ce sont les hypaspistes qui doivent occuper rapidement le terrain en précédant l'infanterie lourde.
Sous les Argéades, les hypaspistes du premier bataillon, sélectionnés en fonction de leur taille, forment la garde royale (agèma) ; ils sont connus sous l'appellation de basilikoi hypaspistai (« porteurs de bouclier royaux »). Ils gardent les appartements du roi et occupent une place d'honneur dans l'ordre de bataille mais il convient de ne pas les confondre avec les sômatophylaques, gardes du corps du roi.
Probablement à la fin du règne d'Alexandre, durant la campagne d'Inde, les hypaspistes vétérans prennent le nom d'argyraspides (ou « boucliers d'argent »)[3].
Durant l'époque hellénistique
Les hypaspistes disparaissent en tant qu'unité combattante puisqu'ils sont reconnus sous le terme d'argyraspides à la fin du règne d'Alexandre. Dans le royaume antigonide, les hypaspistes ne correspondent désormais qu'aux seuls gardes du corps directs du roi [5]. L'une de ces unités est ainsi mentionné à la fin de la bataille de Cynoscéphales selon Polybe : un hypaspiste est chargé par Philippe V d'aller brûler les archives royales à Larissa[6]. Pour autant un contingent de 2 000 à 3 000 fantassins d'élite constitue la garde royale (agèma) sur le modèle des hypaspistes. Ils sont appelés peltastes par Polybe et Tite-Live probablement parce qu'ils utilisent une péltê.
Des hypaspistes sont aussi parfois mentionnés dans l'armée séleucide. Mais il pourrait s'agir d'une confusion des auteurs anciens avec les argyraspides, ou alors ces troupes constitueraient le bataillon de la garde personnelle du roi (ou agèma) comme le laisse à penser le compte-rendu de la bataille de Panion par Polybe[7] : Antiochos III dispose les hypaspistes comme fantassins lourds en deuxième ligne, couvrant la phalange rangée en troisième ligne[8].
Chez les Lagides, des hypaspistes sont mentionnés, en tant que garde à pied, à la bataille de Raphia durant laquelle Ptolémée IV les déploie avec les peltastes contre la phalange séleucide[9].
Les officiers des hypaspistes servent comme aides de camp auprès de souverains hellénistiques[10], tels Philippe V lors de son expédition en Grèce en 217 av. J.-C.[11], Antiochos III durant les guerres de Syrie en 200[8], Ptolémée IV dans son palais d'Alexandrie, en 204[12] et Ptolémée V en 197[13]. Leurs chefs sont parfois chargés de missions délicates : Antiochos III charge le chef des hypaspistes, à la tête de l'agèma, de prendre la citadelle de Sardes en 214[14] ; après sa défaite à Cynoscéphales, en 197, Philippe V charge un officier des hypaspistes de se rendre à Larissa afin de faire disparaître le courrier royal[6]. ; en 196 le régent du royaume lagide, Aristoménès, charge des hypaspistes d'exécuter le général mercenaire, Scopas d'Étolie[13].
Les hypaspistes entretiennent des relations tumultueuses avec certains souverains hellénistiques[10]. Ainsi, ils contestent les ordres de Philippe V[15] et revendiquent également une part plus importante du butin[16]. En 217, ils se mutinent avec les peltastes contre Philippe V[17].
Notes et références
- Foulon 1996, p. 53.
- En grec ancien ὑπασπισταὶ τῶν ἑταίρων / hupaspistaì tỗn hetaírôn.
- Foulon 1996, p. 56.
- Foulon 1996, p. 55.
- Polybe, V, 26, 8.
- Polybe, XVIII, 33, 2.
- Polybe, XVI, 17, 7.
- Polybe, XVI, 18, 7.
- Polybe, V, 82, 4.
- Foulon 1996, p. 57.
- Polybe, V, 27, 3.
- Polybe, XV, 25, 3.
- Polybe, XVIII, 53, 5.
- Polybe, VII, 16, 2.
- Polybe, V, 16, 2.
- Polybe, V, 25, 1-2.
- Polybe, V, 25, 3-4 ; 26, 8 ; 27, 4-8 ; 29, 3.
Bibliographie
- Eric Foulon, « Hypaspistes, peltastes, chrysaspides, argyraspides, chalcaspides », Revue des Études Anciennes, no 98, , p. 53-63 (lire en ligne).
- (en) E.M Anson, « Alexander's Hypaspists and the Argyraspids », Historia, no 30, , p. 117-120.
Articles connexes
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