Michèle Morgan

Simone Roussel, dite Michèle Morgan, est une actrice française née le à Neuilly-sur-Seine et morte le dans la même ville.

Pour les articles homonymes, voir Michelle Morgan, Morgan, Simone Roussel et Roussel.

Dans sa filmographie, riche de plus de soixante-dix films des années 1930 aux années 1980, figurent de grands réalisateurs français et américains de ces cinq décennies, dont Marcel Carné, Marc Allégret, Jean Grémillon, Julien Duvivier, Michael Curtiz, Carol Reed, René Clément, Claude Autant-Lara, René Clair, André Cayatte, Jean Delannoy, Henri Decoin, Henri Verneuil, Michel Deville, Claude Chabrol ou Claude Lelouch, et des partenaires tels Raimu, Jean Gabin, Charles Boyer, Humphrey Bogart, Jean Marais, Gérard Philipe, Henri Vidal, Bourvil, Michel Piccoli, Marcello Mastroianni ou Alain Delon.

Dans Le Quai des brumes de Marcel Carné, son partenaire Jean Gabin lui adresse l'une des répliques les plus célèbres du cinéma français : « T'as d'beaux yeux, tu sais. ».

Élue dix fois par le public « actrice française la plus populaire », elle est également la première actrice à recevoir le prix d'interprétation féminine au premier Festival de Cannes en 1946 pour son rôle de Gertrude dans le film La Symphonie pastorale (1945). Très primée à l'apogée de sa carrière dans les années 1950, elle reçoit en 1992 un César d'honneur, ainsi qu'un Lion d'or en 1996, en hommage à sa contribution au cinéma.

À partir des années 1970, elle se fait plus discrète à l'écran et consacre son temps à la peinture, passion qui remonte à sa rencontre avec le peintre franco-polonais Moïse Kisling aux États-Unis en 1943, qui fit alors son portrait[1]. On lui doit quelque sept cents dessins et peintures.

Biographie

Enfance et débuts

Simone-Renée Roussel est l'aînée des quatre enfants (avec Paul, Pierre et Hélène) de Louis Roussel, chef de service dans une maison d’exportation de parfums, et de Georgette Payot, mère au foyer[2]. Son père se trouve au chômage après la crise de 1929[3]. En 1933, il installe sa famille rue de la Barre à Dieppe, où il reprend le fonds de commerce d'une épicerie, mais fait faillite deux ans plus tard[4].

La petite Simone découvre la scène à l'occasion de spectacles du casino de Dieppe. En 1935, elle décide de « monter à Paris » avec son frère cadet, Paul, et s'installe chez ses grands-parents à Neuilly.

Par l'intermédiaire d'agences de casting, elle obtient son premier rôle comme figurante dans Mam'zelle Mozart. Le réalisateur Yvan Noé lui conseille de se perfectionner en prenant des cours d'art dramatique. L'année suivante, elle s'inscrit au cours Simon. Elle adopte en 1937 le pseudonyme de Michèle Morgan[N 1].

Carrière

En , la scripte Jeanne Witta recommande Michèle Morgan au réalisateur Marc Allégret qui prépare son film Gribouille[5]. Après un essai concluant, le milliardaire suisse Max Stoffel, producteur du film, insiste pour lui confier le premier rôle féminin. Elle signe son premier contrat pour un montant de 12 500 francs[6]. Le film est un succès. La RKO lui propose un contrat à Hollywood sur la base de 2 000 F par semaine[6]. À la fin de 1937, elle tourne Orage avec Charles Boyer, grande vedette de l'époque[7].

En 1938, elle tourne avec Jean Gabin dans Le Quai des brumes que réalise Marcel Carné. Son regard, d'un bleu limpide, un peu énigmatique et lointain, parfois comparé à celui de Greta Garbo, inspire à Jacques Prévert l'une des répliques les plus célèbres du cinéma dans ce film où le personnage, incarné par Jean Gabin, lui murmure : « T'as d'beaux yeux, tu sais.[8] » .

Le titre de ses mémoires, Avec ces yeux-là, publiés en 1977, y fait également référence.

En 1999, son compagnon Gérard Oury, élu à l'Académie des beaux-arts l'année précédente, demande au graveur et sculpteur Pierre-Yves Trémois de graver cette même phrase sur son épée d'académicien[9].

Le , la guerre éclate, Jean Gabin est mobilisé à Cherbourg dans la marine nationale. Il obtient une permission exceptionnelle pour terminer le film Remorques qu'ils tournent ensemble. Alors qu'ils entretiennent une brève idylle, ils partent l'un et l'autre, séparément, pour Hollywood.

Aux côtés d'Alan Curtis dans Rencontre à Londres (1943).

Après avoir rompu avec Gabin, elle épouse aux États-Unis l'acteur William Marshall, dont elle a un fils, Mike Marshall (1944-2005). Pendant la guerre, elle tourne cinq films aux États-Unis, tous assez décevants[10]. En 1942, elle tourne un bout d'essai pour le rôle principal de Soupçons, le film que prépare Alfred Hitchcock ; elle n'est pas retenue à cause de son anglais insuffisant[10]. Pressentie pour Casablanca, qui révèlera la comédienne Ingrid Bergman, elle est convoquée et auditionnée mais, son agent ayant réclamé un cachet beaucoup trop élevé, le rôle lui échappe[11]. Elle reçoit en compensation celui de Passage pour Marseille.

Elle reconnaîtra par la suite avoir commis plusieurs erreurs durant sa carrière : elle refuse ainsi le rôle principal de Johnny Belinda[12], qui vaut à Jane Wyman l'Oscar de la meilleure actrice, et celui de La Nuit de Michelangelo Antonioni. De même, par peur de la scène, elle renonce à participer à la création de Thé et Sympathie, qui connaît ensuite le succès avec Ingrid Bergman.

Michèle Morgan dans L'Évadée (1946).

À son retour en France, elle reçoit en revanche le premier prix d'interprétation féminine de l'histoire du Festival de Cannes en 1946 pour le rôle de Gertrude dans La Symphonie pastorale de Jean Delannoy.

En 1948, elle divorce de William Marshall, puis épouse le l'acteur Henri Vidal. Tous deux résident dans un appartement de l'hôtel Lambert, à Paris, et tourneront plusieurs films ensemble.

En 1955, elle forme un couple avec Gérard Philipe dans Les Grandes Manœuvres de René Clair. Elle est alors au sommet de sa célébrité.

En 1957, elle tourne Retour de manivelle, film qui marque un tournant dans sa carrière[13] : incarnant jusqu'ici principalement des héroïnes fragiles, elle y joue une femme fatale de série noire, ce qui lui vaut ce jugement :

« On est étonné de voir comment ses yeux peuvent devenir durs, sa bouche méprisante et sa voix cruelle[14]. »

Après la mort d'Henri Vidal, en 1959, elle devient la compagne du cinéaste Gérard Oury, rencontré sur le tournage du film Le Miroir à deux faces d'André Cayatte, l'année précédente. Ils resteront ensemble jusqu'au décès de Gérard Oury en 2006, mais n'auront pas d'enfants.

Michèle Morgan à la 20e cérémonie des Césars, le .

Ignorée par les cinéastes de la Nouvelle Vague qui jugent les acteurs d'avant-guerre trop chers mais aussi trop intimidants[15] (seul Claude Chabrol fait appel à elle en 1962 dans Landru), elle joue dans des films noirs dans les années 1960. Elle doit à Michel Deville une belle occasion de rappeler sa sensualité en interprétant une comtesse rouée dans Benjamin ou les Mémoires d'un puceau en 1967.

Michèle Morgan suspend ensuite sa carrière, enregistre des poèmes et se consacre essentiellement à la peinture (gouaches, collages, huiles), dont la passion correspond à sa rencontre avec le peintre franco-polonais Moïse Kisling qui avait réalisé son portrait en 1943 à Los Angeles[16], et à la haute couture. Elle réapparaît épisodiquement pour la télévision, le cinéma ou le théâtre. Elle préside également le jury du Festival de Cannes 1971.

En 1975, Claude Lelouch la fait revenir à l'écran dans Le Chat et la Souris. Elle annonce son retrait du cinéma après ce film[17].

En 1986, elle joue dans la série Le Tiroir secret dans laquelle elle est accompagnée de son fils Mike Marshall et de sa belle-fille Tonie Marshall.

En 1996, elle est la marraine du Festival de Cannes et reçoit un Lion d'or pour l'ensemble de sa carrière.

En 1997, elle joue dans le téléfilm Des gens si bien élevés, dont le scénario est écrit par Danièle Thompson, fille de Gérard Oury[15].

Après avoir été élue dix fois par le public « actrice française la plus populaire »[18], Michèle Morgan annonce la fin de sa carrière en [19].

Mort

Michèle Morgan meurt le dans sa demeure de Neuilly-sur-Seine[8] : « Dans sa 97e année, les plus beaux yeux du cinéma se sont fermés définitivement ce matin, mardi 20 décembre », annonce sa famille[15].

Après des obsèques le à l’église Saint-Pierre de Neuilly-sur-Seine, elle est inhumée au cimetière du Montparnasse (5e division), dans le carré juif, dans le caveau familial où se trouvent son compagnon, le cinéaste Gérard Oury[20], la mère de celui-ci, Marcelle Houry, et son épouse Jacqueline Roman[21] (mère de Danièle Thompson). La comédienne étant catholique, le grand-rabbin a accordé une dérogation [22].

De nombreux souvenirs lui ayant appartenu ont fait l'objet d'une vente publique aux enchères, à Paris le .

Filmographie

Années 1930

Aux côtés de Jean Gabin dans Le Quai des brumes (1938).

Années 1940

L'Évadée (1946).

Années 1950

Années 1960

Années 1970 à 1990

Télévision

Théâtre

Distinctions

Michèle Morgan avec Gérard Oury au festival de Cannes 2001.

Récompenses

Décorations

Hommage

Divers

  • En 1944, Michèle Morgan fait construire sur les collines d'Hollywood, au 10050 Cielo Drive (en) une maison et une piscine dans une belle propriété. Vingt-cinq ans plus tard, après avoir été habitée par Cary Grant, Henry Fonda et Katharine Hepburn, la propriété est occupée par le cinéaste Roman Polanski et sa jeune femme, l'actrice Sharon Tate, enceinte de leur premier enfant[30]. Le , la maison est envahie par « la famille Manson » qui tue atrocement Sharon Tate et les autres invités présents[30]. Vingt-cinq ans plus tard, en 1994, la propriété du 10050 Cielo Drive est détruite et remplacée par une autre beaucoup plus spacieuse ; l'adresse est changée en 10066 Cielo Drive[31].
  • Connue depuis ses débuts pour son élégance et sa classe (sur lesquelles elle capitalisera toute sa vie), Michèle Morgan se dit consternée vers la fin des années 1970 par les cravates qui sont disponibles à l'époque sur le marché. Elle réagit en créant sa propre ligne, les « Cravates Michèle Morgan »[32]. Fabriquées avec des soies choisies, comportant une grande recherche dans les motifs et la luminosité des couleurs, ces cravates tranchent assurément sur le reste de ce qui existe à l'époque. Mais il s'agit là d'un métier à part entière et les cravates Michèle Morgan n'auront qu'une existence éphémère. Ce qui n'empêche pas quelques collectionneurs emballés de les chercher aujourd'hui dans tous les vide-greniers organisés dans la capitale.[réf. souhaitée]
  • Michèle Morgan compte parmi ses ancêtres des médecins et hommes politiques de Briançon, dont Guillaume Laurent Ferrus, député des Hautes-Alpes[33].

Publications

  • Michèle Morgan, Mes yeux ont vu, Éditions U.G.E., coll. « Voici », 1965, 182 p. (ASIN B0000DVL3P)
  • Michèle Morgan (avec Marcelle Routier), Avec ces yeux-là, Robert Laffont, 1977, 329 p. (ISBN 2221002229 et 978-2221002223)
  • Michèle Morgan, Le Fil bleu. Le roman de ma famille, Plon, 1993. (ISBN 225902680X et 978-2259026802)

Notes et références

Notes

  1. Son prénom est inspiré par un garçon du cours Simon dont elle est amoureuse et qui lui confie : « Je rêve d'avoir une Michèle dans ma vie. » Son nom lui est inspiré par la banque américaine Morgan devant laquelle elle rêve d'une carrière à Hollywood. Cf. Jean-Louis Beaucarnot, Frédéric Dumoulin, Dictionnaire étonnant des célébrités, First Éditions, , p. 178.

Références

  1. « Michèle Morgan », Valérie Collet, Valeurs actuelles.com, 24 mars 2009.
  2. Qui est qui en France, vol. 28, J. Lafitte, , p. 1240.
  3. Philippe Durant, Bénédicte Grammont, Les Séductrices du cinéma, Favre, , p. 64.
  4. « Michèle Morgan », sur VSD
  5. Christian Gilles, L'Avant guerre 1937-1939, L'Harmattan, , p. 65.
  6. Henry-Jean Servat, Les Trois Glorieuses : Danielle Darrieux, Michèle Morgan, Micheline Presle, Pygmalion, , p. 53.
  7. Henry-Jean Servat, Les Trois Glorieuses : Danielle Darrieux, Michèle Morgan, Micheline Presle, Pygmalion, , p. 54.
  8. « La comédienne Michèle Morgan s'est éteinte à l'âge de 96 ans », RTS Info, Radio télévision suisse, (lire en ligne) :
    « La comédienne Michèle Morgan, l'une des plus grandes actrices françaises du XXe siècle, connue des cinéphiles comme « les plus beaux yeux » du cinéma français, est décédée mardi à l'âge de 96 ans, a annoncé sa famille »
    .
  9. Site personnel de Pierre-Yves Trémois.
  10. Jean-Charles Tacchella, Roger Thérond, Les Années éblouissantes : Le cinéma qu'on aime (1945-1952), Filipacchi, , p. 74.
  11. Henry-Jean Servat, Les Trois Glorieuses : Danielle Darrieux, Michèle Morgan, Micheline Presle, Pygmalion, , p. 104.
  12. Henry-Jean Servat, Les Trois Glorieuses : Danielle Darrieux, Michèle Morgan, Micheline Presle, Pygmalion, , p. 98.
  13. Henry-Jean Servat, Les Trois Glorieuses : Danielle Darrieux, Michèle Morgan, Micheline Presle, Pygmalion, , p. 231.
  14. Robert Chazal, Paris-Presse, 19 septembre 1957.
  15. Philippe d'Hugues, « L'actrice Michèle Morgan s'est éteinte à l'âge de 96 ans », sur lefigaro.fr, .
  16. Bernard Gourbin, L'esprit des années 60, Editions Cheminements, , p. 19.
  17. Henry-Jean Servat, Les Trois Glorieuses : Danielle Darrieux, Michèle Morgan, Micheline Presle, Pygmalion, , p. 186.
  18. « Michèle Morgan est morte : décès de la comédienne du Quai des brumes », sur huffingtonpost.fr, .
  19. « L'actrice Michèle Morgan est décédée », sur ledauphine.com, .
  20. Né Max-Gérard Houry Tannenbaum.
  21. Née Friedlander.
  22. Pierre Vavasseur, « Michèle Morgan inhumée près de Gérard Oury », sur leparisien.fr, .
  23. Sous le pseudonyme de Simone Morgan.
  24. Les films suivants sous le pseudonyme de Michèle Morgan.
  25. Bernard Gibaud, Clément Michel (1914-1990). La passion de la solidarité, Association pour l'étude de l'histoire de la sécurité sociale, , p. 81.
  26. Site du festival de Cannes.
  27. Site de l'académie des Césars.
  28. Site de Venise et de la Mostra.
  29. site officiel
  30. Jean-Pierre Bouyxou, « Été 1969 : Sharon Tate, le bal des vampires », sur Paris Match.com, .
  31. (en) In This Epic 2009 Oral History, People Close to the Case Recall the Manson Murders », Steve Oney, lamag.com, 1er juillet 2009.
  32. (en) « Michèle Morgan Biography », IMDb.com (consulté le 30 juillet 2016).
  33. Voir Joseph Jouglar, Guillaume Ferrus, un grand médecin alpin, Société d'études des Hautes-Alpes, 1951, p. 52-54. - Note de J.-M. Thiébaud, 15 ii 2011
  34. « Michelle Bachelet, présidente du Chili », Société Radio-Canada,

Annexes

Bibliographie

  • Claude Bouniq-Mercier, Michèle Morgan, Colona, 1983.
  • Christian Dureau, Michèle Morgan. Les yeux du souvenir, Carpentier, 2010, 110 p.
  • Henry-Jean Servat, Les Trois Glorieuses : Danielle Darrieux, Michèle Morgan, Micheline Presle, Pygmalion, , 270 p.
  • Christian Berger, « Nécrologie des personnalités disparues en 2016 », L'Annuel du Cinéma 2017, Editions Les Fiches du cinéma, Paris, 2018, 800 p., p. 782, (ISBN 978-2-902-51629-2)

Articles connexes

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