Tünde Szentes

Tunde Szentes de Madefalna de Kisbaczon, née à Budapest en 1949, est une religieuse catholique d'origine hongroise et naturalisée française en 1975. Ses noms de religieuse sont mère Catherine-Marie puis mère Myriam à partir de 1982. Proche du prêtre Marie-Dominique Philippe à l'origine de la communauté Saint-Jean, elle fonde en 1973 la Fraternité de l'Immaculée qui devient en 1982 les Sœurs mariales d’Israël et de Saint-Jean. Tünde Szentes place la communauté sous la « double fidélité » au judaïsme et au christianisme.

En mars 2005, le cardinal Philippe Barbarin met fin au statut d’« association privée de fidèles » accordé à la communauté, justifié notamment par des problèmes d’« orientations religieuses ».

Biographie

Tunde Szentes de Madefalna de Kisbaczon est née en Hongrie, en 1949, dans une famille aisée d'origine noble[1],[2]. Son père, Géza Szentes, est titulaire de la médaille de Juste parmi les nations[3]. Sa mère, d'origine juive, s'est convertie au christianisme et a fait baptisé sa fille à sa naissance pour lui éviter des persécutions antisémites[1].

Tünde Szentes passe ses premières années à Budapest. Après avoir étudié le piano, elle souhaite poursuivre sa formation au Conservatoire national supérieur de musique de Paris et, au bout de trois ans d'attente, elle peut quitter la Hongrie en septembre 1968 grâce à un haut fonctionnaire de l'UNESCO.

À l'âge de 19 ans, Tünde Szentes vient étudier à Paris et demande l'asile politique[2].

Elle fait la connaissance du prêtre Marie-Dominique Philippe lors d'une retraite à Poissy, dans l'un des Foyers de Charité fondés à l'initiative de Marthe Robin[4]. Elle rencontrera Marthe Robin quelques années plus tard, en 1974, au cours d'une retraite à Châteauneuf-de-Galaure, et se rendra souvent chez elle pour solliciter ses conseils[5].

Marie-Dominique Philippe lui suggère de s'inscrire à l'université de Fribourg, en Suisse, où il enseigne la philosophie. Il lui fait obtenir deux bourses d'études, l'une de l'université et l'autre du canton de Fribourg. En 1973, Tünde Szentes s'installe donc en Suisse, où elle restera sept ans. Elle y étudiera plus particulièrement l'œuvre d'Aristote et de Thomas d'Aquin, et présentera deux thèses de doctorat proposant une alternative intellectuelle au marxisme. Elle travaille également comme secrétaire de rédaction pour le Marie-Dominique Philippe.

La découverte de l'œuvre de Maximilien Kolbe l'incite à entrer à la « Milice de l'Immaculée », mouvement d'évangélisation créé par le père Kolbe. Elle en devient bientôt l'un des porte-parole[4]. En 1973, elle fonde la « Fraternité de l'Immaculée ». Elle est naturalisée française en 1975[2].

En 1985, Tünde Szentes publie Mère Myriam, Petite Sœur juive de l'Immaculée, ses propos sont recueillis par Emmanuel Haymann.

Sœurs mariales d’Israël et de Saint-Jean

Création

En 1982, son nom de religieuse est « mère Catherine-Marie ». Cependant, la même année, elle effectue un pèlerinage en Terre Sainte avec Marie-Dominique Philippe. Ce pèlerinage, ajouté au fait qu'elle apprend seulement à cette date l'ascendance juive de sa mère, lui permet de mieux prendre en compte les origines juives du christianisme[4]. Elle devient alors « mère Myriam » et les « Petites Sœurs de l'Immaculée » s'appellent désormais les « Petites Sœurs d'Israël, Filles de l'Immaculée ». Lors d'incidents antisémites à Chalon-sur-Saône, elle prend la défense de la communauté juive[4],[1].

D'abord située dans le diocèse d'Autun, la communauté de Tünde Szentes s'installe ensuite dans le diocèse de Lyon.

Elle décide de placer sa communauté sous la « double fidélité » au judaïsme et au christianisme. Elle porte l'étoile de David et celle-ci est rajoutée aux chapelets des membres de la communauté. Elle met en place les prières juives, les membres de sa congrégation suivent les règles alimentaires du cacherout et le rituel du sabbat. Les habits des membres comprennent des châles de juives orthodoxes[1],[2]. Tünde Szentes professe que judaïsme et christianisme « ne se contredisent pas ». Elle se voit mise en cause par les responsables du dialogue judéo-chrétien[6]. Ainsi le grand-rabbin de Lyon, Richard Wertenschlag déclare qu'elle ne peut pas « pratiquer le judéo-catholicisme ». Les autorités catholiques laissent faire provisoirement mais reçoivent des plaintes de parents des membres de la communauté pour des abus psychologiques et physiques[2].

Cette communauté a dès l'origine parmi ses spécificités d'accueillir aussi des personnes de santé fragile ou porteuses de handicap en proportion des sœurs bien portantes.

Accusations d'un fonctionnement sectaire

En 1986, quelques familles émettent des critiques contre la communauté. Elles évoquent la « pression psychologique » exercée, mais aussi des « vexations, humiliations et sévices corporels ». Plusieurs témoins rapportent que la mère supérieure Tünde Szentes frappe les membres de la communauté. En 1987, les juges de l'Officialité (tribunal ecclésiastique) du diocèse de Lyon, rejettent les accusations d'abus mais condamnent son action : « Son autorité sur ses filles est suffisamment contraignante pour être considérée comme abusive et préjudiciable à leur liberté spirituelle »[7],[2].

Elle critique alors l'Église qui selon elle, lui reproche d'être « une sale juive, une immigrée et une socialiste »[1],[2].

La procédure est annulée en 1991 pour irrecevabilité de la plainte [6] ,[8].

En 1994, Tünde Szentes fait une grève de la faim « particulièrement médiatisée » devant la basilique de Fourvière[6]. À la suite de celle-ci, cardinal Decourtray, archevêque de Lyon, donne à la communauté le statut d'« association privée de fidèles ». En 1995, cette association est annexée par la communauté Saint-Jean, dirigée par Marie-Dominique Philippe, qui en est nommé le « conseiller »[7].

Grégoire Fülop, aumônier de la Mission catholique hongroise à Lyon, évoque les modes de recrutement, en Hongrie, de Tünde Szentes accompagnée de Marie-Dominique Philippe. Les possibles recrues sont attirées par de belles promesses : « Suivez-moi, je vous offrirai une belle vie en France ». Celles qui viennent sont enfermées dans une maison. En août 1998, dans le village de Sur, au nord du lac Balaton, Philippe et Tünde Szentes se battent avec des parents venus récupérer leur enfant. Les médias hongrois dénoncent ces méthodes. En avril 1999, la police française trouve une jeune hongroise dans la gare de Lyon « échappée » du couvent de Tünde Szentes, cette dernière lui ayant retiré son passeport. Grégoire Fülop signale, par ailleurs, une jeune hongroise dont la famille n'a pas de nouvelles depuis 7 ans[7],[9].

En 1999, l'évêque de Roznava en Slovaquie donne aux Sœurs Mariales le statut d'« institut de vie consacrée » de droit diocésain.

Dissolution

En , dans le diocèse de Lyon, le statut d'association de fidèles est retiré à la communauté par décret du cardinal Philippe Barbarin. Une décision « rare et grave » prise en « raison de difficultés qui sont apparues, notamment en termes d’orientations religieuses »[10].

En 2015, l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu signale que la communauté perdure comme un « groupuscule quasi sectaire et semi-clandestin »» toujours sous l'« emprise » de Tünde Szentes [11]. L'association d'Aide aux victimes des dérives de mouvements religieux en Europe et à leurs familles indique, en 2020, que la communauté est installée à Mars à côté de Saint-Jodard dans le département de la Loire . Elle est toujours dirigée par Tünde Szentes qui la « maintient dans un fonctionnement sectaire »[12].

Notes et références

  1. « Une juive au couvent La conversion de Mère Myriam », sur Le Monde, (consulté le )
  2. (en) « The founder of an order of nuns following both Catholic and Jewish traditions », sur United Press International, (consulté le )
  3. (en) Yad Vashem, « The Righteous Among The Nations »
  4. Olivier Landron, Les Communautés nouvelles, éd. du Cerf, 2004.
  5. Olivier Landron, Les Communautés nouvelles, éd. du Cerf 2004, page 124. Texte en ligne, p. 124 sqq.
  6. « Le cardinal Barbarin tranche contre les sœurs bleues », La Croix, (lire en ligne).
  7. « Enquête sur des dérives sectaires au sein de l’Église catholique », sur Le Monde, (consulté le ).
  8. « Le cardinal Barbarin dissout une association religieuse controversée », AFP, (lire en ligne).
  9. « Le cardinal Barbarin dissout une association religieuse contreversée », sur CCMM, (consulté le )
  10. « Soupçonnée de dérives sectaires », sur Cath.Ch, (consulté le )
  11. « Soeurs contemplatives de Saint-Jean », sur Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu, (consulté le )
  12. AVREF 2021, p. 84

Voir aussi

Bibliographie

  • AVREF, Le Livre noir de la communauté Saint-Jean, , 88 p.
  • Jean-Pierre Moisset, Catholique et juive, fascinante et inquiétante: Tünde Szentes en Hongrie et en France, 1949-2005,

Articles connexes

Liens externes

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