Claude Autant-Lara

Claude Autant-Lara, ou Claude Autant, est un réalisateur français, né le à Luzarches (Val-d'Oise) et mort le à Antibes (Alpes-Maritimes).

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Il a connu le succès avant (Fric-frac) et pendant l'Occupation, avec Douce puis après la Seconde Guerre mondiale avec notamment l'adaptation du roman de Raymond Radiguet, Le Diable au corps (1947), puis L'Auberge rouge, Le blé en herbe, Le Rouge et le Noir (adaptation du roman de Stendhal) ou La Traversée de Paris. À partir des années 1960, son cinéma rencontre moins de succès. Président du Syndicat des techniciens de 1948 à 1954 puis de la Fédération nationale du spectacle CGT (syndicat proche des communistes) jusqu'en 1963, il se rapproche du Front national dans les années 1980.

Biographie

Des débuts difficiles

Fils de l'architecte Édouard Autant et de la comédienne Louise Lara, sociétaire de la Comédie-Française où elle avait été engagée après un premier prix de comédie au Concours du Conservatoire, Claude Autant-Lara suit sa scolarité au lycée Janson-de-Sailly et découvre rapidement le cinéma, une véritable révélation.

Renvoyé du lycée en 1915, il part en Angleterre dans un collège à la discipline sévère et revient pour s'inscrire à l’École des arts décoratifs où il se lie d'amitié avec le futur comédien Julien Carette ainsi qu'avec Jean Dorville. Son diplôme en poche, il commence à travailler dans un atelier de sculpture puis il est engagé par Marcel L'Herbier comme décorateur d'abord pour une pièce de théâtre, puis en 1920 comme assistant-réalisateur et décorateur pour le film L'Homme du large d'après Honoré de Balzac. En 1923, L'Herbier produit le premier court-métrage d'Autant-Lara, Faits-divers, dans lequel ce dernier dirige sa mère. La collaboration entre les deux hommes durera jusqu'en 1926. Cette année-là, Autant-Lara dessine les décors de Nana de Jean Renoir d'après Émile Zola. Il devient ensuite assistant–réalisateur de René Clair.

Grand admirateur de Georges Méliès et fasciné par les nouvelles techniques, il tourne en 1929 son second film Construire un feu, d’après Jack London, en utilisant le procédé d'anamorphose de l'hypergonar[1], qui sera connu plus tard sous le nom de CinemaScope. C'est un échec. Déçu et criblé de dettes, il s'embarque pour les États-Unis, où il réalise les versions françaises de films américains, notamment de Buster Keaton et de Douglas Fairbanks Jr. Il fréquente alors des Européens exilés comme lui, parmi lesquels Françoise Rosay et Luis Buñuel. Mais l'ambiance de travail et le style de vie américain ne conviennent pas à Autant-Lara qui décide deux ans plus tard de revenir en France.

Il réalise en 1932 des courts métrages d’après Georges Courteline. En 1933, il signe son premier long-métrage, Ciboulette, adaptation excentrique de la célèbre opérette de Reynaldo Hahn mise en dialogue par Jacques Prévert. Encore un échec. Il survit en travaillant pour Maurice Lehmann puis fait à nouveau parler de lui avec Le Mariage de Chiffon, en 1941, avec Odette Joyeux dans le rôle principal. Le bon accueil du film l'encourage à poursuivre. Il dirige à nouveau la comédienne dans Lettres d'amour en 1941, et l'année suivante dans Douce, considéré comme le premier film où il donne libre cours à son humour noir.

Claude Autant-Lara a été accusé de délation durant l'Occupation, notamment par le producteur de cinéma Pierre Braunberger[2].

Le succès et les critiques

Après le succès populaire, en 1946, de Sylvie et le Fantôme, toujours avec Odette Joyeux, il met en scène, en 1947, Micheline Presle et Gérard Philipe dans Le Diable au corps, tiré du roman de Raymond Radiguet. Le film, qui retrace l’histoire passionnée de deux jeunes amants partagés entre leur fougue et leur peur de s’engager, provoque de vives réactions dans la presse et dans le public. Il permet à Autant-Lara de confirmer sa réputation de réalisateur aussi original qu'imprévisible. Anticonformiste et provocateur, il affirme : « Si un film n'a pas de venin, il ne vaut rien[réf. souhaitée] ». Le film est salué à sa sortie par le critique André Bazin mais quelques années plus tard, il devient l'une des cibles de François Truffaut dans son pamphlet contre le cinéma français dit « de qualité » intitulé « Une certaine tendance du cinéma français »[3],[4].

En 1949, il adapte à l’écran la pièce de Feydeau, Occupe-toi d'Amélie, qu'il considérera comme son film préféré. Puis il enchaîne les comédies sombres et les aventures douces-amères, notamment L’Auberge rouge (Fernandel y joue un rôle qui l'éloigne des comédies faciles dont il avait l'habitude) en 1951. Il poursuit avec une belle adaptation du Blé en herbe d'après le roman de Colette (1954). Il tourne aussi La Traversée de Paris (Jean Gabin, Bourvil et Louis de Funès), d'après une nouvelle de Marcel Aymé en 1956, La Jument Verte (avec Bourvil), inspiré aussi de Marcel Aymé et En cas de malheur (Jean Gabin et Brigitte Bardot) en 1959, d’après Simenon. Ces années-là l'ont vu militer contre les accords Blum-Byrnes et à la fédération du spectacle CGT, dont il deviendra président. Son adaptation du roman de Stendhal, Le Rouge et le Noir, en 1954, lui vaut de violentes critiques de la part des futurs cinéastes de la Nouvelle Vague, qui lui reprochent d'incarner un cinéma dépassé. Dans un article publié dans les Cahiers du cinéma, le jeune critique François Truffaut s'en prend à ce symbole d'« une certaine tendance du cinéma français », dont les conceptions artistiques relèvent selon lui d'un autre âge. En réaction, Autant-Lara critiquera invariablement l'ensemble du mouvement de la Nouvelle Vague.

Il tourne encore une quinzaine de films avant de cesser ses activités de réalisateur dans les années 1970.

Il publie alors plusieurs livres de souvenirs, des recueils de discours et des pamphlets comme Télé-Mafia, Les Fourgons du malheur ou Le Coq et le Rat. Ses mémoires, intitulés La Rage dans le cœur, publiés en 1984, témoignent de son amertume.

Entre 1981 et 2000, constatant qu'elles n'intéressaient pas la France, il dépose ses archives à la Cinémathèque suisse[5].

Politique et polémique

Claude Autant-Lara
Fonctions
Député européen
Élection 15 juin 1989
Législature 3e
Successeur Jean-Claude Martinez
Biographie
Parti politique Front national

Le service psychologique de l'Armée fait interdire la réalisation du film intitulé initialement L'Objecteur puis Tu ne tueras point[6]. La production et la réalisation auront finalement lieu en Yougoslavie. Le film est interdit en France, engagée dans la guerre d'Algérie, en Allemagne et en Italie. Dans ce dernier pays, le ministre des Spectacles juge le sujet « inopportun, subversif[7]. » La chanson du film, L'Amour et la Guerre, écrite par Bernard Dimey et mise en musique et chantée par Charles Aznavour est interdite sur les ondes nationales dès 1960[8],[9]. La sortie du film est autorisée en France en 1963. En 1963, Claude Autant-Lara et les scénaristes du film, Jean Aurenche et Pierre Bost, signent avec des dizaines de personnalités de premier plan un appel du Comité de secours aux objecteurs de conscience pour réclamer un statut pour les objecteurs.

Le , il déjeune avec Jean-Marie Le Pen et annonce qu'il se présente avec le Front national aux élections européennes[10].

Le , il revint sur le devant de la scène médiatique, de manière controversée, en étant élu au Parlement européen sur la liste du Front national, lui qui avait été pourtant président du Syndicat des techniciens de la production cinématographique CGT de 1948 à 1954 puis président de la Fédération nationale du spectacle CGT de 1954 à 1963 (syndicat et fédération comprenant nombre de membres du parti communiste) et avait défendu sincèrement les conditions d'emploi et de travail des artistes, des ouvriers et des techniciens de la production cinématographique, et l'institution d'une régulation économique qu'a constitué le Fonds de soutien du CNC. Doyen d'âge de la nouvelle assemblée, il présida, comme le voulait alors la tradition, la session inaugurale, en juillet 1989. Il prononça un discours où il exprimait notamment ses « inquiétudes face à la menace culturelle américaine ». La quasi-totalité des députés sortirent de l'hémicycle afin de ne pas assister au discours d'un élu du Front national. Comme il avait été prévu avant l'élection[réf. nécessaire], Claude Autant-Lara démissionne de son siège de député européen aussitôt après, et est remplacé par Jean-Claude Martinez.

À la suite de cette polémique, il tint des propos reproduits par le mensuel Globe en septembre 1989, disant au sujet de Simone Veil : « Que vous le vouliez ou non, elle fait partie d'une ethnie politique qui essaie de s'implanter et de dominer… Oh elle joue de la mandoline avec ça [les camps de concentration]. Mais elle en est revenue, hein ? Et elle se porte bien… Bon alors quand on me parle de génocide, je dis, en tout cas, ils ont raté la mère Veil ! » (jeu de mot avec : la merveille). Dans le même entretien, le cinéaste vilipende également la « juiverie cinématographique internationale »[11]. Le garde des Sceaux d'alors, Pierre Arpaillange, fit engager des poursuites pour « injures raciales, diffamation raciale et incitation à la haine raciale ». Claude Autant-Lara fut relaxé. En outre, les membres de l'Académie des beaux-arts, dont il était vice-président pour l'année, lui demandèrent de ne plus siéger parmi eux. Il fut remplacé, à sa mort, par le cinéaste Francis Girod, lequel prononça, le 17 décembre 2003, son éloge sous la Coupole.

Après ces polémiques, Claude Autant-Lara participa à une série d'entretiens avec le Suisse Freddy Buache, directeur de la Cinémathèque suisse, dans lesquels il révélait nombre d'anecdotes qui avaient jalonné la réalisation de ses films.

Vie privée

Il a été marié à Ghislaine Auboin (1912-1967).

Filmographie

Courts et moyens métrages

Longs métrages

Télévision

Autres

Publications

  • La Rage dans le cœur, Veyrier/Lib, L'Avenue, 1984 (autobiographie)
  • Le Coq et le Rat : Chronique cinématographique du XXe siècle, Flambeau, 1990
  • Les Fourgons du malheur. Chronique cinématographique du XXe siècle, Flambeau, 1992

Notes et références

  1. Lo Duca, Histoire du cinéma, Paris, Presses Universitaires de France, collection « Que sais-je ? », 1968, 8e éd. (1re éd. 1942), p. 15
  2. « Interview Pierre Braunberger à propos de la délation sous l'occupation »
  3. Olivier Père, « Claude Autant-Lara, l’œil du diable », Blog d'Olivier Père, (lire en ligne, consulté le )
  4. François Truffaut, « Une certaine tendance du cinéma français », Cahiers du cinéma, no 31, réédité dans François Truffaut, Le Plaisir des yeux, Flammarion, coll. « Champs », , p. 210-229
  5. « Inventaire du fonds Claude Autant-Lara » (consulté le )
  6. Georges Sadoul, Dictionnaire des films, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Microcosme », 4e trimestre 1965, 300 p., p. 254
  7. « Tu ne tueras point », Exposition virtuelle Censure au cinéma, sur sciencespo.fr (consulté le )
  8. « L'amour et la guerre interdite à la radio », La Défense, no 432, , p. 10
  9. François Ménétrier, « Charles Aznavour, l'amour et la guerre », Union pacifiste, décembre 2018 - janvier 2019, p. 10
  10. Michel Guilloux, « La deuxième mort de Claude Autant-Lara », L'Humanité, (lire en ligne, consulté le )
  11. Dominique Albertini, « Les électrons trop libres du Front national », liberation.fr, 3 mars 2017.

Voir aussi

Bibliographie

  • Freddy Buache, Claude Autant Lara, L'Âge d'Homme, 1990
  • Au sujet de « Sylvie et le fantôme », voir Carole Aurouet, Les Scénarios détournés de Jacques Prévert, Dreamland, 2003, 256 p., p. 100-124

Liens externes

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