Télescope géant européen
Le Télescope géant européen[1],[2],[3],[4],[N 1], en anglais Extremely Large Telescope[1] (ELT[1] ; anciennement European Extremely Large Telescope[1], E-ELT[1]), est un télescope terrestre, faisant partie de la série des trois télescopes géants en cours de construction, qui doit être inauguré en . Construit par l'Observatoire européen austral (ESO) il doit permettre des avancées majeures dans le domaine de l'astronomie grâce à son miroir primaire d'un diamètre de 39 mètres.
Il sera situé au nord du Chili, sur le Cerro Armazones (3 060 mètres d'altitude) qui fait partie de la cordillère de la Costa (Andes centrales) et à vingt kilomètres à l'est du Cerro Paranal, site des quatre télescopes du VLT de l'ESO. Pour pouvoir effectuer des percées décisives, telles que l'observation des premières galaxies ou des exoplanètes, il sera capable de collecter quinze fois plus de lumière que le VLT, ce qui en fera le télescope le plus puissant au monde.
Extremely Large Telescope • ELT
Pour le projet initial de télescope géant européen voir Overwhelmingly Large Telescope.
Pour les articles homonymes, voir ELT.
Contexte
Les raisons de l'émergence des très grands télescopes
Les motivations à l'origine de la construction d'un télescope de très grande taille sont résumées dans la première étude de l'Observatoire européen austral (ESO) réalisée sur le sujet[5] :
- au cours de la seconde moitié du XXe siècle l'accroissement de la sensibilité des télescopes optiques est liée essentiellement (à hauteur de 80 %) aux améliorations apportées aux instruments placés aux foyers optiques et exploitant la lumière collectée. Dans la mesure où ceux-ci ont atteint une quasi perfection, il est désormais nécessaire, pour maintenir le même rythme de progrès scientifiques, d'accroître de manière importante le diamètre des télescopes.
- les objectifs prioritaires dans le domaine scientifique, tels que la détection et la caractérisation des exoplanètes similaires à la Terre ou l'étude spectroscopique des galaxies les plus lointaines et d'autres objets comme les supernovae ou les sources de sursauts gamma, nécessitent de disposer de télescopes dont le diamètre atteint 100 mètres ou plus.
- l'utilisation d'un miroir segmenté introduite par le Multiple Mirror Telescope permet d'envisager des miroirs de beaucoup plus grande taille. Les contraintes découlant d'un diamètre élevé relèvent désormais uniquement des domaines de la mécanique et de la cinématique. L'existence de radiotélescopes de 100 mètres et plus constitue un précédent et une source d'inspiration même si les exigences sont beaucoup moins élevées lorsqu'il s'agit d'observer les grandes longueurs d'onde.
- l'arrivée à maturité des techniques de correction du front d'ondes, en particulier l'optique adaptative, permet aux télescopes terrestres d'accéder au domaine des hautes résolutions angulaires réservées jusque-là aux télescopes spatiaux comme Hubble.
Historique
Le projet de télescope de 100 mètres OWL
À partir de 1998, l'Observatoire européen austral (ESO) mène des études de conception d'un télescope géant comportant un miroir de plus de 100 mètres de diamètre. Les premières études de faisabilité de l'Overwhelmingly Large Telescope (OWL) sont peu approfondies. Mais progressivement le projet prend de l'ampleur. En décembre 2004, le Conseil de l'ESO décide de compléter rapidement les études en cours en s'appuyant largement sur son expertise interne mais également sur l'avis des industriels et de la communauté scientifique avec comme objectif de faire évaluer le projet fin 2005 par un panel d'experts internationaux. Le télescope envisagé a un miroir primaire d'un diamètre de 100 mètres avec une surface collectrice de 6 000 m2. Au-delà de la faisabilité technique, l'objectif de l'étude est de modifier le ratio entre coût et diamètre (D) du miroir primaire régi jusque-là par une loi D2,6 (D puissance 2,6) en le faisant passer à D1,4. Le rapport d'étude du projet OWL Blue-Book est publié en . Il confirme la possibilité technique de réaliser un observatoire de la taille envisagée. Le panel d'experts consulté en donne un avis favorable à la principale innovation technique embarquée consistant à insérer au moins un miroir adaptatif au sein du télescope. Mais la commission identifie plusieurs risques techniques : recours à un miroir M2 segmenté et à un miroir M4 fortement asphérique, système de guidage laser mal adapté à la taille du miroir. Compte tenu de ces risques et un coût (évalué à 1,2 milliard €) dépassant la capacité financière de l'ESO pour une construction s'étalant sur la période envisagée (2008-2020), le panel d'experts conseille plutôt de développer un télescope de taille plus modeste, ayant un miroir d'un diamètre compris entre trente et soixante mètres, considérant que la complexité et la dérive budgétaire inhérente à ce type de projet seraient mieux maîtrisées[6].
L'E-ELT
En décembre 2005, le projet baptisé dans son nouveau format E-ELT (European Extremely Large Telescope) entre dans une phase de consultation avec la communauté astronomique internationale, visant à définir les caractéristiques détaillées du télescope. Cinq groupes de travail sont formés pour définir les différentes caractéristiques du télescope : identification des objectifs scientifiques, choix des instruments, sélection du site d'implantation, architecture du télescope et étude de l'optique adaptative. Durant l'été 2006, les rapports de chaque groupe sont remis à l'ESO. Ces rapports conseillent que l'ELT soit capable d'observer dans le domaine visible et infrarouge. Le , Jason Spyromilio est désigné comme directeur du projet E-ELT. Le , les membres de l'ESO décident de lancer les études préalables à la construction de l'E-ELT. Le diamètre prévu du miroir est de 39 mètres[7], pour un coût total de l'appareil estimé entre 800 millions et un milliard d'euros.
Sélection du site
En , le comité de sélection décide de construire l'E-ELT sur le sommet du Cerro Armazones à un peu moins de 3 000 mètres d'altitude. Le site est situé à une vingtaine de kilomètres du Cerro Paranal qui héberge déjà l'instrument phare de l'ESO, le VLT[8]. Cette région située dans le désert de l'Atacama au nord du Chili se caractérise à la fois par une extrême sécheresse et une nébulosité très faible qui permet des observations de très grande qualité avec peu d'interruptions liées à la météorologie. Le site retenu avait été préempté par le passé pour la construction de l'homologue américain de l'E-ELT, le Télescope de Trente Mètres, qui a finalement retenu une implantation sur le Mauna Kea dans l'archipel d'Hawaï. Parmi les sites écartés figurent l'Observatoire du Roque de los Muchachos situé dans l'archipel des Canaries (Espagne) qui héberge déjà de nombreux télescopes, bien que l'Espagne ait proposé de payer 25 % du coût de la construction[9]. Le Cerro Armazones est situé à 24° 35′ 52″ S, 70° 11′ 46″ O et à une altitude de 2 762 mètres[10]. Il existe déjà à cet endroit un observatoire géré par l'Institut d'astronomie de l'université catholique du nord et l'institut d'astronomie de l'université de Bochum[11]. Le conseil de l'ESO, le a sélectionné officiellement le site de Cerro Armazones[12],[13]. Le , un accord est signé entre le Chili et l'ESO pour la dotation de terrains ainsi que la création d'une zone protégée. Le lancement des travaux est programmé pour 2011 et les premières opérations sont prévues pour le début des années 2020.
Lancement du projet
Le , le Conseil d’administration de l’Observatoire européen austral (Conseil de l’ESO), approuve un budget qui permet de financer les travaux préparatoires sur la route conduisant au site de l’E-ELT au Cerro Armazones et de commencer les développements de certains composants optiques complexes. La décision a été précédée par la signature d'un accord entre l'ESO et le gouvernement chilien portant sur la donation du terrain occupé par le futur télescope et une concession à long terme pour établir une zone protégée autour de celui-ci et le soutien du gouvernement chilien pour l'installation de l'observatoire. Le le Conseil de l'ESO entérine, lors de sa réunion à Garching, la construction de l'E-ELT et de son premier lot d'instruments. Les travaux de construction de la route et de nivellement débutent cette année-là. Le , le président du Chili, Sebastián Piñera remet les documents juridiques signés qui officialisent le transfert à l'ESO, des terres situées autour du Cerro Armazones pour la construction de l'E-ELT[14].
Le conseil de l'ESO se réunit le alors que le budget alloué à la construction de l'E-ELT (1 083 millions d'euros 2012) n'est financé qu'à hauteur de 71 %. Or l'ESO a une règle qui nécessite que plus de 90 % du budget soit débloqué pour que les travaux de plus de deux millions d'euros soient lancés. L'ESO est notamment en attente de la finalisation de l'adhésion de la Pologne (qui doit porter la part financée à 78 %) et du Brésil qui doit contribuer au budget de l'ESO à hauteur de 190 M€ pour les dix années suivantes mais dont la phase de ratification prend du retard. Pour tenir l'échéance de 2024, l'ESO décide en décembre de décomposer la livraison du télescope en deux phases dont la première porte sur un périmètre réduit permettant de lancer les travaux en respectant la règle budgétaire des 90 %. Les éléments suivants sont reportés à la phase II[15] :
- 210 des 798 segments de miroir formant le miroir primaire. Les miroirs repoussés en phase II forment les cinq rangées internes.
- 133 segments de miroir qui doivent servir de pièces de rechange afin de permettre l'entretien continu du miroir primaire.
- deux des six lasers utilisés par l'optique adaptative ainsi que le module LTAO qui doit contribuer aux performances des instruments METIS et HARMONI.
- une des stations pré-focales.
Construction du télescope et de ses instruments
Le marché de travaux a été remporté par le groupement d'entreprises italiennes Astaldi pour le gros œuvre et Cimolai SpA pour toute la partie structure métallique et le dôme[16].
Les travaux de terrassement de la plateforme de l'observatoire sur le Cerro Armazones débutent le .
La première pierre de l'édifice est posée le par la présidente chilienne Michelle Bachelet[17].
En , les fondations des bâtiments commencent[18].
Objectifs scientifiques
L'E-ELT va contribuer à fournir des éléments de réponse à de nombreuses questions nécessitant des performances supérieures à celles des instruments existants :
- l'E-ELT a une résolution quatre fois supérieure au Grand télescope des îles Canaries[19], dont le miroir possède un diamètre de 10,40 m[20], ce qui doit lui permettre d'obtenir des images directes d'exoplanètes (c'est-à-dire parvenir à distinguer la lumière émise par la planète de celle émise par l'étoile) et d'analyser leur atmosphère permettant de détecter la présence éventuelle de vie à travers la présence et la proportion de certains gaz. Le télescope permet de mesurer des changements de vélocité d'une étoile de 1 cm/s ce qui est suffisant pour détecter la présence de planètes de la taille de la Terre dans la zone habitable[21].
- physique fondamentale : vérification du modèle de la matière noire par une mesure directe des variations du décalage vers le rouge : l'EELT peut mesurer la variation de 10 cm/s prédite par la théorie pour les galaxies lointaines au bout de 10 ans [22]
- physique fondamentale : vérification de l'uniformité des constantes cosmologiques[23]
- trous noirs : les capacités d'observation de l'E-ELT du centre galactique et du trou noir supermassif qui s'y trouve (position des étoiles avec une précision de 50 à 100 microsecondes d'arc, vitesse radiale à 1 km/s près) doit permettre d'observer des étoiles beaucoup plus proches des trous noirs circulant à des vitesses atteignant 0,1 C ce qui permettra de vérifier certaines observations prédites par la théorie de la relativité générale[24].
- trous noirs : vérification de la présence de trous noirs de taille intermédiaire au sein des amas du Sous-groupe local[25].
- formation des étoiles et des systèmes planétaires[26].
- cycle de vie des étoiles : contributions à la formation de la matière[27].
- étude des événements violents liés à la mort des étoiles géantes au début de la formation des galaxies (décalage vers le rouge de 4)[27].
- population stellaire des galaxies : analyse chimique des étoiles de groupes galactiques voisins[28].
- étude de la distribution de la masse des étoiles : recensement statistique des étoiles de faible masse[29].
- fin des Âges sombres - processus de réionisation : rôle des premières galaxies[30].
- détermination du déroulement typique de la formation des étoiles dans les différents types de galaxie[31].
- mesure des interactions entre le milieu intergalactique et les galaxies[32].
Caractéristiques techniques de l'E-ELT
Avec son miroir primaire de 39 mètres de diamètre et de 1 116 m2 de surface l'E-ELT constitue un énorme bond en avant par rapport à tous les grands télescopes existants, dont la précédente réalisation de l'ESO, le VLT constitué de 4 télescopes de 8,2 mètres de diamètre. Comme tous les télescopes de grande taille l'E-ELT est de type Nasmyth c'est-à-dire qu'il s'agit d'un télescope de type Cassegrain comprenant un troisième miroir supplémentaire qui réfléchit latéralement la lumière. Compte tenu de son poids, l'optique est portée par une monture azimutale qui permet d'orienter le télescope en azimut et en hauteur.
Le dome de l'E-ELT mesurera environ 79 mètres de haut et 86 mètres de diamètre, faisant de lui le plus grand dome jamais construit pour un télescope.
La structure du télescope
La structure du télescope E-ELT doit, malgré la masse énorme de l'ensemble (2 800 tonnes) fournir un support suffisamment rigide pour le miroir primaire, permettre un pointage de l'instrument avec une précision de 1 seconde d'arc et une poursuite de la cible avec une précision de 0,3 seconde d'arc. La structure doit également limiter l'amplitude et la fréquence des écarts de position du miroir secondaire par rapport au miroir primaire. La structure est composée de deux sous-ensembles[14] :
- la structure azimutale permet de pointer l'instrument en azimut (direction) et supporte l'essentiel des efforts verticaux lors de la mise en œuvre de l'instrument. Elle est composée d'un plancher qui pivote sur trois rails circulaires de 51,5 m, 34 m et 4,5 mètres de diamètre. Sur ce plancher sont fixés les deux plateformes Nasmyth de 12 x 29 m et d'une masse de 150 tonnes qui accueillent les instruments et les stations pré-focales. L'axe horizontal du télescope s'articule sur ces plateformes. L'ensemble a une masse de 1 300 tonnes.
- la structure d'altitude supporte les différents miroirs de l'optique du télescope. Dans la lacune centrale du miroir M1 une tour en treillis sert de support aux miroirs M3, M4 et M5. L'ensemble a une masse de 1 500 tonnes.
Partie optique
Outre la taille de ses miroirs, l'E-ELT se distingue des grands télescopes existants par l'insertion de deux miroirs de l'optique adaptative. Il comprend cinq miroirs[33],[34] :
- le miroir principal M1 (f/0,93) de l'E-ELT a un diamètre de 39 mètres et, compte tenu de sa taille, utilise la technique du miroir segmenté, c'est-à-dire qu'il est formé de l'assemblage de plusieurs « petits » miroirs. Il comprend 798 éléments hexagonaux de 1,45 mètre de diamètre et 40 millimètres d'épaisseur assemblés comme ceux du télescope Keck à Hawaï. Le miroir M1 comporte une lacune centrale d'un diamètre de 11,1 mètres correspondant à la zone interceptée par le reste du train optique. La masse du miroir primaire est de 150 tonnes. Le miroir M1 est soutenu par 30 000 supports qui corrigent en temps réel les efforts dus aux mouvements de flexion et de déformation générés par le vent et la rotation du miroir.
- la lumière reçue par le miroir primaire est renvoyée vers le miroir secondaire M2 de 4 mètres de diamètre
- le miroir M3 (4,2 mètres de diamètre).
- le miroir M4 de (2,4 mètres de diamètre) est le premier des deux miroirs qui forment l'optique adaptative. Il est constitué de six pétales minces en vitrocéramique de 2 mm d'épaisseur fabriqués par la société REOSC.
- et enfin le miroir M5 (2,7 mètres de diamètre) stabilise l'image et la renvoie vers les instruments de mesure.
Miroir | Rôle | Taille | Caractéristiques optiques | Caractéristiques physiques | Contrôles | Autres caractéristiques | Fabricant | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
M1 | Miroir primaire | Diamètre : 39 m | Concave, asphérique, f/0,9 | Miroir segmenté (798 segments) | Forme et position | Safran Reosc (polissage, montage sur support et test de l'ensemble des segments) | ||
M2 | Miroir secondaire | Diamètre : 4,2 m | Convexe, asphérique, f/1,1 | Miroir monolithique | Passif, contrôle de position | Safran Reosc | ||
M3 | Miroir tertiaire | Diamètre : 4 m | Concave, asphérique, f/2,6 | Actif, contrôle de position | Safran Reosc | |||
M4 | Optique adaptative | Diamètre : 2,4 m | Miroir plan | Miroir segmenté (6 pétales) | Forme et position | Safran Reosc | ||
M5 | Optique adaptative | 2,7 x 2,1 m | Miroir plan | Forme et position | Safran Reosc |
Optique adaptative
Les télescopes de grande taille nécessitent une optique adaptative pour atteindre leurs résolutions record malgré les turbulences dues aux conditions atmosphériques. L'optique adaptative n'est pas placée derrière le télescope mais fait partie de celui-ci ce qui simplifie l'instrumentation et permet d'intégrer les vibrations de la structure. Le dispositif qui corrige en temps réel est particulièrement puissant dans le cas de l'E-ELT : le miroir d'optique adaptative M4 a un diamètre de 2,4 mètres contre 11,5 cm pour le VLT et il comprend 5200[35] points d’actionnement contre 185 pour le VLT[36].
L'optique adaptative MAORY (Multi-conjugate Adaptive Optics RelaY) est conçue pour fonctionner avec la caméra MICADO et un deuxième instrument à définir. Elle utilise 6 lasers qui simulent des étoiles artificielles et évalueront les perturbations atmosphériques et deux miroirs déformables M4 et M5 chargés de corriger en conséquence la lumière entrante. Le miroir M4 est posé sur 5200 actionneurs[35] qui le déforment 1 000 fois par seconde[37],[38].
- Diagramme du miroir principal M1 (primary mirror 40m-class) de l'E-ELT.
- Prototype du futur miroir déformable M4 de l'E-ELT.
- Prototype d'une partie du miroir M4 de l'E-ELT.
Le dôme
Comme tous les télescopes de grande taille, l'E-ELT est entouré d'un dôme qui le protège du mauvais temps et met son optique à l'abri du Soleil durant la journée. Plusieurs architectures ont été étudiées, mais c'est finalement un choix classique qui a été effectué. Le dôme de l'E-ELT, de forme pratiquement hémisphérique, est posé sur une embase circulaire en béton, d'environ 10 mètres de haut, sur lequel il roule par l'intermédiaire de deux rails posés sur des bogies fixes pour suivre les mouvements de l'instrument. Deux portes de forme arrondie s'ouvrent latéralement pour permettre les observations. Le cahier des charges spécifie que le dôme doit être capable de pivoter dans les 5 minutes prévues pour l'acquisition par le télescope d'une nouvelle cible, ce qui impose une vitesse de rotation de 2° par seconde (vitesse linéaire de 5 km/h). La taille et la forme du dôme permettent une rotation complète du télescope sur lui-même, qu'il soit en position ouverte ou fermée, sans présence d'obstruction. L'ouverture permet au télescope d'être pointé du zénith jusqu'à une hauteur de 20° au-dessus de l'horizon[39].
Le dôme a un diamètre de 86 mètres et culmine à 74 mètres au-dessus du sol. Les deux portes dégagent une ouverture de 45,3 mètres de large. Pour protéger les miroirs du vent, un parevent constitué de deux panneaux mobiles permet de fermer l'ouverture dans des proportions qui dépendent de l'élévation du point visé par le télescope. Le dôme en position fermée doit être étanche à la fois aux précipitions et à l'air. L'objectif, dans ce dernier cas, est de réduire la puissance des installations de climatisation qui ont pour mission de ramener la température de l'optique à celle de la nuit (capacité : abaisser le température de 10°C en 12 heures), mais qui jouent également un rôle dans le maintien de la propreté de l'optique. Des persiennes situées dans le dôme et sur le socle permettent, à la demande, de faire circuler l'air entre l'extérieur et l'intérieur lorsque les portes sont fermées[39].
Structure | Élément | Masse |
---|---|---|
Partie fixe | Fondations en béton du dôme | 17 000 tonnes |
Fondations en béton du télescope | 18 500 tonnes | |
Structures d'accès et équipements | 117 tonnes de béton 392 tonnes d'acier | |
Bâtiments auxiliaires | 7 200 tonnes béton, 377 tonnes d'acier, 168 tonnes de couverture | |
Bogies supportant le dome | 805 tonnes | |
Partie mobile | Dôme | 3 329 tonnes |
Porte gauche | 398 tonnes | |
Porte droite | 436 tonnes | |
Parevent | 593 tonnes |
Le dôme est constitué d'une structure primaire comprenant un anneau à la base, deux arches de part et d'autre des portes, ainsi qu'une arche perpendiculaire située à l'arrière de l'ouverture de la porte et d'une structure secondaire constituée de poutrelles quadrillant la surface du dôme. La structure secondaire supporte des passerelles qui font le tour de l'intérieur du dôme, à trois hauteurs différentes, pour permettre sa maintenance. Deux grues de 20 tonnes, fixées l'une à l'arche perpendiculaire l'autre sur la structure secondaire, permettent de déplacer les instruments et les composants optiques. La couverture du dôme est constituée en allant de l'extérieur vers l'intérieur par[40] :
- des panneaux en aluzinc (alliage d'aluminium pour fonderie composé de 55 % d´aluminium, de 43,4 % de zinc et de 1,6 % de silicium[41]) de 5 mètres de long et de 1,5 mm d'épaisseur se recouvrant entre eux
- un vide de 15 cm d'épaisseur destiné à protéger les couches internes des effets du Soleil, de la pluie et de la neige
- une couche d'isolant thermique de 11 cm d'épaisseur surmontée d'une couche étanche bituminée
- des tasseaux porteurs galvanisés
- d'une charpente reposant sur la structure secondaire du dôme.
Instruments
Le télescope est conçu pour mettre en œuvre sept instruments. En , faute d'un financement suffisant, la fabrication est lancée pour seulement trois d'entre eux[15] :
- MICADO (Multi-AO Imaging Camera for Deep Observations) est une caméra observant dans le proche infrarouge (0.8–2,4 µm) avec une résolution spatiale de 6 à 12 millisecondes d'arc[42].
- HARMONI (High Angular Resolution Monolithic Optical and Near-infrared Integral field spectrograph) est un spectrographe intégral de champ qui doit jouer un rôle majeur pour la spectroscopie visible et infrarouge (0,47–2,45 µm). Il sera utilisé pour étudier les galaxies apparues après le Big Bang, analyser les constituants des populations stellaires proches et caractériser les atmosphères des exoplanètes ainsi que les disques de poussières à partir desquelles ces dernières se forment. L'instrument est développé par un consortium piloté par l'Université d’Oxford avec une participation importante de laboratoires français (Laboratoire d'astrophysique de Marseille; Centre de recherche astrophysique de Lyon, Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble et Office national d'études et de recherches aérospatiales)[43],[44].
- METIS (Mid-infrared E-ELT Imager and Spectrograph) est un spectrographe imageur[45].
- Dessin 3D de l'instrument EAGLE (Extremely Large Telescope Adaptive optics for GaLaxy Evolution instrument), un spectromètre en infrarouge de l'E-ELT.
- OPTIMOS–DIORAMAS.
Les instruments suivants sont non financés à et n'ont pas dépassé la phase d'étude :
- CODEX est un spectrographe imageur à haute résolution ( R >= 120000) couvrant les longueurs d'onde 350-720 nm[46].
- EAGLE spectrographe multi-objets en proche infra-rouge assisté par un système de MOAO (« Multiple Object Adaptive Optics »)[47].
- EPICS (Exo-Planet Imaging Camera and Spectrograph)est un spectrographe imageur destiné à l'observation des exoplanètes[48].
- OPTIMOS/EVE est un spectrographe multi-objets (300) fonctionnant en lumière visible et proche infrarouge (310-1700 nm) en utilisant des fibres optiques, avec une résolution spectrale haute (R compris entre 500 et 40000)[49].
- OPTIMOS-DIORAMAS
- SIMPLE est un spectrographe couvrant les longueurs d'onde 0,84 à 2,5 μm[50].
Caractéristique | MICADO | HARMONI | METIS | Non défini | Non défini | Non défini | Non défini |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Type | Caméra proche infrarouge | Spectrographe visible & proche infrarouge | Spectrographe imageur infra rouge moyen | ||||
Longueurs d'onde | 0,8–2,4 µm | 0,47−2,45 µm | 3–20 μm | ||||
Résolution spatiale | 6-12 millisecondes d'arc | 3,3-16 mas | - | ||||
Résolution spectrale | R~8000 | R = 3000 - 7500 - 20000 | Basse résolution (R < 1000) dans les bandes L,M,N résolution moyenne (R < 10000) dans les bandes N résolution élevée (R ~ 100000) IFU dans les bandes L,M | ||||
Opérationnel | 2024 | 2024 | > 2025 |
Le site
Le Cerro Armazones au sommet duquel est édifié l'E-ELT est une montagne culminant à 3 060 mètres située dans la partie centrale du désert d'Atacama au nord du Chili. Le site se trouve à environ 130 km au sud du port d'Antofagasta et à environ 20 km du Cerro Paranal où se situe l'instrument optique le plus important de l'ESO, le VLT. Les caractéristiques climatiques du site en font un lieu particulièrement propice aux observations astronomiques. Le climat est sec avec des précipitations moyennes de 100 mm par an et une humidité relative moyenne de 15 %. Ces conditions permettent de bénéficier de 320 nuits claires par an. Le vent souffle essentiellement du nord et quasiment jamais de l'est et sa vitesse moyenne est de 7 m/s. La température de l'air est comprise entre -15 et + 25 °C. La température nocturne moyenne est de 9 °C avec des variations saisonnières moyennes de +/- 1,5 °C. La différence moyenne entre les températures de jour et de nuit est de 4 °C. De nuit, la température varie en moyenne de 0,3 °C par heure sur une période de 10 heures[51].
Plusieurs autres sites ont été étudiés par le comité de sélection[51] :
- l'observatoire du Roque de los Muchachos situé dans l'île de La Palma dans l'archipel des Canaries (Espagne)
- l'observatoire du Teide à Izana dans l'île de Tenerife également dans l'archipel des Canaries
- Aklim dans l'anti-Atlas au Maroc.
- Macon au nord-ouest de l'Argentine.
Plusieurs de ces sites bénéficient de conditions d'observation quasiment aussi bonnes que celles du Cerro Armazones. Deux facteurs ont joué en faveur de ce dernier : d'un point de vue logistique la possibilité d'une gestion intégrée du télescope avec le VLT situé à proximité immédiate et sur le plan scientifique la synergie avec les autres grands instruments de l'ESO installés dans la région : ALMA et le VLT.
Fonctionnement
Le coût de fonctionnement de l'E-ELT est évalué à 50 millions € par an en incluant les investissements nécessaires pour améliorer les instruments existants et en fabriquer de nouveaux ainsi que la gestion du télescope depuis le site de Garching[52].
Galerie d'images
- Vue artistique de nuit du télescope E-ELT[53] .
- Maquette de la gigantesque structure entourant l'E-ELT.
- Photographie à très longue pose du ciel nocturne sur le site du Cerro Armazones où sera implanté l'E-ELT.
Notes et références
Notes
- Le télescope géant est aussi désigné par diverses traductions de l'anglais European Extremely Large Telescope, parmi lesquelles : Extrêmement grand télescope européen, Télescope européen extrêmement grand, Télescope extrêmement grand européen ou encore Télescope européen géant.
Pour Extrêmement grand télescope européen, voir par exemple :- « L'ESO agrandit son siège », communiqué de presse institutionnel eso1215fr [html], sur eso.org, Observatoire européen austral, (consulté le ) ;
- « Préparatifs de construction de l'extrêmement grand télescope européen » [html], sur cordis.europa.eu, Commission européenne. Service communautaire d'information sur la recherche et le développement, mis à jour le (consulté le ) ;
- http://www.ulyces.co/frederick-bernas/comment-le-chili-est-en-train-de-gagner-la-guerre-des-etoiles-astronomie-telescope/ ;
- http://www.in2p3.fr/recherche/nouvelles_scientifiques/2015/event_dialogue_lhc.html ;
- « Sputnik France : actualités du jour, infos en direct et en continu », sur sputniknews.com (consulté le ).
- Jean-François Haït, « Des superterres à perte de vue », La Recherche, no 460, , p. 30 (lire en ligne [html], consulté le ) ;
- Christian Brulle, « Le télescope européen un peu moins « extrême » » [html], sur lesoir.be, Le Soir, (consulté le ) ;
- Élodie Queffelec, « Le Chili siège de l'astronomie mondiale » [html], sur lepetitjournal.com, Le Petit Journal, (consulté le ).
- « Harps découvre 50 nouvelles exoplanètes », sur eso.org, Observatoire européen austral, .
- J.-M. Bonnet-Bidaud, « Le télescope européen géant E-ELT définitivement accepté » [php], sur Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, mis à jour le (consulté le ).
Références
- « Le Télescope Géant Européen : L'œil le plus puissant scrutant le ciel » [html], sur www.eso.org, Observatoire européen austral (consulté le ).
- « E-ELT : le télescope européen de l'extrême » [html], sur esa.int, Agence spatiale européenne (consulté le ).
- Aurélie Coulon, « Feu vert à la construction du télescope géant européen » [html], sur letemps.ch, Le Temps, (consulté le ).
- Tristan Vey, « Des miroirs déformés pour le futur télescope géant européen E-ELT » [php], sur lefigaro.fr, Le Figaro, (consulté le ).
- (en) ESO, OWL concept design report : Phase A designe Review, ESO, , 687 p. (lire en ligne)Rapport sur le projet de télescope de 100 mètres OWL.
- (en) « Chilean President Visits Paranal to Announce Transfer of Land for the E-ELT », Observatoire européen austral, .
- (en) , eso.org. Consulté le .
- Recommandation du Cerro Armazones au Chili.
- Télescope géant E-ELT : l'Espagne le veut chez elle !.
- Photo satellite du site.
- Observatoire du Cerro Armazones.
- World’s Biggest Telescope to be Located on Armazones, Chile.
- Le Chili accueillera le télescope européen de 42 m.
- (en) « E-ELT main structure », Observatoire européen austral (consulté le ).
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Voir aussi
Bibliographie
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- (en) ESO, E-ELT construction proposal, ESO, , 263 p. (lire en ligne)Spécifications détaillées de l'E-ELT
- (en) J Liskee et all (ESO), THE E-ELT DESIGN REFERENCE MISSION, ESO, , 451 p. (lire en ligne)Principaux cas d'observations réalisées avec l'E-ELT illustrant la mise en œuvre de ses capacités
- (en) ESO, OWL concept design report : Phase A designe Review, ESO, , 687 p. (lire en ligne)Rapport sur le projet de télescope de 100 mètres OWL
- Xavier Barcons, Juan Carlos González et Augustín Sánchez Lavega, « ELT : Le plus grand œil de la planète », Pour la science, no 511, , p. 32-41
Articles connexes
- Télescope de Trente Mètres observatoire de la même classe développé par les États-Unis
- Overwhelmingly Large Telescope - projet de télescope de 100 m de l'ESO remplacé par l'E-ELT
- Very Large Telescope Observatoire phare de l'ESO situé à 20 km de l'E-ELT
- Observatoire du Llano de Chajnantor
- Observatoire du Cerro Paranal
- Observatoire de La Silla
- Cerro Tololo Inter-American Observatory
- Télescope géant
Liens externes
- (en) Site officiel E-ELT
- L'E-ELT sur les pages françaises du site officiel
- (en) Présentations vidéo de l'E-ELT
- Compte rendu de la conférence "E-ELT, un TÉLESCOPE OPTIQUE GÉANT POUR L'EUROPE" sur le site Planetastronomy.com
- Article de 2016 dans la revue Reflets de la Physique
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