Val de Saire

Le Val de Saire est un petit territoire normand de la péninsule du Cotentin situé à la pointe nord-est du département de la Manche, au nord du Plain. Son territoire se retrouve depuis 2014 sensiblement recouvert administrativement par le canton du Val-de-Saire.

Pour l’article homonyme, voir Canton du Val-de-Saire.

Val de Saire

Le port de Barfleur

Pays France
Région française Normandie
Département Manche
Villes principales Quettehou, Saint-Pierre-Église, Saint-Vaast-la-Hougue
Coordonnées 49° 38′ 32″ nord, 1° 18′ 36″ ouest
Cours d'eau Saire
Production Produits laitiers, maraîchers, produits de la mer
Régions naturelles
voisines
Hague, Plain


Le Val de Saire, carte d'état-major de 1866.
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Normandie

Il tire son nom de la Saire, fleuve côtier d'une trentaine de kilomètres, qui prend sa source au Mesnil-au-Val et suit l'ensemble de son cours jusqu'à son embouchure, entre les communes de Réville et de Saint-Vaast-la-Hougue (séparées par le pont de Saire), à proximité de la pointe de Saire et de l'île de Tatihou.

Géographie

Région naturelle du Cotentin, le Val de Saire est situé à l'est de Cherbourg et forme un arc de cercle, depuis le port du Becquet jusqu'à l'embouchure de la Sinope à Quinéville[1]. Il est bordé par la Manche, qui prend à l'Est le nom de Baie de Seine. Située la charnière du Massif Armoricain et du Bassin parisien, la région est constituée de deux ensembles correspondant à ces deux régions géologiques[2] : une zone de plateaux à l'ouest surplombant une plaine côtière au nord et à l'est de la région[3]. Le point culminant se situe au Mont Étolan, à la limite des communes de Saint-Pierre-Église et Clitourps, avec 138 m d'altitude[4],[5].

Les plateaux, creusés par la Saire et ses affluents, sont des paysages de bocage, essentiellement consacrés à l'élevage. La plaine côtière, appelée le Plat Pays, allant de Cosqueville à Morsalines, est caractérisé par la culture maraîchère[6]. Le littoral de la plaine côtière est marqué par une succession de récifs et d'anses et n'abrite que quelques ports : le port du cap Lévi et le port Pignot à Fermanville, le port de Roubari à Gatteville-le-Phare, le port de Barfleur et le port de Saint-Vaast-la-Hougue.

Le phare de Gatteville est situé très exactement aux antipodes des îles Antipodes, en Nouvelle-Zélande, nommées ainsi par les Anglais parce qu'elles sont la terre émergée la plus proche des antipodes de Londres.

Histoire

Préhistoire et Antiquité

Les plus anciennes traces d'occupation humaine dans le Val de Saire se situent à Fermanville[7],[8], sur les sites de Port Pignot (190 000 et 240 000 ans) et de Biéroc (95 000 à 70 000 ans). Le site du Mont Étolan, à Saint-Pierre-Église et Clitourps, abrite des vestiges de la fin du paléolithique moyen au néolithique[4].

Moyen Âge

Au début du XIe siècle, le roi d'Angleterre Æthelred le Malavisé envoie une armée ravager la Normandie et capturer le duc Richard II. L'armée débarque à Barfleur  alors l'un des principaux ports du Cotentin  et commence à ravager la campagne du val de Saire : les maisons sont incendiées, le bétail et les récoltes dérobés, les habitants massacrés. Néel de Saint-Sauveur, vicomte du Cotentin, lève alors ses chevaliers et, rejoint par des paysans armés de pieux et de haches, s'élance contre les Anglais. Selon les auteurs normands Guillaume de Jumièges[9] et Wace[10], l'attaque de Néel est si vigoureuse que l'armée anglaise est entièrement massacrée[11]. Une sentinelle, qui se tenait à distance du camp anglais, parvient à regagner la flotte qui repart en toute hâte en Angleterre annoncer la défaite au roi. Celui-ci, surpris de ne pas voir Richard, apprend que ses chevaliers ont été tués par « des hommes très forts et très belliqueux, mais aussi des femmes qui combattent et qui, avec leurs cruches, cassent la tête aux plus vigoureux de leurs ennemis ».

Le naufrage de la Blanche-Nef en 1120, au large de Barfleur, changea le cours de l'histoire et permit à la maison angevine des Plantagenêt d'accéder au pouvoir, donnant naissance à l'empire Plantagenêt, comprenant l'Angleterre, la Normandie, l'Anjou et l'Aquitaine.

Malgré l'usage de Barfleur comme port principal d'échanges entre la Normandie et l'Angleterre après la conquête normande de l'Angleterre, le roi d'Angleterre et duc de Normandie Henri II débarque au cap Lévi le , en provenance de Portsmouth, avec sa cour[12].

Pendant la Guerre de Cent Ans, le Val de Saire est ravagé et mis à sac par le roi d'Angleterre Édouard III, qui débarque à La Hougue le . Au cours de la Chevauchée d'Édouard III, Saint-Vaast, Barfleur, Quettehou et Montfarville sont notamment incendiées. Barfleur, qui était le port principal du monde anglo-normand et aurait alors compté 1 800 feux  soit entre 7 000 et 9 000 habitants, chiffre probablement exagéré[13]  n'en compte plus que trente sous le règne de François Ier[14].

Époque moderne

Sous l'Ancien Régime, l'actuel territoire du Val de Saire formait les sergenterie et doyenné du Val-de-Saire et une partie des sergenterie et doyenné de Valognes.

En 1692, pendant la guerre de la Ligue d'Augsbourg, les flottes française, commandée par le comte de Tourville, et anglo-néerlandaise, commandée par l'amiral Edwin Russel, s'affrontent à deux reprises au large du Val de Saire : le , les Français l'emportent devant Barfleur mais, ayant mouillé à La Hougue pour réparer devant l'impossibilité de franchir le raz Blanchard avant la renverse, une partie de la flotte est incendiée par les Anglo-Néerlandais dans la rade de La Hougue les jours suivants.

Époque contemporaine

Un train appelé « Tue-Vâques » reliait au XXe siècle Cherbourg à Saint-Vaast-la-Hougue via Barfleur. Il reste de cette ligne d'anciennes gares réhabilitées et le viaduc qui enjambe la Vallée des moulins à Fermanville.

Le Val de Saire est relativement épargné par les combats consécutif au Débarquement, hormis quelques combats dans les landes de Fermanville et Carneville sur le site de la batterie Osteck.

Lieux touristiques

Personnalités liées au Val de Saire

Le sire de Gouberville et du Mesnil-au-Val Gilles de Gouberville livre à travers son journal retrouvé au XIXe siècle, où il consignait ses dépenses et recettes de la vie courante, un témoignage sur la vie du Val de Saire entre 1549 et 1562.

L'abbé de Saint-Pierre, inventeur d'un Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe en 1712, influença les philosophes des Lumières, notamment Jean-Jacques Rousseau et Emmanuel Kant, et la diplomatie européenne au XIXe siècle[15].

Le penseur politique et historien Alexis de Tocqueville a écrit la plupart de ses ouvrages dans le village dont il était le châtelain et d'où il tire son nom.

Au XIXe siècle, la poétesse normande Marie Ravenel a laissé un témoignage riche de sa relation à la nature et de sa vie de meunière dans le Val de Saire.

Économie

Le Val de Saire est la première région de production maraîchère en Normandie puisqu'elle représente près de la moitié de la production régionale[16]. Cette production s'est organisée depuis les années 1990 vers la culture raisonnée[17] et localement biologique[18].

Barfleur et Saint-Vaast-la-Hougue sont les deux principaux ports de pêche du Val de Saire.

Notes et références

  1. Pithois 1974, p. 7.
  2. Marcel Roupsard, « Les deux Val de Saire », Cahier des Annales de Normandie, vol. 26 – Mélanges René Lepelley, , p. 577-584 (lire en ligne, consulté le ).
  3. Sylvie Coutard, Jean-Pierre Lautridou et Edward Rhodes, « Discontinuités dans l'enregistrement des cycles interglaciaire-glaciaire sur un littoral en contexte intraplaque. Exemple du Val de Saire (Normandie, France) », Quaternaire, vol. 16/3, , p. 218 (lire en ligne, consulté le ).
  4. Dominique Cliquet, « Saint-Pierre-Église – Le Mont Etolan », ADLFI. Archéologie de la France, (lire en ligne, consulté le ).
  5. « Altitude Mont Etolan », sur laltitude.fr (consulté le ).
  6. Birette 1932, p. 6-7.
  7. Henry de Lumley, La Domestication du feu aux temps paléolithiques, Paris, Odile Jacob, (lire en ligne).
  8. « Bieroc - La Mondrée », sur Campagnes Océanographiques Françaises (consulté le ).
  9. Guillaume de Jumièges, Gesta Normannorum ducum, Éd. François Guizot, Paris, Brière, 1826, p. 114-116, Passage en ligne sur Gallica.
  10. Wace, Roman de Rou, Éd. Frédéric Pluquet, Rouen, É. Frère, 1827, p. 317-323 Passage en ligne sur Gallica.
  11. Pithois 1974, p. 17.
  12. « Et in crastino applicuit in Normannia apud Kapelwic et fere omnes comites et barones et milites Angliae secuti sunt eum in Normanniam. » : « Et le lendemain, il aborda en Normandie à Kapelwic [ancienne forme de cap Lévi.] et presque tous les comtes et barons et soldats anglais le suivirent en Normandie. », Benoît de Peterborough, Gesta Regis Henrici Secundi, Tom. XIII. p. 171 B in René Lepelley, « La côte des Vikings : toponymie des rivages du Val de Saire (Manche) », Annales de Normandie, vol. 43-1, , p. 30 (lire en ligne, consulté le ).
  13. André Plaisse, À travers le Cotentin : La grande chevauchée guerrière d'Edouard III en 1346, Cherbourg, Isoète, , 111 p. (ISBN 978-2-905385-58-1), p. 45.
  14. Albert Le Rouvreur, Un enfant de chœur. Un enfant de Barfleur, L'Harmattan, , p. 16.
  15. Jacques-Alain de Sédouy, Le Concert européen. Aux origines de l’Europe 1814-1914, Fayard, 2010, p.30 et suiv
  16. En Cotentin.fr, « Légumes du Val de Saire », sur En Cotentin.fr (consulté le ).
  17. Pierre Brunet et Marcel Roupsard, « Évolution des cultures légumières dans le département de la Manche », Méditerranée, vol. 95, , p. 59-63 (lire en ligne, consulté le ).
  18. Pierre Guillemin, « La grande exploitation maraîchère en Normandie », Histoire & Sociétés rurales, vol. 51, , p. 159-188 (lire en ligne, consulté le ).

Bibliographie

  • Charles Birette, Le Val de Saire illustré : Sites, monuments, histoires, grands personnages, Caen, Société d'impression de Basse Normandie, , 83 p. (lire en ligne)
  • Claude Pithois, Le Val de Saire, Coutances, Arnaud-Bellée, , 168 p. (lire en ligne)
  • Maurice Lecœur et Christine Duteurtre, Val de Saire, éd. Isoète 2009

Liens externes

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