Inhibiteur de la pompe à protons
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont un groupe de molécules dont l'action principale est une réduction prononcée et de longue durée (18 à 24 heures) de la production d'acidité gastrique en agissant sur la pompe à protons.
Le groupe des IPP est le successeur des antihistaminiques H2 et les a largement supplantés du fait de sa supériorité. Le premier IPP est apparu sur le marché en 1987 (AMM MOPRAL 20 mg gélule gastrorésistante le 15/04/1987 en France).
Usage clinique
Ces médicaments sont utilisés dans le traitement de divers états, tels :
- la dyspepsie ;
- l'ulcère gastro-duodénal ;
- Les IPP sont utilisés pour soigner ou prévenir les ulcères gastriques et duodénaux. Ils sont aussi utilisés en association avec deux antibiotiques dans les traitements anti-helicobacter. Les antibiotiques sont peu efficaces en milieu acide, c'est la raison pour laquelle les IPP sont indispensables ;
- le syndrome de Zollinger-Ellison ;
- le reflux gastro-œsophagien (RGO) : suivant la gravité du RGO, les traitements peuvent aller de quelques semaines à plusieurs mois ;
- les états de stress de façon préventive. Au cours d'un infarctus, d'un accident vasculaire cérébral…
Les IPP sont aussi utilisés lors d'un traitement durable à l'aspirine et aux AINS. L'aspirine inhibe les prostaglandines ainsi que la cycloxygènase 1 (COX 1) ; par conséquent, le mucus est de moins bonne qualité, ce qui a pour effet de réduire la protection de la muqueuse gastrique aux attaques acides.
Prescription
La prescription d'inhibiteurs de la pompe à protons reste très importante, pour un coût notable, mais les indications ne sont pas toujours bien respectées : entre 25 et 75 % des prescriptions sont faites en dehors des indications classiques[1].
Selon la réévaluation des médicaments IPP de 2009, émise par la Haute Autorité de santé, aucune différence d'efficacité cliniquement pertinente n'est avérée entre les IPP permettant de recommander un produit au détriment d'un autre dans une indication donnée[2],[3].
À la suite d'essais thérapeutiques et d'études de pHmétrie, des avantages significatifs sont notés pour l'utilisation de l'ésoméprazole et le rabéprazole par rapport aux autres produits dans le traitement à la demande du reflux gastro-œsophagien (RGO)[4].
Déprescription
Certains produits dont les IPP sont parfois utilisés au long cours et leur prescription renouvelée. Le bénéfice initial peut alors ne plus être présent, et les effets indésirables, les risques et le rapport coût bénéfice devenir défavorable.
Le centre de recherche "OPEN" au Canada développe des algorithmes de déprescription[5].
Mécanisme d'action
Ce type de médicament inhibe l'enzyme gastrique H+, K+-ATPase (la pompe à protons), catalyseur de l'échange des ions H+ et K+. Il entraîne une inhibition efficace de la sécrétion acide basale et de la sécrétion acide stimulée.
Dans le micro-canal où le pH est bas (≤2), ces inhibiteurs sont ionisés et modifiés en molécules actives qui se connectent en liaisons covalentes avec le groupe sulfhydryle[6] (-SH) de la cystéine de la sous-unité a de la pompe. Ainsi, d'une manière irréversible, la pompe est inhibée. La reprise d'activité de pompage nécessite la synthèse de nouvelles pompes. Étant donné que la demi-vie de renouvellement des pompes est approximativement de 18 à 24 heures, une prise unique permet une inhibition de près de 24 heures[7].
Le fait que les inhibiteurs ne soient actifs qu'en milieu acide, après protonation, explique qu'ils ont peu d'effets sur la H+/K+-ATPase extra-gastrique située au niveau du rein et du colon.
Si ces inhibiteurs étaient administrés sous forme non gastro-résistante, ils se transformeraient en métabolite actif dans l'estomac, mais sans pour autant atteindre au niveau du micro-canal une concentration suffisante pour inhiber la pompe à protons.
La sécrétion de Cl- qui est parallèle à celle de H+ pour donner HCl, n'est pas directement modifiée par les inhibiteurs de la H+/K+-ATPase. Le mécanisme de la sécrétion de Cl- reste mal connu. Elle paraît couplée à celle du potassium, ce qui permet le recyclage de ce dernier.
Une conséquence de l'inhibition de H+/K+-ATPase gastrique est l'élévation réactionnelle de la gastrinémie, très importante chez le rat, mais faible chez l'homme. L'hypergastrinémie pourrait entraîner une hyperplasie des cellules entérochromaffines.
Types de produits
Appartenant à la classification ATC A02BC[8], cette dernière est composée des produits :
- oméprazole (Mopral, Losec, Logastric, Mopralpro), disponible sous forme de génériques depuis 2002. Il s'agit du premier (chronologique) inhibiteur de la pompe à protons, sortie en 1989 ;
- pantoprazole (Pantoloc, Inipomp, Eupantol, Panthomed) ; disponible sous forme de médicament générique depuis 2009 ; 1re AMM en 1995[2] ;
- lansoprazole (Lanzor)[9] ; dont l'AMM a été autorisée à partir du 5 août 2000 pour le produit Lanzor[10] ;
- rabéprazole (Pariet)[11] ; dont l'AMM a été autorisée depuis le 25 novembre 1998 pour le produit Pariet du laboratoire Janssen-Cilag (en)[12] ;
- ésoméprazole (Inexium, Nexium, Nexiam) disponible depuis 2000 ;
- dexlansoprazole et lansoprazole (Lanzor, Ogast, Dakar, Prevacid, Iposec) ; disponible sous forme de médicament générique depuis 2007 ;
Effets secondaires
Ces médicaments sont généralement bien tolérés[13]. La majorité des effets indésirables rapportés étaient légers et transitoires et ne présentaient pas de lien constant avec le traitement.[réf. nécessaire]
Les manifestations indésirables suivantes ont été rapportées dans les monographies : diarrhée, céphalées, flatulence, douleurs abdominales, étourdissements/vertige, éruptions cutanées, allongement de la durée des règles chez la femme, palpitations cardiaques[14].
Des cas de constipation prolongée sont signalés et disparaissent avec l'arrêt du traitement. Ils pourraient favoriser la survenue d'une entérocolite à clostridium difficile chez certains patients fragiles[15]. De même, certains cas de baisse du magnésium lui ont été attribués[16].
Plusieurs cas de néphrites interstitielles aigües (maladie rénale) ont également été décrits[17].
Les inhibiteurs de la pompe à protons diminueraient l’absorption du calcium[18] et favorisent des anémies par des déficits en fer et en vitamine B12[19]. Certains inhibiteurs interviendraient directement sur la résorption osseuse[20]. Par ces biais, ils augmenteraient le risque de fracture de la hanche, surtout chez la femme fumeuse[21].
Par ailleurs, les effets de la prise à long terme, méconnus jusqu'à récemment, posent de plus en plus de soucis. Citons entre autres deux études publiées en 2009, l'une montrant de forts risques de complications infectieuses[22], l'autre des liens entre l'usage de ces médicaments et le cancer gastrique[23],[24]. L'usage prolongé de ce type de médicaments semblent être, par ailleurs, corrélé avec un risque plus important de faire un accident cardio-vasculaire[25]. Les raisons de cela ne sont pas clairs. Il semble toutefois que les inhibiteurs de la pompe à protons puisse favoriser une altération de l'endothélium vasculaire[26].
L’arrêt du traitement par les IPP peut entraîner un rebond sécrétoire acide. En effet, les troubles gastriques qui sont à l'origine du traitement peuvent réapparaitre rapidement, il est recommandé d'effectuer une diminution progressive de la posologie avant l’arrêt du traitement[13].
Notes et références
- (en) Forgacs I, Loganayagam A, Overprescribing proton pump inhibitors, BMJ, 2008;336:2-3, publié le 3 janvier 2008 sur le site du British Medical Journal (consulté le 10 mars 2018)
- [PDF] Commission de la transparence : Réévaluation des médicaments inhibiteurs de la pompe à protons chez l’adulte, 55 pages, publié le 7 janvier 2009 sur le site de la Haute Autorité de santé (consulté le 10 mars 2018)
- [PDF] Quatre points-clés sur les IPP, 2 pages, publié en janvier 2010 sur le site Ameli (consulté le 17 mars 2018)
- Les nouveaux inhibiteurs de la pompe à protons, un progrès dans la prise en charge des maladies acido-peptiques ?, publié le 29 février 2008 sur le site em-consulte.com (consulté le 17 mars 2018)
- [PDF] Guide de pratique de déprescription d'IPP, 2 pages, publié en mars 2016 sur le site de la (en) Recherche OPEN déprescription au Canada (consulté le 10 mars 2018)
- Cystéine et pont disulfure, publié le 21 juin 2016 par Emmanuel Jaspard, sur le site de la section Biochimie de l'université d'Angers (consulté le 17 mars 2018)
- Inhibiteurs de la pompe H+, K+-ATPase, publié le 5 septembre 2016 sur le site Pharmacorama.com (consulté le 17 mars 2018)
- Classe A02BC, inhibiteurs de la pompe à protons, publié sur le site du Dictionnaire Vidal (consulté le 17 mars 2018)
- Désignation des produits liés à la lansoprazole, publié sur le site du Dictionnaire Vidal (consulté le 17 mars 2018)
- [PDF] Avis d'AMM pour le produit Lanzor, 6 pages, publié le 18 décembre 2002 sur le site de la Haute Autorité de santé (consulté le 17 mars 2018)
- Désignation des produits liés à la rabéprazole, publié sur le site du Dictionnaire Vidal (consulté le 12 mars 2018)
- [PDF] Avis d'AMM pour le produit Pariet, 2 pages, publié le 15 février 2010 sur le site de la Haute Autorité de santé (consulté le 12 mars 2018)
- Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) remis en question, publié le 2 août 2017 par Estelle B., sur le site sante-sur-le-net.com (consulté le 17 mars 2018)
- Inhibiteurs de la pompe à protons, publié en 2015 par Olivier Reinberg sur le site de la Revue Médicale Suisse (consulté le 10 mars 2018)
- (en) Aseeri M, Schroeder T, Kramer J, Zackula R, Gastric acid suppression by proton pump inhibitors as a risk factor for clostridium difficile-associated diarrhea in hospitalized patients, Am J Gastroenterol, 2008;103:2308-13, publié le 1er septembre 2008 sur le site nature.com (consulté le 10 mars 2018)
- (en) Epstein M, McGrath S, Law F, Proton-pump inhibitors and hypomagnesemic hypoparathyroidism, N Engl J Med, 2006;355:1834-6, publié le 26 octobre 2006 sur le site The New England Journal of Medicine (consulté le 10 mars 2018)
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Bibliographie
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