Mathieu Molé

Le comte Louis-Mathieu Molé, né le à Paris et mort le à Épinay-Champlâtreux, est un homme d'État français. Il est ministre de la Justice sous l'Empire, de la Marine et des Colonies sous la Restauration, des Affaires étrangères et président du Conseil, de 1836 à 1839, sous la monarchie de Juillet.

Pour les articles homonymes, voir Mathieu Molé (1584-1656) et Mole.

Mathieu Molé

Mathieu, comte Molé, en 1834, par Ingres.
Fonctions
Président du Conseil des ministres français
et Ministre des Affaires étrangères

(moins d’un jour)
Monarque Louis-Philippe Ier
Gouvernement non formé
Législature VIIe législature
Prédécesseur François Guizot
Successeur Adolphe Thiers

(2 ans, 6 mois et 25 jours)
Monarque Louis-Philippe Ier
Gouvernement Molé I et II
Législature IIIe législature
IVe législature
Prédécesseur Adolphe Thiers
Successeur Jean-de-Dieu Soult
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Paris (France)
Date de décès
Lieu de décès Épinay-Champlâtreux, Seine-et-Oise (France)
Nationalité française
Parti politique Orléaniste
Religion catholique


Présidents du Conseil des ministres français

Biographie

Jeunesse et vie familliale

Louis-Mathieu Molé, fils d'Édouard François Mathieu Molé, est issu d'une très ancienne famille de la magistrature parisienne, le plus célèbre de la lignée étant Mathieu Molé (1584-1656) qui incarne pendant la Fronde l'autorité du pouvoir judiciaire. Sa mère, Marie-Louise de Lamoignon, appartient aussi à une famille illustre de la magistrature, les Lamoignon. La famille possède une des grandes fortunes du temps, un bel hôtel particulier à Paris (aujourd'hui 246 faubourg Saint-Germain), le château de Champlâtreux au nord de Paris et celui de Méry, près d'Auvers-sur-Oise.

La Révolution va profondément marquer Mathieu Molé. En avril 1791, les Molé émigrent, mais reviennent en janvier 1792 après la loi du 9 novembre 1791 prévoyant que les émigrés non rentrés en France seront passibles de la peine de mort et leurs biens séquestrés. Après la journée du 10 août 1792, le père de Mathieu est arrêté et emmené à la prison de l'Abbaye. Le 2 septembre, les massacres commencent. Un domestique fidèle parvient à obtenir de justesse sa libération pendant les massacres. En octobre, il est arrêté de nouveau avec sa femme. Mathieu, à douze ans, va se débattre auprès du comité révolutionnaire de son quartier pour essayer de sauver ses parents de l'échafaud. Il obtient leur élargissement, à condition d'être surveillés chez eux par quatre gardiens que les Molé doivent payer. En janvier 1794, sous la Terreur, son père est à nouveau arrêté, guillotiné le 20 avril, leur maison mise sous scellés. Mathieu, à treize ans, se retrouve sans argent et sans logement en charge de sa mère, à demi-paralysée par une attaque, et de ses deux soeurs. Ils sont sauvés par le 9 thermidor qui met fin à la Terreur et se réfugient au château de Méry dont ils retrouvent la disposition. Ces souvenirs ne s'effaceront jamais de l'esprit de l'enfant.

Mme Molé, qui ne se remet pas de la mort de son mari, se retire de la société en 1803, allant fonder à Vannes la congrégation des sœurs de la Charité de Saint-Louis. Avant sa retraite, elle précipite le mariage de ses enfants.

Mathieu épouse le , à Méry-sur-Oise Caroline de La Briche, fille d'Adélaide de La Briche, héritière d'une grosse fortune, propriétaire du splendide château du Marais près de Saint-Chéron, où chaque année de mai à octobre elle prend ses quartiers d’été recevant une brillante société parisienne, et d'un hôtel particulier à Paris, rue de la Ville-l'Évêque. Ce mariage hâtif sera malheureux. Dés la fin de l'hiver 1798-1799, Mathieu prend conscience que sa femme n'est pas la compagne qu'il attendait et que le genre de vie de sa belle famille ne lui convient pas.

Le couple a eu deux filles, Clotilde et Élisabeth, mariées à deux frères, Fernand et Hubert de La Ferté-Meun, et une unique petite-fille, Clotilde de La Ferté-Meun, qui épousa, le Jules-Charles-Victurnien de Noailles (1826-1895), 4e duc d'Ayen puis 7e duc de Noailles.

Sous l'Empire

Il avait vingt-six ans lorsqu'il débuta en littérature par ses Essais de morale et de politique (1806), qui eurent deux éditions dont la seconde fut accompagnée d'une vie de Mathieu Molé (1584-1656), Premier président du parlement de Paris sous la Fronde et ancêtre de l'auteur. Cet ouvrage, qui renfermait un éloge outré des institutions impériales, fut diversement jugé. Fontanes, avec qui Molé s'était lié dans le salon de Mme de Beaumont, où il avait également rencontré Chateaubriand et Joubert, le traita avec beaucoup de bienveillance dans le Journal de l'Empire et présenta le jeune écrivain à Napoléon Ier.

Molé connut une ascension exceptionnellement rapide : il fut nommé auditeur au Conseil d'État () avant d'y être admis comme maître des requêtes (juin 1806). Rapporteur au Conseil d'État de la loi d'exception que l'Empereur voulait édicter à l'encontre des Juifs, Molé trouva le projet incompatible avec les principes égalitaires de la Révolution française et préconisa une reconnaissance officielle de la religion juive, à la suite de quoi l'Empereur le nomma commissaire impérial au Sanhédrin israélite. Il fut ensuite préfet de la Côte-d'Or (novembre 1806-1809), conseiller d'État (1809), directeur général des Ponts et Chaussées et des Mines (1809-1813), comte de l'Empire () et commandeur de l'ordre de la Réunion.

Molé était détesté de ses subordonnés qui lui reprochaient sa morgue, et souvent décrié pour son ignorance des questions techniques et son manque d'expérience administrative, mais il jouissait de la faveur de l'Empereur. Le , il fut chargé de proposer au Sénat d'attribuer à l'Empereur, par un sénatus-consulte, la nomination du président du Corps législatif sans présentation de candidat. Le , il succéda à Régnier, duc de Massa, dans les fonctions de grand juge, ministre de la Justice, qu'il exerça jusqu'au . Avec les autres ministres, il accompagna l'impératrice Marie-Louise à Blois en .

Sous les deux Restaurations

Il se tint à l'écart de la vie publique sous la Première Restauration, et ce ne fut que comme membre du conseil municipal de Paris qu'il signa, quelques jours avant le , l'adresse présentée au roi et dans laquelle se trouvait la phrase : « Que nous veut cet étranger pour souiller notre sol de son odieuse présence ? » Napoléon ne lui en tint pas rigueur et, sous les Cent-Jours, il retrouva sa place au Conseil d'État ainsi que ses fonctions de directeur général des Ponts et Chaussées, ayant prudemment refusé les portefeuilles de la Justice, de l'Intérieur ou des Affaires étrangères que lui offrait l'Empereur pour se contenter de ce poste peu compromettant. Il refusa de signer la déclaration du Conseil d'État du 25 mai contre les Bourbons ce dont, vivement blâmé par Napoléon, il s'excusa en faisant valoir « qu'il n'avait pas cru pouvoir s'associer à un manifeste contenant ce blasphème politique : que Napoléon tenait sa couronne du vœu et du choix du peuple français »[1]. Napoléon le nomma pair de France le 2 juin, mais Molé partit pour les eaux de Plombières, écrivit de là pour s'excuser de ne pas siéger et attendit la suite des événements.

Revenu à Paris après Waterloo, il protesta auprès de Louis XVIII de son « inaltérable fidélité », conserva son fauteuil au Conseil d'État et fut renommé directeur général des Ponts et Chaussées et des Mines () ainsi qu'à la Chambre des pairs (). Dans le procès du maréchal Ney, il vota pour la peine de mort. Certains biographes affirment cependant qu'il usa ensuite de son influence pour soustraire d'autres victimes à la Terreur blanche.

Le maréchal Gouvion Saint-Cyr étant passé du ministère de la Marine à celui de la Guerre, le comte Molé fut nommé ministre de la Marine et des Colonies le . Il conserva ce portefeuille jusqu'au . Il fut notamment chargé de présenter à la Chambre des pairs, dans la session de 1818, le projet de loi sur la liberté de la presse. Il quitta le pouvoir avec le duc de Richelieu lors de la dislocation partielle du cabinet consécutive aux élections de La Fayette, Manuel et Benjamin Constant. Il siégea dès lors à la Chambre des pairs avec les royalistes constitutionnels et combattit plusieurs fois à la tribune les opinions des ultras. Ainsi, à la séance du , il parla le premier contre le rétablissement du droit d'aînesse, invoquant les intérêts moraux de la famille et les intérêts financiers de l'État.

Cordélia de Castellane.

En 1815, à 34 ans, il rencontre Cordélia de Castellane (1796-1847) qui en a 21, fille du banquier Louis Greffulhe, épouse du futur maréchal de France le comte Boniface de Castellane (1788-1862), connue pour sa beauté et son esprit. Molé l'a dépeinte ainsi dans ses Mémoires : « Tout son charme venait de son âme et pourtant rien n'égalait la pureté de ses traits ; son front était celui d'un ange, ses yeux bleus et un peu couverts, son nez noble et régulier comme sa bouche, ses dents admirables, son menton un peu avancé, son teint pâle et d'une extrême finesse, ses cheveux d'un blond que je n'ai vu qu'à elle... Tous ses mouvements étaient gracieux, mais de cette grâce idéale et véritable qui serait celle d'une statue antique qui sortirait du repos. Elle avait de longs yeux bleus, héritage de sa mère... » C'est le coup de foudre. Il devient son amant en 1816 mais elle rompt brusquement sans explications en 1817. Ils renouent en 1821 mais, en septembre 1823, Cordélia entame une liaison passionnée avec François-René de Chateaubriand, quinquagénaire, alors ministre des Affaires étrangères, l'ancien ami de Molé devenu son adversaire politique et revenu au premier plan après l'assassinat du duc de Berry et le triomphe des ultras. Cette liaison va prendre fin vers mars 1824 et Molé, séparé de fait de sa femme, va vivre à partir de 1827 de façon quasi-officielle (le mari, allant de garnison en garnison, s'accommode très bien de la situation) avec Cornelia qui s'est installée dans un modeste hôtel particulier, rue de la Ferme-des-Mathurins, où elle élève ses quatre enfants. « Sa relation avec Molé », écrit Charles de Rémusat, « était devenue le grand intérêt de son existence; c'était son occupation, son amusement et son orgueil[2] ». Elle y tient un salon qui devient politique en 1836 avec le ministère de Molé. Pasquier, Broglie, Duchâtel, Rémusat, Guizot s'y rendent, mais l'on trouve aussi Mérimée et Sainte-Beuve. Peu de femmes, dont la plus remarquable est la duchesse de Talleyrand. Le duc de Broglie écrit dans ses Mémoires : « La littérature y faisait à propos diversion à la politique. Mme de Castellane, très réellement instruite, en avait le goût et M.Molé n'oubliait jamais qu'il était de l'Académie[3] ».

Cordélia de Castellane a été le grand amour de Molé, malgré les trahisons et les ruptures. À sa mort, le 8 avril 1847, il écrit : « Depuis la fin de l'année 1827 où la Providence me rendit celle que dix ans auparavant je croyais avoir perdue, je suis devenu, sous son influence, plus religieux, plus scrupuleux, meilleur, […] Maintenant qu'elle est au tombeau, mon coeur est déchiré, ma vie brisée, ma vieillesse sans consolation et sans espoir[4]. »

Sous la monarchie de Juillet

Après la révolution de 1830, le comte Molé fut appelé dès le , sur la suggestion du duc de Broglie, au ministère des Affaires étrangères dans le premier ministère du règne de Louis-Philippe Ier. Sans expérience de la diplomatie, mais grand seigneur, doué des manières de la fonction et partisan de la paix, il travailla à faire reconnaître le nouveau régime par les puissances étrangères. Il adopta, non sans hésitation, le principe pacifique, cher à Louis-Philippe, de non-intervention. Mais, en raison de son impopularité et de différends avec ses collègues[5], il ne fut pas maintenu dans le ministère Laffitte le .

Lorsque le duc de Broglie démissionna du ministère des Affaires étrangères le , Thiers suggéra au roi de faire appel à Molé pour lui succéder, mais Guizot, qui se jugeait affaibli par le départ de son ami du ministère et considérait que l'entrée de Molé au gouvernement l'affaiblirait encore davantage, s'y opposa, ce dont Molé lui voulut beaucoup.

Chargé de former un nouveau cabinet le , il reprit le portefeuille des Affaires étrangères avec la présidence du Conseil, et resta en place jusqu'au . Au premier rang des difficultés dont Thiers lui laissait l'héritage, il trouva la question suisse et l'affaire Conseil. Persuadé qu'il n'y avait rien de vrai dans la mission d'espionnage attribuée à Conseil, et que les protestations de la diète helvétique contre le rôle de la France et de son roi n'étaient qu'une trame ourdie par les réfugiés pour perdre l'ambassadeur français, Molé n'hésita pas à interrompre toute relation diplomatique avec la Suisse, et la querelle se trouva apaisée presque aussitôt, la Suisse n'ayant pas persisté dans ses réclamations.

Le complot de Louis-Napoléon Bonaparte et les attentats sans cesse renouvelés contre la vie du roi vinrent bientôt susciter de nouvelles difficultés au ministère, dont l'un des premiers actes avaient été l'élargissement des anciens ministres de Charles X.

Molé eut enfin à lutter contre la coalition formée pour le renverser et animée par Thiers et par Guizot[6]. En 1837, Thiers engagea la lutte au sujet de l'Espagne : il s'efforça de montrer que le rôle du président du Conseil à l'égard de ce pays n'avait ni éclat, ni grandeur ; que les destins de la monarchie constitutionnelle en France étaient liés au maintien du trône d'Isabelle II en Espagne, contre les menées absolutistes de don Carlos ; et que l'alliance de la France avec le Royaume-Uni lui commandait d'intervenir dans la péninsule Ibérique. Molé opposa à ces considérations l'élasticité des termes dans lesquels le traité de quadruple alliance était rédigé, les inconvénients d'une politique d'aventures et les hésitations que son rival avait montrées, sur cette même affaire espagnole, lorsque lui-même était aux affaires. Cette argumentation emporta la conviction de la Chambre et permit au cabinet de passer cette première escarmouche.

À la suite du procès des associés de Louis-Napoléon Bonaparte dans sa tentative de soulèvement de Strasbourg, Molé imagina tout d'abord de faire accorder au ministère le droit d'éloigner de Paris tout individu dangereux, mais dut, non sans humeur, abandonner ce projet sur les instances de Duvergier de Hauranne ; il présenta alors trois projets de loi : le premier, dit « de disjonction », prévoyait que lorsque les crimes prévus par certaines dispositions déterminées auraient été commis conjointement par des civils et des militaires, les premiers seraient jugés normalement par la cour d'assises, mais que les seconds seraient traduits devant le conseil de guerre ; le second établissait un bagne à l'île Bourbon pour recevoir les déportés politiques ; le troisième menaçait de la réclusion quiconque ne révélerait pas un complot formé contre la vie du roi dont il aurait eu connaissance. Dans le même temps, le gouvernement présentait un projet de loi d'apanage pour le duc de Nemours[7], ainsi que deux autres tendant l'un à augmenter d'un million le revenu du duc d'Orléans et l'autre à constituer une dot d'un million au profit de la princesse Louise, devenue reine des Belges.

La loi de disjonction suscita une vive opposition parlementaire. Dupin aîné l'attaqua avec une verve mordante, qu'appuyèrent Delespaul, de Golbery et Nicod. Lamartine défendit le projet, mais Chamaraule, Parant, Moreau (de la Meurthe), Persil, Chaix d'Est-Ange et Berryer le combattirent. En définitive, la loi fut repoussée par 211 voix contre 209.

Pourtant, le cabinet tint bon et la loi d'apanage fut présentée. Celle-ci ne suscita d'abord pas de difficulté dans les bureaux de la Chambre, mais provoqua une tempête lorsqu'elle fut connue du public. Cormenin rédigea un de ces pamphlets venimeux dont il s'était fait la spécialité. Cette crise amena la chute du premier ministère Molé.

Après plusieurs semaines de crise ministérielle, qui montrèrent l'impossibilité de mettre sur pied une combinaison de rechange, Molé fut chargé de se succéder à lui-même en constituant un nouveau cabinet qui prit ses fonctions le . Le gouvernement fut contraint de retirer le projet d'apanage du duc de Nemours mais obtint, dès le 22 avril, l'adoption de ceux concernant la dotation du duc d'Orléans et la dot de la reine des Belges. Molé négocia également le mariage du duc d'Orléans avec la princesse Hélène de Mecklembourg-Schwerin.

Le château de famille de Champlâtreux.
Conseil des ministres, présidé par Louis-Philippe, le 3 août 1838, et tenu au château de Champlâtreux, chez le comte Molé président du Conseil.

Jugeant sa majorité insuffisamment solide, Molé obtint de Louis-Philippe, le , la dissolution de la Chambre des députés. Mais les élections du 24 novembre ne répondirent pas à ses vœux. La discussion de l'adresse de la chambre nouvelle remit sur le tapis l'exécution du traité de la quadruple alliance et amena de nouveaux débats entre Molé et Thiers. Les diverses oppositions redoublaient d'ardeur contre le cabinet : une polémique engagée dans la presse les décida à se concerter pour le renverser.

Louis-Philippe, qui avait de l'amitié, et même de la tendresse pour Molé, l'exhortait à tenir bon, le réconfortait constamment. En août 1838, il lui fit l'honneur insigne de se rendre chez lui au château de Champlâtreux et d'y présider un conseil des ministres. La scène fut immortalisée par un tableau d'Ary Scheffer que le roi offrit à son chef de gouvernement.

La coalition employa toute l'année 1838 à préparer son offensive pour la session de 1839. La discussion de l'adresse donna lieu à un combat acharné opposant surtout Molé à Guizot. Cette lutte grandit singulièrement le président du Conseil dont la défense étonna à la fois ses adversaires et ses amis. Molé parvint à faire amender le projet d'adresse préparé par la coalition mais, le jour même du vote (8 mars), il remit sa démission au roi. Le ministère se retira le lorsque fut connu le résultat des nouvelles élections législatives, qui lui étaient défavorable.

Molé s'éloigna dès lors du premier plan de la vie politique. Il fut élu à l'Académie française le .

En 1844, Adolphe Crémieux ayant fait voter par la Chambre qu'« aucun membre du parlement ne pourra[it] être adjudicateur ou administrateur dans les compagnies de chemins de fer auxquelles des concessions seraient accordées », Molé, qui était président du conseil d'administration de la Compagnie de l'Est, se trouva visé : « Je leur jetterai au nez tous les chemins de fer passés, présents et futurs », écrivit-il à Barante[1].

Son nom fut plusieurs fois mis en avant dans plusieurs crises et, en février 1848, Louis-Philippe le chargea, mais en vain, de former un cabinet pour tenter de sauver la monarchie de Juillet.

Sous la Deuxième République

Molé, député à l'Assemblée nationale, en 1848

Après la révolution de 1848, le comte Molé fut porté candidat à l'Assemblée constituante par les « anciens partis » dans le département de la Gironde en remplacement de Lamartine qui avait opté pour la Seine. Élu le [8], il siégea dans les rangs de la droite, dont il fut l'un des chefs. Sans prendre souvent la parole, il n'en eut pas moins d'influence. Il vota contre l'amendement Grévy sur la présidence de la République, contre le droit au travail, pour l'ensemble de la Constitution, pour la proposition Rateau, contre l'amnistie, pour l'interdiction des clubs, pour les crédits de l'expédition de Rome, contre la demande de mise en accusation du président et de ses ministres.

En vue de l'élection présidentielle du , il avait favorisé ouvertement la candidature du général Cavaignac : « Il a sauvé la nation, qui ne pourra jamais l'oublier », déclarait-il à la tribune le 26 octobre. Rallié ensuite au gouvernement de Louis-Napoléon Bonaparte, il soutint à l'Assemblée législative, où il fut élu le par le département de la Gironde[9] toutes les mesures qui signalèrent l'accord du pouvoir exécutif et de la majorité : il appuya l'expédition de Rome, la loi Falloux sur l'enseignement, fut membre de la commission des dix-sept qui prépara la loi du 31 mai sur le suffrage universel, mais se sépara du prince-président quand la politique de l'Élysée devint contraire aux intérêts monarchiques. Il se prononça contre le coup d'État du 2 décembre 1851 et fit partie des représentants qui se réunirent à la mairie du Xe arrondissement pour élever une protestation.

Rentré dans la vie privée, il mourut d'une attaque d'apoplexie le dans son château de Champlâtreux.

Le comte Molé avait été conseiller général de Seine-et-Oise.

Décorations

Académicien français

Élu à l'Académie française le (par 30 voix sur 31), en remplacement de Mgr de Quelen, archevêque de Paris, le même jour où Victor Hugo échouait contre Flourens, il fut reçu le 30 décembre suivant par André Dupin. Molé fut chargé du discours de réception d'Alexis de Tocqueville (), et aussi de celui d'Alfred de Vigny () qui fut d'une rare cruauté à l'égard des œuvres, des conceptions littéraires et des jugements politiques du poète[10]

Jugements

« Il fit une carrière de larbin politique, plat comme une limande devant ses maîtres et gonflé d'une venimeuse vanité pour ses subordonnés. À sa décharge, il faut dire que ses ancêtres avaient, dans l'ensemble, fait preuve d'un caractère comparable sous l'Ancien Régime. » (Alfred Fierro, André Palluel-Guillard, Jean Tulard, Histoire et dictionnaire du Consulat et de l'Empire, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1995, p. 959 - (ISBN 2-221-05858-5))
« Un jugement droit, une élocution sans relief, mais suffisante et sobre, beaucoup de tenue, de la présence d'esprit et du sang-froid, de l'habileté dans le maniement des hommes, tout ce que donne l'habitude des grandes relations, l'expérience des affaires, une politique apprise à l'école de l'Empire, et par conséquent le goût du despotisme, mais avec cela une facilité singulière à se plier au joug des circonstances, peu d'élévation dans les vues, nulle hardiesse dans l'exécution, un amour-propre inquiet et trop aisément irritable : voilà ce que M. Molé avait apporté aux affaires en qualités et en défauts. » (cité par le Dictionnaire des parlementaires français)

Armoiries

Figure Blasonnement
Armes du comte Molé et de l'Empire (institution de majorat attaché au titre de comte de l'Empire, accordée par lettres patentes du , à Schœnbrunn)

Écartelé au premier et quatrième de gueules au chevron d'or, accompagné en chef de deux étoiles d'or et en pointe d'un croissant de même ; et au second et troisième d'argent au lion de sable armé et lampassé d'or ; le franc-quartier des comtes conseillers d'État brochant sur le premier au neuvième de l'écu[11],[12],[13].

Armes du comte Molé, pair de France (membre de la Chambre des pairs : , , comte-pair héréditaire le sans majorat[14])

Écartelé, aux 1 et 4, de gueules au chevron d'or, accompagné en chef de deux étoiles aussi d'or et en pointe d'un croissant d'argent (Molé) ; aux 2 et 3 d'argent à un lion de sable armé et lampassé d'or (Mesgrigny)[15],[16],[17],[18],[14].

Notes et références

  1. Cité par le Dictionnaire des parlementaires français.
  2. Charles de Rémusat, Mémoires de ma vie, Plon, 1959, T.3. p.170.
  3. Jacques-Alain de Sédouy, Le comte Molé, Perrin, 1994, p.180.
  4. Sédouy, Le comte Molé, p239.
  5. Molé est d'une susceptibilité aiguë et supporte mal que l'ambassadeur à Londres, Talleyrand, corresponde directement avec le roi par l'entremise de Madame Adélaïde, n'envoyant à son ministre que de banales dépêches.
  6. « M. Molé devant M. Guizot, c'était la susceptibilité patricienne aux prises avec l'orgueil. Le premier s'irritait d'avoir la suprématie à conquérir, le second affectait, à l'égard de l'homme qui la lui contestait, une sorte d'étonnement dédaigneux dont rien n'égalait l'injure. De là un duel sourd, dans lequel les conceptions législatives, les desseins politiques, l'emploi des agents, les mesures les plus générales en apparence n'entraient que comme des armes à l'usage de la jalousie. » (cité par le Dictionnaire des parlementaires français).
  7. L'apanage devait comprendre le domaine de Rambouillet, les forêts de Sénonche, Châteauneuf et Montécaut.
  8. 22 818 voix sur 45 527 votants et 173 778 inscrits.
  9. 8e sur 13 par 69 635 voix sur 125 001 votants et 179 161 inscrits.
  10. Le texte du discours du comte Molé est consultable sur le site de l'Académie française.
  11. PLEADE (C.H.A.N. : Centre historique des Archives nationales (France)).
  12. « Mathieu-Louis Molé (1781-1855), comte de l'Empire », sur www.napoleon-empire.net (consulté le ).
  13. Nicolas Roret, Nouveau manuel complet du blason ou code héraldique, archéologique et historique : avec un armorial de l'Empire, une généalogie de la dynastie impériale des Bonaparte jusqu'à nos jours, etc., Encyclopédie Roret, , 340 p. (lire en ligne).
  14. (en) « Armory of the French Hereditary Peerage (1814-30) », sur www.heraldica.org (consulté le )
  15. Il arrive que le lion soit lampas de gueules, et non d'or.
  16. M. Jouffroy d'Eschavannes, Armorial universel, tome 2, 1848.
  17. Jean Baptiste Pierre Jullien de Courcelles (M. le Chevalier de Courcelles), Histoire généalogique et héraldique des pairs de France, Volume 8, 1827.
  18. Jean-Baptiste Rietstap, Armorial général, t. 1 et 2, Gouda, G.B. van Goor zonen, 1884-1887.

Voir aussi

Sources

Bibliographie

  • Yvert Benoît (dir.), Premiers ministres et présidents du Conseil. Histoire et dictionnaire raisonné des chefs du gouvernement en France (1815-2007), Paris, Perrin, 2007, 916 p.

Liens externes

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