Vignoble et vins de Gascogne

Le vignoble de Gascogne produit un ensemble de vins rouges, de vins rosés, et de vins blancs secs ou moelleux au sein d'une dizaine d'appellations AOC (appellation d'origine contrôlée) et de plusieurs IGP (indication géographique protégée). Il comprend aussi l'aire de production de l'Armagnac, une eau-de-vie de vin, et du Floc de Gascogne, un vin de liqueur.

Vignoble et vins de Gascogne

Mosaïque de vigne, villa de Séviac.

Désignation(s) Vignoble et vins de Gascogne
Appellation(s) principale(s) madiran,
pacherenc-du-vic-bilh,
jurançon,
saint-mont,
tursan,
béarn,
brulhois,
buzet,
irouléguy,
côtes-de-gascogne,
coteaux-de-chalosse,
sables-de-l'océan
Type d'appellation(s) AOC-AOP et IGP
Pays France
Région parente Vignoble du Sud-Ouest
Localisation Ariège,
Gers,
Landes,
Lot-et-Garonne,
Pyrénées-Atlantiques,
Hautes-Pyrénées,
Tarn-et-Garonne
Climat Océanique,
et aussi climat des Pyrénées au sud du vignoble
Cépages dominants tannat N,
cabernet franc N,
cabernet sauvignon N,
fer servadou N,
petit manseng B,
gros manseng B,
courbu B,
petit courbu B,
merlot N[1]
Vins produits rouges,
rosés,
blancs,
moelleux ou liquoreux,
vin de liqueur,
eau-de-vie de vin

Plusieurs cépages sont typiques du vignoble de Gascogne, tel le tannat, caractéristique de plusieurs de ses vins rouges et qui procure des vins tanniques, ou des cépages tels que le petit manseng et le gros manseng pour les vins blancs[2].

Situation

Le vignoble de Gascogne est d'un point de vue géographique et topologique un sous-ensemble du Sud-Ouest de la France[3]. Ses limites naturelles sont les Pyrénées au sud, le golfe de Gascogne (océan Atlantique) à l'ouest. Au nord-ouest, le département de Gironde couvre les terroirs du vignoble de Bordeaux, dont certains pays gascons[N 1] de tradition.

En amont, la Garonne est la limite nord-est de la Gascogne linguistique, aire des parlers gascons[4], jusqu'aux environs du point de confluence de la Garonne avec l'Ariège au sud de Toulouse ; la limite gascon/languedocien reste ensuite plus proche du cours de l'Ariège, jusqu'aux abords des Pyrénées.

Histoire

Étymologie

Le terme Gascogne dérive de Vasconie. Le duché de Vasconie apparait au Haut Moyen Âge, après la fin de l'empire romain, sur les terres de l'Aquitania décrite[N 2] et conquise par Jules César. Le gascon est une langue romane avec un substrat aquitain, forme ancienne du basque toujours présent près de l'océan Atlantique et des Pyrénées au sud-ouest de la Gascogne.

Antiquité

Le vin a été introduit au début de notre ère par les Romains. La production locale de vin en Gascogne, attestée au Moyen Âge, peut remonter à l'Empire romain ; des rinceaux de vigne sont présents sur des mosaïques romanes ou gallo-romaines[5],[6]. Les rites du christianisme, devenu la religion officielle de l'Empire romain au IVe siècle, ont diffusé la consommation de vin chez les clercs et les laïcs riches.

Moyen Âge

Le duché de Vasconie devient possession du duché d'Aquitaine au XIe siècle. Puis le mariage en d'Aliénor d'Aquitaine et du futur (en ) roi d'Angleterre Henri II Plantagenêt inaugurent trois siècles de Gascogne anglaise. Ils seront très favorables au commerce international par voie maritime des vins de Gascogne vers l'Europe du Nord, et particulièrement vers l'Angleterre[7].

Si la Gascogne n'a plus d'autonomie politique à partir du XIe siècle, les documents historiques indiquent le maintien en Gascogne de différences, culturelles et linguistique, avec les régions voisines pendant tout le Moyen Âge et jusqu'au XVIIIe siècle[8]. Le Béarn, à l'origine vicomté du duché de Vasconie, obtint un statut particulier à partir de Gaston Fébus (-).

Avant la période contemporaine, la proximité de transport fluvial ou maritime (et non la voie terrestre) a été nécessaire pour le commerce à longue distance du vin, et pour le développement de la viticulture. Les vins de Bourgogne ont bénéficié notamment de la Seine et ses affluents.

Bordeaux est le grand port par lequel sont exportés les vins de Gascogne, qui transitent par la Garonne et ses principaux affluents. Au Moyen Âge, les termes vins gascons ou vins de Gascogne sont génériques[7] et incluent le vignoble de Bordeaux moderne. Le trafic est limité en hiver, période des fortes tempêtes du golfe de Gascogne[9]. En automne sont exportés les vins du Bordelais ou du bas pays (diocèse de Bordeaux). Au printemps suivant, principalement les vins du haut pays, provenant de villes situées en amont de Saint-Macaire (Gironde) sur la Garonne.

Outre la consommation locale et l'exportation maritime, l'histoire du vignoble est liée au Pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, de nombreux pèlerins prennent les Chemins de Compostelle en France qui traversent le Sud-Ouest et la Gascogne.

Époque moderne

Le commerce avec les Pays-Bas via l'Adour et le port de Bayonne a favorisé, aux XVIIe et XVIIIe siècles, le développement de vignobles voisins du fleuve, en Gascogne et son piémont pyrénéen, ainsi que celui de la distillation (mentionnée en Gascogne dès le XIVe siècle)[2] à l’origine de l'armagnac.

Une tradition durable dans les campagnes de Gascogne a été la goudale (mélange de soupe et de vin rouge) à la fin de la soupe.

Géographie des vignobles

Hydrographie

La géographie des vignobles reflète le réseau hydrographique[9] : pour les bassins fluviaux Garonne et Dordogne, la Dordogne au nord de la Garonne, la Garonne en axe central, et ses affluents le Lot et le Tarn en rive droite, la Baïse en rive gauche. Plus au sud, les vins gascons du piémont pyrénéen des pays de l'Adour transitent par le port de Bayonne via le fleuve Adour et ses principaux affluents (gaves de Pau et d'Oloron).

Sols et climats

Les terroirs du vignoble de Gascogne sont dominés par deux facteurs majeurs différents[10] : les influences océaniques pour le climat, et pour les sols l’érosion des Pyrénées dont proviennent les alluvions charriées par les rivières de Gascogne, les unes faisant partie du bassin du fleuve Adour (partie la plus sud-ouest de la Gascogne), les autres étant affluents en rive gauche de la Garonne.

S'y ajoute, surtout pour les autres terroirs du sud-ouest, l'érosion du Massif central qui alimente les rivières affluents de la Garonne en rive droite, en aval de Toulouse[N 3].

L'ensemble du vignoble de Gascogne a un climat océanique (atlantique), avec des étés chauds et des hivers relativement doux. Les Pyrénées exercent une influence dans leur piémont, avec un effet de foehn favorable aux vins blancs liquoreux (vendanges tardives). De même que le vent d'autan, venu de Méditerranée en passant par le seuil de Naurouze, sur la partie nord de la Gascogne[11].

Répartition géographique

Le vignoble de Gascogne est réparti dans le piémont pyrénéen occidental[2], qui comprend les Pays de l'Adour (au sud-ouest) et les bassins versants des affluents pyrénéens de la Garonne. De la Garonne au nord, aux vallées pyrénéennes au sud (Pays basque excepté), et de l'océan Atlantique (golfe de Gascogne) à l'ouest jusqu'aux environs du méridien de Toulouse à l'est, s'étend aussi l'aire des parlers gascons[4].

Dans le piémont pyrénéen, les vignobles s'étendent sur les collines bordant la Nive, les gaves de Pau et d'Oloron, et l'Adour[11]. Entre Adour et Garonne, au centre de la Gascogne, se trouve le vignoble destiné à l'Armagnac (eau-de-vie) et au Floc de Gascogne. Dans le nord de la Gascogne, se trouvent certaines appellations proches de la Garonne.

Appellations

Gascogne garonnaise

Dans le nord de la Gascogne, se trouvent les appellations de :

  • Buzet, autour de Buzet-sur-Baïse en rive gauche de la Garonne, est situé à la fois vignoble de moyenne Garonne, et de Gascogne. Vins (rouge, rosé et blanc) classés AOC depuis . Sols argilo-calcaires principalement.
  • Brulhois dans le Brulhois : ce terroir (et région naturelle de France) se trouve en rive gauche de la Garonne dans le nord de la Gascogne, et fait face à l'Agenais. Vins (rouge et rosé) classés AOC depuis .

Elles font partie des vins de la Moyenne Garonne[3] qui comprennent aussi : les Côtes-de-duras, les Côtes-du-marmandais et les vins de pays de l'Agenais.

Armagnac

Au centre de la Gascogne, l'Armagnac (classé AOC depuis ) est une eau-de-vie de vin ; l'appellation couvre trois terroirs[12] :

  • Bas-Armagnac, sur une partie des Landes et du Gers. Sols acides et sableux.
  • Armagnac-Ténarèze (ou Ténarèze), sur une (autre) partie du Gers et du Lot-et-Garonne. Sols argilo-calcaires.
  • Haut-Armagnac, sur une autre partie du Gers. Sols calcaires.

Le Floc de Gascogne (classé AOC depuis ), blanc ou rouge, est un vin de liqueur produit dans l'ensemble de l'appellation Armagnac.

Piémont pyrénéen

Autour de l'Adour, se trouvent les appellations[3] :

  • Tursan au sud de l'Adour (Landes et Gers). Vins (rouge, rosé et blanc) classés AOC depuis . Sols de molasse calcaire.
  • Saint-Mont au sud-ouest du Gers. Vins (rouge, rosé et blanc) classés AOC depuis . Sols de marnes calcaires.
  • Madiran, dans le Vic-Bilh, un pays de l'Adour principalement béarnais, mais aussi bigourdan et gersois, situé côté rive gauche, sur les coteaux au-dessus du coude formé par l'Adour. Vin rouge classé AOC depuis [13]. Sols variés (marneux, argilo-calcaires, sablo-argileux, boulbènes).
  • Pacherenc du Vic-Bilh, dans l'aire de Madiran. Vin blanc moelleux classé AOC depuis [13].

L'histoire des vignobles gascons actuels Madiran et Saint-Mont, ancrée au Moyen Âge, a été retracée depuis la Renaissance[14].

Piémont pyrénéen béarnais[3] :

  • Jurançon, situé entre le gave de Pau et le gave d'Oloron. Vin blanc classé AOC depuis [15] (doux) et 1975 (sec). Sols argilo-calcaires et argilo-silicieux.
  • Béarn, sur les terrasses du gave de Pau autour de Bellocq. Le Béarn rosé peut aussi être produit dans l'aire de Madiran, les Béarn rouge ou rosé dans l'aire de Jurançon. Vins (rouge, rosé et blanc) classés AOC depuis , l'appellation Béarn-Bellocq est AOC depuis .

Piémont pyrénéen basque :

Autres vignobles (IGP)

Le label "Indication Géographique Protégée" (IGP) a remplacé les vins de pays :

Appellations, régions viticole et administratives

Plusieurs appellations chevauchent la limite entre les régions françaises Nouvelle-Aquitaine et Occitanie :

Les départements Landes, Pyrénées-Atlantiques et Lot-et-Garonne sont en région Nouvelle-Aquitaine. Les départements Gers, Hautes-Pyrénées et Tarn-et-Garonne sont en région Occitanie.

Notes et références

Notes

  1. Au sud de la Garonne : Médoc, Sauternes (vignoble), Graves, Bazadais. Entre-deux-Mers est situé entre Garonne et Dordogne.
  2. « Aquitania s’étend de la Garonne aux Pyrénées et à la partie de l'océan qui baigne l'Espagne » (Jules César, Commentaires sur la Guerre des Gaules)
  3. En amont de Toulouse, les points de confluence avec la Garonne concernent ses affluents pyrénéens, dont en rive droite la rivière Ariège. En aval de Toulouse, les points de confluence en rive gauche sont avec des rivières (Baïse, Gers, Neste, etc.), originaires des Pyrénées ou de son piémont, en rive droite avec des rivières (Lot, Tarn, Aveyron) originaires du Massif central. Ainsi, in fine, les sols des vignobles de Gascogne ont bénéficié de l'érosion des Pyrénées, les sols des vignobles du Sud-Ouest au nord et à l'est de la Garonne ont davantage reçu de l'érosion du Massif central.

Références

  1. Le code international d'écriture des cépages mentionne la couleur du raisin de la manière suivante : B = blanc, N = noir, Rs = rose, G = gris.
  2. « Vins du Piémont pyrénéen », sur Guide Hachette des Vins (consulté le )
  3. Paul Strang (trad. de l'anglais), Vins et vignerons du Sud-Ouest, Rodez, éditions du Rouergue, , 373 p. (ISBN 978-2-8126-0013-5), « Vins de Gascogne, vins de Madiran et du Pacherenc du Vic-Bilh, vins du Béarn et des Pyrénées »
  4. (fr + oc + oc-gascon) Pierre Bec, La langue occitane, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je? » (no 1059), , 6e éd. (1re éd. 1963), 127 p. (ISBN 978-2-13-039639-0, OCLC 230105602), chap. II (« Fragmentation dialectale du gallo-roman méridional »), p. 44-49 Le gascon
  5. Catherine Balmelle, Recueil général des mosaïques de la Gaule : Province d'Aquitaine méridionale (les pays gascons), Editions du CNRS, (lire en ligne), p. 20
  6. « L'aile Ouest et la galerie intérieure Ouest », sur pierre.caubisens.pagesperso-orange.fr
  7. Yves Renouard, « Les conséquences de la conquête de la Guienne par le roi de France pour le commerce des vins de Gascogne », Annales du Midi, vol. 61, , p. 15-31 (lire en ligne, consulté le )
  8. Guilhem Pépin, « Genèse et évolution du peuple gascon du haut Moyen Âge au XVIIe siècle », Modèles linguistiques, no 66 « Langues et cultures régionales en France : Béarn et Gascogne », , p. 47-79 (lire en ligne, consulté le )
  9. Jean-Christophe Cassard, « Vins et marchands de vins gascons au début du XIVe siècle », Annales du Midi, vol. 90, no 137, , p. 121–140 (DOI 10.3406/anami.1978.1715, lire en ligne, consulté le )
  10. Alain MUR, Les vins de France : Le Sud-Ouest, Dormonval, coll. « Fleurons », , 251 p. (ISBN 2-7372-2269-9), passage=162-171
  11. Andrée Girard, Recueil des vins de France : Guide des appellations, Educagri éditions, , 543 p. (ISBN 978-2-84444-065-5, lire en ligne), « Vins des Pyrénées, Vins de Gascogne »
  12. Rico Rizzitelli, « Armagnac : l’ode à l’eau-de-vie », sur Libération,
  13. « Décret du 10 juillet 1948 — Délimitation de l'aire de production des vins d’appellation « madiran » et « pacherenc-du-vic-bilh »  », sur Journal officiel de la République française, (consulté le )
  14. Rémy Pech, « Une synthèse magistrale sur l'histoire d'un vignoble gascon : Madiran et Saint-Mont. Histoire et devenir des vignobles », Annales du Midi, (lire en ligne)
  15. INAO, « Décret d'appellation du jurançon », légifrance,

Voir aussi

Bibliographie

  • Andrée Girard, Recueil des vins de France : Guide des appellations, Educagri éditions, , 543 p. (ISBN 978-2-84444-065-5, lire en ligne), « Vins des Pyrénées, Vins de Gascogne », p. 174-181, 195-200.
  • Paul Strang (trad. de l'anglais), Vins et vignerons du Sud-Ouest, Rodez, éditions du Rouergue, , 373 p. (ISBN 978-2-8126-0013-5), « Vins de la moyenne Garonne (en partie), vins de Gascogne, vins de Madiran et du Pacherenc du Vic-Bilh, vins du Béarn et des Pyrénées », p. 238-251, 257-281, 282-310, 311-352.
  • Henri Combret, Les vins de Sud Gascogne et du Pays Basque, Combret Henri, (ISBN 2950804446, EAN 978-2950804440).
  • Henri Combret, Les vins gourmands du sud aquitain : Béarn, Irouléguy, Jurançon, Madiran, Pacherenc, Saint-Mont, Tursan, Henri Combret, , 240 p. (ISBN 2-9508044-0-3).
  • Yves Renouard, « Vins gascons et draps anglais, éléments de deux économies complémentaires au XIVe siècle », Annales du Midi, vol. 64, no 18, , p. 164–165 (lire en ligne, consulté le ).
  • Jean-Claude Hinnewinkel, Vignobles et vins en Aquitaine : Images et identités d'hier et d'aujourd’hui, Maison des Sciences de l'Homme d’Aquitaine, (ISBN 978-2-85892-542-1, lire en ligne).
  • Yves Renouard, Histoire médiévale d'Aquitaine : Vin et Commerce du Vin de Bordeaux, t. 2, éditions des Régionalismes, (ISBN 978-2-8240-5350-9, lire en ligne).
  • G. Karnay, B. Mauroux et J.J. Châteauneuf, Carte géologique de la France au 1/50 000 : Lembeye, éditions du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), (lire en ligne [PDF]).
  • Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette, Gers Gascogne 2017/2018, Petit Futé, (ISBN 979-10-331-6257-5, lire en ligne).

Articles connexes

Sites internet

Presse

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