Rapace

Rapace, ou oiseau de proie, est un nom vernaculaire ambigu qui désigne un oiseau carnivore, au bec crochu et tranchant et possédant des serres. Les rapaces ont généralement une vue remarquable, de plus certaines espèces ont, chose peu commune pour les oiseaux, un bon odorat. Leurs ressemblances sont de bons exemples de convergences évolutives.

Pour les articles homonymes, voir Rapace (homonymie).

Pour l’article ayant un titre homophone, voir RAPAS.

Rapaces
ou oiseaux de proie
Nom vulgaire ou nom vernaculaire ambigu :
l'appellation « Rapaces
ou oiseaux de proie
 » s'applique en français à plusieurs taxons distincts.
Chouette chevêchette (Glaucidium passerinum)

Taxons concernés

Les rapaces diurnes se déclinent en cinq familles, groupées dans deux ordres (Falconiformes et des Accipitriformes) selon la classification classique :

Les rapaces nocturnes forment l'ordre des Strigiformes et se divisent en deux familles :

Bien que le terme de rapace continue à être utilisé par les ornithologues et les profanes, sa pertinence scientifique est remise en cause dans la mesure où il ne correspond pas à un taxon précis dans la systématique actuelle et que des analyses génomiques[1] en 2008 bouleversent l'arbre phylogénétique de ces oiseaux[2].

Dénomination et systématique

Rapace est un emprunt au latin rapax, rapacis de rapere « emporter précipitamment[3] ». Linné, à l'origine de la classification des espèces, a regroupé tous les rapaces dans le taxon de Accipitres, composé de la famille des rapaces diurnes de trois genres Vultur, Falcon et Gypaetos et de la famille des rapaces nocturnes comportant un genre Strix. Les autres groupes décrits dans la sixième édition de son Systema Naturæ sont les Grallae c'est-à-dire les échassiers, les pics au sens large, les Anseres - groupe des espèces proches des oies et des canards - les Gallinae - espèces proches des faisans et de la poule domestique- , les Passeres ou passereaux. Ces groupes faisant miroir à ses six groupes de mammifères.

En français, les noms vernaculaires leur ont été donnés soit en fonction de leur morphologie, soit en fonction de leurs cris, soit en fonction de leurs habitudes de vie, notamment alimentaires. Aussi pour la plupart, leurs noms vernaculaires ne correspondent pas à un taxon valide ; les noms normalisés en revanche, lorsqu'ils ne se basent pas sur les noms vernaculaires, utilisent en principe les mêmes noms au sein du même taxon.

Les appellations de rapaces les plus courantes sont :

Distribution

Les rapaces sont carnivores, charognards ou prédateurs, que ce soit insectivores, pêcheurs, consommateurs d'oiseaux, de reptiles, de micromammifères (campagnols des champs, taupes, lapins) voire des chauves-souris ou des mollusques plutôt capturés de manière opportuniste[4]. Parmi les prédateurs, on retrouve l'aigle, le faucon et le hibou. Ils disposent de leurs serres pour saisir leurs proies. On les surnomme « oiseaux de proie ». Les autres, comme les vautours et les gypaètes, sont charognards, et se nourrissent de dépouilles d'animaux morts. Seul le vautour palmiste n'est pas carnivore. Certains comme le hibou peuvent s'adapter aux ressources du lieu et du moment pour pallier les dangers auxquels une spécialisation alimentaire trop absolue les exposeraient[4].

En Europe, ce sont la Russie d’Europe (33 espèces nicheuses de rapaces diurnes et nocturnes) et l’Ukraine (29 espèces nicheuses) qui accueillent encore le plus grand nombre de rapaces nicheurs pour tout l'Ouest paléarctique.

La France a également une grande responsabilité en matière de conservation de la nature pour ces espèces, car si de nombreuses espèces y ont fortement régressé ou ont localement disparu, la France métropolitaine accueille encore plus de 60 % des espèces de rapaces nicheurs en Europe (25 espèces sur 40, dont 23 nicheuses régulières), soit le plus grand nombre d'espèces nicheuses d'Europe de l’Ouest après l’Espagne, qui en compte elle 26 espèces.

  • 75 % des rapaces diurnes d’Europe occidentale se reproduisent sur le territoire français.
  • Sur 23 espèces de nicheurs réguliers en France métropolitaine, sept sont considérées comme très rares (moins de cent couples) et quatre n’excèdent pas 2 000 couples.
  • 286 000 à 392 000 couples reproducteurs, soit 21 % des effectifs de rapaces ouest-européens étaient estimés présents (par l'IFEN), mais l'essentiel de ces populations est fourni par deux espèces seulement : la Buse variable qui constitue 43 % du total des effectifs de rapaces et le faucon crécerelle (25 %)[5].
  • La France métropolitaine était au début des années 2000 au 1er ou 2e rang d’abondance en Europe de l’Ouest pour 50 % des espèces de rapaces qu'elle abrite. 13 espèces y constituent elles seules plus de 10 % des effectifs européens. Les populations françaises du busard Saint-Martin et du milan noir y sont rares, mais représentent plus de 50 % des populations d’Europe de l’Ouest.

Les régions Auvergne, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Midi-Pyrénées, grâce à des paysages variés, un climat favorable et un bon degré de naturalité du territoire (pour l'arrière-pays au moins) comptent parmi celles où les rapaces nicheurs sont les plus abondants.

La France d'outre-mer est également responsable[6] de la protection d'un très important patrimoine écologique, parmi les plus riches du monde, incluant une importante faune rapace, notamment en Guyane (80 % des rapaces connus et encore présents dans les DOM-TOM au début des années 2000). Près de 40 % de ces espèces sont rares ou localisées voire endémiques. L’autour à ventre blanc (plus de 2 500 couples) en Nouvelle-Calédonie y est endémique, comme l'est le busard de la Réunion sur l'île de La Réunion ou l’épervier de Frances à Mayotte[7].

Dynamique de populations

Les rapaces en tant que prédateurs supérieurs sont très sensibles à la présence et aux variations d’abondance des proies ou de leurs cadavres (dans le cas des rapaces charognards). Parce qu'ils sont, dans le réseau trophique, situés au sommet de la « pyramide alimentaire », ils sont également sensibles aux taux de polluants ou contaminants bioaccumulés par leurs proies. Les pesticides et métaux lourds sont des causes importantes de disparition ou régression de nombreuses espèces de rapaces. Pour ces raisons, ils sont considérés comme de bons bio-indicateurs de l’état de leur environnement et de son évolution.

Dans une nature préservée, le nombre d'individus présents sur un territoire et la variété en espèces dépendent du nombre de proies disponibles. Mais hormis dans les forêts primaires africaines et quelques endroits relativement épargnés par les pollutions, le nombre de rapaces par hectare est également de plus en plus contrôlé par le degré de contamination de leurs proies ; la contamination par le plomb issu du plomb de chasse est ainsi la première cause de disparition du Condor de Californie et reste une cause importante de saturnisme aviaire pour l'aigle et de nombreuses autres espèces (la mort induite par ingestion de grenaille de plomb a été décrite pour au moins 15 espèces d’oiseaux de proies diurnes[8],[9],[10]).

D'autres "puits écologiques" peuvent affecter les populations, en particulier les lignes à haute tension et le roadkill qui sont des causes significatives et importantes de mortalité ou blessures graves de rapaces. Le phénomène dit de pollution lumineuse pourrait également affecter certaines espèces, nocturnes notamment.

Les rapaces n'influent sur le nombre de proies disponible que s'il y a prolifération de ces dernières sur un long terme. La diminution des proies est en fait toujours liée à d'autres facteurs, par exemple l'urbanisation, la périurbanisation, la fragmentation écologique du territoire de l'aigle ou diverses formes de pollution. Quand la quantité de proies diminue, le nombre de rapaces diminue, ou l'espèce disparaît localement. Mais elle peut aussi disparaître à cause de la pollution, alors que ses proies sont encore présentes. Ces dernières peuvent alors pulluler et plus facilement véhiculer certaines microbes ou parasites (ex. : tiques véhiculant la maladie de Lyme, échinocoque...). C'est pourquoi les rapaces sont considérés par les scientifiques comme des espèces utiles, à protéger, et de très bons indicateurs biologiques de la qualité des milieux où ils vivent ou devraient vivre.

Caractéristiques

La tête de l'aigle royal est petite, munie d'un bec crochu très puissant et d'une arcade sourcilière prononcée.
Squelette de buse variable.

Oiseaux de proie, les rapaces possèdent les principales caractéristiques anatomiques des oiseaux mais présentent aussi plusieurs adaptations à la chasse (bec pointu, crochu et puissant pour saisir ses proies et déchiqueter leur chair, pattes munies de griffes fortes et recourbées appelées serres, yeux occupant le 2/3 de l’espace du crâne et se touchant presque à l'intérieur).

La majorité des rapaces diurnes possèdent un processus supra-orbitaire de l'os préfrontal développé en une sorte d'arcade sourcilière saillante qui agit comme un pare-soleil[11].

Ils présentent une caractéristique inhabituelle chez les vertébrés supérieurs : ils ont un dimorphisme sexuel inversé de la taille (femelles plus grandes que les mâles) qui semble lié au régime alimentaire et à la compétition intra-sexuelle. Chez les rapaces nocturnes, ce dimorphisme se situe plus souvent au niveau de la masse corporelle que de la taille, et est plus marqué à des moments clefs de l'effort reproducteur où intervient le partage des tâches. Les cas de dimorphisme sexuel de la couleur sont plus rares[12].

Les mâles prédatant d’autres oiseaux sont plus petits et possèdent une plus grande mobilité et efficacité de chasse ainsi que des coûts réduits et des risques liés au vol (collision contre la proie ou un obstacle)[13]. La plus grande taille des femelles serait liée soit à la compétition pour obtenir un mâle plus efficace dans la prédation et qui l'approvisionne en période de couvaison, ou pour obtenir un meilleur territoire vacant, pour produire plus d'œufs, avoir plus d'énergie pour les couver, défendre plus efficacement son nid, ou encore pour se prémunir contre les périodes de pénurie alimentaire quand elle est en période de nidification en se constituant des réserves énergétiques[14],[15].

Le système digestif des rapaces ne leur permet pas de digérer la totalité du corps des animaux qu'ils ingèrent, sauf celui du Gypaète barbu, ce qui explique que presque tous les rapaces rejettent par la bouche des restes sous forme de pelotes de réjection qui contiennent les poils, les os ou la chitine de leurs proies.

Les pelotes sont les traces les plus simples à examiner pour les ornithologues. Elles permettent aux spécialistes d'identifier l'espèce qui les a rejetées ainsi que les espèces consommées. Ces pelotes prouvent par exemple que les milans ne mangent pas les perdrix et que les chouettes mangent essentiellement des petits rongeurs mais aussi des insectes. L'étude des fientes et pelotes permet de connaître précisément les régimes alimentaires et leurs variations annuelles, et aussi de détecter certains parasites ou microbes, mais ces études sont plus difficiles à mener.

Histoire de la perception des rapaces par l'Homme

Si les rapaces sont jugés aujourd'hui majestueux et leur rôle bénéfique pour l'environnement — notamment la non prolifération des rongeurs ou des passereaux ou l'assainissement des carcasses mortes — n'est plus remis en cause, il n'en a pas toujours été ainsi. La fauconnerie, sport de noble, n'atténuait pas la perception négative qu'avait la population sur ces oiseaux. Buffon déclarait : « [...] les oiseaux de proie sont ignobles, immondes et lâches [...] »[réf. nécessaire].

Aussi, les chasseurs les tuaient probablement dès qu'ils le pouvaient. Si les ornithologues comprennent le rôle des rapaces dans l'écosystème au début du XXe siècle, l'extermination continue. Une distinction est cependant faite entre rapaces utiles et nuisibles, celle-ci est visible dans la première loi internationale sur la protection des oiseaux. On estime que près de quinze mille pygargues à tête blanche sont tuées de 1917 à 1940 aux États-Unis. Des primes étaient même versées en France pour l'abattage des rapaces « nuisibles », on a pu ainsi estimer de deux cent à trois cent mille le nombre de rapaces abattus par an.

En France, il a fallu attendre 1964 pour protéger certaines espèces. Certains chasseurs peu scrupuleux continuent malgré tout à les abattre. En 1972, un nouvel arrêté protège tous les rapaces diurnes et nocturnes en France.

La fauconnerie s'est transformée presque partout avec d'autres objectifs que la chasse (ce qui n'est alors plus considéré comme de la fauconnerie), par exemple des rapaces sont des centres d'attraction destinés à attirer les touristes dans certains parcs à thèmes comme le Château des Milandes[16], le Château de Valkenburg[17], le Château de Bouillon[18], etc.

Notes et références

  1. (en) Shannon J. Hackett et al., « A Phylogenomic Study of Birds Reveals Their Evolutionary History », Science, vol. 320, no 5884, , p. 1763-1768 (DOI 10.1126/science.1157704).
  2. « Une nouvelle étude bouleverse l'arbre phylogénétique des oiseaux », sur ornithomedia.com,
  3. Définitions lexicographiques et étymologiques de « rapace » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  4. Paul Géroudet, Les Rapaces diurnes et nocturnes d'Europe, Delachaux et Niestlé, , p. 343.
  5. Estimation du nombre de couples de rapaces nicheurs en France métropolitaine (J.-M. Thiollay & V. Bretagnolle, 2004)
  6. La France et la biodiversité : enjeux et responsabilité ; Comité français pour l’UICN, janvier 2005. UICN - France, Paris, 8 p.
  7. Données IFEN "Faune et flore Les rapaces nicheurs", de février 2007 (Voir)
  8. Locke L.N. & Frien d M. (199 2). Lead poisoning of avian species other than waterfowl. In Lead poisoning in waterfowl, D. J. Pain. Ed. Intl. Waterfowl and Wetland Res. Bureau, Slimbrige. 16 : 19-22
  9. Pain D.J. & Amiard-Triquet C. (1993). Lead poisoning in raptors in France and elsewhere. Ecotoxicology and Environmental Safety. 25 : 183-192.
  10. Falandysz J., Yamashita N., Tanabe S., Tatsukawa R., Ruciñska L ., Mizera T. & Jakuczun B. (1994). Congener-specific analysis of polychlorinated biphenyls in white-tailed sea eagles Haliaeetus albicilla collected in Poland. Archives of Environmental Contamination Toxicology. 26 : 13-22
  11. Paul Géroudet, Paul-A. Robert, Les rapaces, Delachaux & Niestlé, , p. 47.
  12. (en) Heimo Mikkola, Owls of the World, A&C Black, , p. 29.
  13. (en)Andersson M, Norberg R (1981) Evolution of reversed sexual size dimorphism and role partitioning among predatory birds, with a size scaling of flight performance. Biol J Linn Soc 15:105–130
  14. (en) Krüger, Oliver (September 2005). "The evolution of reversed sexual size dimorphism in hawks, falcons and owls: a comparative study" (PDF). Evolutionary Ecology. 19 (5): 467–486
  15. (en) Paul G. McDonald, Penny D. Olsen and Andrew Cockburn. Selection on body size in a raptor with pronounced reversed sexual size dimorphism: are bigger females better? Behavioral Ecology, 2005, vol. 16, issue 1, 48-56
  16. « Le Chateau des Milandes »
  17. « Spectacle de rapaces au Château de Valkenburg »
  18. « Le Château Fort et le Ballet des Rapaces »

Voir aussi

Bibliographie

  • Philippe Huet et Jean Sériot, Les rapaces, Paris, Vilo, , 142 p. (ISBN 2-7191-0760-3)

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de l'ornithologie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.