Missak Manouchian

Missak, dit Michel[n 1], Manouchian[n 2], né le à Hısn-ı Mansur dans l'Empire ottoman et mort fusillé à trente-sept ans le au fort du Mont-Valérien, est un poète[1] arménien et immigré résistant.

Pour les articles homonymes, voir Manouchian.

Rescapé du génocide arménien et formé au métier de menuisier, il se réfugie en 1925 en France, pays de « préférence »[2] qu'adoptera sa veuve. Ouvrier tourneur autodidacte, il s'engage à la suite de la crise du 6 février 1934 dans le militantisme antifasciste qu'anime le mouvement communiste, et devient en un cadre du Internationale communiste en prenant la direction du journal Zangou, publié par la section française du HOC, Comité de secours pour l'Arménie, puis de l'Union populaire franco-arménienne, relais successifs du syndicat de la Main-d'œuvre immigrée auprès des ouvriers arméniens.

Il entre dans la Résistance en 1941, à la rupture du Pacte germano-soviétique, et est versé en février 1943 dans les FTP-MOI de la région parisienne. Alors que les arrestations se multiplient, il est choisi en pour en être le commissaire militaire et est arrêté trois mois plus tard. Figure d'une résistance armée contraire à l'attentisme[3] prôné par certains, il meurt « en soldat régulier de l’Armée française de la Libération »[4] avec vingt-deux de ses camarades de l'Affiche rouge, « étrangers et nos frères pourtant »[2].

« La vie n’est pas dans le temps, mais dans l’usage. »

 M. Manouchian.

Biographie

L'enfance d'un réfugié : de la Turquie au Liban (1906-1925)

Missak Manouchian naît quatrième et dernier enfant d'une famille de paysans arméniens catholiques[5] dans la ville ottomane d'Adıyaman, ancienne forteresse de la Commagène puis du comté d'Édesse. Il a neuf ans en 1915, au début du génocide arménien, quand son père, Kevork[6], est tué les armes à la main, alors que gendarmes turcs et auxiliaires de fortune mènent une féroce répression contre les nombreuses milices d'autodéfense qui se sont constituées pour protéger des massacres les quelque cinq mille Arméniens de la province[n 3] installés là au moins depuis le XIe siècle et abandonnés aux Ortocides en 1150 par les croisés. La déportation des Arméniens d'Adiyaman a lieu à la mi juillet. Malade, sa mère, Vardouhi Kassian[6], meurt quelque temps après son mari, affaiblie par la famine qui sévit[7]. Lui-même et son frère Garabed[n 4] sont sauvés par une famille kurde qui les recueille.

À la fin de la guerre, il est pris en charge par la communauté arménienne et transféré avec son frère dans un orphelinat ouvert par la Sauvegarde du Proche orient (en), organisme humanitaire fondé par l'ambassadeur des États-Unis Henry Morgenthau, dans la région de Jounieh, au sud de Jbeïl[8], dans ce Liban qui passe sous contrôle français en 1918 et y reste en vertu d'un mandat donné par la Société des Nations en 1920. C'est cet orphelinat qui sera renommé Tchernots Pouyn et dirigé à partir de 1928 par Maria Jacobsen[n 5], « auxiliaire féminin »[n 6] de la filiale danoise de la Société des missions chrétiennes à l'étranger (de) qui, en , supervise avec son assistante mennonite Nellie Miller-Mann (en) l'accueil à Beyrouth des orphelins évacués d'Antep.

Un charmant petit enfant
A songé toute une nuit durant
Qu'il fera à l'aube pourpre et douce
Des bouquets de roses.
Traduction d'un poème écrit par Missak Manouchian à l'orphelinat de Jounieh[n 7].

Là, il est formé au métier de menuisier et est initié aux lettres arméniennes. Solitaire et rebelle à la sévère discipline de l'établissement, il rédige des textes satiriques dirigés contre un surveillant qui le font remarquer. Il se découvre un goût pour l'écriture.

Missak Manouchian (au niveau de la croix) à l'orphelinat de Jounieh (Syrie) en 1919.

Immigré arménien en France (1925-1934)

Garabed et Missak en 1925.

En 1925, Missak et Karabet (ou Garabed) débarquent à Marseille, sans doute grâce à un réseau d'immigration clandestine. Missak exerce son métier de menuisier, notamment à La Seyne. Puis les deux frères décident d'aller à Paris. Karabet étant tombé malade, Missak se fait embaucher comme tourneur aux usines Citroën, afin de subvenir à leurs besoins. Karabet meurt cependant en 1927.

Athlétique, il est choisi en 1929 pour modèle par son ami le peintre Krikor. Il pose également pour Carzou. Il s'introduit dans le milieu artistique, s'intéresse à la littérature et écrit des poèmes. Il rencontre le journaliste Aram Andonian, chroniqueur du génocide, à la librairie Nubar, que celui-ci dirige. Quand la Grande Dépression frappe, au début des années 1930, il perd son emploi. Il gagne alors sa vie grâce à des travaux irréguliers. Il fréquente les universités ouvrières de la CGT et se rend chaque matin à la bibliothèque Sainte-Geneviève.

Avec un ami arménien, Kégham Atmadjian alias Séma (ou Semma)[9], il s'inscrit à la Sorbonne en auditeur libre. Ils y suivent des cours de littérature, de philosophie, d'économie politique et d'histoire. Ensemble, ils fondent la revue Ջանք (Tchank, « effort ») en 1930-1931[10]. Dans cette revue, ils publient des articles sur la littérature française et la littérature arménienne, des traductions en arménien de Baudelaire, Verlaine et Rimbaud[11].

Le militant communiste au HOC (1934-1935)

En 1934, à la suite des événements du 6 février, Missak adhère au parti communiste ainsi qu'au HOC (Comité de secours pour l'Arménie, plus particulièrement sa section française), originellement HOK (Haï Oknoutian Komité)[12], forme abrégée de Hayastani Oknoutian KomitéHayastani correspond à « Arménie ». Le HOK est créé le par le gouvernement de la République soviétique d'Arménie pour collecter des ressources dans la diaspora, alors que l'Arménie subissait le blocus allié, en même temps que la Russie soviétique[n 8].

Comme dans la plupart des pays occidentaux ayant une communauté arménienne[n 9], une antenne est ouverte vers 1925. En 1935, c'est à la fois la section française (désignée par un sigle composite franco-arménien) du HOK[13], l'organisation de masse du PCF en direction de la communauté arménienne en France et la section arménienne de la MOI (main-d'œuvre ouvrière immigrée), organisation fortement liée à l'Internationale communiste (le Komintern).

La principale personnalité du HOC est le docteur Haïc Kaldjian[n 10]. L'effectif du HOC s'élève à environ 7 000 personnes à l'époque du Front populaire, soit un des plus élevés de la MOI. Son siège se trouve rue Bourdaloue ; il est dirigé par un conseil central. Il est formé par les comités locaux (un par ville, sauf à Paris et à Marseille). Missak est membre du comité du Quartier latin et contribue rapidement au journal du HOC.

En 1934-1935, époque de la montée du Front populaire, le HOC connaît un développement notable des effectifs et a besoin de nouveaux cadres ; lors du congrès de , Missak Manouchian est proposé par la direction pour le poste de « deuxième secrétaire » (Haïc Kaldjian étant le premier en tant que « secrétaire général ») et élu, devenant donc un permanent de l'organisation. Il devient aussi membre du conseil central, en même temps, entre autres, que Mélinée Assadourian, déléguée du comité de Belleville, qui est de plus engagée comme secrétaire (dactylographe)[14] ; elle deviendra la compagne de Missak en 1937.

Du journal Zangou à l'UPFA (1936-1939)

Une des responsabilités de Missak est d'être rédacteur en chef du journal du HOC, qui prend en 1935 le nom de Zangou[15],[16], du nom d'une rivière qui arrose Erevan. Le rôle initial du journal du HOC était de contribuer au soutien à l'Arménie soviétique ; dans les années 1930, il diffuse des informations sur ce pays et sur l'URSS (Zangou relaie la propagande stalinienne concernant les procès de Moscou) et développe sur différents sujets le point de vue dit progressiste au sein de l'immigration arménienne. Une rubrique importante est celle de la correspondance des travailleurs, dite « Rabcor »[n 11], en réalité une sélection des nouvelles émanant des cellules d'entreprises. Il y a aussi des reportages et des articles culturels. À partir de , le journal agit pour la défense de la République espagnole ; Manouchian fait d'ailleurs partie du Comité d'aide aux Républicains espagnols[réf. nécessaire].

En même temps qu'à lieu le reflux du Front populaire, l'organisation connaît des difficultés qui amènent sa dissolution en 1937[n 12], puis la création d'une nouvelle structure, l’Union populaire franco-arménienne. Zangou cesse de paraître en 1937.

À la fin de l'année 1937, Missak Manouchian est délégué au 9e congrès du PCF et dans l'ensemble conserve une activité militante importante jusqu'à l'été 1939.

La guerre et la résistance (1939-1942)

« Me battant contre la mort, vivre étant le seul problème… »

 M. Manouchian, « Le Miroir et moi »[17].

Michel Manouchian sous les drapeaux.

Le , Missak Manouchian est arrêté ainsi que Haïc Kaldjian[18] alors que l'interdiction du Parti communiste et des organisations proches intervient seulement le , un mois après le pacte germano-soviétique. Manouchian peut cependant sortir de prison en octobre et est affecté comme engagé volontaire dans une unité stationnée dans le Morbihan. Après la défaite de l'armée française en juin, il reste sous le contrôle des autorités à l'usine Gnome et Rhône d'Arnage (Sarthe), qu'il quitte illégalement au début de 1941 pour revenir à Paris. Il est de nouveau arrêté peu après le , date de l'invasion de l'URSS par les Allemands, et incarcéré sous contrôle allemand au camp de Compiègne. Il est libéré au bout de quelques semaines, aucune charge n'étant retenue contre lui. Il habite avec son épouse, Mélinée, au 11 rue de Plaisance dans le 14e arrondissement de Paris de 1941 jusqu'au , date de son arrestation.

À partir de 1941 puis en 1942, il entre dans le militantisme clandestin, mais on sait peu de choses de ses activités au sein de la MOI clandestine. Il devient responsable politique de la section arménienne au cours de l'année 1941, se trouvant donc sous l'autorité du « triangle » de direction de la MOI : Louis Gronowski[n 13], Simon Cukier[n 14], sous le contrôle de Jacques Duclos[n 15]. Un élément intéressant réside dans la familiarité durant ces années des Manouchian avec Micha et Knar Aznavourian, sympathisants communistes, engagés dans la résistance dans une activité très importante, le « Travail allemand » (la démoralisation des soldats allemands et l'assistance à leur désertion ; le recrutement d'agents allemands pour le renseignement), comme en a témoigné Charles Aznavour, en particulier en 1985.

FTP MOI (1943)

« Tu ne fais pas de mal, tu ne fais que tuer des tueurs. »

 Michel Manouchian, février 1943.

En , Manouchian est versé dans les FTP-MOI, groupe des Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée de Paris : il s'agit de groupes armés constitués en avril 1942 sous la direction de Boris Holban, Juif originaire de Bessarabie. Le premier détachement où il est affecté comporte essentiellement des Juifs roumains et hongrois et quelques Arméniens. Le , il participe à sa première action armée, à Levallois-Perret, mais son indiscipline[n 16] lui vaut un blâme et une mise à l'écart[19].

En , il devient commissaire technique des FTP-MOI de Paris ; en août, il est nommé commissaire militaire de la région parisienne, à la place de Boris Holban démis de ses fonctions pour raisons disciplinaires (il jugeait suicidaires les missions dans le contexte du moment) tandis que Joseph Epstein, responsable d'un autre groupe de FTP-MOI, est devenu responsable des Francs-tireurs et partisans pour l'ensemble de la région parisienne. Epstein est donc le supérieur hiérarchique de Manouchian, la direction politique étant exercée par un des cinq membres de la direction nationale de la MOI, Jacques Kaminski, qui a pour adjoint et délégué auprès des militaires Marino Mazetti. Manouchian lui-même a sous ses ordres trois détachements comprenant au total une cinquantaine de militants[19]. Son premier rôle est de fixer à cette jeunesse affranchie des cibles, des hauts gradés[20], de sorte que leur action ait une valeur militaire et politique. On doit mettre à son actif l'exécution (par Marcel Rayman, Leo Kneler et Celestino Alfonso), le , du général Julius Ritter, adjoint pour la France de Fritz Sauckel, responsable de la mobilisation de la main-d'œuvre (STO) dans l'Europe occupée par les nazis. Les groupes de Manouchian accomplissent près de trente opérations dans Paris du mois d'août à la mi-.

Instrument de la propagande vichyste (1944)

Portrait conservé dans les archives fédérales allemandes, et reproduit sur l'Affiche rouge.

La Brigade spéciale no 2 des Renseignements généraux avait réussi deux coups de filet en mars et . À partir de là, elle put mener à bien une vaste filature qui aboutit au démantèlement complet des FTP-MOI parisiens à la mi-novembre avec 68 arrestations dont celles de Manouchian et Joseph Epstein. Au matin du , Manouchian est arrêté avec celui-ci en gare d'Évry Petit-Bourg, alors que, se sachant suivis depuis deux ou trois mois, ils discutent de l'opportunité de disperser le groupe[20]. Son épouse, Mélinée, cachée par les Aznavourian, parvient à échapper à la police mais pas son second, Arménak Manoukian. En 1985, elle témoigne dans un documentaire de Mosco Boucault, Des terroristes à la retraite[21],[22] et accuse la direction de l'époque du Parti communiste français (PCF) d'avoir lâché voire vendu le groupe Manouchian pour des raisons tactiques[23]. Dès le , avant la diffusion télévisée, Mélinée Manouchian répète devant les journalistes ce qu'elle affirme dans le film, sa conviction que son mari, Michel Manouchian, a été sacrifié avec ses hommes par le commissaire politique des FTP Main d’œuvre immigrée, Boris Holban. Le film apporte le témoignage de Louis Grojnowski, qui fut de 1942 à 1945 l'agent de liaison entre Jacques Duclos, un des dirigeants du PCF clandestin en l'absence de Maurice Thorez aux côtés de Benoît Frachon, Auguste Lecœur et Charles Tillon , et la direction de la MOI, témoignage dans lequel cet homme clef, resté fidèle à son Parti, déclare « Par mesure de sécurité, on a envoyé des militants se cacher (...) Mais il fallait qu'il en reste pour combattre. Oui, dans chaque guerre il y a des sacrifiés. »

Missak Manouchian, torturé, et vingt-trois de ses camarades sont livrés aux Allemands de la Geheime Feldpolizei[n 17] (GFP) qui exploitent l'affaire à des fins de propagande. Le tribunal militaire allemand du Grand-Paris juge 24 des résistants arrêtés[24], dont Manouchian. Une parodie de procès est menée de façon expéditive le à l'hôtel Continental en présence des journalistes. À ses accusateurs, Manouchian se tourne vers eux et leur jette « Vous avez hérité la nationalité française, nous l'avons méritée »[25]. La presse collaborationniste dénoncera le « cynisme » d'accusés qui assument pleinement les attentats qu'ils ont commis.

Dix des prévenus sont sélectionnés pour la composition de l'Affiche rouge, sur laquelle apparaît l'expression « l'armée du crime »[26]. Le tribunal prononce vingt-trois condamnations à mort[27]. Le , les vingt-deux hommes du groupe des condamnés à mort sont fusillés au Mont-Valérien, en refusant d'avoir les yeux bandés[28], tandis qu'Olga Bancic va être transférée en Allemagne et décapitée à la prison de Stuttgart le [29].

Destin posthume

L'Affiche rouge

Dans la foulée de ces exécutions, la propagande allemande placarde 15 000 exemplaires de ces fameuses affiches rouges portant en médaillons noirs les visages de dix fusillés. Au centre, la photo de Manouchian, avec cette inscription : « Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés ».

Mais l'affaire de l'Affiche rouge, placardée sur les murs de Paris par l'ennemi, produit l'effet contraire à celui escompté : pour toute la Résistance, elle devient l'emblème du martyre. Elle transforme un obscur en héros. Les soutiens de sympathisants se multiplient.

Célébration

Si j’ai le droit de dire en français aujourd'hui,
Ma peine et mon espoir, ma colère et ma joie,
[…]
C’est que ces étrangers, comme on les nomme encore,
Croyaient à la justice, ici-bas, et concrète.
Ils avaient dans leur sang le sang de leurs semblables.
Ces étrangers savaient quelle était leur patrie.
[…]
Un innocent aux fers enchaîne tous les hommes.
[…]
Leurs portraits sur les murs sont vivants pour toujours.
Un soleil de mémoire éclaire leur beauté.
[…]
Leur vie tuait la mort
[…]
Lorsqu'on ne tuera plus
Ils seront bien vengés
Et ce sera justice.
Paul Éluard, « Légion », dans Hommages, 1950[31].

Monuments

Stèle Missak Manouchian au cimetière parisien d'Ivry.
  • La mairie de Port-de-Bouc a donné le nom du groupe Manouchian à une avenue et a érigé une stèle en hommage au groupe « Héros de la Résistance ».
  • Le est inaugurée au cimetière parisien d'Ivry la stèle Missak Manouchian, sur laquelle figurent les noms des 23 fusillés, en présence de sa veuve Mélinée, monument dû au sculpteur arménien Ara Haroutiounian, à l'initiative de l'Amicale des anciens résistants français d'origine arménienne.
  • Le est inauguré un monument à la mémoire de Missak Manouchian et de ses 22 camarades, avec les noms et les nationalités de toutes les victimes, à Décines, dans l'agglomération lyonnaise.
  • La mairie d'Évry donne le nom de Missak Manouchian à un parc en bord de Seine, et érige un Mémorial à l'endroit même où eut lieu son arrestation, à côté de ce parc, dans l'allée qui prolonge la rue Robert Pissonnier et correspond à l'accès à l'ancien pont d'Évry, aujourd'hui détruit[33].
  • Une plaque commémorative est déposée le [34], par la Mairie de la ville de Paris[35], au 11 rue de Plaisance, Paris XIVe, en présence d'anciens résistants. Cet ancien hôtel fut le dernier domicile de Mélinée (née Assadourian) et Missak Manouchian.
  • A Marseille, sur le boulevard Charles-Livon dans le quartier du Pharo, depuis le , le buste de Missak Manouchian avec la liste de ses 22 compagnons fusillés avec lui se dresse dans un square qui porte son nom, face au vieux port. L'initiative est organisée par la Jeunesse arménienne de France.
  • En février et , une grande fresque en hommage au groupe Manouchian est réalisée du côté du passage du Surmelin dans le 20e arrondissement de Paris par l'artiste Popof.
Timbre arménien édité en 2015.

Noms de lieux

Relique

  • La Maison de la Culture Arménienne de Grenoble abrite le foulard que Michel Manoukian avait offert à la famille Hampartzoumian en signe de reconnaissance pour les secours prodigués.

La dernière photographie

Des photos de l'exécution prises clandestinement par un officier allemand ont été publiées par Serge Klarsfeld en [36].

Œuvre

  • (hy) Բանաստեղծություններ [« Banasteghtsutʻyunner, Poèmes »], Paris, Impr. B. Eléguian, , 95 p.
  • (hy) Իմ երգը [« Im yergě, Mon chant »], Erevan, Hayastani Petakan Hratarakchʻutʻyun, , 94 p. (lire en ligne)
[…]
Quand j'erre dans les rues d'une métropole,
Toutes les misères, tous les dénuements,
Lamentation et révolte l'une à l'autre,
Mes yeux les rassemblent, mon âme les loge.
Je les mêle ainsi à ma souffrance intime,
Préparant avec les poisons de la haine
Un âcre sérum – cet autre sang qui coule
Par tous les vaisseaux de ma chair, de mon âme.
Cet élixir vous semblerait-il étrange ?
Il me rend du moins la conscience du tigre,
Lorsque dents et poings serrés, tout de violence,
Je passe par les rues d'une métropole.
Et qu'on dise de moi : il est fou d'ivresse,
Flux et reflux d'une vision
Ne cessent d'investir mes propres pensées,
Et je me hâte, assuré de la victoire.
M. Manouchian, « Privation »[37].


Avant la tombée de la nuit, tu as parcouru le monde,
Tu nous apportes l'écho de tous les horizons de la vie,
De toutes ses mains usées par le travail, des luttes et des victoires,
Ton appel semblable à la lumière sans entrave des rayons de l'aube.
Transi et fouetté par la tempête, tu es le feu qui nous réchauffe.
Dans l'obscurité maudite, de notre serment tu es la flamme ardente,
Flambée éternelle que les esprits en furie
Vocifèrent de leur haine impudente pour t'éteindre à jamais.
Il semble parfois que tu vas t'éteindre, cependant chaque jour
Des volontés d'acier t'attisent, te tiennent debout,
Et toi haletant, comme un apôtre aux jours de combat,
Tu montres le chemin de la lumière pour la grande victoire de l'Humanité.
M. Manouchian, poème paru dans L'Humanité en 1934, traduit et prononcé par Archag Tchobanian au Grand amphithéatre de la Sorbonne le dimanche lors du Festival de Poésie et de Musiques Arméniennes[38].

Portrait par un témoin

« La première fois que j'ai rencontré Manouchian, nous avons passé l'après-midi ensemble. Tout ce qu'il me disait résonnait en moi. Nous partagions les mêmes convictions. Cet homme m'a également tout appris, l'amour de la poésie, de la biologie, de la philosophie. Il était très intelligent et surtout on pouvait lui faire une confiance aveugle. Et d'ailleurs tout le monde lui faisait confiance et l'admirait. Mais il était très timide et quand il parlait, c'était uniquement de résistance. »

 Souvenir d'un des jeunes « terroristes » sous ses ordres depuis juin 1942[20].

« C'était un athlète, un grand sportif. Il était bon, il écoutait les gens et surtout il avait une vision très humaine et très intelligente de la résistance. Il ne voulait pas de "Héros fous", pour reprendre une expression du docteur Kaldjian, de Kamikazes. Des volontaires prêts à se faire sauter, il y en avait, mais lui ne supportait aucun sacrifice. Il ne commandait une opération que si elle était sûre. »

 Idem.

Notes et références

Notes

  1. Prénom duquel il signait.
  2. Manouchian est une forme achkharapar de Manoukian, patronyme qui vient de manoug, qui signifie enfant.
  3. Dans cette province à cette époque, les Arméniens sont la principale minorité et constituent selon les lieux, villes ou campagnes, entre 20 et 40 % de la population.
  4. Karapet en arménien oriental (cf. Astamian, 2007).
  5. Responsable de l'hôpital de Kharpout, deux cents kilomètres au nord est d'Adıyaman, elle est dès juin 1915 avec sa collègue Tacy Atkinson (en) un des premiers, et principaux, témoins du génocide.
  6. (da) Kvindelige Missions Arbejdere KMA.
  7. Son instituteur le transmettra, avec une photographie et quelques impressions, à sa veuve, qui le publiera sous le titre « Premiers vers ».
  8. La RSFSR. L'Arménie soviétique entre en mars 1922 dans la République de Transcaucasie, qui devient membre de l'URSS en décembre 1922.
  9. Les premières antennes du HOK hors d'URSS sont établies en Iran et en Grèce.
  10. Un de ses fondateurs selon certaines sources.
  11. Abréviation du russe Pабочие kорреспонденция [rabotchïié karrespondientsïia], courrier des travailleurs.
  12. En fait c'est le HOK tout entier qui est dissous, donc par le gouvernement arménien. Sur l'histoire du HOK, cf. (en anglais).
  13. Louis Gronowski, dit « Brunot », a participé au documentaire Des terroristes à la retraite.
  14. Dit « Alfred Grant ».
  15. Jacques Duclos est alors le principal dirigeant du PCF présent en France, Maurice Thorez étant en URSS ; il est secondé par Benoît Frachon et Charles Tillon.
  16. Sentant son engagement contesté, car il répugne à tuer, il a en effet conservé une goupille de grenade, pièce à conviction, pour montrer qu'il l'a bien lancée.
  17. La Sûreté militaire, passée sous le contrôle de la Gestapo depuis 1942.

Références

  1. Mélinée Manouchian 1974, p. 195.
  2. L. Aragon, « Strophes pour se souvenir », Le Roman inachevé, p. 227-228, Gallimard, Paris, 1956.
  3. E. de Chambost, La Direction du PCF dans la clandestinité (1941-1944), p. 85-102 , coll. Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1997 (ISBN 2-7384-5515-8).
  4. M. Manouchian, « Lettre à Mélinée », G. Krivopissko, La Vie à en mourir. Lettres de fusillés 1941-1944., p. 287-288, Tallandier, Paris, avril 2003 (ISBN 2-84734-079-3).
  5. B. Rayski, L’affiche Rouge, p. 39, Éditions du Félin, Paris, 2004.
  6. K. Guiragossian, Archives personnelles, cité dans D. Daeninckx, Missak, p. 55, Perrin, Paris, août 2009 (ISBN 978-2-262-02802-2).
  7. «Missak» sur netarmenie.com.
  8. E. Khaleyan, « Նյութեր Միսակ Մանուշյանի մասին » [« À propos de Missak Manouchian »], Bulletin de l'Académie des Sciences de la RSS d'Arménie - Sciences sociales, p. 71, Erevan, 1946.
  9. Cf. Astamian, 2007, note 21.
  10. Krikor Beledian 2001, p. 86-87.
  11. Hélène Kosséian-Bairamian, L'Arménie au cœur de la mémoire, Monaco/Paris, Éditions du Rocher, , 212 p. (ISBN 978-2-268-07743-7, lire en ligne)
  12. Cf. Claire Mouradian, L’Arménie, PUF (coll. Que sais-je ?), page 80, référence fournie par le président de Menez Ararat. Site : . Menez est le mot breton pour « mont », l'association arménienne de Nantes, qui signale aussi une variante Hay Ocnoutian Gomidé ; on trouve effectivement le sigle HOG, utilisé par Cyril Le Tallec (cf. Bibliographie). Ces variantes sont liées à des questions de transcription et à des différences dialectales dans la langue arménienne.
  13. Le lien entre le HOC et l'organisation arménienne est inscrit dans les statuts (Le Tallec).
  14. « Mélinée Manouchian (1913-1989) », sur le site de l'Association culturelle arménienne de Marne-la-Vallée, acam-france.org, consulté le 3 janvier 2009.
  15. Voir à ce sujet : La communauté arménienne de France, 1920-1950 par Cyril Le Tallec, p. 137 |.
  16. Krikor Beledian 2001, p. 233.
  17. G. Hékimian (trad.), R. Mélik (dir.), La Poésie arménienne. Anthologie des origines à nos jours, p. 326, Les Éditeurs Français Réunis, Paris, 1973.
  18. Robrieux, 1986, p. 53, se référant à Mélinée Manouchian ; pages 54-59 pour le reste du paragraphe.
  19. Stéphane Courtois, article « Missak Manouchian » dans Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier.
  20. Henri Karayan, cité dans M. Courtois, « Ces Arméniens qui ont dit non », Nouvelles d'Arménie Magazine, no 95, Association Nationale des Anciens Combattants et Résistants Arméniens, Paris, mars 2004.
  21. (en) Fiche du documentaire Des terroristes à la retraite sur IMDb.
  22. « Des terroristes à la retraite - Tënk », sur www.tenk.fr (consulté le ).
  23. Jean-Francois Lixon, « Après la disparition d'Arsène Tchakarian, les œuvres inspirées par "l'Affiche rouge" et le Groupe Manouchian », Culturebox, (lire en ligne, consulté le ).
  24. Cf. exposition 2009 (hommages) avec la une du journal le Matin.
  25. F. Guidice, « Identités françaises : l'expérience arménienne. », dans Différence, no 62, p. 31, MRAP, Paris, décembre 1986.
  26. « Le groupe Manouchian », sur ivry94.fr (consulté le ).
  27. Cf. page FTP-MOI.
  28. Adam Rayski, « L'Affiche Rouge », op. cit., p. 57-58 et « L'Affiche Rouge ».
  29. Adam Rayski, « L'Affiche Rouge », op. cit., p. 65-66.
  30. Léo Ferré chante Aragon, 1961.
  31. P. Éluard, Œuvres complètes, t. II, p. 352-353, Pléiade, Paris, 1968.
  32. Voir sur saintsulpice.unblog.fr.
  33. « Le groupe Manouchian, ces étrangers et nos frères pourtant », mairie d'Ivry-sur-Seine, 6 octobre 2009, consulté le 3 septembre 2014 via le site « expositions-virtuelles » de la ville d'Ivry.
  34. « Le 14e rend hommage à Missak Manouchian », mairie du 14e arrondissement, le 17 février 2009, sur le site www.mairie14.paris.fr, consulté le 25 février 2009.
  35. « Apposition d'une plaque à la mémoire de Manouchian rue de Plaisance », 22 octobre 2008, sur le site de la section du 14e arrondissement du Parti communiste français, consulté le 25 février 2009.
  36. « Les derniers instants du groupe Manouchian », Le Figaro, .
    F. Malassis, « Autour d'une photographie », Fondation de la Résistance, Paris, [s.d.].
  37. G. Hékimian (trad.), R. Mélik (dir.), La Poésie arménienne. Anthologie des origines à nos jours, p. 325, Les Éditeurs Français Réunis, Paris, 1973.
  38. G. Dédéyan -trad.), Europe, numéro spécial « Littérature arménienne », Paris, juin 1961.

Annexes

Bibliographie

Filmographie

Articles connexes

Liens externes

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