Opération Catapult

L'opération Catapult a été déclenchée le [1],[2] par le Premier ministre britannique Winston Churchill. Elle visait à assurer aux Britanniques que les forces de haute mer françaises ne tombent pas aux mains des Allemands ou des Italiens. Son objectif était donc de capturer ou de détruire les navires français où qu’ils soient basés.

Opération Catapult
Carte montrant les différents lieux de la présence maritime française en Afrique.
Cible flotte de haute mer française
Date et

Les raisons

En France, le mois de est marqué par trois événements majeurs : l' évacuation de Dunkerque, la défaite de l’armée française et l'Armistice du 22 juin 1940. Tout au long de la bataille de France, la France essaie de rassurer les Britanniques quant à l'avenir de sa marine. Le à Briare, l'amiral François Darlan, chef d'état major de la Marine tente de rassurer Churchill, en lui promettant solennellement qu'il ne permettra jamais aux Allemands de s'emparer de la flotte française. Cependant cinq jours plus tard, deux télégrammes du cabinet britannique adressés au président du Conseil Paul Reynaud, demandent à la France d'envoyer ses navires de guerre dans les ports britanniques, en attendant les négociations concernant l'armistice, ignorant ainsi les assurances fournies par Darlan et remettant en cause l'honneur français. Paul Reynaud s'en offusqua, ce que Churchill comprit fort bien, puisqu'il ordonna de retirer les télégrammes dont le texte lui semblait gênant. Afin de rassurer les Britanniques, l'amiral Darlan adresse aussitôt à tous les commandants des bâtiments de guerre français un ordre où il précise :

  • qu'aucun bâtiment français ne doit tomber aux mains des Allemands ou des Italiens si ceux-ci venaient à entrer en guerre ;
  • si ceux-ci tentent de s'en emparer, les navires devront rallier les ports du Royaume-Uni ou des Antilles ou se saborder.

Le , à Bordeaux, le maréchal Pétain et l'amiral Darlan tombent d'accord sur le fait de refuser l'armistice si les Allemands réclamaient la flotte française. De plus, la France, pour montrer sa bonne foi, envoie dans les ports d'outre-mer, Mers el-Kébir, Casablanca et Dakar, quatre-vingts bâtiments dont le cuirassé tout neuf Richelieu, le cuirassé Jean Bart, qui n'est pas terminé, les croiseurs de bataille Strasbourg et Dunkerque. Tandis qu'à Cherbourg, Brest, Lorient, Saint-Nazaire, dans tous les ports de guerre de la façade atlantique, une centaine de bâtiments hors d'âge, en construction ou incapables d'appareiller, se sabordent.

Enfin les 21 et , l'armistice est signé dans la clairière de Rethondes. À la suite du refus de la France d'envoyer ses navires au Royaume-Uni, en cas d'armistice, les relations entre Français et Britanniques se dégradent comme en témoigne le départ de l'ambassadeur britannique dans la nuit du 22 au .

À la lecture des conditions d'armistice, les Britanniques pensent que la flotte française sera sous le contrôle des Allemands puisque la plupart des ports militaires se trouvent en zone occupée. Pourtant, contre toute attente, Hitler ne réclame pas la flotte française et demande qu'elle soit seulement immobilisée et démilitarisée dans ses ports. De plus, Darlan garantit aux Britanniques que la flotte se sabordera en cas de changement d'attitude de la part des Allemands. Mais Darlan pense que les Britanniques vont subir le même sort que la France et interdit aux navires français de rejoindre une force étrangère, qu'il s'agisse de l'Allemagne ou du Royaume-Uni. C'est ainsi qu'avec l'amiral Dudley Pound, Churchill décide l'opération Catapult. L'ordre est donné de se saisir de la flotte française ou de la neutraliser dans tous les ports de guerre et en particulier à Mers el-Kébir. Cette opération est loin de susciter l'adhésion des amiraux et des marins britanniques.

Les différentes phases

Dans les ports du Royaume-Uni

L'HMS Largs (en), le , dans la rade Greenock. Le Charles Plumier est un cargo bananier français, capturé par le destroyer HMS Faulknor le à Gibraltar.

Le , l'opération Catapult est lancée. Dès le lendemain à l'aube, dans les ports britanniques de Plymouth et Portsmouth, les officiers britanniques ont tendu un guet-apens aux Français qu'ils côtoient, en les invitant à boire à un pot amical sur leurs bâtiments, afin de s'emparer plus facilement de leurs navires.

Dans le port de Portsmouth, le cuirassé Courbet, est saisi.

Dans le port de Plymouth, les bâtiments suivants sont saisis le avant l'aube[3] :

  • Le cuirassé Paris de 22.000 tonnes ;
  • Le contre-torpilleurs de 2.800 tonnes Le Triomphant ;
  • le torpilleur de 1.500 tonnes Mistral ;
  • le croiseur sous-marin Surcouf (le plus grand sous-marin du monde à l'époque) ;
  • le cargo Poulmic.

Au total, deux contre-torpilleurs, sept torpilleurs, quatre sous-marins, dix avisos et plus d'une centaine de bateaux de tous types sont saisis par la ruse ou la force par les Britanniques.

La capture de navires français a aussi lieu dans le port méditerranéen de Gibraltar.

La bataille de Mers el-Kébir

Le , une escadre britannique aux ordres de l'amiral Somerville se présente devant la base navale Mers el-Kébir, dans le golfe d'Oran, avec pour mission d'escorter l'escadre française au Royaume-Uni, de la conduire sous contrôle britannique aux Antilles ou aux États-Unis, sinon elle devra se saborder ou combattre. Le vice-amiral d'escadre Gensoul qui commande l'escadre française n'acceptera aucun terme de l'ultimatum et se résoudra à combattre.

Le cuirassé Bretagne en feu quelques minutes avant son explosion.

Après plusieurs heures de négociation, vers 17 h, les navires britanniques ouvrent le feu sur les bâtiments français très mal placés pour se défendre. Dès le début des tirs, plusieurs bâtiments sont touchés. Le croiseur de bataille Dunkerque, le cuirassé Provence et le contre-torpilleur Mogador sont mis hors de combat. Le cuirassé Bretagne explose et chavire en faisant près d'un millier de morts. Vingt minutes après le début des hostilités, le vice-amiral d'escadre Gensoul fait savoir qu'il a ordonné de cesser le feu. Seul le croiseur de bataille Strasbourg est parvenu à s'échapper, escorté par cinq contre-torpilleurs.

Trois jours plus tard, le , des bombardiers torpilleurs Swordfish du porte-avions HMS Ark Royal reviennent attaquer le Dunkerque, qu'ils endommagent gravement.

L'accord d'Alexandrie

Les choses se passent d'une manière moins dramatique à Alexandrie en Égypte. Le , l'amiral britannique Cunningham vient trouver l'amiral Godfroy commandant la Force X française pour lui signifier qu'il a reçu l'ordre de saisir l'escadre française stationnée à Alexandrie. Les deux amiraux se connaissent et s'apprécient, aussi l'amiral Cunningham prend-il sur lui de proposer un gentlemen's agreement afin d'éviter que les deux flottes aient à s'affronter dans un combat à bout portant, entre navires au mouillage dans le même port. Selon cet accord, les Français doivent débarquer leur mazout, les obturateurs d'artillerie, les pointes percutantes des torpilles et une partie des équipages. L'amiral Godfroy accepte, permettant d'éviter un combat fratricide au cuirassé Lorraine, aux croiseurs Duquesne, Tourville, Suffren et Duguay-Trouin, ainsi qu'aux torpilleurs Forbin, Fortuné et Basque et au sous-marin Persée. Ces navires seront modernisés en Afrique du Nord et reprendront la lutte aux côtés des Alliés avec leurs équipages en .

L'attaque de Dakar

Le , Dakar est le théâtre d’une attaque britannique. Se trouve là le Richelieu, le plus moderne des cuirassés de la flotte déplaçant 35 000 tonnes. Il se trouve à quai quand il est attaqué par des avions torpilleurs Swordfish du porte-avions britannique HMS Hermes. Cette attaque rend inutilisable l'une de ses quatre lignes d'arbre et déforme la coque. Il est mis à l'abri, mouillé dans le port, où il subira, fin septembre, une nouvelle attaque dans le cadre de l'opération Menace.

Attaque annulée aux Antilles

En , une partie de la flotte française avait mis le cap sur les Antilles. Le croiseur-école Jeanne-d'Arc, le porte-avions Béarn (avec à son bord 107 avions), mais aussi l’Émile-Bertin, l’un des croiseurs les plus rapides au monde, transportant 300 tonnes d’or de la Banque de France, mouillent devant Pointe-à-Pitre et Fort-de-France. Les trois navires sont désarmés du à juin 1943. Ils échappent de peu à une attaque le , quand l’ordre donné par l’Amirauté britannique de couler les bâtiments français fut annulé par l’intervention personnelle in extremis du président des États-Unis Franklin D. Roosevelt. Leur présence et celle de l’or de la banque de France entraînent le blocus total par les navires anglais et américains de l'île de la Martinique, manquant de tout. L’Émile-Bertin reste au mouillage en 1941 et 1942. Le , il commence à être désarmé sous la pression des États-Unis.

Le bilan

Côté navires

Le cuirassé Bretagne est coulé.

Le croiseur de bataille Dunkerque, le cuirassé Provence et le contre-torpilleurs Mogador sont mis hors de combat à Mers el-Kébir.

Atteint par une torpille dans une hélice, le Richelieu est immobilisé à Dakar.

Les bâtiments réfugiés à Portsmouth, Plymouth, Falmouth et Alexandrie sont saisis par la marine britannique.

Côté humain

Un millier de morts sur la Bretagne, plus de 200 sur le Dunkerque et des dizaines sur d'autres bâtiments.

Les conséquences

Cette opération eut pour conséquence de ranimer en France le sentiment anti-britannique et on prétend qu'elle ralentit considérablement le faible flux de volontaires qui venaient se joindre à la France libre, après l'appel du général de Gaulle. Cela aurait rendu aussi plus difficile le ralliement des parties africaines de l'Empire colonial français, comme le montrerait le résultat de l'opération Menace, le . Pourtant toute l'Afrique-Équatoriale française à part le Gabon, se rallia à la France libre après cette date et les statistiques montrent que les engagements ne commenceront à décroître qu'en .

L'amiral Darlan considéra qu'il avait été trahi par ses « frères d'armes » et refusa longtemps de serrer la main d'un officier de la marine britannique. Paul Baudouin, le ministre des Affaires étrangères, eut une réaction moins personnelle mais rompit les relations diplomatiques avec le Royaume-Uni. Quant à Laval, l'opération Catapult lui permit de justifier la politique de collaboration, lors de la rencontre de Montoire.

De fait, et à part les Forces navales françaises libres, la Marine française ne prit pas part au combat contre les forces de l'Axe avant 1943. Au contraire, elle du se défendre contre les Alliés à plusieurs reprises, notamment en Syrie, à Madagascar et lors du débarquement en Afrique du Nord.

Notes et références

  1. Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, éd. Librairie académique Perrin, Paris, 1962-1964 ; rééd. CAL, Paris, chap. « Le drame de Mers el-kébir », p. 164
  2. Winston Churchill, The Second World War, Plon, 1948-1954 ; rééd. La Deuxième Guerre mondiale, Le Cercle du Bibliophile, 12 vol. , 1965-1966, tome troisième, L'Heure tragique – la chute de le France, 1940, chap. XI : « L'amiral Darlan et la flotte française, Mers-el-Kébir », p. 249
  3. Source : Soixante jours qui ébranlèrent l'Occident, p. 632.

Bibliographie

  • Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, éd. Librairie académique Perrin, Paris, 1962-1964 ; rééd. CAL, Paris, chap. « Le drame de Mers el-kébir », p. 157-172
  • Winston Churchill, The Second World War, Plon, 1948-1954 ; rééd. La Deuxième Guerre mondiale, Le Cercle du Bibliophile, 12 vol. , 1965-1966, tome troisième, L'Heure tragique – la chute de le France, 1940, chap. XI : « L'amiral Darlan et la flotte française, Mers-el-Kébir », p. 226-253
  • François Delpla, « Mers el-Kebir, la Grande-Bretagne rentre en guerre », revue Histoire(s) de la Dernière Guerre, no 6, .
  • Maurice Pasquelot, Les Dossiers secrets de la Marine, Londres-Vichy 40.44, éd. Nouvelles Éditions latines, Paris, 1977, chap. « Opération "Catapulte" », p. 46-57

Articles connexes

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