Faillite de la Sabena

La faillite de la Sabena désigne la liquidation judiciaire de la compagnie aérienne nationale belge Sabena. Elle eut lieu le , mettant de facto un terme aux emplois des 8 029 personnes employées par la Sabena SA et impactant grandement les autres membres du Groupe Sabena, qui employait près de 13 000 personnes à l'époque.

Faillite de la Sabena
Titre Faillite de la Sabena
Pays Belgique
Tribunal Français et néerlandais Tribunal de commerce de Bruxelles
Date
Détails juridiques
Territoire d’application Belgique
Branche Cour d'appel
Chronologie
Solution La responsabilité de la faillite est donnée à SAirGroup, maison mère de Swissair.
Voir aussi

C'est à ce jour la faillite la plus importante du Royaume[1].

Contexte

La compagnie aérienne suisse Swissair détenait 49,5% de la Sabena et fit faillite 1 mois avant la compagnie belge.

La Sabena SA était une société anonyme crée en 1923, à l'époque où les nations souhaitaient avoir une compagnie aérienne porte-drapeau, à l'instar de la KLM néerlandaise, créée en 1919. Les investissements insuffisants de l’État n'ont pourtant jamais permis que la Sabena soit une entreprise rentable et il était très fréquent que les gouvernements successifs doivent injecter de l'argent public afin de maintenir la compagnie à flots. Ce compromis « public / privé » belge ne concernait pas que la Sabena. On peut également citer la Société nationale des chemins de fer belges[2] ou Electrabel, qui existent encore aujourd'hui. Il fut cependant remise en cause par les différents traités européens de la Communauté économique européenne (dont la Belgique était un état fondateurs en 1957) puis par l'Union européenne. Au fur et à mesure des années, l'état belge a donc décidé de céder de plus en plus de ses parts de la Sabena à des actionnaires privés et envisageait de la privatiser entièrement[3], la société étant devenue un poids que le gouvernement fédéral souhaitait de moins en moins supporter, particulièrement dans les logiques de privatisation menées par les différentes réformes de l’État belge dès les années 1960. Depuis 1995, l'actionnaire minoritaire était la compagnie aérienne suisse Swissair (qui fit également faillite le ), à hauteur de 49,5%. Le reste des parts étant détenues par l’État belge.

Endettement

A la veille de sa faillite, la Sabena était endetté à hauteur de plus de 2 milliards d'euros[4].

Alliances

La Sabena avait d'abord conclu une alliance avec Air France entre 1992 et 1994.

Depuis les années 1980, le manque de rentabilité de la Sabena et les difficultés de capitalisation de l’État la pousse à devoir s’allier avec d'autres compagnies aériennes afin de survivre. Un premier projet d'alliance avec Scandinavian Airlines se profile en 1987 mais est abandonné.

En 1992, la Sabena s'allie à Air France, sans toutefois que cette dernière n'injecte du capital dans la compagnie belge. L'accord est rompu en 1994, année où un audit de la banque Lazard avait conclu à la nécessité de recapitaliser la Sabena au minimum à hauteur de 248 millions €.

En 1995, la compagnie Suisse Swissair, alors partenaire avec Delta Air Lines, se montre intéressée par une alliance avec la Sabena, notamment suite à ses propres échecs d’alliance avec SAS, Austrian Airlines et KLM. Cette alliance offre à Swissair l’accès à l’Union européenne via le hub de l'aéroport de Bruxelles-National, ainsi que les destinations extra-européennes via une compagnie à majorité belge, et notamment le réseau africain de la Sabena. Le partenariat est conclut le et Swissair possède alors 49.5% des parts de la Sabena, l’État belge gardant 50.5%. Cependant, la compagnie suisse devient actionnaire majoritaire grâce ses warrants. La Commission européenne donne son feu vert[5] à un apport de 161,13 millions d'euros de Swissair au capital de la Sabena à condition que :

  • L'administrateur-délégué soit nommé sur proposition du président du conseil d’administration et de Swissair.
  • Le planning et la gestion de l’ensemble des réseaux s’effectuent selon les normes et procédures déterminées par Swissair.
  • Un plan de restructuration de la Sabena soit rapidement mis en place afin d'atteindre au minimum un équilibre financier.
  • L’État belge poursuivre la recapitalisation de la société.
  • La division Sabena Catering soit reprise par Gate Gourmet, la filiale restauration de Swissair.
  • L'harmonisation des flottes d'avions, la Swissair volant majoritairement avec des Airbus et la Sabena avec des Boeing.

En juillet 1995, le nouveau Conseil d'administration est mis en place et en 1996, Pierre Godfroid est remplacé par le suisse Paul Reutlinger[6].

Plans de restructuration

Le nouveau CEO suisse met alors en place un plan économique nommé « Horizon 1998 », avec pour but 116,51 millions € d’économies. La même années, les pertes de la Sabena atteignent 223,10 millions € et que celles de Swissair (devenue le holding SAirGroup) atteignent 297,49 millions €. Le , Paul Reutlinger annonce qu'il quitte la Sabena et qu'il sera remplacé par l'allemand Christoph Müller[7]. En octobre 2000, le nouveau CEO présente son nouveau plan de restructuration: « Blue Sky », en vue de réaliser quelque 357 millions € d’économies.

Plans de la dernière chance

Le gouvernement belge, notamment via son ministre des finances Didier Reynders tenta de mettre sur pieds des plans de relance afin d'attirer de nouveaux investisseurs. L'un des repreneurs potentiels s'étant manifesté était la compagnie aérienne britannique low-cost Virgin Express de Richard Branson[8].

C'est finalement la faillite qui est décidée comme meilleure option avec un plan de création d'une nouvelle compagnie aérienne nationale sur base de la compagnie Delta Air Transport alors filiale de la Sabena.

La faillite

Le dernier vol fut opéré le entre Abidjan (Côte d'Ivoire), Cotonou (Bénin) et Bruxelles, par cet Airbus A340-300 immatriculé OO-SCZ.

Chronologie

Déroulement

L'annonce de la faillite fut faite aux syndicats par Ferdinand Chaffart, président du conseil d'administration de la compagnie lors d'un conseil d'entreprise le à 18 h[9]. La faillite sera officiellement proclamée le par le tribunal de commerce de Bruxelles, dans la foulée de la faillite de la compagnie suisse Swissair, son principal partenaire et actionnaire, ayant suspendu ses activités le .

Le dernier vol de la Sabena (SN690) fut opéré le entre Abidjan (Côte d'Ivoire), Cotonou (Bénin) et Bruxelles, par un Airbus A340-300 immatriculé OO-SCZ qui se posa à 11 h 5 avec à son bord 266 passagers et 11 membres d'équipage[10]. Symboliquement l’appareil fut arrosé[11] par les pompiers de l’aéroport et, une fois immobilisé, une partie du personnel encercla l'avion en se tenant par la main[12].

Curatelle

La curatelle eu notamment pour mission de liquider les biens de la Sabena, dont l'Hôtel des Mille Collines à Kigali, tristement célèbre suite à son rôle dans le génocide des Tutsi et pour avoir été le théâtre du film Hôtel Rwanda.

Suite à la faillite, une mise sous curatelle fut ordonnée afin de liquider les actifs de la Sabena ou de faire poursuivre l'activité de certaines filiales. Celle-ci se pencha particulièrement sur la Sabena Hotels, la Sabena Flight Academy, Belgian Fueling and Service Company, Atraxis et Sabena Technics[13].

Causes

Lors du procès de la Sabena, l'arrêt de la Cour d'appel fut rendu le et estima que la responsabilité de la faillite était imputée à SAirGroup, maison-mère de Swissair qui n'aurait pas respecté toutes ses obligations de refinancement de la compagnie belge dans la dernière année de son existence. Cependant, de nombreuses autres causes furent mises en évidences et l'ensemble des facteurs est à prendre en considération.

Harmonisation de la flotte

Le choix d'achat de 34 avions européens Airbus afin d’harmoniser les deux flottes était clairement en faveur de la Swissair puisque la Sabena disposait majoritairement d'avions américains tels que des Boeing ou des McDonnell Douglas, alors que la Swissair volait principalement avec des Airbus. De plus, la Sabena a choisi un système de leasing pour ses nouveaux Airbus. Et en attendant leur livraison elle acheta des capacités de vol pour plusieurs destinations (déficitaires pour la Sabena) à Virgin Express et conclu un contrat de location jusqu'en 2003 d’un montant de 116,51 millions € avec City Bird. En 2015, la curatelle de la Sabena saisissa le tribunal de commerce de Bruxelles pour réclamer plus de 95 millions d'euros de dommages et intérêts à Airbus dans le cadre de cette affaire[14].

Attentats du 11 septembre 2001

Les attentats du 11 septembre 2001 vinrent porter le coup de grâce à la Sabena suite à la réduction de la demande dans le transport aérien mondial.

Conséquences

Économiques

Parmi les entreprises ou entités directement impactées par la faillite, on peut citer l'aéroport de Bruxelles-National qui vit le nombre de ses passagers chuter drastiquement à partir de l'année 2001. Un rapport officiel d'évaluation des risques économiques de la faillite de la Sabena fut émit par le bureau fédéral du Plan en mars 2002[15].

Sociales

La faillite de la Sabena entraina la perte des 8 029 emplois liés directement à la compagnie aérienne. Elle impacta également bon nombre d'autres entreprises, comme ses filiales, dont la Sobelair ou Delta Air Transport.

En 2021, l'équivalent d'1,85millions d'euros, à l'époque épargnés en francs belges par le personnel de la Sabena via des fonds de pension, étaient toujours bloqués en attente de décision juridique de la curatelle[16].

Juridiques

Une commission d'enquête parlementaire fut mise sur pieds et chargée de faire la lumière sur les circonstances de la faillite de la Sabena. La commission, présidée par Raymond Langendries[17] édita un rapport de plus de 300 pages et rendit ses conclusion devant la Chambre le . Selon elle, la première cause de la faillite de la Sabena est l’attitude du groupe Swissair, qui n’a « pas respecté ses engagements vis à vis de la Sabena »[18]. Elle cite également une « culture d’entreprise publique », un « processus décisionnel trop lent », une « productivité trop faible » ainsi qu’une « structure de coûts trop élevée ». Son rapport rappelle aussi qu’aucune autre compagnie aérienne se proposa pour s’associer à la Sabena, alors qu'une augmentation de capital était essentielle à la survie de la compagnie. La gestion des autorités belges fut également mise en cause pour son manque de cohérence, les gouvernements adoptant des politiques variables au fil du temps. Quant au conseil d’administration de la Sabena, il lui a été reproché d'être resté trop passif, notamment au moment des achats des 34 Airbus afin de calquer la flotte de la Sabena sur celle de la Swissair. Raymond Langendries déplora également des pressions subies par les membres de la commission par des politiciens belges ne souhaitant pas être mis en cause à 3 mois des élections législatives fédérales belges de 2003[19].

Nouvelle compagnie aérienne

La SN Brussels Airlines succéda à la Sabena. Ici un Airbus A319 en 2004.
Brussels Airlines succéda à SN Brussels Airlines et opère encore aujourd’hui d'anciens avions ayant appartenu à la Sabena. Ici un Airbus A330-300 immatriculé OO-SFX.

Dès l'officialisation de la faillite, le gouvernement belge mit en place le projet Newsab qui devait doter la Belgique d'une nouvelle compagnie aérienne porte-drapeau. Celui-ci fut entre autres mené par Étienne Davignon et Maurice Lippens, deux hommes d'état et d'affaires de la noblesse belge, qui rassemblèrent un ensemble d'acteurs financiers belges et d'investisseurs. Cet ensemble fut nommé SN Air Holding et commença par acheter 92 % des parts de Delta Air Transport, une compagnie aérienne anciennement filiale de la Sabena. Les actions se concrétisèrent par la création de la compagnie SN Brussels Airlines le .

Cette compagnie fusionna avec Virgin Express le , soit 5ans jours pour jours après la faillite de la Sabena. La nouvelle compagnie se nomma Brussels Airlines et est toujours en activités aujourd'hui.

Procès

Plaintes

La justice belge a été saisie de plusieurs plaintes déposées notamment par d’anciens employés de la Sabena pour abus de bien sociaux, escroquerie et faillite frauduleuse. Six anciens responsables de la compagnie aérienne furent notamment inculpés de fraude fiscale via la création de la société Sabbel, filiale off-shore de la Sabena qui était basée aux Bermudes et créée pour assurer les risques non-liés aux activités aéronautiques de la compagnie belge[20].

Déroulement de l’enquête

En septembre 2002, le juge Jean-Claude Van Espen mena des auditions et des perquisitions à Toulouse, au siège d'Airbus à la recherche de malversations éventuelles[21] et des circonstances liées à l'achat de 34 Airbus par la Sabena en 1997, alors qu’elle ne prévoyait pas d’en acquérir plus de 17, noamment d'éventuelles pressions de Swissair, alors actionnaire à 49,5% de la Sabena.

Verdict

L'arrêt de la Cour d'appel fut rendu le et estima que la responsabilité de la faillite était imputée à SAirGroup[22], maison-mère de Swissair qui n'aurait pas respecté toutes ses obligations de refinancement de la compagnie belge dans la dernière année de son existence.

Autour de la faillite

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références

Bibliographie

  • Philippe DOYEN, Sabena: le roman d'une faillite., Labor, (ISBN 2804016978)
  • Guy VANTHEMSCHE, Sabena: 1923-2001, des origines au crash., De Boeck, (ISBN 2804139816)

Références

  1. « Que sont devenus les employés de la Sabena? », sur frerealbert.be
  2. « « Si on ne modernise pas la SNCB, nous aurons une Sabena bis. » - Jacqueline GALANT, ministre de la mobilité. », sur L'Echo.
  3. « Quinze ans après, l'affaire Sabena n'est toujours pas classée. », sur L'Echo.
  4. « La faillite de la Sabena est proche. », sur Le Parisien
  5. « L'accord officiel entre la Sabena et la Swissair, validé par la CEE. », sur ec.europa.eu
  6. « Le départ de Pierre Godfroid calme les esprits. », sur Le Soir.be
  7. « Exit Paul Reutlinger. », sur La Libre Belgique.
  8. « A quel jeu joue Virgin Express?. », sur La Libre Belgique
  9. « Journal télévisé du 7 novembre 2001. », sur RTBF Auvio
  10. (en) « Il y a 19ans, la Sabena déclarait faillite », sur Aviation24.be
  11. « Il y a 15ans, la Sabena faisait faillite. - JT RTBF du 7 novembre 2011. », sur L'avenir.net
  12. « Les images émouvantes du dernier vol de la Sabena. », sur La Libre Belgique
  13. « Lettre des curateurs aux créanciers de la Sabena. », sur Sabena in bankrupcy
  14. « La curatelle de Sabena réclame 95 millions à Airbus. », sur Le Vif.be
  15. « évaluation des risques économiques de la faillite de la Sabena SA. », sur Site internet officiel du Bureau fédéral du Plan.
  16. « Le personnel de la Sabena attend depuis 20 ans des sommes bloquées dans un fonds. », sur La Libre Belgique.
  17. « Le rapport de la commission d’enquête parlementaire à propos de la faillite de la Sabena est prêt. », sur Site internet de la DH.
  18. « Rapport officiel de séance plénière de la Chambre présentant les conclusions de la commission d’enquête parlementaire à propos de la faillite de la Sabena. », sur Site internet officiel de La Chambre.
  19. « Un rapport accablant pour Swissair. », sur Site internet de La Libre Belgique.
  20. « Le curateur de la Sabena: "Je suis têtu, déterminé, même après douze ans de procédure". », sur La Libre Belgique
  21. « Faillite de la Sabena: perquisitions en cours au siège d’Airbus à Toulouse. », sur La Dernière Heure
  22. « La Swissair condamnée pour la faillite de la Sabena. », sur RTBF
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