Économie de la Macédoine du Nord

La République de Macédoine du Nord possède une petite économie ouverte avec un taux d'inflation faible, mais pénalisée par le manque d'investissements étrangers et par sa vulnérabilité dans le système mondial. Le pays, qui était la république yougoslave la plus pauvre, a déclaré son indépendance en 1991 et connu une première décennie très difficile, à cause d'un conflit sur son nom avec la Grèce et des guerres de Yougoslavie qui lui ont fait perdre son premier partenaire économique, la Serbie. Le passage à l'économie de marché et la privatisation des entreprises d'État ne s'est achevée qu'après 2001.

Économie de la Macédoine du Nord

Skopje, cœur économique et financier de la Macédoine du Nord.

Monnaie Denar (MKD)
Année fiscale 1er janvier - 31 décembre
Organisations internationales OMC, BRI, ICE, BIRD
Statistiques
Produit intérieur brut (parité nominale) 12,78 milliards de $ (2019)
Produit intérieur brut en PPA 19,68 milliards de $ (2017)
Rang pour le PIB en PPA 124e en 2017
Croissance du PIB 13,1 % (deuxième trimestre 2021)[1]
PIB par habitant en PPA 14 900 $ (2017)
PIB par secteur agriculture : 10,9 %
industrie : 26,6 %
services : 62,5 % (2017)
Inflation (IPC) 1,4 % (2017)
Pop. sous le seuil de pauvreté 21,5 % (2015)
Indice de développement humain (IDH) 0,757 ; 107e en 2017
Population active 945 412 (deuxième trimestre 2021)[2]
Population active par secteur agriculture : 16,2 %
industrie : 29,2 %
services : 54,5 % (2017)
Taux de chômage 15,9 % (deuxième trimestre 2021)[3]
Principales industries Agroalimentaire, textiles, chimie, fer, acier, ciment, énergie, produits pharmaceutiques
Commerce extérieur
Exportations 4,601 milliards de $ (2017)
Biens exportés produits alimentaires, boissons, tabac ; textiles, produits divers, fer, acier ; pièces automobiles
Principaux clients Allemagne 46,7 %, Bulgarie 6,1 %, Serbie 4,4 %, Belgique 4,1 % (2017)
Importations 6,63 milliards de $ (2017)
Biens importés machines et équipement, automobiles, produits chimiques, carburants, produits alimentaires
Principaux fournisseurs Allemagne 11,9 %, Royaume-Uni 10 %, Grèce 8 %, Serbie 7,1 %, Chine 5,9 %, Italie 5,5 %, Turquie 4,5 %, Bulgarie 4,3 % (2017)
Finances publiques
Dette publique 39,3 % du PIB (en 2017)
Dette extérieure 8,79 milliards de $ (2017)
Recettes publiques 3,295 milliards de $ (2017)
Dépenses publiques 3,605 milliards de $ (2017)
Déficit public - 2,7 % du PIB (2017)
Aide au développement -
Sources :
CIA World Factbook - Macedonia

L'économie macédonienne a aussi souffert de la guerre du Kosovo et du conflit ethnique qui a secoué le pays en 2001. Le pays possède enfin un taux de chômage élevé, toutefois biaisé par une économie parallèle importante. Des politiques nationales prudentes et rigoureuses ont permis au produit intérieur brut d'être en lente augmentation depuis 2002 et la monnaie nationale, le denar, est très stable. La Macédoine produit et exporte principalement des primeurs, du tabac, du textile, du plomb, du cuivre et du zinc et importe surtout des biens de consommation et des hydrocarbures.

Histoire

Le siège de la Stopanska Banka à Skopje

L'économie de la Macédoine du Nord est déjà en crise avant la déclaration d'indépendance en 1991. La République socialiste de Macédoine possède ainsi une dette publique énorme, contractée pour développer l'économie[4], qui s'élève à vingt milliards de dollars. En 1988, le taux d'inflation atteint les 250 % et 27 % de la population active est au chômage[5]. Après l'indépendance, en 1991, le pays amorce sa longue transition vers l'économie de marché. Le conflit du nom avec la Grèce influe considérablement sur la vie économique du pays, car Athènes lance rapidement une vaste campagne internationale afin d'empêcher la reconnaissance du pays et son accession aux institutions internationales[6], puis en 1992, elle ferme totalement sa frontière et impose un embargo sur le pétrole. Enfin, en février 1994, la Grèce déclare la fin totale des échanges économiques avec la Macédoine ; seule l'aide humanitaire peut franchir la frontière[7].

La Macédoine du Nord perd son principal port d'exportation, Thessalonique, et les guerres de Yougoslavie empêchent le commerce avec la Serbie voisine. Le pays perd 60 % de son activité commerciale et frôle la faillite ; la pauvreté engendrée encourage enfin les activités illégales, dont est issu un tiers du PIB du pays et le denar doit sans cesse être dévalué jusqu'en 1995. L'année la plus difficile est 1993 : le PIB de la république chute alors de 21 %. La même année, le pays entame la privatisation des entreprises d'État[8]. La fin du conflit autour du nom signifie la fin du blocus grec, l'économie s'améliore légèrement. L'inflation, fixée à 2 200 % en 1992, est ainsi descendue à 55 % en 1995[9] et à moins de 5 % en 1997[8]. Le commerce d'exportation reste toutefois très faible, il ne vaut que 1,3 milliard de dollars en 1998, alors que celui de la Yougoslavie, alors soumise à un blocus international, s'élève à 2,9 milliards de dollars pour la même année[8]. Le PIB de la république, après avoir chuté de 15,7 % entre 1991 et 1993, connaît une faible augmentation de 1,7 % entre 1996 et 1998. Pendant les mêmes intervalles, la production industrielle a respectivement chuté de 14,4 % puis a augmenté de 3,1 % mais le taux de chômage, fixé à 19 % en 1991, atteint les 40 % en 1998 ; la Bosnie-Herzégovine est le seul autre pays issu de la Yougoslavie à avoir un chiffre aussi catastrophique[10]. En 1999, la guerre du Kosovo influe ensuite lourdement sur l'économie macédonienne puisque le pays ne peut plus exporter du tout vers la Yougoslavie et doit trouver des clients alternatifs, par exemple la Bulgarie, la Roumanie ou la Grèce[11].

Production de nickel près de Kavadartsi

Le conflit ethnique entre les Macédoniens et la minorité albanaise de 2001 a lui aussi des conséquences économiques. 2001 est pour la Macédoine une année de récession : le PIB baisse ainsi de 5 % et les investisseurs étrangers évitent le pays. Après les accords d'Ohrid qui met fin aux hostilités, l'économie s'améliore lentement, le PIB augmente de 0,3 % en 2002 et les investissements étrangers reprennent en 2003. Les accords d'Ohrid ont par ailleurs permis la stabilisation politique nécessaire au développement économique du pays[11].

La petite taille de la Macédoine du Nord rend son économie vulnérable et dépendante de l'intégration européenne. La république, qui ne fournissait que 5 % des revenus de la Yougoslavie dans les années 1980, est l'un des pays les plus pauvres d'Europe. Elle possède un taux d'inflation faible, mais un taux de chômage avoisinant les 30 % et elle peine encore à recevoir des investissements étrangers et à créer des emplois. Le pays connaît un important marché noir, estimé à plus de 20 % du PIB[12] et encouragé par la position du pays, situé sur les routes des trafiquants de drogue et de personnes[13]. Les gouvernements successifs ont imposé l'austérité économique, une politique monétaire prudente et de nombreuses réformes qui ont permis l'octroi de prêts importants et nécessaires au développement du pays. La crise financière mondiale de 2007-2008 s'est surtout ressentie par la diminution des investissements extérieurs et par un grand déficit commercial[12]. La croissance économique a lentement repris en 2010, avec un chiffre estimé à 1,3 %[14].

Près de 500 000 personnes ont quitté le pays entre 1991 (indépendance du pays) et 2010, notamment en raison du très fort taux de chômage (30 %) et des faibles salaires[15].

Le gouvernement de Nikola Gruevski s'oriente vers une politique de dumping fiscal et social afin d'attirer les investisseurs étrangers. Toutefois, les privatisations ont provoqué la destruction du socle industriel du pays. En outre, le VMRO-DPMNE impose son contrôle sur les institutions et l'économie. Ainsi, les journalistes Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin soulignent qu'au sein des institutions, « un étroit système de contrôle est censé assurer la loyauté des employés de l’Etat. Pour obtenir une mutation ou un avancement, il est nécessaire de prendre la carte du VMRO-DPMNE. Et il faut faire attention à ce que l’on dit pour ne pas perdre son emploi : les espions et les délateurs sont partout. Les milieux économiques se plaignent aussi discrètement des pressions du régime : dans chaque entreprise, il est « recommandé » d’embaucher un cadre du VMRO-DPMNE pour éviter les contrôles fiscaux intempestifs[15]. »

En 2015, les émigrés ont envoyé au pays 252,1 millions de dollars, une somme équivalente à celle des investissements étrangers. L’économie informelle représente 35 % du produit intérieur brut (PIB), et près de 20 % des habitants vivent au-dessous du seuil de pauvreté, tandis que le budget national est en déficit chronique et que la dette publique est en augmentation constante[15].

Secteurs

Champs de la plaine pélagonienne

En 2010, l'agriculture représentait 8,7 % du PIB, l'industrie, 22,1 % et les services, 69,2 %. L'agriculture, qui employait 19,9 % des travailleurs, est encore caractérisée par un très grand nombre de petites propriétés familiales. Les anciennes entreprises d'État, héritées du socialisme, sont généralement en difficulté financière à cause de privatisations inachevées. La République de Macédoine du Nord possède 10 140 km2 de terres agricoles, qui représentent presque 39 % de son territoire. La moitié de ces terres sont dévolues aux cultures, l'autre moitié à l’élevage. Le pays compte aussi 37 % de zones montagneuses et forestières[16]. La Macédoine possède 48 606,75 hectares de forêts[17]. Les agriculteurs macédoniens produisent notamment du raisin, du vin, du tabac, des légumes, des fruits, du lait et des œufs[18].

L'industrie représente 22,1 % du PIB. Elle est encore marquée par les programmes économiques socialistes yougoslaves. Les usines sont généralement polluantes et obsolètes. Le secteur industriel macédonien produit du textile, des produits chimiques, du fer, de l'acier, du ciment, de l'électricité et des produits alimentaires et pharmaceutiques. Ces produits industriels sont principalement destinés à l'exportation, notamment vers l'Allemagne, la Grèce et l'Italie. La Macédoine importe de son côté de l'équipement industriel, des automobiles, des produits chimiques, des hydrocarbures et des produits alimentaires. Les services représentent 58 % du PIB[18].

Économie parallèle

Une importante économie parallèle existe en Macédoine, elle est estimée à 20 % du PIB. Celle-ci existe surtout à cause de taxes sur les entreprises élevées, de l'augmentation de la législation économique, de la diminution de l'âge de départ à la retraite, du chômage et du déclin de la confiance et du respect vis-à-vis de l'État. La plupart des entreprises actuelles sont nées pendant la transition après l'indépendance. Elles se sont créées dans un contexte flou et laxiste. Cependant, depuis que la Macédoine est candidate à l'Union européenne, les règles deviennent de plus en plus contraignantes et nombre d'entrepreneurs ne peuvent pas les respecter sans risquer la faillite. En 2004, le nombre de travailleurs illégaux s'élève à 109 300, ce qui ramène le taux de chômage officiel de la même année, 35 %, à 20 %. Afin de remédier à l'économie illégale, le gouvernement macédonien a instauré en 2007 un impôt à taux unique pour les entreprises. Ce nouveau taux, inspiré de celui de l'Estonie, doit aussi attirer les entreprises étrangères[19].

Monnaie

La République de Macédoine a introduit sa propre devise, le denar, en 1992. Celui-c remplace alors le dinar yougoslave. il doit vite faire face à l'inflation très élevée, qui augmente en moyenne de 83 % par mois. Le gouvernement macédonien prend rapidement des mesures drastiques, comme la fixation du cours du denar sur celui du mark allemand (27:1[20]) et le gel des prix de l'énergie et de la nourriture. Après quatre mois, le taux d'inflation est descendu à 8 % par mois et les mesures prises par le gouvernement sont couronnées de succès puisque le denar est désormais une monnaie viable[21]. En mai 1993, un nouveau denar est introduit, il vaut 100 anciens denars[22].

En 1998, le denar est fixé à l'euro, et son taux de change demeure fixe depuis[23]. L'euro est accepté en Macédoine du Nord pour les sommes importantes, mais le denar reste toujours utilisé pour les petites transactions[24].

Notes et références

  1. (en) « Gross Domestic Product, second quarter of 2021 », sur stat.gov.mk, (consulté le ).
  2. (en) « Active Population in the Republic of North Macedonia Results from the Labour Force Survey, II quarter 2021 », sur stat.gov.mk, (consulté le ).
  3. (en) « Active Population in the Republic of North Macedonia Results from the Labour Force Survey, II quarter 2021 », sur stat.gov.mk, (consulté le ).
  4. Rossos 2008, p. 246.
  5. Georgieva et Konechni 1998, p. 23.
  6. Georgieva et Konechni 1998, p. 20.
  7. Crampton 2002, p. 295
  8. Lampe 2000, p. 402-401.
  9. Georgieva et Konechni 1998, p. 94.
  10. Lampe 2000, p. 398.
  11. Rossos 2008, p. 277.
  12. (en) « Macedonia », sur CIA - The World Factbook (consulté le )
  13. (en) « FYRO_Macedonia », Crime and Society (consulté le )
  14. (en) « Macedonia », sur U.S. Department of State (consulté le )
  15. Jean-Arnault Dérens & Laurent Geslin, « La Macédoine à la dérive », sur Le Monde diplomatique,
  16. (en) « Agriculture and Rural development », sur European Commission.
  17. (en) « Recensement de l'agriculture 2007 », sur Office macédonien des statistiques.
  18. (en) « Macedonia », Cia - The World Factbook (consulté le ).
  19. (en) « Assessing handicraft shadow economy in Macedonia ».
  20. (en) Christian Helmenstein, Capital markets in Central and Eastern Europe, , p. 132.
  21. (en) Željko Šević, Banking reforms in South-East Europe, Edwar Elgar Publishing Limited, , p. 264.
  22. (en) Eastern Europe and the Commonwealth of Independent States 1999, Europa Publications Limited, p. 538.
  23. (en) Thammy Evans, Macedonia, Bradt Travel Guide, , p. 26
  24. (en) Marika McAdam, Lonely Planet Western Balkans, , p. 329.

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) R. J. Crampton, The Balkans Since 1945, Longman, (ISBN 0582248825)
  • (en) Valentina Georgieva et Sasha Konechni, Historical Dictionnary of the Republic of Macedonia, Scarecrow Press,
  • (en) John R. Lampe, Yugoslavia as History : Twice there was a Country, Cambridge, Cambridge University Press, , 487 p. [détail de l’édition] (ISBN 0521774012)
  • (en) Andrew Rossos, Macedonia and the Macedonians: A History, Hoover Press,

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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