Amérindiens de Guyane

Les Amérindiens de Guyane sont les peuples autochtones amérindiens de Guyane, département et région d'outre-mer français situé en Amérique du Sud. On compte environ 9 000 Amérindiens en Guyane, soit moins de 5 % de la population totale de la région française.

Ethnies amérindiennes en Guyane

Six ethnies amérindiennes sont présentes sur le territoire guyanais :

Ethnie Population Zone géographique Famille linguistique
Kali'na 3 000 Littoral Caribe
Lokono (ou Arawak) 200 à 400 Littoral Arawak
Palikur 550 Est de la Guyane Arawak
Teko (ou Émerillon) 3 000 Sud de la Guyane Tupi-guarani
Wayãpi 400 à 600 Sud de la Guyane Tupi-guarani
Wayana 1 000 Sud de la Guyane Caribe

Histoire

XVIIe siècle

Selon l'ethnologue Éric Navet, on estime qu'au XVIIe siècle, la population des autochtones amérindiens de Guyane s'élevait à 30 000 personnes. Les rassemblements artificiels des amérindiens dans les missions jésuites seront à l'origine de la vertigineuse chute démographie qui l'affecta[1]. En 1654, les Anglais s'emparent de la Guyane qui redevient française dix ans plus tard, en 1664. En 1674 les jésuites arrivent en Guyane[2].

XVIIIe siècle

En 1704, le père jésuite Lombard « fonde une mission à Kourou, sur la côte, où il met en pratique les principes qui régiront, pour l'essentiel, les autres établissements fondés plus tard sur l'Oyapock »[2]. En 1733 et 1740 sont créées les missions jésuites de Saint Paul et Sainte Foy. Les maladies importées y déciment les dix peuples amérindiens peuplant le bassin de l'Oyapock : Aramakoto, Aramišo, Karana, Wes, Taripi, Kusari, etc. En 1767, les Tekos, seule ethnie survivante dans l'intérieur guyanais de la période précoloniale, sont estimés à 400 individus[réf. souhaitée]. Mais ils doivent subir les raids d'autres ethnies armées par les puissances coloniales. D'abord ceux des Galibis armés par les colons néerlandais, puis vers la fin du siècle, ceux des Wayãpi chassant les esclaves pour le compte des Portugais[1].

XIXe siècle

En 1855, Félix Couy découvre le premier site aurifère de Guyane sur un affluent de l'Approuague.

Or

De 1910 à 1930, plus de dix mille chercheurs d'or écumeront la forêt guyanaise.

Le gouvernement français crée le Territoire de l'Inini à l'intérieur des terres guyanaises le par décret. Sa population est alors estimée à seulement 3 000 habitants, majoritairement amérindiens, dont les intérêts seront considérés comme négligeables face à ceux, stratégiques, de la France. En effet, les Wayãpi ne sont plus, en 1935-1940, que 480 individus, les Wayanas que 500 vers 1950, et les Tekos (Émerillons) atteignant le seuil d'extinction avec à peine plus de cinquante membres vers 1950-1960[3].

L'indépendance du peuple algérien de 1962 impose à la France un repli stratégique qui sera à l'origine de la création en 1964 du Centre Spatial Guyanais à Kourou, ainsi que, plus tard, de l'implantation des régiments de l'armée française ayant, notamment, combattu en Indochine et en Kabylie, bien connue de l'ancien préfet de Guyane devenu gouverneur de Tizi Ouzou, Robert Vignon.

Selon l'ethnologue français Jean-Marcel Hurault :

« Jusqu'en 1968, les populations tribales vivaient sous un régime particulier, le statut de l'Inini, qui s'appliquait à l'ensemble du territoire de la Guyane au sud de la bande littorale occupée par les communes ; le territoire de l'Inini relevait directement du préfet. Il était administré par le sous-préfet de Saint-Laurent, assisté par les postes de gendarmerie. Sous ce régime, les populations tribales bénéficiaient d'un statut de fait parfaitement adapté à leurs besoins et à leur situation réelle. Ces populations vivaient sous leur droit coutumier, on les laissait parfaitement tranquilles et la seule forme d'administration consistait à verser aux chefs de village une petite solde. Réserve faite des soucis que continuait à donner l'état sanitaire des Indiens, toujours menacés par les épidémies, la situation dans l'Inini était aussi satisfaisante que possible. Elle aurait pu être donnée en exemple avec la plupart des pays d'Amérique du Sud[4]. »

Durant les années 1982-1983, les Wayãpi étaient évalués à 666 personnes, dont 412 en Guyane. Les Tekos, dénombrés en 1985, sont désormais environ 230 dont 40 sur le Tampok et l'Itany, plus de 180 dans la région des trois villages du confluent Oyapock-Camopi, et une dizaine, mariés à des Créoles et des Brésiliens, à Cayenne[5].

Il faudra attendre la fin du siècle pour que plusieurs espaces naturels de la forêt guyanaise, notamment, soient sanctuarisés sous la forme administrative de « réserves naturelles nationales », sans qu'il soit, toutefois, tenu réellement compte des territoires ancestraux de chasse des peuples autochtones amérindiens.

XXIe siècle : entre or jaune et or vert

Depuis le début des années 2000 les communautés amérindiennes de Guyane connaissent une « épidémie de suicides », en particulier chez les jeunes. Le taux de suicide est de dix à vingt fois plus élevé qu'en France métropolitaine[6].

En 2012, le nombre des habitants amérindiens de l'ensemble de la Guyane française est estimé à neuf mille personnes.

Droit foncier

Les Amérindiens de Guyane et, dans une moindre mesure, les Bushinenge, bénéficient d'adaptations du droit foncier français. Il s'agit des Zones de Droit d'Usage Collectif (ZDUC), des concessions collectives et des cessions collectives. En 2014, elles étaient au nombre de 27 (15, 9 et 3) et étaient toutes utilisées de façon active, dont trois par les Bushinenge. Leur superficie s'étend d'une dizaine de milliers à plusieurs centaines de milliers d'hectare. Elles autorisent les bénéficiaires à exercer leurs activités de subsistance traditionnelles telles que la chasse, la pêche et la cueillette, sur les lieux. Plus encore, elles permettent la création de zones de vie autour de villages et d'abattis ainsi que favorisent la transmission des savoirs. Elles font l'objet d'une gestion coutumière et/ou associative, en concertation possible avec l'Office national des forêts (ONF)[7].

Histoire

Dans les années 1980, l'accès à la terre devient une question centrale pour les populations autochtones. Un premier rapport intitulé « Rapport sur la situation des Indiens Palikur du bas Oyapock » est publié en 1978 par les anthropologues Simone Dreyfus-Gamelon et Pierre et Françoise Grenand à destination du Préfet de Guyane. Ils y décrivent la précarité et l'insalubrité des villages, la problématique de la déforestation de zones de vie où sont exercées des activités de subsistance et l'accès de plus en plus compliqué aux lieux de chasses et de culture. En mai 1981, le Préfet de Guyane reçoit une note émanant cette fois de Paul Dijoud, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Intérieur (départements et territoires d’outre-mer), concernant les minorités ethniques de Guyane. Parmi les problématiques identifiées apparaît celle de la maîtrise foncière. Trois ans plus tard, le 9 décembre 1984, Félix Tiouka, personnalité Kali'na alors président de l'Association des Amérindiens de Guyane (AAGF), prononce son « Adresse au gouvernement et au peuple français » durant laquelle il met en lumière les humiliations vécues par les peuples autochtones et leurs attentes, notamment au sujet de l'accès à la terre[7].

Le principe des Zones de Droit d'Usage Collectif (ZDUC), des concessions collectives et des cessions collectives est mis en place le 14 avril 1987 à la suite de la signature du décret 87-267, « au profit des communautés d’habitants tirant traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt »[7].

Bibliographie

  • Éric Navet, Ike mun anam : il était une fois : la dernière frontière pour les Peuples indiens de Guyane française, Épinal, Nitassinan, , 120 p., 22 cm (OCLC 496616343).
  • Pierre Grenand et Françoise Grenand, « Les Amérindiens de la Guyane française aujourd'hui : éléments de compréhension », Journal de la Société des américanistes, t. LXVI, , p. 361-382 (ISSN 0037-9174, e-ISSN 1957-7842, DOI 10.3406/jsa.1979.3041, lire en ligne, consulté le ).
  • Frédéric Bouyer, La Guyane française. Notes et souvenirs d'un voyage exécuté en 1862-1863, Hachette, 1867.
  • Collectif ss dir. Colette Riehl Olivier et Julien Mathis, Guerriers de la paix, les Teko de Guyane - Éric Navet, 40 ans d'ethnologie, Association d'Ethnologie, Alter'Natives Network et éd. Boréalia, 2016, préfaces de Jean Malaurie et René Monnerville, 192 p. (ISBN 979-10-93466-10-1)
  • Henri Coudreau, Chez nos Indiens. Quatre années dans la Guyane française, 1887-1891, éd. Hachette, Paris, 1893.
  • Jean-Marcel Hurault, Français et Indiens en Guyane, 1604-1972, Union générale d'édition/10/18, 1972.
  • Comité de soutien aux Indiens des Amériques (CSIA), Peuples indiens de Guyane française, NITASSINAN, notre terre, numéro 4, 1984.
  • Survival International (France), La question amérindienne en Guyane française, Ethnies, Droits de l'homme et peuples autochtones, Vol. I, numéro 1-2, 1985.

Filmographie

  • Julien Mathis, Teko, Ethnologues & Cie, Guerriers de la paix, les Teko de Guyane - Éric Navet, 40 ans d'ethnologie, 3 h, DVD inséré au livre cité plus haut.

Voir aussi

Articles connexes

Exploitation aurifère et orpaillage illégal

Histoire

Études théoriques

Notions

Droit international

Bulles pontificales

Liens externes

Notes et références

  1. Navet 1990, p. 13.
  2. Navet 1990, p. 44.
  3. Navet 1990, p. 14.
  4. Navet 1990, p. 58.
  5. Navet 1990, p. 15.
  6. « Les jeunes Amérindiens de Guyane victimes d'une « épidémie de suicides », sur Reporterre (consulté le )
  7. Damien Davy, Geoffroy Filoche, François Armanville (collab.), Armelle Guignier (collab.), Zones de Droits d’Usage Collectifs, Concessions et Cessions en Guyane française : Bilan et perspectives 25 ans après, Cayenne, , 166 p. (lire en ligne)
  8. https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Patrimoine-culturel-immateriel/Ressources/PCI-en-Outre-mer/Galerie-de-projets-inspirants/SAWA-Savoirs-autochtones-des-Wayana-et-Apalai
  9. https://www.e-karbe.com/expos-debats/watau-un-portail-dedie-aux-cultures-wayana-et-apalai
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