Armée française de la Libération

L'Armée française de la Libération est l'Armée française réunifiée, résultant de la fusion de l'Armée d'Afrique giraudiste et des FFL gaullistes, qui, après avoir participé aux campagnes de Tunisie et d'Italie, débarque avec les Alliés pour reconquérir la France en 1944 et qui entre en 1945 en Allemagne pour obtenir sa capitulation et l'occuper jusqu'en 1955.

Armée française de la Libération

Création 1943
Dissolution 1945
Pays France et Empire colonial français
Allégeance France
Effectif 1 300 000
Ancienne dénomination Armée d'Afrique (Armée d'armistice) et FFL
Guerres Seconde Guerre mondiale
Batailles Campagne d'Italie
Bataille du Garigliano
Libération de la Corse
Bataille de Marseille
Bataille de Normandie
Bataille de Paris
Débarquement de Provence
Campagne de France
Poche de Colmar
Commandant historique Henri Giraud
Charles de Gaulle

La désunion

À partir de l'appel à « cesser le combat » lancé sur la radio nationale française le par Philippe Pétain, maréchal surnommé le « héros de Verdun » et de la riposte qu'est l'appel à la résistance lancé sur la radio britannique BBC par De Gaulle le lendemain, l'Armée française de 1940 va progressivement être divisée en deux, voire trois, forces antagonistes. L'une pétainiste (ou « maréchaliste ») basée à Vichy, l'autre gaulliste basée à Londres, la troisième giraudiste apparaissant plus tardivement et basée à Alger.

D'un côté, la grande majorité de cette force, l'armée d'armistice (plus connue comme « Armée de Vichy ») qui est loyaliste et obéit au gouvernement situé en France, à Vichy, mais dépendant de l'occupant allemand (le sud de la France est dit « zone libre »). De l'autre, une force minoritaire, considérée par Vichy comme « rebelle » et dont les dirigeants sont condamnés à mort, les Forces françaises libres (FFL). Les FFL reconnaissent l'autorité de Charles de Gaulle, jeune colonel qui venait d'être nommé général de brigade à titre temporaire sur le champ de bataille, puis sous-secrétaire d'état à la guerre et qui a défendu l'idée de Georges Mandel de continuer le combat avec un gouvernement replié en Afrique française du Nord et en mobilisant l'empire français qui était à l'époque le 2e empire colonial mondial après celui des Britanniques.

Parti à Londres, le général de Gaulle, proclamé chef de la « France libre » et reconnu comme tel par les Britanniques, décide de continuer la guerre avec l'allié britannique. Auparavant, ce dernier avait rapatrié ses troupes présentes en France via Dunkerque.

Deux armées françaises vont donc mener leurs combats dans un camp opposé (celui de l'Axe ou des Alliés) et s'affronter directement plusieurs fois sur les champs de bataille, notamment à Dakar et en Syrie.

Le premier affrontement franco-français est la bataille de Dakar, capitale de l'AOF, en , où une flotte anglo-française sous commandement britannique (il s'agit là de la seule opération militaire FFL à laquelle participe physiquement le général de Gaulle) envoie des parlementaires de la France libre convaincre le gouverneur général de l'AOF, Pierre Boisson, de se rallier. Celui-ci ne reconnaît pas l'autorité du général de Gaulle et manifeste son refus en faisant mitrailler la délégation qui doit se replier. Une tentative de débarquement des Français libres est également repoussée et ceux-ci ne participeront pas au duel d'artillerie navale qui suivra. Vichy reste maître de la place et c'est un cruel échec pour la France libre.

Le refus de Boisson intervient après l'ordre de l'amiral Darlan, ministre de la Marine, de tirer sur tout navire britannique s'approchant[1]. Cette consigne est une réponse à l'opération Catapult des Britanniques qui, du 2 au , s’efforcent de démanteler les forces navales vichystes par l'attaque de la flotte française à Mers el-Kébir  où 1 200 marins français sont tués par leurs alliés de la veille , la capture manu militari de celles repliées à Plymouth et Gibraltar, le désarmement de celle basée à Alexandrie et l'attaque en rade de Dakar du cuirassé français Richelieu  le plus grand de l’époque  par le porte-avions britannique HMS Hermes[2] (le Richelieu avait précédemment escorté le HMS Panther)[1].

Le , l'AEF, par l'intermédiaire du gouverneur général Félix Éboué, reconnaît l'autorité du général de Gaulle et rejoint, dans le camp de la France libre, les Condominium des Nouvelles-Hébrides, les Établissements français de l'Inde et les Domaines français de Sainte-Hélène.

La campagne du Gabon de fait suite à « l'affaire de Dakar », et, cette fois, les FFL obtiennent par la force le ralliement de ce territoire, puis intervient en la campagne de Syrie, où plus d'un mois de combats opposant australo-britanniques, Indiens et FFL à l'Armée du Levant du général Henri Dentz cause la mort de milliers de français. Dentz se rend finalement aux Britanniques.

À la veille du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord de , le clivage est donc profond entre l'Armée de Vichy d'une part, et les FFL et les Alliés d'autre part puisque le général de Gaulle a été mis à l'écart de cette opération par Roosevelt et Churchill à la suite de l'échec du chef de la France libre à rallier Dakar en 1940[1]. De fait, sa participation à Torch se limite à l'« Appel aux Français d'Afrique du Nord » dans l'émission Honneur et patrie diffusée sur les ondes de la BBC, le [3] et il n'arrive à Alger qu'en . En riposte à ce débarquement allié, la Phalange africaine est créée en au protectorat français de Tunisie, tandis que la flotte française de Toulon se saborde et que l'AOF, puis, en 1943, la flotte d'Alexandrie de l'amiral Godefroy, se rallient à Giraud.

La réunification

Défilé de la libération de Tunis en 1943.

À l'automne 1942, après la bataille de Bir Hakeim, où la 1re brigade française libre de Kœnig a retardé l'avancée allemande, les FFL sont en Libye avec l'armée britannique et combattent les troupes de Rommel. Les deux brigades françaises libres participent à la bataille d'El Alamein, et la colonne Leclerc conquiert le Fezzan.

Le , l'Armée d'Afrique, obéissant aux ordres de Vichy, s'oppose dans un premier temps au débarquement des Alliés (Opération Torch) . Mais, assez rapidement les combats cessent et un accord est trouvé. En revanche, en Tunisie, cette même armée laisse entrer les forces de l'Axe sans résister et se replie.

L'Armée d'Afrique reprend progressivement le combat aux côtés des Alliés et va mener une difficile campagne en Tunisie, avec des moyens souvent misérables (issus de l'armée française de 1940 , donc démodés) . Elle y côtoie parfois les FFL de Leclerc et de Larminat.

Mais, une fois la victoire acquise, les dissensions éclatent. À Alger, la lutte pour le pouvoir entre de Gaulle et Giraud a pour enjeu véritable la continuation, ou non, de Vichy. Les Français libres, conscients de leur faiblesse numérique, facilitent le plus possible les ralliements à leur cause, et les chefs de l'Armée d'Afrique s'exaspèrent des désertions qui creusent leur rangs. Finalement, Giraud obtient du commandement américain le déplacement des deux divisions françaises libres en Tripolitaine.

Cependant, le soutien des organisations de Résistance intérieure et le retournement de commissaires giraudistes du Comité français de la Libération nationale, comme Jean Monnet, permettent à de Gaulle de prendre l'ascendant sur Giraud, et un accord est trouvé qui aboutit à la fusion des Forces françaises le .

Bien qu'à cette date les FFL cessent officiellement d'exister, l'expression « Forces françaises libres » est souvent utilisée, mais à tort, pour désigner l'Armée française de la Libération. Cette confusion ne se retrouve pas dans les documents d'époque provenant des intéressés eux-mêmes et, au contraire, le nouveau commandement s'efforce de faire disparaître les mots « France libre » des noms des unités qui en sont issues. La 1re division française libre prendra officiellement le nom de 1re division de marche d'infanterie, sans pour autant l'accepter, et la 2e division française libre deviendra la 2e division blindée, qui compte deux fois plus d'éléments issus de l'Armée d'Afrique que de Français libres.

L'expression « Forces françaises combattantes » est également utilisée dans ce sens, toujours à tort. En effet, depuis le , le nom officiel de la France libre est « France combattante », même si, dans les faits, l'ancienne appellation demeure, et les Forces françaises combattantes regroupent les Forces françaises libres et les réseaux de Résistance intérieure, qu'ils aient été créés par le BCRA (et homologués FFL) ou non (homologués FFC).

Les campagnes militaires

Forces engagées

  • Armées de libération[4] :
    • En Tunisie ( - ) : au , le total des effectifs engagés s'élevait à 72 802 hommes dont 50 651 Maghrébins ;
    • En Italie ( - ) : au , le total des effectifs engagés s'élevait à 104 584 hommes dont 59 665 Maghrébins ;
    • En France et en Allemagne ( - ) : en , le total des effectifs engagés s'élevait à 267 654 hommes dont 130 000 Maghrébins (sans oublier les tirailleurs sénégalais) .
    • Fin 1944, l'Armée française de libération compte près de 600 000 hommes, dont les deux tiers sont venus d'Afrique du Nord. On y compte quelque 176 000 « Européens » et 233 000 « musulmans », selon la terminologie utilisée à l'époque[5].
  • FFI : 100 000 en  ; 200 000 en juillet ; 340 000 à 400 000 en  ;
  • Armée de l'Air : 140 000 ;
  • Marine : 50 000 à 68 000 ;
  • Gendarmerie : 50 000.

France

La Libération de la France métropolitaine commença, non pas en 1944, mais dès 1943 avec la libération de la Corse. Profitant de la capitulation italienne, les Français débarquent dans l'île et aident les résistants (FFI et FTP) corses, avec le soutien de quelques troupes italiennes, à libérer ce département métropolitain.

Les premières troupes françaises à participer à la bataille de Normandie sont le Commando Kieffer qui, le , a combattu aux côtés des Britanniques, en Normandie. Les premières forces françaises d'importance, la 2ème Division blindée du Général Leclerc, a débarqué le 1er août, au sein du dispositif américain. Elle a participé à la fin de la bataille de Normandie ( - ) et pris une part active à la libération de Paris

Cependant, les forces armées françaises vont avoir un rôle plus actif dans la libération de la France continentale avec le débarquement de Provence, le . Sous pression de De Gaulle qui menace de retirer d'Italie ses troupes engagées, le Premier Ministre britannique Winston Churchill est contraint d'accepter un débarquement dans le sud de la France et non dans les Balkans comme il l'avait souhaité initialement. En tout et pour tout, ce sont 350 000 Français et Américains qui vont prendre part au combat, dont 250 000 Français (71 % des effectifs).

La progression est rapide et inattendue tant elle contraste avec les piétinements en Normandie les mois précédents. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui va pousser les Parisiens à l'insurrection, à partir du . En effet, alors que les troupes alliées progressent dans le nord-ouest et le sud-est, les résistants parisiens s'insurgent. De Gaulle presse les Alliés d'une action rapide qui pourrait être menée par la 2e DB pour éviter le sort de Varsovie à Paris. Cédant finalement, le commandement allié autorise la 2e DB à libérer Paris, ce qui sera chose faite entre le 24 et le .

La libération de Paris effectuée, les troupes françaises font leur jonction à l'Est, en . Strasbourg et l'essentiel de l'Alsace-Lorraine sont libérés fin novembre. Les troupes françaises se tiennent dès lors en face du Rhin, prêtes à envahir l'Allemagne.

La campagne de France de 1944 aura permis l'affirmation diplomatique de la France au vu de son engagement opérationnel, au plus fort depuis 1940. Mais la Libération aura aussi permis l’« assimilation » des troupes FFI : sur les 300 000 résistants estimés, ce sont 190 000 qui sont « enrégimentés ». Désormais, l'Armée française est forte, en France , d'environ 450 000 soldats.

Affiche de recrutement en France pour les Troupes coloniales (1945)

Allemagne

Rhin et Danube : 31 mars - 18 avril 1945.
Rhin et Danube : 19 avril - 7 mai 1945.

L'armée de la libération verra deux courants s'opposer, l'un voulant redorer le blason de la France et voulant donc envahir l'Allemagne, l'autre pensant avoir atteint son but qui était de libérer la France. La première armée traversera finalement le Rhin le sous les balles des Allemands, les premières troupes arrivant à franchir le Rhin et à établir des têtes de ponts.

Une fois le franchissement fait, la première armée se distinguera lors de la traversée de la Forêt noire et des différents combats dans la Sarre. Le point d'orgue de la première armée sera la bataille du Nid d'aigle où la deuxième division blindée amenée par le général Leclerc prendra le second emplacement le plus important d'Allemagne après Berlin. La première armée, en plus d'envahir l'Allemagne, parviendra jusqu'en Autriche dans le Tyrol empêchant ainsi toute fuite allemande par la Suisse.

Lors de ces combats, la première armée détruira entièrement la Neuvième armée allemande. Et sera l'armée qui fera la plus grande percée sur le front occidental de Toulon à Innsbruck. La première armée sera celle qui libéra une grande partie du territoire français, envahit l'Allemagne du Sud et l'Autriche et captura les Allemands présents en Italie du Nord.

Pertes

Maurice Faivre a estimé le nombre de tués au combat des armées de la libération et des FFI (campagnes de Tunisie, d'Italie, de France et d'Allemagne) entre et à 74 300 dont plus de 30 % de coloniaux[6] :

  • 40 000 Français métropolitains (FFI inclus)
  • 18 300 Maghrébins
  • 12 000 Français d'Algérie
  • 4 000 Noirs d'Afrique

Selon le Service historique de la défense, les pertes de l'Armée française de la Libération sont d'environ 22 000 tués (dont 11 000 Maghrébins) qui se répartissent comme suit[7] :

  • 5 187 tués (dont 3 458 Maghrébins) en Tunisie de à , pour un effectif au de 72 802 hommes
  • 6 255 tués (dont 4 000 Maghrébins) en Italie de à , pour un effectif au de 104 584 hommes
  • 10 461 tués (dont 3 716 Maghrébins) en France et en Allemagne du au , pour un effectif moyen de 260 000 hommes auxquels viennent s'ajouter 13 679 FFI tués dont 3 000 victimes d'exécutions sommaires[8] soit au total un peu plus de 35 000 tués entre et .

Composition

Commando du C.L.I. (Corps Léger d'Intervention) en Indochine française occupée par les Japonais après la capitulation du Japon.
Divisions d'infanterie
Divisions blindées
Éléments non endivisionnés

Autres unités

Les unités suivantes ont été très peu ou pas engagées dans les combats et ont servi essentiellement pour la sécurité, la garnison et un rôle d'occupation aux derniers jours de la guerre.

Aviation

Transfert officiel de 12 Curtiss P-40F Warhawk de l'USAAF au Groupe de Chasse II-5 le à Casablanca.
Des pilotes du Normandie en URSS.

Notes

  1. Henri Amouroux, 2000 ans d'Histoire: 23 septembre 1940 : l'affaire de Dakar, France Inter, mercredi 25 janvier 2006
  2. André Béziat, Franklin Roosevelt et la France (1939 - 1945), Collection L'Aire Anglophone, Éditions L'Harmattan, 1997, p.83
  3. Extrait de l'appel aux Français d'Afrique du Nord, Honneur et patrie, INA.fr
  4. Archives du S.H.A.T, cités par Belkacem Recham dans Les musulmans algériens dans l'armée française (1919-1945), L'Harmattan, 2000, pp.236-240
  5. Philippe Masson, Histoire de l'armée française de 1914 à nos jours.
  6. Maurice Faivre, L'Armée d'Afrique et l'armée coloniale des origines à 1962, Revue l’Algérianiste N° 131 –septembre 2010
  7. Paul-Marie de La Gorce, L'Empire écartelé, 1936-1946, Denoël, 1988, p. 496-497
  8. Jean Quellien, "Les pertes humaines" in La France pendant la seconde guerre mondiale - Atlas historique', Fayard, Ministère de la Défense, 2010, p. 262-263
  9. Henry Corta (1921-1998, lieutenant parachutiste SAS) : Les bérets rouges (1952), Amicale des anciens parachutistes SAS, Paris

Bibliographie

  • Histoire de la première Armée française, Maréchal de Lattre de Tassigny, Presses Pocket, 1949
  • Une histoire politique de l'armée - Tome 2 - 1940-1967 - de De Gaulle à De Gaulle, Jean Planchais, Éditions du Seuil, 1967
  • Les FFL et l'Armée d'Afrique, Guy Ganachaud, Tallandier, 1990 - (ISBN 2 235 02025 9).
  • La France et son Empire dans la Guerre, Collectif, Éditions Littéraires de France, 1946
  • Les vaincus seront les vainqueurs, Jean-Christophe Notin, Éditions du Seuil, 2004
  • Les bérets rouges, lieutenant parachutiste SAS Henry Corta, amicale des anciens parachutistes SAS, 1952
  • Claire Miot, La première armée française : De la Provence à l'Allemagne 1944-1945, Perrin, , 448 p.

Liens externes

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  • Armée et histoire militaire françaises
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